Le Vent de la Chine Numéro 33
La bataille était ingagnable. Mais la Chine a fort à y perdre, et envers l’Occident, son ressentiment est fort.
Le 08/10, après 11 mois d’enquête, une Commission « bipartisane » du
Congrès américain statue que Huawei et ZTE, par leurs équipements de télécom, comportent un risque majeur d’espionnage notamment économique, par détournement des flux de contenus.Ces n°2 et n°5 mondiaux des routeurs et commutateurs n’ayant pu dissiper les « soupçons de liens avec les autorités chinoises », ce rapport de 52 pages déconseille au secteur privé l’usage de leurs équipements et appelle Washington à bloquer les fusions et acquisitions avec les deux groupes, pour les empêcher de s’implanter. Ce qu’il avait déjà fait d’ailleurs dès 2007, en interdisant à Huawei de racheter les start-up 3Com et 3Leaf.
Pour ces maisons de Shenzhen, les conséquences sont dévastatrices :
Huawei voit compromettre ses 1,3 milliard de $ de ventes de l’an passé aux USA et sans doute bien plus. Elle fait 70% de son chiffre (32 milliards de $) à l’export, dans 150 pays, marché conquis au cours des dix dernières années.
Or, suite à la publication, le Canada exclut Huawei du marché public de son réseau gouvernemental sécurisé (09/10), quoique le groupe soit déjà incorporé en compagnie canadienne et dispose à Ottawa d’un centre de R&D de 130 techniciens. En mars 2012, l’Australie avait fait de même, fermant à Huawei le marché de son réseau national à large-bande pour 38 milliards de $.
De son côté, le géant américain, Cisco, rompt sept années de coopération avec ZTE, l’accusant d’avoir livré à l’Iran ses produits sous embargo. L’Union Européenne prépare une enquête anti-dumping, pour l’instant bloquée par l’absence de plainte de ses groupes tels Alcatel-Lucent ou Ericsson qui, implantés en Chine, craignent des rétorsions de leurs partenaires chinois.
Il faut se souvenir que dix ans en arrière, les équipementiers mondiaux s’implantaient en Chine, croyant pouvoir conquérir le marché, voire d’y produire pour les autres marchés mondiaux. Mais le
MII, le ministère des industries de l’Information, déjoua cette stratégie en imposant le dépôt des codes-source. Cela impliquait pour l’étranger deux conséquences désastreuses : la copie de leurs secrets industriels et la latitude aux services secrets chinois d’implanter dans chaque appareil, un système d’écoute et de relai des données contrôlables à distance.
Ceci avait freiné le développement de l’industrie étrangère en Chine, et causé le bond en avant de Huawei (fondé par un ex-officier de l’APL) et de ZTE, avec de la technologie copiée.
A vrai dire, le rapport du Congrès n’apporte pas la preuve de détournement massif de données américaines par Huawei et ZTE. Ce qui ne l’empêche de mettre la Chine au pilori comme «1ère source d’espionnage économique contre les USA ».
La Chine se défend comme elle peut, accusant les USA de mauvais procès et de tenter de bloquer sa propre montée dans la chaîne de valeur. Ce qui n’est sans doute pas entièrement faux, surtout en période électorale, et de crise mondiale. Mais selon l’expert Sun Lin, ses moyens de rétorsion sont limités car elle ne peut se passer de l’Occident pour les serveurs haut de gamme qu’elle ne produit pas encore, et ne peut pas se permettre de les bloquer aux frontières.
Sur le fond, le problème des télécoms chinois est le « retour d’hélice » d’années d’appropriation agressive des technologies de l’Ouest et de conquête de ses marchés. La Chine a gagné cette guerre, mais à présent, il lui faut gagner la paix. D’autres grandes batailles se profilent sur d’autres marchés – TGV, nucléaire, solaire, éolien…
Ce litige rappelle la question de l’octroi à la Chine du statut d’économie de marché, et pose celle d’une coopération chinoise industrielle, loyale et de long terme. Donc, celle d’un changement de culture industrielle, dans un sens partageur et « citoyen du monde ». La Chine commence à payer pour des décennies d’ambiguïté. A ne rien changer, le prix risque de s’alourdir, avec des conséquences aussi incalculables.
A 62 ans, le discret
Li Yuanchao incarne le syncrétisme des différents « chapelles » du PCC : membre du clan des « petits princes », il a aussi su se faire apprécier des clercs orthodoxes du « groupe de Shanghai » (ville où il a passé sa jeunesse), et des anciens de la Ligue de la Jeunesse Communiste (LJC) – comme Hu Jintao. <p>Membre du Politburo depuis 2007, il est aussi le chef de la puissante et secrète Commission d’organisation du PCC. Un poste qui l’a amené, mi-mars dernier, à aller en personne à Chongqing annoncer à Bo Xilai son excommunication.Né en 1950 dans le Jiangsu, Li Yuanchao est le fils de l’ancien dirigeant Li Gancheng (1909-1993), vice-maire de Shanghai (1962), déchu à la Révolution culturelle. A 18 ans, Yuanchao est alors envoyé à la campagne (1968-1972).
Sa chance : pouvoir, dès 1972, reprendre des études à l’Université normale de Shanghai, d’où il ressort diplômé de mathématiques (1974), puis professeur. En 1978, il adhère au Parti et sa carrière décolle lorsqu’il entre à la LJC nationale. Pendant 7 ans (1983-1990), il y est l’un des secrétaires généraux, tout comme Hu Jintao (1982-1985), auquel il est, depuis, religieusement loyal.
En 1989, en pleine crise de Tiananmen, il ferme les yeux sur la publication, par le Quotidien de la Jeunesse de Chine, d’articles favorables aux jeunes protestataires, allant même jusqu’à réclamer, dans une pétition, la liberté de la presse.
Ce manque de poigne ralentit sa carrière, et il traverse les années ‘90 dans un relatif anonymat, jusqu’à ce que, absous, il soit nommé n°1 du Parti à Nankin (2000-2003), puis du Jiangsu (2003-2007). Cinq ans au cours desquels sa province sera, avec le Guangdong, la championne de la croissance économique. Un bilan noirci toutefois par le scandale de la pollution du lac Tai (2007), souillé par les rejets polluants des usines environnantes et l’utilisation massive d’engrais chimiques.
Mais Li aura marqué son mandat par une étonnante démocratisation des ressources humaines locales. Il autorise ainsi tout citoyen à se porter candidat à un poste au sein du gouvernement et du Parti, y compris celui de secrétaire du PCC. « Il peut parler à des officiels de toutes origines. Au lieu d’aller à la confrontation, il préfère la discussion », s’ébahit un professeur de l’Université de Nankin.
Chantre de la transparence, il prévoirait même, selon un câble révélé par Wikileaks, des élections publiques au Politburo « d’ici 20 à 30 ans », « parce que le public sera demandeur de plus grandes réformes démocratiques ».
Mais ce missionnaire de la démocratisation du Parti relativise : « il n’y a aucune alternative à la gouvernance du PCC », affirmait-il, en 2007, au Quotidien du Peuple.
Multifonctions, Li Yuanchao est apte à occuper tous les postes au sein de la nouvelle équipe. Il devrait cependant remplacer Xi Jinping comme vice-Président (mars 2013), et donc hériter, dès novembre 2012, des postes de chef du Secrétariat du Comité Central et de directeur de l’Ecole centrale du Parti. Ses récents prêches anti-corruption pourraient également l’orienter vers la direction de la Commission de discipline du Parti.
Après 10 années de pouvoir du tandem Hu Jintao -Wen Jiabao qui ont vu régresser la réforme engagée depuis 1980, la justice chinoise publie le 09/10, son 1er livre blanc. Malheureusement, cette publication se fit dans le cadre de la campagne « wei-wen », fusion partielle de la justice et de la police, au nom de la « société harmonieuse ». Hu Jintao a infléchi le cours du travail judiciaire, du procès vers l’arbitrage, lequel consiste à mettre d’accord offenseur et offensé, grande entreprise d’Etat (ou administration) et citoyen, ce qui n’est pas de la justice.
Symbole de ce tournant : en 2008, Hu a placé à la tête de la Cour Suprême, Wang Shengjun, sans formation en droit. De ce fait, la tension sociale a augmenté, contrairement à l’objectif visé. Le livre blanc l’admet, avouant, de 2006 à 2011, des procès criminels en hausse de 54% (2,4M) par rapport au quinquennat précédent, et une chute de confiance en la justice. Plaintes et pétitions en 2011 ont baissé (-25,6%) à 790.000 : les autres ne se donnent plus la peine d’essayer.
Ce recul de l’approche politique, ne doit pas cacher un certain nombre de progrès sur le terrain judiciaire. Nombre de lois ont été votées, souvent de bonne qualité : pour éradiquer l’usage de la torture policière, ou l’intimidation des défenseurs. Les acteurs sont plus nombreux (215.000 avocats, 73.000 juges et procureurs) et mieux formés, suite à des études rigoureuses suivies d’un concours. 1,12 million de procès d’assise l’an dernier ont vu siéger 83.000 jurés, « généralement » tirés du public. De même, l’Etat s’efforce de démocratiser financièrement les tribunaux, ayant augmenté de 26,8%/an à 203 millions $, les fonds de rémunération des avocats commis d’office, et ayant réduit ses tarifs et taxes.
Le malaise autour de cette justice s’exprime le plus fort au-tour du Laogaisuo, « camp de réforme par le travail » imposé hors tribunal, par la police, jusqu’à deux ans. Jiang Wei, président de la réforme judiciaire, déclare que « la société a atteint un consensus » sur le besoin de réforme, et que l’administration « prépare un plan ». 60.000 prisonniers voire 1M, travaillent en laogai, pour parfois aussi peu que 8 ¥/mois. Longtemps envisagée, la suppression du système tarde tant, en raison du pactole qu’il représente : des provinces entières peuvent compter sur cette main d’œuvre gratuite pour leurs grands chantiers !
Mais les plus grandes nouvelles ne sont-elles pas celles à venir ? Récemment, un projet de réforme de l’Etat attribué à Xi Jinping prévoyait l’indépendance de la Cour suprême. Cette rupture du lien avec le Conseil d’Etat donnerait au patron des tribunaux les moyens d’une pratique judiciaire sans ingérence. La réforme envisage l’incorporation de tous les organes anti-corruption en un « ministère de la Supervision », mettant cadres et citoyens à pied d’égalité devant la loi. Enfin le Bureau des pétitions serait retiré à la Sécurité Publique et rendu à la justice : autant de réformes refondatrices, si elles se matérialisent !
Le « Ice Train » Dalian-Harbin, traversant le Dongbei en 210 min. (950km) est le dernier atout de l’Etat chinois pour faire oublier la catastrophe de Wenzhou de juillet 2011 (40 morts).
Vitesse bridée à 300 km/h, pour cause de sécurité. Pour assurer le service en tout temps dans cette région souvent enneigée, la technologie anti-congères est celle mise au point par l’Académie des Sciences pour le train de Lhassa.
Défi d’avenir : la fiabilité !
Remarquable Chine… A quatre semaines du XVIII. Congrès, le Parti communiste chinois vient d’opérer trois percées importantes – peut-être historiques, mais passées quasi inaperçues – dans les préparatifs du prochain gouvernement.
1. He Guoqiang, le Président de la Commission de la Discipline du Parti, confirme que Bo Xilai sera jugé selon « toutes les rigueurs de la loi ». Or, en Chine, nombreux sont ceux qui continuent à croire que Bo pourrait bénéficier de l’indulgence : au nom des traditions les plus fortes de l’appareil, selon lesquelles les « héros révolutionnaires » et leurs enfants sont au-dessus des lois.
Dès le 28/09, le Politburo expulsait du Parti le leader déchu de Chongqing. A présent, He Guoqiang prépare l’opinion à une sanction dure, peut-être cette semaine. La sévérité est le moyen de reprendre contrôle de haut-cadres aux comportements choquants et inciviques, et de gagner un peu de temps auprès de l’opinion intérieure, comme internationale, pour nettoyer les écuries d’Augias.
2. La CCTV se livre à une très curieuse campagne, mi maladroite, mi ridicule, d’évaluation du bonheur des citoyens. Loin d’être journalistique, elle est politique, dérivée du slogan de « bonheur intérieur brut » forgé par Wang Yang, Secrétaire du Parti à Canton, principal réformateur pressenti au prochain Comité Permanent.
La chaine d’Etat interpelle toutes sortes de citoyens sur leur perception de leur vie. Les réponses sont souvent naïves, ou fabriquées, mais parfois aussi spontanées et pleines d’humour. C’est donc un tournant fort. Pour évaluer son « bonheur », il faut avoir une vision et un degré d’affirmation de soi : deux libertés aux antipodes de la discipline socialiste et de la dictature du prolétariat, qui vit sans doute, ses dernières années en tant que principe d’Etat.
3. Le ministère des Affaires étrangères crée une Division économique.
Pour les observateurs aucun doute, ce sera un laboratoire de rétorsions contre les nations sous la vindicte du moment. Mais cette clé de lecture nous semble une fausse piste : cette pépinière de sanctions économiques existe déjà au sein du ministère du Commerce. Cependant, leur impact n’est pas encore pris en compte sur l‘économie intérieure et sur l’image mondiale du pays (comme le montre le clash autour du Japon avec les îles Senkaku). De la sorte, cette Division économique devrait être un laboratoire, non des rétorsions, mais des pots cassés.
Si des groupes, tel Toyota, perdent trop longtemps comme en septembre, 49% de ses ventes chinoises, des conséquences sur l’emploi domestique et donc sur « la société harmonieuse » seront inéluctables.
D’autre part, Wang Huning (57 ans), proche de Hu Jintao et de Jiang Zemin, doit monter au Politburo, en charge du portefeuille de la diplomatie.
C’est la première fois depuis 35 ans (et la mort de Zhou Enlai) que les Affaires étrangères auront leur homme dans le second cercle décisionnel du régime.
L’époque de Mao, qui croyait à une révolution mondiale, s’intéressait vivement au tapis vert dans l’espoir d’entrainer le tiers-monde dans sa révolution planétaire. Celle de Deng Xiaoping, préoccupée de sa survie, s’en détourna. C’est seulement aujourd’hui qu’en revient l’intérêt, au vu de la multiplication des contentieux potentiellement explosifs avec les pays voisins, résultat d’une diplomatie laissée, des décennies durant, aux mains des idéologues et des militaires.
Avec ces trois initiatives, le Parti a peut-être plus fait en une semaine qu’en des années, pour préparer son avenir.
Personnage discret, l’écrivain Mo Yan estimait en 2011 que « la Chine n’avait pas encore d’auteur de classe mondiale». Cela dénotait une humilité remarquable. Depuis 30 ans, ce fils de paysans pauvres né en 1955 à Gaomi (Shandong) se fait remarquer par ses flamboyants romans, tel “Le Clan du Sorgho”, porté à l’écran par Zhang Yimou, avec Gong Li (Ours de Berlin en 1988).
Mo Yan se penche sur son temps, les déchirements du Grand Bond en avant, la Révolution culturelle. Il est un fils du régime, ayant échappé à la misère grâce à l’APL où il s’engagea, qui lui permit de décrocher un Master de littérature à l’université Normale de Pékin.
Face à l’étranger d’autre part, la Chine, jusqu’à présent, n’a pas eu trop bonne presse, ayant trop souvent réprimé les auteurs les plus audacieux, les privant d’éditeur, de visa de sortie, voire même de liberté.
Les 2 derniers «Nobel» à des Chinois « eurent figure de critique au régime: celui de littérature à Gao Xingjian en 2000, en exil en France et naturalisé français, celui de la paix, en 2010, à Liu Xiaobo, embastillé pour son projet de « Charte 2008 ».
Or, voilà que ce 11 octobre 2012, l’Académie de Stockholm décerna son prix de littérature à Mo Yan, saluant son «réalisme hallucinatoire» qui associe « imagination et réalité, perspective historique et sociale ». Les officiels du régime saluent cette distinction qu’ils attendaient depuis si longtemps et octroie enfin une place à la Chine (un pays littéraire jusqu’au bout des ongles) au club des nations des lettres.
Quel est le secret de Mo Yan ?
Peut-être une rage convertie en patience, voire en humour, « politesse du désespoir ». Mo Yan nom de plume, signifie «tenir sa langue», comme par regard narquois sur la propre liberté créatrice, risiblement bridée entre l’autoritarisme du régime et la faim ambiante.
Dans « Le Pays de l’alcool », par exemple, il déchaîne sa verve satirique, le rêve fait irruption dans la réalité. Ailleurs, il dépeint avec humour grinçant la monstruosité naturelle des cadres locaux du Parti, la solitude de l’être, et l’inventivité universelle en situation de crise. Toujours, il parvient à combiner critique acerbe, rage de conter et invention d’un monde fantomatique qui lui permet d’éviter la censure – protégé par l’enthousiasme des lecteurs.
Problème, en 2012 : tout en affirmant “ne plus croire au communisme depuis 1989” (sic), lors d’une commémoration du 70ème anniversaire du discours de Yanan (1942), Mo Yan accepte de calligraphier la phrase de Mao qui réduit tout art à la fonction d’outil au service de la propagande du Parti. Ce faisant, il se range ainsi parmi les thuriféraires posthumes du Timonier et fidèles du régime ce qui, aujourd’hui, assombrit la joie de certains en Chine, par rapport à l’honneur fait par le jury de Stockholm.
Comme pour rectifier l’image Mo Yan, le lendemain du Nobel, fait ce qu’il s’était gardé de faire jusqu’alors : il réclame la libération de Liu Xiaobo : son collègue, désormais- !
À la loterie des naissances, en Chine pas plus qu’ailleurs, tous les parents ne tirent pas toujours le gros lot : en 1964 à Mulan (Heilongjiang), cinq mois après la venue de leur fille Dongmei, le couple Zhao, instituteurs, portaient le poupon à l’hôpital, alarmés par son regard atone. Le verdict fut sans appel : paraplégique, l’enfant n’atteindrait pas 20 ans.
Dans l’attente de l’issue fatale, les parents stoïques se ruinèrent en soins pour l’enfant internée. Jusqu’au jour où, 12 ans plus tard, en 1976, la petite grabataire supplia les parents de venir la reprendre. Elle avait décidé de lutter, de tirer le meilleur de ce corps limité qui lui était échu.
Du mieux qu’ils purent, ils équipèrent sa chambre pour son handicap. Apitoyés, des collègues maîtres la prirent dans leur classe, sur un lit dans un coin, sans rechigner à la tâche.
Et ce fut le miracle, peut-être insufflé par la disparition de Mao qui permettait au pays de renaître de ses cendres. Dongmei transfigurée, fut habitée du bonheur de revivre. Toute sa vie, elle avait reçu des autres, et appris à remercier, d’un simple sourire de gratitude. À présent, en écrivant et lisant, elle pouvait fixer ses émotions dans des mots. C’était une liberté nouvelle et l’approfondissement du sens à sa vie : elle voulait s’instruire, pour pouvoir se rendre utile.
1980 apporta un autre défi. Ses parents furent mutés à Harbin et à 16 ans, elle perdit son droit à l’école. En chœur, sous des prétextes dilatoires, les collèges de cette capitale du Nord-Est rejetèrent sa candidature. Mais Dongmei tint bon. Ses parents lui obtinrent les manuels et programmes. Du fond de son lit, été comme hiver, elle potassa, assez dur pour aller à l’université.
En 2004, pour ses 40 ans, émus par son courage, ses vieux parents lui offrirent un PC, et l’accès à l’internet. À la paralytique, l’étrange machine apparut spontanément comme un genre de frère issu de limbes extragalactiques, venu briser sa prison de verre. Frère, mais aussi animal sauvage, qu’il lui fallut domestiquer : de ses orteils, en trois mois, elle dompta souris et clavier.
Dès lors, elle tint son blog, et avec sa vision intériorisée du monde, son honnêteté et son style élégant, il fut bientôt publié dans la presse.
Elle remporta des prix littéraires, y compris en 2010, le 3ème prix du concours national de l’Agence Chine nouvelle.
Encouragée, elle fit un appel, sur son blog –toujours en 2004, année-phare de son existence : elle demanda à l’âme-frère, à l’amour de se déclarer. Bate alors se présenta, qui l’admirait anonymement depuis des mois.
Ne nous étonnons pas que Dongmei le rembarre : après avoir tant attendu, la dernière chose qu’elle voulait, était de tomber sur un joli cœur, avide de sa seule notoriété.
Mais Bate sut y faire. Lui-même était handicapé, souffrant d’une jambe « un peu paralysée ». Une grande part de son sentiment reposait sur l’admiration, d’avoir tant su faire, en s’appuyant sur son handicap au lieu de tenter de le nier. Tchatant avec elle, il lui raconta sa vie d’orphelin de deux ans plus jeune qu’elle, avec un grand frère, son tuteur, dans la grise et minière ville de Baotou (Mongolie).
Il se marièrent en janvier 2005, s’installèrent à Mulan chez les parents. Depuis, ils ont fondé un site de rencontres pour handicapés, qui compte à ce jour 40 couples à son actif. Devenue une vedette de l’univers virtuel chinois, Zhao Dongmei parle à 200 groupes de discussion, et 40.000 personnes diminuées. Plus les dons affluent vers elle et son couple, plus elle rend, suivant la technique de la « boule de neige » : offrant quelques yuans, suite à tel accident ou séisme, ou pour un ordinateur à une jeune hémiplégique, pour inspirer d’autres dons à la chaîne…
Et c’est ainsi qu’après l’avoir tant défavorisée au départ, la vie l’a ensuite comblée au centuple, après qu’elle ait donné la preuve de son énergie altruiste. C’est le message qu’elle parvient aujourd’hui à propager : « le ciel aide ceux qui s’aident »
(自助者天助, zìzhù zhě tiānzhù).
16-18 octobre Shanghai : ILOPE, Salon de l’optoélectronique
16-18 oct. Shanghai : Analytica China, Salon des analyses, biotechnologies, technologies de laboratoires
17-20 oct. Shunde : Salon de l’électroménager
18-20 oct. Dongying : CIPEE, Salon des équipements pétrochimiques
18-21 oct. Chongqing : CIMAMOTOR, Salon de la moto
18-21 oct. Chengdu : CMEF, Salon des équipements médicaux
18-21 oct. Pékin : Salon de l’Agriculture
20-21 oct. Pékin : Salon de l’Education