Le Vent de la Chine Numéro 29

du 16 au 22 septembre 2012

Editorial : Tensions maritimes et guerre de succession

À l’approche du XVIII. Congrès, la tension monte : la Chine retient son souffle. C’est que, de sources convergentes, le conclave de Beidaihe s’est déroulé dans un climat tendu, entre un Hu Jintao en fin de règne, dans un pays en crise, très ouvertement critiqué. Mais il n’en revendique pas moins, comme son prédécesseur Jiang Zemin, de garder une partie pouvoir pour « deux ans au moins » en se maintenant à la tête de la Commission militaire centrale, l’organe dirigeant de l’armée. La division est telle que des promotions prévues au sommet peuvent encore se défaire, et que les rumeurs de report du Congrès de mi – à fin octobre ou novembre réapparaissent. 

<p>Ces dissensions internes peuvent expliquer deux importants événements en cours : 

 •Tokyo semble avoir choisi ce moment « vulnérable », pour nationaliser « ses » îles Senkaku, revendiquées par Pékin sous le nom de Diaoyu. Le 8/09, le cabinet Noda annonce un budget-défense de 58 milliards de $, et sept nouveaux garde-côtes pour l’archipel. Le 10/09, il rachète trois des îlots à la famille propriétaire, et change son ambassadeur à Pékin, qui avait exprimé ses préventions contre cette action.
La réaction est furieuse en Chine, où toutes les sphères rivalisent d’ardeur patriote. Sourds aux semonces japonaises, six garde-côtes continentaux pénètrent la zone (12/09) « pour faire respecter la juridiction chinoise sur les îles Diaoyu ». Wen Jiabao, le 1er ministre, s’écrie : « nous ne céderons pas un pouce » (des îles). L’APL, l’armée chinoise, elle, « réserve ses droits d’action ». 

Pékin garde tête froide : les navires lancés sur les Senkaku, peu armés, n’appartiennent pas à la Marine. 
Mais les tensions se paieront : les fêtes du 29/09 pour le 40ème anniversaire des relations bilatérales, sont « à l’eau ». Par contre, on peut se demander si la mobilisation rapide de l’agit-prop appelant les masses à s’indigner, ne servent pas aussi à pallier la mésentente des mouvances, l’introuvable plateforme politique du XVIII. Congrès. 

‚ •Depuis le 01/09, Xi Jinping, actuel vice-président et imminent n°1 du régime a disparu, annulant tous ses rendez-vous. Durant deux semaines, le silence des autorités (prisonnières de leur rigide culte du secret) a laissé libre cours à mille rumeurs folles. Xi, avec He Guoqiang, le patron de la CCID (Commission centrale d’inspection de la discipline), aurait été cible d’attentats le 04/09, ce dernier ayant succombé. Pour He, le bruit est démenti le 10/09 (il réapparait). Concernant Xi, la camarilla finit par lâcher (12/09) que le tribun, à 59 ans, aurait subi un infarctus du myocarde. 
Le 15e jour, Xi finit par réapparaître sur un site pékinois peu couru (l’Université agricole), sous prétexte de soutenir une journée nationale de popularisation de la science (en réalité bien sûr, pour étouffer les rumeurs) : visite éclair, sans discours, le sourire crispé.

La résurgence de Xi devrait relancer le processus de passation du pouvoir, déraillé depuis deux semaines : si Xi n’était plus capable d’assumer les fonctions suprêmes, il devait être remplacé. Et si cette absence signifiait une tentative de « forcing à la chaise vide », chaque jour d’absence creusait plus le fossé entre son camp proche de Jiang Zemin, et la tuanpai (ligue de la Jeunesse) de Hu Jintao. 

Justement aux dernières rumeurs, parmi les promus à la Commission Militaire Centrale, l’organe suprême de l’APL, figurerait Liu Yuan, un intime de Xi Jinping et de Bo Xilai. Ce qui semblerait suggérer que Xi serait aujourd’hui en position de force. Quoique les mois précédents l’aient plutôt vu se cantonner sur la réserve, alors que déferlaient les scandales de l’affaire Bo Xilai, puis de l’accident de la Ferrari, causant la mort de Ling Gu, fils du premier « lieutenant » de Hu Jintao…

Décidément, ce XVIII. Congrès, en si capricieuse gestation, réserve peut-être encore bien des surprises, et le flot d’informations qui circulent, trop rarement fiables, laisse bien présager de grandes batailles en cours, derrière les hauts murs de Zhongnanhai ! 


Investissements : Corée du Nord – Rason, paradis résistible

La Corée du Nord, une « terre promise » ? Oui, dit Li Zichen, vice-directeur d’une zone de développement transfrontalière à Rason, sur la rivière Yalu. À la foire de Xiamen, Li est venu chanter sa future « Shenzhen du Nord », promettant la fortune aux investisseurs privés.

Il s’agit bien sûr d’abord de politique. En août à Pékin, un accord est passé entre Jang Song-thaek, oncle du « cher leader » Kim Jong-un et Chen Deming, ministre chinois du commerce. Les deux pays vont relancer Rason, qui végète depuis 20 ans, et une autre zone décidée en juin sur des îles voisines. Rason sera dédiée aux services (logistique, commerce, tourisme, port), Hwanggumphyong et Wihwa à l’industrie (textile, agroalimentaire, développement de logiciels). Les pays vont accélérer la pose des routes, appontements, terminaux et centrale thermique, et offrir le statut de zone franche – une taxe d’affaire à 14% contre 30% en Chine, et l’entrée sans visa.

Les Chinois mordront-ils ? Pas sûr. De nombreux échecs cuisants arrivent régulièrement, dans les tentatives de JV avec le petit voisin du Nord, affamé mais peu éduqué.

Surtout, ils se souviennent du rêve de Yang Bin, qui prétendait créer en 2002 une zone miracle transfrontalière à Sinuiju. Consacrée aux tulipes, elle devait être, selon l’homme d’affaires sino-hollandais « entièrement capitaliste, avec pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire entièrement indépendants». Pyongyang était d’accord. Mais pas Pékin, qui l’avait condamné à 18 ans de prison, enterrant toute l’affaire, plus vite qu’elle n’avait émergé.


Diplomatie : Europe/Chine – deux contentieux

La Chine a parfaitement le droit de conquérir 80% du marché européen des panneaux solaires, pourvu que ses exportations ne soient pas subventionnées. C’est en substance que ce pense la Commission de Bruxelles, en lançant son enquête sur 21 milliards d’€ de ventes de panneaux, cellules, gaufres de silicone cristallin depuis 2004, lesquels ont réduit à la faillite des dizaines de producteurs d’Union Européenne, autrefois dominants.

<p> L’enquête est lancée malgré l’avis de la chancelière Angela Merkel, sur demande du lobby EU Prosun.

L’enjeu de l’enquête est dramatique, car les usines chinoises, en surcapacité (assurant 65% de la production mondiale, double des besoins) voient dans les 27 Etats membres 80% de leur marché. Après neuf mois, la Commission décidera (le Conseil des ministres aura 15 mois pour valider) de taxes compensatoires susceptibles d’affaiblir considérablement les positions conquises par la Chine…

Aussi, Wu Hailong, l’ambassadeur chinois auprès de l’Union Européenne montait le 12/09 au créneau, avertissant les Eurocrates de « bien réfléchir », tout en prenant en compte les relations bilatérales dans leur ensemble…

Justement côté aéronautique, compagnies aériennes et industriels européens, sont en train de pousser Bruxelles à tourner casaque et suspendre le système de « droits de pollution » pour l’aviation civile, afin d’éviter les rétorsions chinoises (14 milliards $ de contrats seraient en souffrance).

Entre négociateurs, environnementalistes et secteur aéronautique, les divisions sont profondes…


Portrait : Portrait : Wang Qishan, souriant « pompier » de l’économie

Dans chaque numéro jusqu’au XVIII. Congrès, nous vous offrons le portrait d’un des 7 futurs membres du Comité Permanent : noyau d’une Etude sur le pouvoir de la Chine de demain, à paraître à l’issue du Congrès. Nous commençons ici par Wang Qishan, le « pompier » de l’économie chinoise.

A 64 ans au faîte de sa carrière, Wang Qishan est un apparatchik du sérail (Petit prince), et un économiste au talent rare, reconnu à l’intérieur du pays comme dans le monde.

Né en 1948 à Qingdao de parents intellectuels, Qishan fut envoyé à 21 ans, comme toute sa génération lors de la Révolution Culturelle, en commune rurale au Shaanxi. Ce qui aurait pu être son malheur fut sa chance, car il y rencontra, puis épousa la fille du leader Yao Yilin. Il put reprendre des études (d’histoire, à Xi’an), et travailler dans les musées. Sous l’aile du beau-père, il remonte à Pékin. Jeune loup, après 4 ans à la CASS (Académie des Sciences sociales), il dirige un institut, puis à 34 ans, il intègre le bureau de recherche rurale du Comité Central. Il sera admis au Parti un an après.

À 40 ans, il fait ses armes dans la banque. Il s’y fait vite remarquer par Zhu Rongji, gouverneur de la Banque centrale, qui en fait son n°2 (1993-94). Durant son mandat de vice-1er min. (1991-98), Zhu le met à la tête de la China Construction Bank (1994-1997), puis l’envoie à Canton assainir la bulle financière de la GITIC (7MM$ de dettes). Wang règle l’affaire avec brio, signant la 1ère faillite d’une banque provinciale en Chine, à la satisfaction générale, Pékin et créanciers étrangers. En même temps, il se fait bien voir de Jiang Zemin, proche de son fils, Jiang Mianheng.

En 2002 à 54 ans, il est secrétaire du Parti dans l’île de Hainan. Puis on lui confie un autre « feu à éteindre » : en 2003, en pleine épidémie du SRAS, il dirige la capitale, remplaçant un maire ayant trop démenti et trop peu agi. Travaillant main dans la main avec l’OMS (Org mondiale de la Santé), Wang Qishan enraye la crise, restaure l’image du Parti : il y gagne son image d’homme de crise, capable de faire face, décider vite, avec le bon instinct.

Au sein du futur Comité Permanent, c’est naturellement qu’il trouve sa place, un des rares réformistes du club de Shanghai (proches de Zhu et de Jiang), capables de conduire les réformes indispensables, du crédit et de la fiscalité notamment. Quoique lui-même grand banquier, il milite pour la fin du monopole des banques d’Etat, et pour plus d’accès aux services pour l’étranger. Dans un discours récent sur la stratégie de sortie de crise, Wang manifeste une sensibilité neuve au PCC, après 20 ans de foi aveugle dans le libéralisme : il croit au besoin de « deux main s», celle invisible du marché d’ Adam Smith et celle du gouvernement pour rectifier les excès.

Quelle place pour Wang au Comité Permanent ? Il serait au moins vice 1er. Début 2012, on parlait pour lui du poste de 1er ministre, et la rumeur circule toujours. Si Li Keqiang, 1er ministre pressenti se retrouvait patron du Parlement (uniquement en cas de baisse dramatique de pouvoir chez Hu Jintao), Wang aurait, dans cette perspective, un atout secret : le fait d’avoir su se tenir à l’écart de la houle provoquée par le scandale Bo Xilai.


Economie : Économie : le Phoenix doit d’abord brûler, pour mieux renaître

Dans la masse des nouvelles médiocres qui teintent de grisaille l’économie, une touche rose se détache : en août, les banques ont prêté 704 milliards de ¥ (111 milliards de $), bien plus que les 600milliards de ¥ attendus. Ces prêts s’ajoutent, comme crédit sur le marché, aux 1000MM¥ de chantiers d’équipements annoncés (cf VdlC n°28), et aux 14 milliards de ¥ de primes-subventions aux ventes d’électroménager, moins énergivore. Les provinces aussi s’apprêtent à relancer, telle Chongqing (1500 milliards de ¥ dans sept secteurs), ou le Guizhou (3000 milliards de ¥ ) dans le tourisme.
Le Conseil d’Etat finalise (12/09) son train d’aides à l’export (cf n° 28), et s’apprête à imposer en décembre à State Grid et Southern Grid (monopoles du réseau électrique) l’obligation de fournir jusqu’à 15% de courant d’origine « renouvelable ». Tout cela pour désengorger un parc éolien chinois, 1er au monde (62 GW), mais au tiers inactif, faute de clients. Mais, selon les experts, l’exécution prendra des années – les distributeurs préférant l’électricité-vapeur, moitié moins chère. 

Inexorablement, l’économie semble grincer, ralentir, suivant l’immobilier gelé depuis 2011. 
Entrepôts pleins et carnets de commandes vides, les usines ont connu en août une croissance de 8,9%, la plus basse en 39 mois, et l’inflation redémarra à 2%. En effet, les difficultés climatiques et cycliques de l’agriculture, renchérirent le panier de la ménagère à +5,9%, loin des +4% visés par l’Etat. Autres coupables, la hausse de l’électricité, et celle des salaires, augmentés l’un et l’autre de 15% depuis 2010. Surtout, la demande s’épuise à l’export et sur le marché local.
Les trafics de réexportation viennent de baisser de 1,5%, traduisant la faible confiance des exportateurs, qui portent l’échéance des paiements de 60 à 90 jours. 

L’importation destinée à la consommation intérieure a même plongé de 7,5%. L’Etat a vu en août ses recettes de taxation baisser de 6,7%, à 376,5 milliards de ¥. Les provinces, de plus en plus, compensent en augmentant les taxes (+30%), avec pour effet d’épuiser les liquidités des industriels. 
Les acteurs économiques n’hésitent plus à exprimer leur crainte d’un « atterrissage dur », et à accuser la capitale d’avoir tardé à lancer un plan anti-dépression, laissant le système gripper jusqu’à un point irrattrapable. Une variante de ce dialogue critique, concerne le niveau futur de la croissance : 30 ans de croissance à 10% par an s’achèvent, et ne reviendront plus – mais quel sera le prochain rythme normal ? 9,5% ou 7% ?
De la réponse, entre ces taux, dépendent 3000 milliards de $ de hausse de PIB d’ici 2022. 

Enfin, on constate donc l’imminence d’un nouveau cycle d’investissements provinciaux, suivant l’arrivée du nouveau pouvoir. Mais, interroge l’expert Arthur Kroeber, quel sera l’impact de cet influx sur une croissance qui dépend déjà à 50% des chèques de l’Etat ? « La motivation existe toujours, dit-il, pour les provinces » (de tenter de relancer les affaires par des grands chantiers et des financements massifs), « mais l’Etat a désormais de très fortes raisons de s’opposer à la démarche, et la Chine arrive au bout de ce cycle de croissance par l’infrastructure et l’investissement intensif » !


Politique : Vers une refonte de la maison Chine?

Cette semaine, un étonnant document fuit des hautes sphères du Parti communiste chinois, semblant présager une refonte de la Maison Chine, sous Xi Jinping : une nouvelle grille des ministères. Si elle se matérialisait, elle lui permettrait d’arracher l’administration à sa paralysie et à ses jeux d’influence qui bloquent tant de réformes de fond – celles de la santé comme celle des écoles, de la recherche, des marchés publics.

À la mode occidentale, il s’agit de fusionner les 27 ministères en 18.
Envisagé dès 2008 sous Hu Jintao, un tel élagage avait été abandonné suite au tir de barrage des lobbies. Le projet vise aussi une montée en compétence et en responsabilité des ministères. Il pose mille énigmes : Xi Jinping a-t-il obtenu le feu vert ? Avec quels soutiens ? Pour quand ? Mais même ainsi, ce projet invite à un regard sur les réformes secrètement négociées depuis des années. En voici les grandes lignes :

• Tzar de l’économie, la NDRC (National Development and Reform Commission) perdrait de ses prérogatives pour se muer en Bureau du Plan de Réforme et Développement, voué à des fonctions de recherche et de formulation macroéconomique.
• Le ministère des Sciences & Technologies serait scindé entre ministère de l’Education & Sciences, et celui de l’Industrie & Technologies de l’information. Le ministère du Sol & Ressources minières éclaterait entre un ministère des Ressources environnementales et un ministère de la Construction. Ce super ministère de l’Environnement dirigerait la nouvelle Administration de l’énergie, chargée de réguler les prix des filières fossiles ou renouvelables.
• Un super ministère des Transports engloberait le vieux, tout-puissant min. des Chemins de fer. Le ministère de l’Eau disparaitrait dans un super ministère de l’Agriculture. Renommé min. de la Santé et de la Population, le min. de la Santé absorberait la Commission du planning familial (6 millions d’agents), sonnant peut-être son glas. Le min. des Ressources Humaines & de la Sécurité Sociale irait aux Affaires civiles, donnant un min. du Travail Social. Seraient aussi refondues en une Commission de la « réunification paisible », les forteresses des affaires ethniques, de HK-Macao-Taïwan, et des affaires religieuses.
Pour accélérer la convertibilité du yuan, la Banque centrale deviendrait indépendante du Conseil d’Etat, comme la Cour suprême, patronne des tribunaux – embryon d’une justice plus crédible. Tutelles des banques, de la bourse et des assurances, CBRC (China Banking Regulatory Commission), CSRC (China Securities Regulatory Commission) et CIRC (China Insurance Regulatory Commission) deviendraient un arbitre unique de la finance, sous le Conseil d’Etat – signe potentiel d’une Chine enfin mure pour des groupes financiers multicartes, surmontant ses décennies de résistance d’origine idéologique. 

À l’inverse, SARFT (State Administration of Radio, Film and Television), GAPP (General Administration of Press and Publication) et Administration des Sports seraient incorporés au ministère de la Culture, et l’Administration des taxes dépendrait directement du ministère des Finances –prémisse à une vaste réforme de la taxation. 

Enfin seuls l’Armée, la police, le Parti et une poignée de ministères tel le ministère des Affaires étrangères échapperaient au grand chambardement. 
Ce projet verra-t-il le jour ? Vu les rumeurs de dissensions qui s’accumulent, on a du mal à y croire. Mais l’existence même du projet, suggère que le futur leader a deviné la racine de l’immobilisme des 10 dernières années, dans une administration non décisionnelle et taillée en tours d’ivoire. Il montre aussi Xi Jinping comme un homme doté de plus de volonté d’agir, d’alliés et de pouvoirs que l’on ne le soupçonne à présent !


Technologies & Internet : Microsoft et les malware chinois

Au terme d’une opération b70 menée depuis 14 mois, Microsoft découvre que 20% des ordinateurs achetés à travers le pays contiennent des « malwares » capables de filmer, écouter, détruire ou voler des fichiers, via 500 virus, du réseau « nitol » sur le domaine www.3322.org.
Suite à la plainte du groupe en justice de Virginie, domaine et réseau ont été mis hors d’état de nuire.


Petit Peuple : Guangzhou : le pourfendeurs de coupe-files

À Liwan (Canton), les gens surnomment Qu Shaokun, le « libérateur des autos du domaine ». Ce qu’ils veulent dire est qu’il reste jour et nuit aux aguets, à libérer le peuple de leurs stationnements abusifs. En 5 ans, le palmarès des PV qu’il a infligés à ces véhicules publics, dépasse la centaine.

Tout commença en décembre 2005, quand Qu vit une Santana bleu-blanc policière se garer en double file. Un agent en sortit, entra dans la cafétéria d’un hôtel 5 étoiles. Dix minutes après, l’air heureux, il ressortait – Qu n’était pas même sûr qu’il ait payé sa tasse. Mais à 60 ans, Qu ne supportait plus. Au chômage depuis 5 ans après avoir perdu sa place de gardien de marché, il devait faire vivre les siens dans un F2 avec 480¥ d’allocation par mois. Il n’en pouvait plus de l’arrogance des ronds de cuir. Indigné, il appela le 110, l’instance de recours des civils.

A ce genre de plainte contre l’administration, la réponse typique du fonctionnaire est le silence atavique, classement vertical : « Cadres de tous les pays, serrez-vous les coudes ! », telle semble être la règle implicite. Qu s’était lancé par provocation, sans croire une seule seconde à sa chance de succès.

Or, quel ne fut son ébahissement, 8 jours après, quand il reçut l’appel du Commissaire en personne, cérémonieux et compassé, qui le remerciait de son sens civique. Après enquête, grâce à lui, le policier abuseur avait reçu un blâme.

Il faut dire qu’au moment de sa plainte, Qu avait bénéficié d’un concours de circonstances exceptionnel. À cor et à cris, Pékin réclamait alors à Canton des cas de corruption, dans le cadre d’une campagne nationale. Un instant inquiets, les chefs avaient été trop heureux de se dédouaner en balançant ce menu fretin.

Ce succès mit Qu sur orbite. Se mettant avec sérieux à son nouveau passe-temps, le redresseur néophyte éplucha les règlements. Il apprit que parmi les célèbres « trois frais administratifs », qui grevaient le budget de l’Etat de 120 milliards d’€uros par an, celui de l’automobile était le plus lourd. La seule Canton payait 60 millions d’€uros par an pour maintenir 200.000 belles bagnoles, au profit discrétionnaire des employés provinciaux.

En son âme et conscience, il ne pouvait rester les bras croisés ! Aussi, la prochaine BMW de cadres qu’il attrapa en parking pirate, il la photographia de face avec son portable, et alla lui reprocher de prendre les places des vrais travailleurs. Puis il envoya son rapport à l’administration en faute, et à la presse.
Certains se rebiffèrent. Il lui arriva de confondre des voitures de fonction et d’autres de richards, et reçut pour cela plusieurs fois des noms d’oiseaux et menaces.

Un chauffeur voulut même un jour l’écraser, lui causant un sérieux bleu à la jambe. D’autres justifièrent leur parking par des excuses idiotes, telles « le sous-directeur déposait son fils à l’école » ou «rencontrait des amis». Mais toujours, notre Robespierre de la route resta ferme : rien ne justifiait ces abus intolérables !

Un seul coupable, un jour, trouva grâce à ses yeux : un policier qui venait de déposer sa femme aux urgences. Comme l’homme était venu bafouiller, promettre que c’était bien la dernière fois, Qu accepta exceptionnellement d’effacer la photo-preuve du crime : « passe pour cette fois-ci, mon gaillard ».

En 2011, Qu a ouvert son micro-blog, qui compte 30.000 fans à travers le pays, lesquels passent leur temps libre à dénoncer à leur tour les passe-droits. Donc, on le respecte. Su Zhijia, patron de la Commission provinciale de discipline, lui fait rapport de ses actions pour moraliser les cadres. Le weekend, sous peine d’amende, l’usage des voitures de fonction est interdit, et 8000 d’entre elles sont déjà équipées de balises émettrices pour permettre au QG de prendre les fraudeurs la main au volant.

Mais à ce genre d’égards, comme aux flatteries, notre papy-Zorro oppose son sentiment de supériorité morale, « invulnérable et sans fissure» (wúxiè kějī, 无懈可击). « Je ne suis qu’un citoyen très ordinaire, mais sérieux », con-clue-t-il modestement face à ses admirateurs : « si tous faisaient comme moi, la Chine serait meilleure » !


Rendez-vous : Les rendez-vous de la semaine du 17 au 24 septembre 2012
Les rendez-vous de la semaine du 17 au 24 septembre 2012

18-20 septembre, Pékin : COS+H – Salon de la sécurité des lieux

<p>18-20 septembre, Shanghai : Automotive Testing Expo

19-21 septembre, Canton : AsiaMold

19-21 septembre, Shanghai : Lock and Security Show + Door Expo 

20-22 septembre, Shanghai : Int’l Sweet and Snacks Expo, Salon de la confiserie et boulangerie

23-25 septembre, Pékin : VIV, Salon de l’élevage intensif

24-27 septembre, Pékin : China-Pharm, Salon de l’industrie pharmaceutique