Le Vent de la Chine Numéro 20
En ce maelström de crise planétaire, l’Empire du Milieu reçoit sa juste part de défis. A quatre mois du XVIII. Congrès qui doit avaliser une nouvelle équipe de leaders et choisir son avenir (ultraconservateur-autoritaire et inégalitaire, ou bien durable, environnementaliste et socialement apaisé après avoir redistribué plus équitablement le foncier et le crédit), l’affaire Bo Xilai lézarde l’unité du Parti.
En même temps, la croissance s‘essouffle, modèle moribond : «l’extravagante part d’investissements dans le PIB, 49%, ne peut mener qu’à la chute » (dit le Financial Times). D’où le déchirement des acteurs, entre ceux qui réclament à grands cris un stimulus, et ceux qui alertent contre lui.
Mais confrontée à toutes ces déstabilisations, la Chine confond par sa résilience, son étonnante capacité à maintenir son porte voix diplomatique partout sur Terre. Yang Jiechi, ministre des Affaires étrangères vole sur Singapour puis au Pakistan (Islamabad) les 28-30/05, avant de s’adresser à Tunis (31 mai) au 5ème Forum Sino-arabe de coopération.
Les 29-31/05, se tenait aussi à Bruxelles la 26ème session de la Commission mixte Chine-Union Européenne, marquée par des conflits sans issue : accès au marché chinois, taxation carbone du marché aérien.
Les 06-07/06, le Président russe, Vl. Poutine, et les leaders d’Asie Centrale monteront à Pékin pour un autre sommet de la SCO, organisation qui monte en puissance, au Secrétariat flambant neuf à Pékin.
La priorité du tapis vert semble cependant revenir à l’Asie, avec qui la Chine entretient une relation complexe, florissante en commerce, nerveuse en kaki.
A Taïwan, bizarrerie : le KMT (Parti du Kuomintang), traditionnel allié de Pékin, s’en distancie, et l’opposition DPP (Parti démocratique progressiste), d’ordinaire hostile, s’en rapproche. À peine élu (26/05), le Président du DPP, Su Tseng-chang, rouvre au sein du Parti un bureau des affaires chinoises, tendant une main inattendue à l’autre rivage du détroit de Formose. De son côté, le KMT, las de voir Pékin déployer son arsenal de fusées contre l’île, installe à son tour plus de 100 missiles Hsiung Feng ( à 1MM$), visant les bases de l’armée chinoise (APL). A Phnom Penh, Liang Guanglie, le ministre chinois de la Défense, signe la prolongation d’accords de formation en Chine d’officiers cambodgiens (28/05).
Puis Li Keqiang, futur 1er ministre, reçoit Y. Hatoyama, ex-1er ministre japonais pour réitérer la liste des contentieux : le partage de la mer de Chine, et le Xinjiang dont Tokyo soutenait récemment les dissidents exilés. Mais en même temps depuis décembre 2011, les capitales intensifient les palabres, dans un même désir de désamorcer leurs bombes nationalistes et d’accélérer l’arrivée d’un accord trilatéral de libre échange avec Séoul. Un accord capable de rendre caduc le projet US concurrent de zone de libre échange du Pacifique, qui exclut la Chine.
Au 01/06, les deux pays se mirent à commercer en yen et yuan, en se passant du dollar pour établir la parité. Grâce à cette initiative et d’autres, Anita Fung, PDG d’HSBC (HK) s’attend à voir le yuan passer 3ème devise mondiale en 2017. Certes, l’embellie sino-nipponne a des limites avec l’expulsion de Tokyo d’un diplomate chinois (29/05) accusé d’espionnage, et le reproche de Pékin au Japon de soudoyer le Forum des îles-Etats du Pacifique par un chèque de 500 millions de $. Mais au fond, on croit voir un désir commun de franchir la crise, plutôt que d’en découdre pour cinq îlots déserts, partageables au demeurant.
Ce sujet-là était en filigrane du 3ème Forum de défense Shangri-la, à Singapour (01/06) entre 28 pays, y compris l’ASEAN, mais sans le général ministre de la Défense Liang – représenté par Ren Haiquan, vice-Président de l’Académie des sciences militaires. Figure de proue de ce sommet annuel, L. Panetta, secrétaire américain à la Défense, promettait le retour de plus de troupes. Inquiète, la Chine émettait l’espoir que les USA « respecteraient les intérêts chinois dans la région » : qu’on ne s’y trompe pas, c’était un embryon de simili-OTAN de la zone Pacifique qui se profilait dans cette enceinte.
Rarement rencontre sino-européenne atteignit une telle tension, ce 31/05 à Bruxelles. Le ministre chinois du Commerce
Chen Deming négociait avec la Commission et surtout indirectement, avec ses 27 collègues des Etats membres pour tenter de régler de lourds contentieux.Le 10/05 encore, le commissaire K. De Gucht menaçait les industriels chinois d’un règlement leur fermant les marchés publics communautaires si Pékin excluait encore des siens les firmes des 27. Un autre litige touchait aux subventions aux exportations chinoises, papier glacé ou équipements télécom. De Gucht envisageait des enquêtes ex officio contre Huawei et ZTE – à lancer au nom propre de la Commission, sans plainte d’Alcatel-Lucent ouNokia-Siemens, les groupes lésés (afin de leur éviter des rétorsions chinoises).
Cependant le 31/05, la position de l’Union Européenne s’était assouplie. Le règlement « marché public » n’était plus évoqué. L’option d’actions ex officio demeurait, mais De Gucht souhaitait obtenir d’abord un mandat des 27 ministres (facultatif en droit communautaire). Enfin, d’accord avec Chen, De Gucht visait désormais un accord de protection des investissements pour réaliser l’égalité de traitement des fournisseurs de biens et services dans les deux blocs. Son problème, mise à part la durée nécessaire pour l’obtenir (le Canada, qui vient d’en signer un avec Pékin, a mis 20 ans), est celui des « disciplines », des conditions à inscrire dans ce traité, et de la capacité chinoise à les honorer.
La raison de la souplesse de De Gucht tient à ce que les marchés publics d’avenir sont en Chine plus qu’en Union Européenne : Bruxelles, qui le sait, préfère éviter de braquer le partenaire. De plus, avec la crise, l’Union Européenne perd en cohésion. Au dernier sommet européen, le froid a été parfaitement perceptible entre la Chancelière A. Merkel (soutenant N. Sarkozy )et le Président F. Hollande. L’union souffre aussi d’un déficit visible de prérogatives : Mario Draghi, Président de la Banque centrale européenne, réclame d’urgence une assurance bancaire des 27, pour rassurer les déposants…
En face, Chen Deming, dos rond, mania carotte et bâton. « Ignorant tout » des plaintes des équipementiers européens, il proposa de limiter réciproquement les rétorsions. Au demeurant, la Chine se défendrait si nécessaire, ayant déjà prêtes ses frappes contre divers secteurs « protectionnistes » de l’Union Européenne. Via le fonds CIC (China Investment Corporation), elle dénonçait aussi des « discriminations invisibles » en Europe, dans le secteur nucléaire.
Enfin durant cette session, l’Union Européenne reçut à tout le moins un atout précieux, fourni par sa Chambre de commerce en Chine, qui publiait son sondage annuel de ses entreprises expatriées (représentant un investissement global de 80 milliards de $). Leur apport d’Investissements directs étrangers (IDE), de janvier à avril, venait de baisser de 28% sur 12 mois à 1,9 milliards de $, et 22% d’entre elles envisageraient de se désengager du pays sous 2 ans. Alors que la Chine s’apprête à relancer son économie, telle tendance ne fait évidemment l’affaire de personne, et rebâtir un cadre réglementaire et juridique équitable, apparut un objectif souhaitable aux deux parties.
Savoir comment Chen pourra le vendre, de retour à Pékin, est une autre affaire : face à une majorité tentée de faire payer par l’extérieur le poids de la crise —en dévaluant, par exemple !
Les Triades (三合会, sānhéhuì), bandes mafieuses, étaient estimées en Chine à 1 million d’hommes en 2005. Sans surprise dans ce climat de corruption galopante, elles accompagnent aujourd’hui l’économie chinoise à la conquête du monde.
Notamment en Amérique latine. Le continent prospère, grâce aux demandes sans limites de la Chine en bois, minerais, pétrole ou céréales (tels ces 4 millions de tonnes de maïs négociés avec l’Argentine).
Entre Asie et Cône Sud, les échanges croissent de 20% par an, à 430milliards de $ en 2011 – dont 57% à la Chine seule. Flux de capitaux, de conteneurs et de migrants chinois, parmi lesquels les triades sont l’aiguille dans la meule de foin.
Peu patriotes, leur activité première est de terroriser leurs concitoyens nouveaux arrivants, telle « Red Dragon » (Pérou). Elles leur « offrent » le prêt gris à taux usuraire pour s’installer, et leur infligent leur impôt de protection sur les restaurants, les taxis, voire sur les mines (Mexique, Pérou). En cas de refus de coopérer, le commerce est incendié ou saboté. Un autre racket est la contrebande d’émigrants vers USA et Canada débarqués dans les ports Pacifiques (Colombie, Equateur, Pérou). Sur les routes côtières atlantiques d’Amérique centrale, des pieuvres, telle la Hongkongaise « K14 », assurent ce trafic en cheville avec des cartels mexicains comme «Los Zetas». Lucratif, à 70.000$/passager, le trafic rapporterait aux seules Triades 750M$/an, après le coup de fouet de 2007 et 2008, où Equateur et Colombie avaient levé le visa pour les Chinois (il a été rétabli depuis en Colombie), tandis que leurs fonctionnaires vénaux émettaient les vrais-faux papiers à la pelle, permettant une poussée de fièvre de la transmigration illégale.
Puis les Triades obtiennent leur part d’un marché florissant : le narcotrafic, en important de Chine pour les cartels mexicains la métamphétamine-base. En avril à Bélize, un stock d’éphédrine a été saisi, suffisant pour produire pour 10 milliards de $ de cette drogue. Elles importent aussi armes et munitions chinoises, par exemple pour les FARC colombiennes.
Enfin, les Triades créent les bases d’un prodigieux outil de blanchiment d’argent dans leurs casinos aux Caraïbes, comme le Baha Mar, en construction pour 2,5 milliards de $ aux Bahamas. En gros volumes, l’argent sale déposé n’est pas joué, mais reclassifié « gain au jeu » moyennant une commission.
Hélas, disent les experts, pour ces Triades, l’Amérique latine est un Eldorado. Ses polices sont cloisonnées. Ses nations en guerre latente manquent d’experts en cantonais ou hakka pour pénétrer les bandes. Les polices sont souvent haïes – et donc, ne peuvent pas compter sur la délation et le renseignement.
Pour briser ces chaînes du crime, il faudrait une coopération totale entre régimes, latinos, chinois, nord-américains, la fin de tout soupçon de guerre froide commerciale ou idéologique, d’espoir de conquête du monde… Pour y parvenir, il faudra des décennies !
Avant Fukushima (06/03/11), la Chine visait pour 2020 la tête des nations du nucléaire civil, puis depuis cette catastrophe, toute autorisation avait été gelée : au 31/05, la reprise s’annonce, après l’approbation par le Conseil d’Etat présidé par Wen Jiabao, du plan quinquennal de sécurité nucléaire et d’action en cas d’accident contaminant.
Neuf mois d’enquête de terrain ont suffi pour conclure que les 41 réacteurs en chantier ou en activité étaient «sous contrôle», aux normes nationales et de l’AIEA (Agence Internationale de l’Energie Atomique),en design comme en construction et utilisation. Même si certaines, potentiellement en difficulté en cas de séisme ou de tsunami, devront se mettre à niveau.
Au Parlement, en mars, Wang Binghua, patron de la SNPTC (State Nuclear Power Technology Corp.), l’un des deux groupes exploitants, avait révélé des soucis de sécurité, de niveaux 1 et 2 sur les 7 de l’échelle internationale, certains nécessitant trois ans de travaux.
Dès lors pour Xu Yuming (CNEA – China Nuclear Energy Association), le permis à de nouvelles centrales redevient plausible d’ici l’été, et pour Shanghai Electric, Dongfang Electric et Harbin Electric, la perspective de signer dans l’année 5GW de capacité, pour 7,9 milliards de $ de marché public – bon pour revitaliser l’économie et décarboniser d’un cran la génération électrique -purifier l’air des villes!
Du coup, le retard pour le plan nucléaire chinois, sera minimisé. En 2011, Pékin parlait de 100GW à l’horizon 2020 (objectif auquel, dans le métier, nul ne croyait). Le nouvel objectif serait de 60-70GW, contre 11,3 GW en 2011. Au Travail Messieurs Dames, il y a du pain sur la planche !
Depuis 14 mois, une trentaine d’immolations par le feu a endeuillé les régions tibétaines. La dernière, le 27/05, a franchi une étape : en mois d’affluence (pour le Saka Dawa, depuis le 21/05, fêtes de la naissance du Bouddha), deux jeunes se sont aspergés d’essence face au Jokhang, à Lhassa.
C’était une première pour la capitale du Toit du Monde.
On voit donc que cette terrible pratique sort des monastères, gagne le centre, en dépit des immenses efforts du pouvoir. Les désespérés n’étaient pas moines mais garçons de restaurant. Trois jours après, une mère de famille de 33 ans les suivit au Sichuan, face au cloître de Jonang. Cette nouvelle vague de suicides a bouleversé les autorités locales, qui auraient interpellé jusqu’à 600 pour interrogatoire, et les pèlerins étaient expulsés -de toute manière d’emblée, les autorités se défiaient du festival, décrit par le « Quotidien du Tibet », (24/05) de « violations sérieuses à l’effort de stabilité ».
Les derniers morts rendent aussi caduque la récente série d’efforts du pouvoir pour dédramatiser. Ainsi, une règle imposant l’affichage des portraits des leaders politiques avait été révoquée en mars, et 20 temples avaient reçu chacun 14 machines à gym. Le 18/05, 28 nonnes étaient à Pékin, invitées par la Fédération des femmes, pour une semaine de formation au patriotisme, au tourisme et au shopping. Mais en face, des Tibétains expliquent cette vague suicidaire: « c’est leur ultime moyen de protester, tous les autres étant bloqués par des années de restrictions aux libertés ».
4 juin – 23 ième anniversaire du massacre de la Place Tian An Men
23 ans après le drame de Tiananmen, Chen Xitong, alors maire de Pékin, est le premier officiel à exprimer des « regrets » dans un livre d’entretiens publié à Hong Kong : première fissure dans le mur du silence.
Est-ce un stimulus, comme celui qui avait surpris le monde en 2008, avec 600MM$ de crédits jetés en pâture aux groupes publics ? Ou bien une « inflexion » succédant à 18 mois de gestion déflationniste de l’économie ?
À Wuhan (25/05), le 1er ministre Wen Jiabao annonça la couleur en évoquant un « objectif de croissance » cette année, avec un bond au 2nd semestre à 8% voire 8,6%. Mais il mit les points sur les « i » : pas question de réitérer le « banquet gratuit » de 2008, avec les fruits qui suivirent (dette chronique, surcapacité, inflation). Il n’y aura que 315 milliards de $ maximum, la moitié du plan précédent.
En fait, il a déjà commencé. De janvier à avril, la NDRC (National Development and Reform Commission) approuva 868 projets d’infrastructure contre 363 pour tout 2011.
Le seul 21/05, un véritable inventaire à la Prévert était tamponné : 100 projets d’énergies, de rail, de télécoms, deux aciéries au Guangdong et au Guangxi, deux aéroports à Qingyang (Gansu) et Shihezi (Xinjiang). Idem, elle débloquait 66milliards de ¥ pour la construction de logements sociaux en 2012 et 26,5 milliards en primes à l’achat d’appareils à économie d’énergie.
Le 30/05, le Conseil d’Etat listait 7 types d’investissements prioritaires d’ici 2015, en environnement, économie d’énergie, biotechnologie, nouveaux matériaux, voitures électriques… Fait à noter au Guangdong et au Guangxi, la NDRC voit d’ici 2015 la coulée d’acier maigrir de 26,8 millions de t d’ici 2015, ce qui suppose des fermetures d’outils obsolètes ou en surcapacité – c’est-à-dire laisser faire la nature et accepter les faillites quand elles arrivent. Vaste programme que n’approuvent pas forcément provinces et lobbies pratiquant la subvention instinctive.
Des éléments de réforme fiscale sont lancés pour prévenir les effets pervers. Au 01/07, dans Pékin après Shanghai, un programme pilote remplacera la taxe d’affaires par la TVA sur certains secteurs (11% pour les transports, 6% aux services).
L’argent du crédit frais proviendra de la baisse des réserves bancaires (2 à 3 nouvelles coupes prévues en 2012), et du capital privé. Le 26/05, la SASAC (State-Owned Assets Supervision and Administration Commission) émet des lignes directrices mettant capitaux privés et publics à égalité pour le rachat de firmes publiques, et la NDRC ouvre au privé tous les secteurs de l’énergie. La CSRC (China Securities Regulatory Commission) rend les firmes privées éligibles à la bourse, chinoise comme étrangère, et à l’émission d’obligations.
Mais l’étude du plan (de ce qu’on en sait) laisse un goût de pas assez. Parallèlement au rétablissement du crédit, Chen Fulin, de la NDRC, préconisait de remonter le taux d’intérêt au niveau de l’inflation prévisible, pour faire payer aux Grandes entreprises d’Etat le coût réel du crédit, et de restaurer un pied d’égalité avec le privé (jusqu’alors forcé de se financer à taux usuraire). De plus, ces groupes publics sont pour l’instant trop peu taxés, à 15% maximum. Il se dit que le taux pourrait passer à 25%…
Autre souci : l’Etat veut mettre à portée du privé les chasses gardées des marchés publics, mais les textes ne sont pas encore là, ou pas mûrs, ou pas testés. Face à ces projets « mixtes » qui lui sont offerts, l’entrepreneur privé risque fort, pour commencer, de préférer passer son tour. Enfin un autre sérieux aléa à ce plan, est le moment de sa mise en oeuvre. Ceux qui le lancent ne seront pas ceux qui le mèneront à terme. Or, provinces et monopoles sont hostiles au partage de leurs privilèges.
Loin d’être le coup de fouet de décembre 2008, ce Stimulus apparaît donc au mieux comme une bouffée d’oxygène pour tenir l’économie et la stabilité sociale, en attendant Xi Jinping, après le Congrès d’octobre 2012.
Journée mondiale anti-tabac (31/05)
Le régime reste historiquement et économiquement très lié à l’herbe de Nicot: la Chine fume par habitant le double de la planète (
40% du tabac pour 19% de l’humanité), tout en produisant sans états d’âme de quoi tuer 77 millions de fumeurs.Peut-être par geste symbolique du pouvoir, 100 membres de l’Académie nationale d’ingénierie réclament le départ de leur assemblée de Xie Jianping, «huile» du tabac et sommité en cigarettes à bas goudron. S’estimant « honorable», Xie refuse de partir de lui-même. Affaire à suivre !
En 1992 à Zhangye (Gansu), Xiaohua prit dans la vie un départ difficile : son père, médecin de campagne, la fiança à 13 ans à Luozong, fils d’un marchand aisé à Wuwei, bourg à 50km de là. Malchance, car si le père était la crème des hommes, le fils était de la mauvaise graine. Dès le soir des noces en 1997, il la viola et le lendemain, à peine dessaoulé, la quitta pour aller retrouver ses compagnons de dés…
A Wuwei, Xiaohua loua une soupente et installa son atelier de couture qu’elle exploitait avec Liujie, aimable jeune veuve. Luozong buvait, jouait l’argent de sa femme, la battait et la violait.
Après 18 mois, un soir, la vie de Xiaohua bascula dans l’abjection : rentrant de l’atelier, harassée de fatigue, elle fut barrée à sa porte par deux malandrins qui lui expliquèrent que Luozong venait de perdre leur maison au Mahjong. Toute la nuit, elle erra dans les rues, n’osant avouer son infortune aux voisins ni prévenir les parents !
Liujie fut celle qui la sauva. Elle lui offrit un coin de son logis et puisqu’elle était mariée, ben… à lui aussi – selon la loi, il n’y avait pas le choix. Luozong fit des serments d’ivrogne, se fit humble. En plus de la perte de son toit, il avait aussi des dettes à rembourser, et comptait pour cela sur l’aiguille, les ciseaux de « ses » femmes. Mais bientôt, il reprit la boisson, des volumes effrayants de bière et de baijiu (gnôle de sorgho), la drogue, et les volées qu’il infligeait à sa femme pour un oui ou pour un non. Un soir, en manque, il la frappa d’un tisonnier et l’assomma, manquant de l’éborgner.
Une autre terrible nuit, il fut empêché par Xiaohua et un voisin, alerté par les cris, de violer Liujie. En ces épreuves, les amies se soutenaient du mieux qu’elles pouvaient, désormais sûres que seule la séparation pouvait les sauver – mais comment faire ? La loi l’interdisait, sauf avec accord du conjoint, bien évidemment impensable !
La Fête du printemps approchait. Selon la tradition, des semaines à l’avance, tous préparaient la bombance, échangeaient porc salé contre farine, tofu fumé contre navets préservés ou huile de sésame, ne payant au marché que ce que le troc ne pouvait fournir.
A la distillerie, sans mégoter sur le millésime ni sur la marque, Xiaohua et Liujie achetèrent quelques jarres du baijiu le plus raide, 52° garantis, et les cachèrent. Avec ce qui leur restait, elles réunirent encore de quoi concocter un banquet présentable.
Quand tonnèrent les pétards, la nuit du Chunjie, elles disposèrent le dîner sur la table et à la surprise du ruffian, sortirent les coupes. Croyant qu’elles n’avaient qu’un peu de bière en réserve, il s’apprêtait à les lâcher après dîner, pour aller faire la tournée des grands ducs. Feignant la gaité, à qui mieux mieux, elles trinquèrent avec lui – recrachant discrètement l’alcool dans leurs serviettes. Que ces deux belles rivalisent à le resservir, sans lui tenir rigueur des violences passées n’éveilla pas sa suspicion : « la dernière raclée leur avait enfin appris qui était le maître ici ! ».De fort bonne humeur, il ne se fit pas prier pour vider le stock, verre après verre.
Trois jours plus tard, frappant pesamment à son huis, un huissier le tira de la plus martelante gueule de bois de sa piètre existence. C’était pour lui remettre les papiers du divorce, qu’il avait signés saoul. Le document était contresigné par un ami de Liujie, membre influent du comité municipal. Autour de lui, la maison était vide : les deux coquines avaient tout vidé, sauf les bouteilles vides, sur lesquelles trônait la flèche du Parthe, leur message d’adieu lui confirmant qu’il récoltait ce qu’il avait semé, et qu’elles disparaissaient pour toujours. C’est alors seulement qu’il réalisa qu’elles venaient de lui jouer le premier des 36 Stratagèmes, l’ouvrage classique de l’art de la guerre : « en dupant le ciel (l’empereur dans le proverbe, ici le mari), franchir la mer » – 瞒天过海, mán tiān guò hǎi.