Le Vent de la Chine Numéro 12
L’affaire
Bo Xilai a bouleversé le scenario de succession de Hu Jintao. En forçant le pouvoir à le limoger par des moyens expéditifs, sans recourir à l’Etat de droit, le Secrétaire du Parti à Chongqing a forcé le 1er Secrétaire du Parti communiste chinois (PCC) à revenir à des méthodes dont ce dernier voulait affranchir le régime. Nul n’est gagnant, ni Bo et les conservateurs ( anciens ou nouveaux), ni Hu et les technocrates, ni les réformateurs dépourvus de chef de file et de programme pour reprendre l’ascendant.La crise est ouverte, la tension palpable. De suite, Pékin s’emploie à étouffer toute enceinte favorable à Bo : les choeurs rouges dans les parcs de Chongqing, les portails internet néo-maoïstes.
On voit aussi les débuts d’une campagne d’“explications” et de griefs contre Bo. Un “rapport préliminaire” circule en interne (06/03), l’accusant d’avoir acculé à la fuite son adjoint Wang Lijun (qui est donc désormais implicitement lavé de l’accusation de trahison). Bo aurait menacé Wang, alors qu’il « enquêtait » pour le compte de Pékin sur sa famille. Une « enquête » qui, en tout état de cause, semble bien avoir eu pour seul objectif, de priver Bo Xilai de son siège potentiel au Comité Permanent (CP) en octobre prochain…
Désert d’infos solides, ce monde vibre de rumeurs folles, telle celle d’une tentative de coup d’Etat déjouée, soutenue par des membres du CP favorables à Bo. Mystère aussi sur l’accident en Ferrari, à Pékin, la nuit du 19/03, ayant coûté la vie au fils d’un des conjurés supputés.
Un point au moins, montre le nord : les multiples appels à la loyauté, au PCC et à sa tête. Hu Jintao en lance un lui-même aux généraux (12/03), relayé par la presse, le 21/03. Le ministre de la Justice et Xi Jinping en font (21/03) aux avocats et aux firmes privées et JV . Tout cela suggère une bataille d’influence, un rappel général des alliés. Le 17/03, Xi adjure le Parti à la “propreté” et à l’unité sans préciser autour de qui ou contre qui. Adieu, unité de façade !
D’autre part, Xi, le futur leader, ne fait toujours pas connaître son programme ni sa ligne – à supposer qu’ils existent déjà. Pourtant, avec leurs heurts et rythmes brisés, les événements en cours laissent présager que Xi n’aura pas loisir de chercher sa voie – pour reprendre le professeur R. Leigh-Moses, “les lunes de miel, sous ce régime, sont chose inconnue”.
Autre question : alors que jaillit l’adrénaline politique, que signifie le regain de tension de l’APL en mer, aux frontières ?
En Mer de Chine (15/03) s’ouvre une nouvelle tension avec la Corée du Sud. Liu Cigui, chef de la SOA ( State Oceanic Administration), réaffirme les droits “juridictionnels” chinois sur le récif Suyan/Iodeo. Hanoï signale (21/03) l’arraisonnement de deux de ses chalutiers par les garde-côtes chinois, et le Japon, la tentative chinoise de faire échouer une de ses campagnes de cartographie marine, prélude à un projet de forage pétrolier. L’armée chinoise se fait aussi plus présente au Tibet, où elle vient de tenir, en février, des exercices nocturnes inter armes. Pour les experts, aucun doute, ces manoeuvres devaient servir à avertir l’Inde de mesurer ses actions, à l’autre bord de la frontière.
Pourtant, le pays fait aussi des efforts pour montrer un visage souriant, de bon voisinage. Il intègre sa marine à l’action internationale anti-pirates (PLAN) au large de la Somalie, et en prendra bientôt le commandement unifié, y compris sur des navires nippons et indiens. Sur ce même registre, par la voix de son ambassadeur aux Philippines, Ma Keqing, une Chine apaisante note que “ le Pacifique est assez grand pour tout le monde ”.
Sur le fond, cette recrudescence d’activités militaires est-elle le fruit d’un gouvernement désireux de prouver aux militaires son patriotisme et sa poigne, ou bien celle d’un haut-commandement “facturant” au prix fort sa fidélité aux politiques ?
Les deux explications peuvent être complémentaires, et non-exclusives. En tout cas, toutes deux tirent leur source de la guerre de succession en cours.
«
Les réformes économiques difficiles ne peuvent plus attendre », admettait le 18/03, le vice-Premier ministre Li Keqiang, futur patron ( ?) du Conseil d’Etat, devant Christine Lagarde, directrice du Fonds monétaire international ( FMI).Joignant l’acte à la parole, le 19/03, le pouvoir édictait la plus forte hausse du prix du pétrole depuis 2009, reflétant le marché mondial (+15% depuis janvier). À +6,5% voire +7%, l’essence est désormais 50% plus chère qu’en 2009 – une prime compensatoire est offerte aux paysans et taxis. Avec l’inflation retombée à 3,2% en février 2012, contre 6,5% en juillet 2011, Pékin saisit la 1ère occasion pour relever le prix du carburant, et remettre sur ses rails le plan de réduction quinquennal d’intensité énergétique de 16% d’ici 2015.
Les 3,5% visés en 2011 sont loin d’avoir été atteints, avec un résultat de 2,01%.
Devant l’Assemblée nationale populaire (ANP), Wen Jiabao, le 1er ministre, promettait une modulation de l’austérité selon les milieux sociaux : Zhou Xiaochuan, patron de la Banque centrale (BPdC), prédit la baisse au 25/03 des réserves bloquées de près d’un millier d’agences de la Banque de l’Agriculture, libérant ainsi 23 milliards de ¥ (3,6 milliards de $) à prêter aux agriculteurs.
Par voie de presse, Zhou dit aussi (21/03) le pays prêt à libérer les taux d’intérêts pour laisser les banques décider seules de leur politique de prêt selon le marché, et promouvoir une assurance des dépôts contre les faillites de banques croulant sous les mauvaises dettes. Zhou ne se risque à aucune échéance. Pour cause : après 5 années de profits monstres, induits par un investissement « à fonds perdus » (35% chez ICBC ), les cinq plus grandes banques voient venir la vague des prêts irrécupérables. En 2012, une hausse de 40% de ces pertes est possible. Du coup, ces maisons cessent de prêter, bien en dessous des plans : 738 milliards de ¥ en janvier (contre 1000 milliards attendus) et 710 milliards de ¥ en février (contre 750 milliards).
La taxe foncière se met en place dans des villes-pilotes, Shanghai, Chongqing, bientôt Pékin, avant d’être généralisée. Au grand dam des provinces, préférant la liberté liée aux ressources d’expropriation. Une détaxesur le luxe importé est aussi proche, pour enrayer la fuite des capitaux, alimentée par le shopping touristique à l’étranger.
Idem, le capital extérieur est déréglementé : les banques étrangères reçoivent (21/03) de nouveaux quotas d’achats d’actions locales, pour les revendre hors du pays, recyclés en fonds de placement (dits « QFII » Qualified Foreign Institutional Investors). L’entrée en bourse de Shanghai approche pour les groupes étrangers présents en Chine : tirée vers le bas par la baisse immobilière (-22,2% depuis 11 mois) cette place est prête à recevoir cette vitamine venue d’ailleurs.
Et le ¥uan ?
Yi Gang, n°2 de la Banque centrale, note qu’après six ans de hausse (11/03), la monnaie atteint l’équilibre face aux devises, elle vient de perdre 0,5%, après être monté de 4,7% en 2011. La preuve : son déficit commercial de février, 31,3milliards de $ – le pire en 14 ans. La Chine continue ses achats de devises (y compris d’²) et échanges « swap », comme ces 10 milliards de $ échangés avec le Japonpour promouvoir le RMB en devise du monde. A long terme, la Chine n’est pas encore décidée à réformer le crédit ni le droit foncier. Comme dit A. Kroeber (Dragonomics), vu la tiédeur des conservateurs face à cette dérégulation, on voit mal comment le ¥uan pourrait faire beaucoup mieux qu’une devise de second rang.
En Chine comme ailleurs, le gaz de schiste fait bouillonner le marché de l’énergie. Premier énergivore mondial, la Chine détient aussi les premières réserves de cette ressource, jusqu’alors inexploitées, faute de technologies adéquates : 25.000 milliards de m3 de gaz récupérable avec l’aide étrangère (36.000 milliards de m3 selon les USA). Des alliances se forment alors.
En décembre 2011, Shell et CNPC découvraient un site à Fushun (Sichuan). Trois mois plus tard (20/ 03), ils signaient le 1er contrat partage de ressources de ce champ de 3500km².
Sinopec, lui, multiplie les partenariats avec Exxon Mobil à Meigu (Sichuan), avec BP à Kaili et Chevron à Longli (Guizhou). Surtout, Sinopec remportait, en juillet 2011, le 1er appel d’offres, pour un site de gaz de schiste (Nanchuan – Guizhou/Chongqing) où il forait 13 puits. Enfin, il signait un pacte d’exploration-extraction, (soumis cette semaine au Conseil d’Etat) avec Total. Son PDG, Christophe de Margerie, tempère l’enthousiasme chinois. L’objectif de 6,5 milliards de m3 /an extraits d’ici 2015 (dont un tiers chez Sinopec), et 100 milliards de m3/an d’ici 2020, est « ambitieux », voire prématuré – ‘exploration pouvant prendre « des dizaines d’années ».
Cependant le gaz de schiste pour Total, pourrait être le « cheval de Troie » lui ouvrant bien d’autres portes fermées depuis des années. Il négocie son entrée au projet sino-koweiti de raffinerie à 10MM$ à Zhanjiang (Guangdong). Il cède à la SAFE, la tutelle des devises, 2% de ses parts, et guigne une autre prise de participation du fonds CIC, avant d’entrer en bourse de Shanghai. Il vise, en JV avec Sinochem, la licence de vente de ses produits, dans ses bientôt 600 stations-service au sud du pays. C’est avec le gaz de schiste, une porte qui s’ouvre, longtemps attendue !
Le ministre de la Santé,
Chen Zhu lance un rare pavé dans la mare le 9 mars, en dénonçant publiquement le blocage de sa réforme initiée en 2009. Dotée de 125 milliards de $, elle devait déployer une couverture sociale, mettre aux normes 30.000 hôpitaux, et surtout démocratiser les soins en mettant un terme à la surfacturation des remèdes.Certes, plusieurs objectifs ont été atteints. Des milliers d’hôpitaux ont été rénovés. Une sécurité sociale (encore que bien légère) couvre tous les citadins, 95% des ruraux – la caisse paysanne est passée de 4 milliards de ¥ en 2004 à 130milliards de ¥ en 2010. Deux listes de remèdes conventionnés ont été dressées, permettant jusqu’à 30% de baisse des prix. L’une concerne 307 médicaments essentiels, l’autre englobe 196 génériques remboursés et 1624 médicaments plus chers (que la province se réserve de rembourser ou non).
Mais cette baisse des prix ne fait pas que des heureux. Les groupes pharmaceutiques veulent sauvegarder leurs profits, sous prétexte d’assurer la « qualité avant tout », et la recherche des « médicaments de demain ». Autres insatisfaits, les hôpitaux : pour compenser les actes médicaux réglementairement bradés, ils se rattrapent en se payant à 90% sur la vente de médicaments hors listes et hors de prix.
On voit donc le système de santé résister à la réforme. Pourtant, la Chine vieillissante ne peut plus attendre, passée en 2009 à 178 millions de sexagénaires, avec explosion de maladies chroniques, telles le cancer (+ 80% en 30 ans) ou le diabète (92 millions en 2010, 150 millions potentiels).
D’ici 2016, pour combattre la vénalité des médecins, Chen Zhu veut relever les salaires, porter les opérations à leur coût réel. Pour baisser les frais du patient, il veut :
[1] étoffer la liste des essentiels à 800 remèdes d’ici 2015 (dégageant 1,6 MM$/an d’économies),
[2] multiplier les commandes groupées d’hôpitaux sur appel d’offres,
[3] porter la part de l’Etat dans la prise en charge des soins de 28% à 33%.
Reste la question forte : avec quel argent ?
Chen veut convaincre l’Etat de renflouer son budget de santé. Au 12. Plan (2011-’15), ses dépenses doubleront de 277milliards de $ à 590 milliards de $. Mais on est loin du compte, avec une santé ne recevant que 5% du PNB contre 10 à 15% pour les pays de l’OCDE. Il faut donc trouver d’autres ressources. L’une est l’hôpital privé, que le ministre veut promouvoir, et encourager les médecins à y exercer en même temps que dans le public.
L’autre est la décentralisation. Le Conseil d’Etat envisagerait de remettre aux provinces et aux villes une branche de la santé, financée par 5 à 7% des recettes de la TVA future. Il leur garantirait aussi le remboursement des déficits.
Mais la formule comporte d’immenses risques : une santé à deux vitesses selon la prospérité de la province, et une fraude institutionnalisée sur ces « déficits » devenus rentes de situation. La suite, on l’a deviné, est affaire de choix politique d’avenir !
La CCTV, la télévision chinoise nationale, célèbre à sa manière (15/03) la journée mondiale du consommateur. Elle plaçait ses caméras cachées chez de nombreux distributeurs étrangers, surprenant un Carrefour de Zhengzhou (Henan) et le McDonald’s de Sanlitun (Pékin) en flagrant délit de vente de viande surfacturée, périmée ou même souillée (tombée par terre).
Les suites ne se sont pas fait attendre, aux Bureaux de l’hygiène et des prix, mécontents d’avoir été surpris dans leur vigilance. Sous 3 jours, les magasins étaient fermés, et d’autres sanctions allaient suivre. En octobre, Wal-Mart (Chongqing) avait lui aussi ré-étiqueté des pièces de viande : 37 employés avaient été interpelés et les 13 magasins de la ville fermés 15 jours, en plus des 578.000$ d’amende. Le Président Chine avait dû démissionner. Surtout, la perte d’image était dramatique : l’infaillibilité supposée de l’étranger volait en éclats – en partie ce qu’on avait voulu démontrer.
Carrefour comme McDonald’s ont réagi au plus vite, sanctionnant les coupables, réitérant leur engagement de qualité et annonçant des mesures sérieuses pour colmater la brèche structurelle par laquelle la faute a pu arriver : les lacunes dans la formation, technique comme éthique, du personnel, et l’impératif de réduire les coûts, face à la flambée des prix.
Sans doute ces deux groupes, et bien d’autres en Chine, resteront vulnérables à ce type de dérapage local, tant que se poursuivra leur pénétration hors d’haleine du marché intérieur. Poussé par la franchisation, le géant du fast-food prétend ouvrir 1 restaurant/jour pour atteindre 2000 enseignes sous 2 ans (1400 aujourd’hui). Carrefour, lui, vient de doubler ses grandes surfaces en trois ans, de 100 à 204.
En
football, la saison 2012 de la Superligue a débuté ( 09/03) dans une ambiance mixte de vieille lassitude et d’espoir renaissant.La désillusion reste forte après 9 ans de corruption et de « bidonnage », causant la désertion des stades par le public, tandis que le nombre de juniors fondait de 600.000, à moins de 100.000 en 10 ans. En 2011, pour la 3ème fois, la Chine ratait sa qualification pour la Coupe du Monde 2014… Mais l’espoir revient avec une série de signaux clignotants, hirondelles qui font le printemps.
[1] Signe d’une confiance requinquée, les clubs riches alignent une pléthore de stars : l’Argentin Conca à l’Evergrande (Guangzhou), le Brésilien Rochemback à l’Aerbin (Dalian), le Français Anelka au Shenhua (Shanghai). Cette transfusion de talents, pour des cachets frisant le million ²/mois prouve que les clubs ont les moyens, et foi dans leur avenir. Elle catapulte aussi le niveau : le 06/03, en Ligue des Champions asiatique, à Jeollabuk-do, l’Evergrande démolissait le champion sud-coréen, 5-1, victoire inouïe.
[2] Entamé en 2009, un nettoyage du milieu se poursuivait sans état d’âme.
Les 16-18/02, en deux procès au Liaoning, de lourdes peines frappaient 39 cadres, patrons de clubs et arbitres, accusés d’avoir truqué les matchs. Yang Yiming, l’ex-n°2 de la CFA (Association nationale du football), Zhang Jianqiang, ex-responsable des arbitres et directeur du « 11 » féminin, et Lu Jun, l’ex sifflet d’or, prenaient de 5 ans ½ à 12 ans de prison pour avoir touché des millions ¥. L’Etat ne voulait laisser aucun doute sur sa détermination à faire le ménage.
[3] Surtout, on assiste à un transfert d’autonomie de la CFA vers les clubs.
Depuis plusieurs années, ils pouvaient organiser leurs équipes de réserve. Puis en février, la CFA confiait une partie de la gestion des deux Divisions à un « Conseil » de représentants des clubs. Dans le pur style administratif chinois, c’est un plan pilote qui est en cours de test, en vue d’une « réforme graduelle » dès 2013.
Sur la pointe des pieds, le Parti se désengage du ballon rond. Encore timidement, mais les implications sont considérables. En puissance, c’est la fin du dogme du contrôle universel des masses. Car, ce qui vaut pour le foot, devrait aussi valoir pour tous les sports, qui devraient à l’avenir être autorisés à élire leurs fédérations ; tout comme les autres secteurs (arts, religions, universités, ONG…), devant recevoir une dose d’autonomie pour soutenir la concurrence mondiale.
Lourd recul pour la pensée unique, mais le jeu en vaut la chandelle, par l’envolée du niveau footballistique que le régime peut en espérer. Grâce à cette réforme, devient réalisable le rêve de Xi Jinping, exprimé en juillet dernier : que la Chine se qualifie pour la Coupe du Monde, puis qu’elle l’héberge, pour enfin la conquérir – mettant ainsi un terme à des décennies d’humiliations aux coeurs des amoureux du ballon rond !
A Beiliu (Guangxi), Li Xiufen menait sa vie tranquille, du haut de ses 95 ans : âge qui, en Chine, confère le respect, à commencer par celui de Chen Qingwang, son voisin 35 ans plus jeune. Pour ses bonnes manières, tout le voisinage adorait Mamie Li, la gentille sage du village.
Heureusement pour elle. Car de ses enfants montés 30 ans plus tôt à la grande ville, Mamie Li n’avait nulle trace pas même, de mémoire de femme, la moindre visite lors du Chunjie, ni la moindre carte postale aux congés d’été, ou un faire-part de naissance.
On s’entraidait donc, on la protégeait. Justement, au 01/02, perdant l’équilibre, Xiufen avait fait une vilaine chute lui laissant une marque violacée à la tempe. Depuis chaque matin, Chen lui portait un petit bol de « zhou » (porridge de riz), petit déjeuner – contribution à sa convalescence. Jusqu’au 17/02 où il trouva la mère-grand, non pas courbée à sa porte, mais inanimée sur sa couche. Il s’étonna bien de sentir un effluve de tiédeur, mais elle pouvait s’expliquer par l’épaisse couette sur elle. Il lui prit le pouls, la gifla et secoua – rien à faire. Plus tard le médecin ne put que le confirmer, l’âme de la quasi-centenaire semblait partie pour les limbes.
Chen se démena en vain pour retrouver les fils indignes. Et puis, faute de succès, il dut se résoudre à lancer lui-même le branle-bas funéraire, avec l’aide logistique de son propre fils. Le 19/02, paré de ses plus beaux atours, sobrement fardé et peigné, le corps fut installé au salon dans le cercueil. Ainsi les voisins purent venir présenter à Mamie Li les ultimes respects, faire les trois courbettes réglementaires, sous le concert de lamentations d’une pleureuse louée.
Selon les rites, l’enterrement était prévu pour le 24/02. Six jours passèrent sans faits marquants. Sauf le teint de la morte, qui s’obstinait à demeurer si frais, comme si le temps, pour quelque céleste raison, n’avait pas d’emprise sur elle.
Le 23 au matin, Chen entra donc, comme d’habitude chez sa voisine. Et là, horreur : la bière était vide, et le couvercle à terre ! Qui avait eu l’audace de voler le corps, sans craindre de troubler son sommeil éternel ? Quel escroc ? Quel nécrophile ? Avec le fils venu à la rescousse, ils fouillèrent la maison. Ils n’eurent pas à aller plus loin que la cuisine : dans une stupéfaction dépassant toutes les bornes, ils virent Mamie Li affairée à laver et trancher deux légumes oubliés, un bout de tofu desséché, dans une casserole où bouillonnaient des graines de millet rances. Affamée, la « défunte » se préparait une soupe !
Scientifiquement, le phénomène est connu : un simple battement de coeur toutes les quelques minutes suffit à irriguer le cerveau et prolonger la comateuse existence. Et la mort clinique peut être dure à déterminer, en Chine comme ailleurs.
Mais la résurrection bouleversa tout le Landernau. L’être devant eux était-il bien Mamie Li et non une renarde, un esprit malfaisant ? Pour les en assurer, elle leur expliqua comment, parvenue à repousser le couvercle et sortir seule, elle avait trouvé plus urgent de se sustenter plutôt que d’annuler l’enterrement. D’ailleurs sans plus attendre, elle leur tourna le dos pour laper à grands bruits son bol brûlant.
Autre souci : croyant bien faire, Chen avait jeté au feu toute sa garde-robe, son garde-manger pour qu’elle les retrouve dans l’au-delà : adieu chemises, farine, drap, bonnet de nuit… Mais c’était un moindre mal. Le coeur joyeux de voir sa voisine ainsi tromper la mort, Chen s’en alla quémander à la mairie, laquelle le crut d’abord fou. Puis sur son insistance, ayant vérifié, elle alloua à la vieillarde 25 kg de riz, deux couvertures, trois nippes de première urgence. Revenu de sa frayeur, le quartier fournit le reste.
C’est ainsi que Li Xiufen, après avoir survécu à toute la révolution chinoise de Mao à Hu Jintao, vient symboliquement de recevoir des dieux, une seconde vie.
Ce qu’on appelle en mandarin 生死肉骨 (shēng sǐ ròu gǔ), « la mort revit, les os se réincarnent » !
28- 30 mars, Pékin : INTERTEXTILE Beijing + Salon du textile européen + Salon du fil et du tissé
28-30 mars, Pékin : Concrete China, Salon du béton
28-30 mars, Pékin : Salon des équipements pour les mines
29-31 mars, Qingdao : Tyre Fair, Salon du l’industrie du caoutchouc et du pneu
1-3 avril, Boao Forum (Hainan) Conférence annuelle pour l’Asie
1-3 avril, Shanghai : China Airport Show
2-4 avril, Shanghai : Salon de la ventilation et Air conditionné
3-4 avril, Shanghai : Luxe Pack, Salon du packaging des produits de luxe