Le Vent de la Chine Numéro 34

du 23 au 29 octobre 2011

Editorial : Plenum, santé, éducation à la liberté

Le 6ème Plenum du XVII. Congrès s’est achevé (18/10)  comme il avait débuté -sans fanfare.

À défaut de «décisions» (qui sont l’apanage du niveau suprême), l’objet de ces meetings du Comité Central est d’«orienter» l’action du pouvoir. Aussi, les membres ont proposé de renforcer le «soft power» chinois : la culture. Ils l’ont fait sans donner de détails, ne laissant filtrer que leur volonté d’améliorer la «sécurité culturelle» (sic), en obligeant les usagers des microblogsà quitter leurs pseudonymes pour se réinscrire sous leur vrai nom. L’appareil vit mal la liberté contagieuse de ce réseau «Weibo»

Mais la mesure sera difficile à appliquer, au risque de voir la plupart des 400 millions d’usagers fermer leurs comptes, ce qui tuerait dans l’oeuf un formidable outil social. La Chine y perdrait des millions de mini-CV par an, appels d’offres, commandes ou d’embauches négociées et décidées bien plus vite, à bien moindre prix que via les circuits de communication classiques.

Le reste du projet reste flou : l’élargissement des droits des groupes multimédias, le soutien au 7ème art et à l’apprentissage du chinois (en croissance et partout en tête à l’étranger), autant de chapitres probables du document-cadre, sont impubliés. De toute manière, s’applique ici le commentaire critique du prof. ZhuDake, de l’université Tongji (Shanghai) : « l’Etat ne peut construire que les industries culturelles. La culture se bâtit seule—dans un cadre de liberté et de marché ouvert ».

Au demeurant, il est improbable que les 365 édiles du “parlement” du Parti communiste chinois n’aient parlé que de belles lettres, oubliant les sujets majeurs du moment :

[1] A propos des préparatifs de la future équipe de Xi Jinping en 2012, d’aucuns décryptent au Quotidien du Peuple, la confirmation de Li Keqiang, comme prochain 1er ministre. Si cela est vrai, ce serait une victoire de Hu Jintao, actuel n°1 dont Li est le dauphin, et l’échec de Bo Xilai, chef de file des “petits princes” qui mène campagne depuis Chongqing pour un haut poste national l’an prochain.

[2] Concernant  la  crise, ce Plenum  coïncide avec un taux de croissance de 9,1% au 3ème trimestre, contre 9,5 au 2ème : c’ est bon signe, pour l’atterrissage “soft recherché et le maintien d’une croissance durable. Idem, la baisse visible des prix de l’immobilier et des matières 1ères, suggère le succès de l’objectif de brider le moteur de la locomotive folle.

Mais d’autres signes sont moins bons : 

 [1] l’érosion vive de l’exportation, surtout vers l’Europe —Pékin envisage de se retrouver en déficit commercial d’ici décembre. 

 [2] l’explosion des mauvaises dettes, passées de « 1% » des prêts en juin (source officielle) à «8 à 12%» -source Crédit Suisse, qui prédit la perte de 40 à 60% des actifs des banques. Tout cela amène l’état à faire un choix amer : freiner l’appréciation du ¥uan, s’attirant ainsi une taxe de rétorsion américaine, déjà votée au Sénat, ou laisser s’étioler l’export, avec faillites multiples de PME, et nombreux groupes d’Etat à recapitaliser.

Trois jours avant le Plenum, la presse braquait son projecteur sur une autre explosion, dans le domaine de la santé : celle du cancer, +56% en 10 ans pour les cas pulmonaires, +127% pour ceux du sein, le quintuplement à Shanghai en 20 ans pour celui du pancréas. 105 cancers par jour étaient détectés en 2010 à Pékin, à l’origine de 25% des décès. En cause, la pollution ( dont le tabac), le stress, une alimentation déséquilibrée ( y compris l’a l cool).

Mais selon un expert, tout ceci pourrait traduire un progrès. Une part de l’aggravation vient du déplacement de pathologie – d’un recul des maladies infectieuses (signe distinctif du Tiers Monde) au profit de celles chroniques (prévalant dans les pays développé s ) . Ce qui en soit, reflète une amélioration du niveau de vie: à la suite de l’Europe ou des USA, la Chine mange trop (gras et sucré), et a oublié sa gymnastique « à la papa », des temps de Mao. La progression dramatique du cancer, reflète aussi des chiffres plus exacts, « réactualisés » par l’amélioration du dépistage et de la prévention.

Ainsi, ces deux sujets d’actualité – l’accès soudain à des richesses immatérielles (internet) et physiques (repas, tabac, alcool) – posent un problème central, « culturel » à la Chine, comme à tous les pays : l’éducation à la liberté.


Sécurité Alimentaire : Temps d’orage chez Wal-Mart

L’originalité, en ce dernier scandale de qualité alimentaire, c’est qu’il a lieu chez Wal-Mart,groupe étranger. Le 10/10, 13 magasins étaient fermés pour 15 jours, à Chongqing, un des fiefs de ce n°1 mondial de la distribution qui subissait aussi une amende de 3,65 millions de ¥uan. Mais c’est surtout, en terme d’image, que Wal-Mart perd le plus. Avec deux employés arrêtés et 35 interrogés, sa fraude est avérée, la branche régionale du groupe ayant écoulé sous l’étiquette « bio » 60t de viande de porc ordinaire en 20 mois, pour 0,73 million de ¥ de profits illicites.

Le scandale local fit chuter la direction : le 17/10, tirant les conséquences, Ed Chan, PDG de Wal-Mart (Chine) et Clara Wong, DRH, se retirent « pour raisons personnelles ». Chan était pourtant le brillant capitaine de ce navire, qu’il avait fait passer en 4 ans de 70 à 353 enseignes, et de 30 000 employés, et près de 100 000. Avec 7,5 milliards de $ de chiffre en 2010, il est le 2nd groupe national d’hypermarchés derrière Sun Art Retail. On peut raisonnablement estimer que la direction n’était pour rien, dans cette indélicatesse qui éclabousse le groupe entier. On peut aussi la soupçonner d’imprudence, Wal-Mart-Chongqing ayant été épinglé pas moins de 21 fois depuis son ouverture en 2006 pour publicité mensongère, vente de viande périmée, ou non estampillée des services vétérinaires.

Un aspect du problème tient à la promotion de cadres locaux, pour économie salariale et pour accélérer l’intégration du groupe au pays. Cependant cette « sinisation » à l’excès du personnel, a pour effet de diluer la culture d’entreprise, surtout en régions excentrées. Un autre facteur est l’inflation très forte sur les prix alimentaires, qui favorise la tentation de fraude à la qualité. 

 Par exemple pour le porc, malgré les tentatives publiques pour freiner la valse des étiquettes, le cours a monté de 50% en 12 mois, et les services d’hygiène ne purent prévenir une affaire de porc au clenbutérol, molécule interdite en élevage, qui favorise la viande sur le gras. Pour ce délit, sept personnes écopaient en août de peines de prison. Ailleurs, après le terrible scandale en 2008 du lait à la mélamine (300.000 bébés atteints de calculs rénaux) ont suivi divers problèmes, comme les filières d’huile périmée de friterie, d’autres laits contaminés, des petits pains à l’aluminium. Enfin, un dernier élément dans la frappe contre Wal-Mart, peut avoir été… Bo Xilai, le Secrétaire local du Parti, toujours en course pour une place au prochain gouvernement et soucieux de se démarquer d’une vieille critique contre lui, d’être trop amical avec toute présence américaine.

Par ailleurs, cette surveillance des groupes étrangers au niveau du contrôle de qualité ne frappe pas que Wal-Mart, tant s’en faut. En 2008, Nestlé avait été accusé de dépassement du plafond en iodine dans son lait en poudre. En mai 2011, Unilever, n°2 mondial des produits du foyer, était taxé de 2 millions de ¥ pour annonce non autorisée de hausse de prix. En 2006, chez Carrefour, suite à un problème d’entente entre des filiales régionales et leurs fournisseurs, il y avait eu des arrestations mais la direction centrale n’avait eu aucun mal à démontrer sa bonne foi. Début 2011 enfin, Carrefour et Wal-Mart ont été rappelés à l’ordre pour défaut d’étiquetage et d’annonce de rabais.

Face aux commerces et industriels étrangers, la vigilance de l’Etat porte en filigrane un message clair : par rapport à la concurrence locale, sous l’angle du respect des lois et des règlements, il est attendu d’eux qu’ils soient irréprochables. « La femme de César doit être au dessus de tout soupçon » : telle est leur règle du jeu implicite !


Aviation : B787 qui pleure et A380 qui rit

Le 17/10, China Southern dame le pion aux rivaux intérieurs, en lançant son 1er A380, l’appareil mythique d’Airbus. China Southern avait su obtenir de la tutelle CAAC l’achat ferme de cinq appareils (bien en dessous du tarif actuel, 375M$), avant le conflit opposant la Chine à l’Union Européenne sur son projet «crédits carbone» (ETS). Celui-ci causait en juin le gel d’une commande de 10 A380 pour le groupe Hong Kong Airlines/Hainan Airlines.

Surprise : le transporteur cantonais exploite l’appareil… sur ses lignes intérieures. À l’inverse des carriers mondiaux, qui l’exhibent à l’international. «Bien sûr, qu’il préférerait voler vers New York ou Paris, dit cet universitaire, mais il faut d’abord faire preuve de patriotisme» !

A vrai dire, le sacrifice n’est peut-être pas si lourd : China Southern n’a pas la licence pour ces routes—il la réclame en vain depuis des années. Au contraire, en volant sur Shanghai ou Pékin, n’est-ce pas le meilleur moyen de faire pression sur l’Etat pour qu’il accélère l’octroi de ces routes, en faisant remarquer l’emploi gaspillé de cet outil cher, sur des lignes bon-marché ? De toute manière, dès décembre 2011, son 2ème A380 fera les routes étrangères déjà en sa possession – Asie, Los Angeles, voire sur trois routes nouvelles qu’il annonce d’ici là.

A380 pavoise donc en Chine, mais son rival B787 y souffre, venant de perdre 24 commandes (18/10), annulées par China Eastern. Problème : cet avion d’avenir, aux performances rares, a trois ans de retard. Or la Chine, avec son marché bouillant (+7,2% de hausse/an attendue d’ici 2030) ne peut pas attendre. C’est pourquoi pour moins que les 3,3MM$ des 24 Dreamliners, et sans pénalités en restant chez Boeing, il aura 45 B737 à 215 places – d’ici 2016 !


A la loupe : Le retour de l’ogre du tabac

à Clermont-Ferrand (26/09), six étudiants chinois écopent de six mois à un an de prison pour contrebande de tabac. Recrutés via internet, ils gagnaient jusqu’à 20 000 ²/mois à écouler des cartouches de cigarettes, qu’ils recevaient de Chine… par la poste. Selon une source, en 2009, le tabac au noir, c’est 3,5 milliards de cartouches, 11,6% du marché mondial.

A en croire les saisies, elles seraient chinoises à 80% en Europe, 99% aux USA. Or, ce trafic était inconnu en 2000 : la pègre s’engouffre dans le vide créé entre une offre légitime rendue inaccessible par les taxes et la conjoncture, et une dépendance tabagique exacerbée par la crise.

Dans ce retour du tabac de contrebande en Europe, les triades occupent l’avant-scène, s’appuyant sur la diaspora expatriée. Le monopole d’Etat a aussi sa responsabilité: Tutelle du secteur et patron de 10 millions d’emplois, il se bat moins contre la mafia que contre le min. de la santé. Or, l’Etat a bien du mal à sévir contre un secteur connoté dans l’imagerie «révolutionnaire» (tous les leaders fumaient, de Mao à Deng), et qui lui versait en taxes 80MM$ en 2009.

Sur le terrain, monopole et pirates prospèrent de concert. En 15 ans, la production de tabac au noir a octuplé à 2 milliards de cartouches/an, 10% du marché intérieur. Vaisseau amiral de la pègre de Nicot, la ville de Yunxiao (Fujian) cache + de 200 usines aux cachettes parfois folkloriques (sous un lac, sous un temple taoïste), et 50% du débit illicite national. L’État y perdrait 7 MM² en recettes fiscales. Aussi tente-t-il – ou au moins une partie de lui – de lutter, pour récupérer ce pactole, et prévenir 3,5 millions de décès/an du tabac d’ici 2030 (il en est à 1,2 million/an en 2010), affectant sa population active et lui faisant assumer la charge des orphelins. L’année 2008 voyait 3312 descentes dans des ateliers clandestins, 7128 arrestations et la saisie de 41,5 millions de cartouches.

Mais les trafiquants sont soutenus, en sous-main, par les pouvoirs locaux soucieux de préserver un emploi irremplaçable et leurs propres taxes grises. Il faut, en plus, pouvoir arriver jusqu’à ces usines armées jusqu’aux dents. Arrêtés, les employés s’en tirent avec une amende et les patrons avec trois ans, la peine minimale. Quant à la délation rémunérée, nul n’ose s’y frotter, par peur des représailles.

Dans ce trafic rentable, la tendance est à la mondialisation : produit à 1,3¥ à Yunxiao, le paquet de Marlboro se vend à 5¥ en Chine, mais à 25¥ aux USA (4$). Selon un douanier américain, même si 9 lots sur 10 étaient saisis, le trafiquant resterait bénéficiaire. Or, on en est loin—les saisies dans les ports européens sont évaluées à 1/10ème.

Dans cette affaire, tous les Etats, Chine comprise, sont victimes : loi bafouée, perte fiscale (12MM² pour l’Union Européenne, dit Europol, et 30MM² dans le monde entier) et, selon l’OMS, l’Organisation mondiale de la Santé, «1 milliard de morts au cours du siècle», dont le coût restera à charge des Etats, et non des pirates. D’autant plus que ces copies sont plus nocives que les marques d’origine : +80% en nicotine, +130% en CO, sans compter les traces de pesticides et autres innommables déchets.

Aussi pour l’avenir, la coopération s’organise timidement. l’Union Européenne et les USA ont fait venir à Pékin leur «  Mr anti-tabac », pour coordonner la lutte avec l’autorité locale. Toutefois, vu les méfiances idéologiques ou culturelles qui perdurent, il devra passer beaucoup d’eau sous les ponts diplomatiques, des décennies sans doute, avant que nos pays puissent ensemble saisir par les cornes et terrasser le taureau du petit gris au marché noir...

 

 


Agroalimentaire : Maïs — Corne d’abondance et pénurie

Les paysans achèvent de moissonner leur maïs. La récolte s’annonce plantureuse, et les prix sont bons. Même si engrais, semence, machines, carburant ont eux aussi fusé de 10%/an en moyenne depuis 2004. Pourtant le Département américain de l’agriculture (USDA) annonce le 13/10 un nouveau record d’exportation vers la Chine avec 900 000t d’un coup, et Hanver Li, chercheur chez SJCI prédit une hausse de l’import à 5-10 millions de tonnes en 2012, culminant à 15 millions de tonnes en 2015. Pourtant jusqu’à 2010, la Chine exportait encore. Que se passe-t-il ?

La hausse du niveau de vie entraîne une plus forte consommation de viande, d’oeufs et produits laitiers, et donc de l’approvisionnement de maïs pour l’élevage (70% de la production). La Chine est ainsi passée 2ème consommateur mondial de maïs. Pour le Département, d’oct. 2011 à sept. 2012, la Chine produira 178Mt (+2,9%) mais consommera 182,5Mt (+6,1%). Ce déficit cause la déplétion des stocks, l’inflation alimentaire (+13,4% en sept.) et la hausse des cours (+70% depuis 2010 en bourse de Chicago).

Or le ministère de l’Agriculture sait que ce n’est qu’un début. Pour pallier l’explosion de la demande, il prépare un «grand effort» en production de maïs, sur un terroir amputé de 8 millions d’ha depuis 1996. Parmi les moyens disponibles, comptent l’investissement massif en irrigation économe, les OGM, ou, à long terme, un passage à la propriété privée du sol, racine de l’investissement paysan.

En attendant, d’autres se préparent : tel le géant public de l’import céréalier COFCO, qui se lance sur tous continents dans l’achat de terres cultivables, de parts dans des groupes agro-alimentaires … La chasse est ouverte !


Economie : Taobao : coup de torchon dans le B2C

Depuis 2003, selon l’institut Iresearch, Taobao, leader du commerce chinois en ligne (groupe Alibaba ) a empoché 33% du marché (B2C, de pro à particuliers) avec 40 millions de comptes clients, 50 000 comptes marchands et 70 000 marques. Sa formule était imparable, offrant la gratuité aux micro-vendeurs, taxant les autres de 6 000¥. Mais bientôt, dans cette fièvre dévorante et conquérante, apparaissaient les inévitables maux de jeunesse…

Dès 2009, des cadres trichaient avec 2300 vendeurs, leur offrant licences et labels de qualité, bien qu’ils facturent sans livrer. En février, ce dérapage avait contraint une centaine de ces cadres à démissionner.

C’est pourquoi dès juin, le PDG Jack Ma restructurait son groupe en trois branches : E-tao pour la recherche en ligne, Taobao Mall pour le B2C et Taobao Marketplace pour le C2C (commerce amateur). Puis le 10/10, il complétait ce plan d’assainissement : sur Mall, la licence est jusqu’à décuplée—de 30 000 et 60 000¥/an, dont le commerçant peut espérer récupérer 50 à 100% un an plus tard, selon son chiffre d’affaires et surtout l’indice de satisfaction du client (minimum 4,6 sur une échelle de 5). Mall chargera aussi, par types de commerce, 10 000 à 150 000¥ de caution, pour dédommager le client en cas de plainte légitime.

C’est un remède de choc, destiné à décourager amateurs (relégués dans « Marketplace ») et escrocs. Mais les PME y voient un mauvais coup, prétendant les évincer car de facto remplacées par les réseaux de distribution des grands groupes industriels, qui se sont activement concentrés ces dernières années. Aussi le 12/10, 40.000 petits vendeurs discutaient sur un forum et annonçaient une guérilla commerciale, lançant des vagues de commandes via Taobao, avant de les annuler, coûtant aux fournisseurs le prix du transport et la dégradation de leur indice de satisfaction. Le ministère du commerce s’est ému de l’histoire (15/10), appelant à ménager des PME à la situation déjà difficile.

Le 17/10, Taobao fit un geste, offrant neuf mois de délai de grâce aux vendeurs déjà enregistrés et bien notés, une réduction de moitié de la caution et un plan d’aides de 282 millions de $ pour consolider les meilleures PME dans la structure Mall—mais la bataille fait toujours rage.

Sur le long terme, le sursaut de vertu d’Alibaba peut viser une expansion vers l’étranger de ses ventes de produits chinois, mais aussi la concrétisation d’un rachat de Yahoo! (son actionnaire à 40%, en difficulté chronique) – impensable en l’absence d’une image de partenaire responsable et sérieux. Alibaba souhaite en tout cas doubler en 2012 le volume des transactions de Taobao Mall, à 200 milliards de ¥uan, en synergie avec les groupes industriels.

Enfin, en faisant « peau neuve », le groupe de Jack Ma prend des risques. Parmi la multitude de ses concurrents, le n°2, 360buy.com (partenaire de Wal-Mart, Groupon et DST, 12% du marché chinois B2C) prépare son entrée en Bourse de New York (NYSE) en 2012, pour 5 milliards de $, et pourrait attirer les petits marchands déçus de Taobao. Idem, Tencent, un des poids lourds de la toile chinoise, s’échauffe au bord de la cendrée : il lance sa propre plateforme, gratuite pour les petits commerçants (13/10) -c’est un appel du pied ! Avec dans sa poche, un atout des plus sérieux—ses 650 millions de comptes QQ. De quoi faire comprendre à Taobao que le temps du monopole touche à sa fin.


Petit Peuple : Ningxia – la filière du yack

« Chris », 18 ans, n’avait pas toujours été yankee. Il gardait mémoire de Chine, de l’orphelinat de Luoyang (Henan) où il vécu 12 ans plus tôt. Il se languissait de revoir sa terre, ses parents d’autrefois—de comprendre pourquoi il avait été abandonné. Selon la fiche de l’établissement, Jiacheng (son nom d’alors) avait été déposé le 27-02-99. Mais l’information puait le trafiqué: une ayi et un cliché attestaient de sa présence sur place, dès 1998 à tout le moins.

Julia, la mère adoptive américaine, avait repris l’enquête à zéro. Avec les souvenirs de Chris, elle avait monté un dossier, envoyé en avril 2009 à «baobeihuijia», site spécialisé dans la recherche d’enfants perdus.

Dans les limbes troubles de sa mémoire, ses parents, des paysans, répondaient aux noms de Jing Gaoke et Shao Julian. Ils dormaient sur un kang, cultivaient maïs et pommes de terre, élevaient des yacks aux longs poils blancs et noirs, que le môme chevauchait le soir, de retour du point d’eau.

Une fois traduites, Baobei huijia retransmit ces données à ses 10 000 bénévoles, avec pour mission de localiser «Dongjiakou». Sur la quinzaine de villages de ce nom en Chine, ils en retinrent deux, au Qinghai et au Ningxia : seules régions où l’on séchait les nouilles au soleil, où les torrents tarissaient parfois, et surtout, d’où le bus pour Luoyang prenait trois jours et trois nuits – selon l’Odyssée vécue par Jiacheng vers son pensionnat.

Notons au passage, l’écart entre les versions de l’orphelinat et de Jiacheng, sur le mystérieux adulte qui l’emmenait alors : pour l’un, un «policier qui l’avait trouvé sous un pont», pour l’orphelin son 1er père adoptif.

Car le parcours de l’enfant avait été tout sauf simple. À cinq ans, il avait été adopté par un couple de médecins de la ville, où il avait coulé trois années de bonheur naïf. Jusqu’à ce jour où, sur un coup de blues, se languissant de son papa et sa maman, il avait fugué. Rattrapé, il s’était retrouvé à l’orphelinat, chassé du paradis perdu.

L’enquête patina jusqu’en juin, où un bénévole rechercha sur le web les noms des parents. Jusqu’alors, croyant que de simples fermiers ne seraient pas cités sur internet, tous avaient négligé cette procédure élémentaire. Or, après 5 minutes, bingo : apparurent les noms de deux médecins, co-auteurs d’un article dans une revue médicale du Ningxia. Une clé de l’énigme était trouvée.

Le volontaire appela le Dr Jing Gaoke—et subit une immédiate rebuffade. Avec acidité, ce dernier clama n’avoir jamais eu de fils adoptif, et lui raccrocha au nez. Désarçonné, Baobeihuijia se ressaisit pourtant bientôt et poursuivit l’enquête : bientôt, à l’hôpital de Ningxia, il dénicha un chirurgien qui jura que le couple avait bien perdu, il y a longtemps, un enfant adopté. Mais pourquoi avoir menti ? Il s’agissait de filer doux et calmer un Jing Gaoke, à l’évidence angoissé.

A force de psychologie, les enquêteurs finirent par faire avouer au père cette paternité qu’il refusait. Jiacheng était bien son fils, adopté en 1995 de son frère fermier — il fallait alors contourner la loi de l’enfant unique, et éviter l’amende, quoique la belle-soeur vienne de retomber enceinte. Si le toubib perdait les pédales au souvenir de cette maudite année 1997, c’est que lors d’une ballade à la campagne, ils avaient perdu Jiacheng. Le drame avait brisé le clan. Les frères s’étaient battus. Shao, sa femme, était tombée en dépression. Pendant des années, mille faux prêtres du Tao, maîtres de Fengshui, détectives marrons, se pressaient à leur porte pour leur vendre une piste qui s’avérait toujours bidon. Depuis, Jing fuyait ces escrocs.

Mais cette fois était la bonne: Chris et ses trois couples de parents se rencontrèrent, renouant les liens perdus. Baobeihuijia fut encensé par les média, d’avoir trouvé l’aiguille non dans la meule de foin mais « au fond de la mer » ( h ǎ i lāo zhē n , 大海捞针).

Seule ombre au tableau : qui, en 1997, avait porté alors le bambin à l’hospice ? Et si Jiacheng avait dit vrai, et que c’était Jing Gaoke, en rage aveugle après sa fugue, qui l’avait abandonné pour le punir ? Cela expliquerait son terrible sentiment de culpabilité, et son peu d’ardeur à faire face à son fils, 10 ans après… Mais chut, tout le monde se tait, pour que la joie du happy end reste sans ombre, la question ne sera pas posée !


Rendez-vous : Report du 14ième Sommet Chine – Europe (Tianjin)

Report du 14ième Sommet Chine- Europe, (Tianjin 25 octobre), pour cause de priorité au sauvetage de l’Euro

26-28 octobre, Pékin, 2ième Forum Culturel de haut niveau – thème « Inventing Cities »

25-28 octobre, Shanghai : China Pharm, Salon pharmaceutique

26-27 octobre, Shanghai : Salon du textile européen

26-28 octobre, Pékin : ILOPE , Salon de l’optoélectronique

26-28 octobre Anren, Sichuan  Forum sur l’aménagement et les équipements de montagne, organisé par Ubifrance et « Coopération Alpes-Sichuan »