Le Vent de la Chine Numéro 23

du 19 au 25 juin 2011

Editorial : Mer de Chine — Avis de coup de vent

En mer de Chine méridionale, à 40km au large de DaNang le 13/06, la marine vietnamienne tenait des exercices, presque sans préavis. Les 8-10/06, 14 navires de l’APL (sous-marins, destroyers équipés de missiles anti-porte-avions de l’armée chinoise) traversaient la chaîne des îles nippones et s’entraînaient dans le Pacifique-Ouest à « défendre les atolls et protéger les lignes de navigation » – sous les yeux du Japon et de Taiwan en alerte.

Ce branle-bas est poursuivi par toutes les forces navales de la région: seconde sortie de l’APL en Pacifique-Ouest notifiée fin juin, exercices Behai taiwanais près de l’île Taiping; manoeuvres mixtes US-Philippines Carat à l’Est de Palawan (28/06-8/07, 6 bateaux de l’US-Navy), manoeuvres conjointes US-Vietnam avec la 7ème flotte US d’Okinawa, 2 destroyers, un porte-avions…

Manille rajoute à la tension en rebaptisant « sa » mer de Chine «Mer des Philippines -Ouest» et en lançant son vaisseau amiral Rajah Humabon contre le Haixun 31, garde-côte de 3000t que Pékin vient d’envoyer «faire respecter sa souveraineté». Hanoi elle, brandit le spectre de mobilisation générale: selon l’expert australien C. Thayer, «les relations sino-vietnamiennes sont au plus bas depuis 1992 » -et celles sino-philippines, de même !

Mais comment en est-on arrivé là ?

On a décrit (VdlC n° 21) les démêlés récents mois entre ces trois pavillons, dans des zones multi revendiquées. Il s’agit d’incidents mineurs, (câbles coupés par des chalutiers, accusations de tirs sans victimes ni dégâts). Apparemment voulus pour provoquer sans franchir le point de non-retour. Qui en est l’auteur? C’est au fond un point secondaire -les deux bords ayant chacun des extrémistes capables du passage à l’acte-, mais les petits pays semblent y avoir eu le plus intérêt.

Le problème réside dans la revendication de Pékin sur toute la Mer de Chine, ne laissant aux voisins qu’une bande côtière de 32km et n’acceptant de «négocier» qu’unilatéralement. Dès 2009 à Qingdao, l’APL dévoilait une flotte moderne, qui comptera 350 unités d’ ici 2015. Et dès 2010, elle s’en servait, imposant sa loi sur cette mer intérieure, arraisonnant par centaines les chalutiers des petites nations riveraines.

Sa supériorité navale (bientôt renforcée d’ici décembre par l’arrivée du porte-avions Shi Lang, l’ex-Varyag ukrainien racheté en 1998), a fait vite saisir aux pays de l’ASEAN (Association des Nations d’Asie du Sud-Est) leur vulnérabilité. Elle a inspiré des réconciliations éclairs de leurs conflits antiques et suscité un réarmement et une alliance express, encouragés par les USA (Robert Gates, Secrétaire à la Défense).

Hanoi et Manille, à l’évidence, jouent leur chance, la seule pour éviter la confiscation de leur espace naval. Sourds aux exigences de Pékin, ils internationalisent le conflit. Hanoi commande à Moscou 2MM$ d’armes, six sous-marins classe Kilo (rénovés, équipés des derniers sonars) et des bombardiers Sukhoi 30. Elle lui fait rebâtir sa base de Cam Ranh, la meilleure rade de Mer de Chine et en offre l’accès à toutes les flottes militaires que la Chine voudrait tenir à l’écart : l’américaine, l’australienne, la coréenne et l’indienne.

Par toutes ses actions, l’état-major chinois exprime qu’il n’est pas d’humeur à la souplesse. Le potentiel de dérapage en conflit est évident, pense L. Goldstein, du US Naval War College.

Pékin accuse les USA de double jeu, et d’être « le seul véritable gagnant de cette crise qu’il instigue ». Certes, Washington a été trop heureux de retrouver son rôle, déserté sous G.W. Bush, d’arbitre-gendarme de la région. Mais on veut bien croire Obama quand il se dit «troublé» par ce risque de conflit, et milite pour «un mécanisme de règlement pacifique» via la Convention de l’ONU sur le droit de la mer… que la Chine, à cette heure, prétend ignorer…

L’envoi par la Chine du Haixun 31 enfin, est encourageant : il est un navire civil, peu armé, et sa destination est Singapour, terre étrangère. Clairement, le gouvernement préférerait éviter l’affrontement, pour sauver ses espoirs d’image «soft power» et consolider l’arrimage de l’ASEAN en sa sphère d’influence. Mais que pèsera cette aspiration face aux besoins en pétrole dont regorge cette mer, et à l’Etat dans l’Etat qu’ est 我们的新长城 «notre nouvelle grande muraille»? L’avenir seul le dira !

 

 


A la loupe : L’été social si chaud, que le modèle en casse

Xintang, Lichuan, Tianjin, Xilinhot…

Sans fin, la série d’émeutes et de bombes de l’été se poursuit, mal cachée par une censure sur les dents. La fermeté règne, mais d’une efficacité peu évidente. Il fallut 5 jours à 1000 agents spéciaux et à des 100aines de chars pour rétablir un semblant d’ordre dans Xintang (Canton) dévasté, aux voitures brûlées et offices détruits. Tout cela, suite à un incident mini-me au départ, mais mal géré, bavure d’agents municipaux sur un camelot et son épouse de 20 ans, enceinte.

A ce climat explosif, bien des ingrédients concourent : les chaleurs de l’été que les coupures de courant n’arrangent pas, la valse des prix des vivres, le taraudant soupçon sur la sûreté alimentaire… Mais surtout, la rue ne supporte plus les failles toujours plus claires dans la gouvernance sociale : l’envahissante corruption des cadres, l’arbitraire des chefs, la substitution de la médiation à la justice au nom de l’harmonie sociale.

Autant de problèmes anciens, bien connus mais sans solution, dénotant le déficit en réformes socio-politiques et la volonté arrêtée de conservatisme. Zheng Yongnian, de l’université de Singapour remarque que « tant de groupes sociaux en colère donnent le sentiment d’une tension entre pouvoir et peuple ». Sentiment confirmé par ce sociologue de l’université Tsinghua qui révèle une hausse fracassante des incidents de rues en Chine ces dernières années : 74.000 en 2004, 127.000 en 2008, 180.000 en 2010.

L’appareil est fort conscient du problème. Mais un de ses drames, est sa tradition, qu’il ne peut dépasser, de la gestion des problèmes via une perception individuelle du cadre, «seul maître à bord»: de moins en moins performante face à des situations sociales toujours plus complexes. Face aux émeutes de Xintang, le Secrétaire provincial lance sans état d’âme la police spéciale. Pour sa fermeté, à 18 mois du XVIII. Congrès, il peut espérer une promotion. La décision est logique dans une perspective de carrière -mais le Parti, et l’harmonie sociale auraient -peut-être- gagné à plus de souplesse.

Face à toutes ces dysfonctions, le désarroi du régime est tel, qu’on le voit recourir à des moyens inhabituels dans son histoire.

Les 7-9/06, sous l’égide du Département International du Parti communiste chinois, sept organes essentiels recevaient six universitaires étrangers en un « atelier international pour la construction du PCC ». Les Départements Internationaux de la Propagande, de l’Organisation, le Bureau de recherche politique, la Commission d’inspection de la discipline et le Centre de recherche sur l’Histoire du Parti souhaitaient leur présenter les progrès de la vieille machine, et solliciter leurs avis.

Les hôtes furent reçus avec ouverture et humilité, mais non sans a priori. Ces apparatchiks de très haut niveau se montrèrent collectivement convaincus d’avoir fait un sans faute économique et d’importants progrès dans la lutte contre la corruption, la formation des cadres et la mise en place d’une échelle méritocratique pour remplacer le sérail de l’aristocratie rouge. Aussi ne comprenaient-ils pas les critiques de « stagnation » ou de « réforme bloquée », et se demandaient sincèrement où leur raisonnement pêchait. «Au fond», dit Kerry Brown, un des hôtes étrangers, « ce qui les hante, est le passage de la pratique révolutionnaire, à un état de droit : en 90 ans de pouvoir, la question chez eux, n’a jamais été tranchée » !

 

 


Joint-venture : Moscou, Pékin ne déclarent pas (encore) leur flamme

Le voyage de Hu Jintao à Moscou (15-18/06) n’a pas suffi pour faire aboutir 10 ans de négociations gazières.

Entre le 1er marchand d’hydrocarbures et le 1er acheteur d’énergie de demain, il n’y eut pas accord. Vue la taille planétaire du deal, et pour faire fondre les préjugés séculaires entre ces deux cultures Ouest et Est, il faut bien tout ce temps. Entre Gazprom et CNPC (Compagnie Nationale Pétrolière), le contrat à long terme porterait à Shanghai (via le gazoduc de l’Altaï) 68MMm3/an- soit 60% de la consommation chinoise en 2010 (source BP).

Mais à quel prix ? La Russie est en position de force, vue la raréfaction des ressources énergétiques mondiales et le triplement programmé de la demande chinoise en gaz d’ici 2020. Après Fukushima, elle voit Berlin et Tokyo se détourner du nucléaire vers le gaz—son gaz, qu’elle leur vend à 350$/1000m3 fin 2011 et bientôt 500$, dès décembre. Mais Pékin allègue de sa position de 1er client en volume, de la concurrence du gaz kazakh ou birman, et fait miroiter sa possibilité de saupoudrer de russe sa filière nucléaire… à condition d’un tarif «beaucoup plus bas».

Pas d’accord donc, mais les partenaires entament sans attendre la construction du gazoduc de l’Altaï, opérationnel d’ici 2015. Depuis quelques mois, ils ont déjà l’oléoduc sibérien qui fournit à la Chine 15millions de tonnes/an (les projets sont de le tripler), et 12 millions de tonnes de charbon russe exporté cette année.

Leurs échanges en sont à 60MM$ cette année, qui feront 200MM$ en 2020 : la confiance est là.

 

 


A la loupe : Smart cities chinoises – techniques européennes

‘A Pékin les 7-8/06, Energy in China, la table ronde de l’Asia Centre (SciencesPo-Paris), pour sa 6e session, réunissait industriels, financiers et officiels européens et chinois autour du thème Feeding smart and sustainable cities.

Pour M-H. Schwoob, l’organisatrice, il s’agissait de définir ce qu’est une ville écologique intelligente, où en sont les énergies renouvelables, comment limiter les pertes de réseau par effet Joule —les deux tiers du courant produit avant d’arriver au consommateur.

Une autre question a été celle de l’efficacité énergétique des bâtiments en Chine, déchirée entre les impératifs d’économiser la chaleur et de renouveler l’air. En juin 2010, suivant le Centre National de Prévention & Contrôle des maladies, 2,2 millions de Chinois, dont 1 million des moins de cinq ans mouraient de troubles respiratoires, dus à la pollution en appartement, 5 à 10 fois supérieure à celle du dehors…

Parmi les soucis exprimés lors du séminaire, figurent :

[1] le non raccordement des fermes solaires ou éoliennes au réseau – problème technique, qui mettra des années à se résorber.

[2] le souci du financement. Les techniques sont là, innovantes mais chères et les règlements se mettent en place, comme le tarif d’achat (feeding tarif). Ce qui manque est un retour sur investissement décent. L’investisseur pourrait accepter cinq ans. La technique en permet sept, et pour ne rien arranger, le « profit » des économies d’énergies se mesure en argent non généré, mais épargné—peu incitatif.

C’est le souci n°1 de la Sino-Singapore EcoCity en construction à Tianjin depuis 2008, présentée par Goh Chye Boon, son CEO «financement».

Malgré la participation du groupe Keppel ou du bras financier du Qatar, le projet ne tient que par la volonté publique, et ne bâtit pour l’instant que 1,2km², sur les 32,4km² alloués par la mairie à cette ville satellite à 40km à l’Est du centre ville.

Malgré cela, cette ville, par son intégration de techniques, a plus de chances que d’autres projets d’Eco cities aujourd’hui bloquées (Erdos/Mongolie Intérieure, Chongming/Shanghai). Son habitat sera 100% green, avec 20% d’énergie autonome (biomasse, éolien, solaire). Evacués par circuit pneumatique, les déchets domestiques seront recyclés à 60%. La ville limitera son empreinte carbone à 150t par million de dollars de PIB, lui permettant de revendre des crédits d’émission dans le cadre d’un système mondial «post-Kyoto». Les eaux usées seront retraitées et iront dans les canaux ou (avec l’eau de mer désalinisée et la collecte des pluies), les 50% d’eau courante autonome.

L’éco-city prévoit 12 écoles, un hôpital, un parc commercial. Les transports associeront voiture électrique, vélib et tram. Chacun des 350.000 habitants disposera de 12m² de verdure, et un air d’une pureté de classe II.

Fruit de tous ces efforts, le résultat sera un site urbain des plus modernes et confortables – s’il parvient à trouver, et à imposer toutes les solutions techniques et culturelles, en éclaireur pour les autres villes de la planète.

 

 


Argent : Varsovie-Berlin, l’Autoroute du dumping

Rien ne sonne juste dans ce chantier de l’autoroute A2, Varsovie-Lodz-Berlin.

En 2009, la Pologne sonnait un coup de cymbale dans le ciel des chantiers publics européens, en concédant ce tronçon de 50km à une filiale de China Railways, la COVEC, la moins chère, à – de 50% du budget cible (de 710M²).

L’Allemagne avait crié au dumping, soupçonnant Pékin de se servir de la Pologne comme tremplin vers les juteux marchés du génie civil européen. D. Tusk, le 1er ministre, prenait un risque : l’ouvrage devait fonctionner à l’ouverture en juin, de l’EURO 2012 de football (UEFA). Or, rapidement la COVEC subit des retards et se mit à ne plus payer les firmes sous-contractantes, pour tomber en faillite en mai, alléguant des hausses « incompréhensibles » des prix des matériaux et des retards de financement par le client. Elle demandait une révision du contrat, refusée par  Varsovie -qui réclame 190M² de pénalités, et cherche d’urgence une firme capable de rattraper les dégâts.

Mais voici une énigme, soulevée à Pékin en mai par Pierre Lellouche, ministre français du commerce extérieur : le deal aurait bénéficié de subventions de Bruxelles ce qui, sous ce soupçon de dumping cassant l’emploi européen, faisait mauvais genre.

COVEC aurait-elle été débarquée par Varsovie, pour prévenir un scandale ? Pourquoi China Railways (et Pékin) n’ont-ils pas soutenu ce 1er chantier-phare? Finalement, la messe est dite. Covec et Varsovie se sont mis d’accord pour annuler le contrat. Cette décision deviendra officielle dans deux semaines et Varsovie envisage déjà de reprendre le chantier à la fin du mois de juillet.

 

 


Temps fort : PCC : le « management social », nouveau mot d’ordre

En Chine, tout leader veut laisser sa trace dans l’histoire, dans la pensée du Parti communiste chinois.

Jiang Zemin avait proposé ses «3 représentativités». Hu Jintao lança sa « société harmonieuse », puis en février (comme digue contre les idées du printemps arabe) son management social (社会管理) : socle d’outils pour améliorer l’image du régime, tout en renforçant la censure, la discipline de parti, la sécurité publique.

Parmi ces mesures, la Cour suprême réitère aux tribunaux une consigne de 2008, de «limiter» la peine de mort «tant que possible». Mais on ignore encore l’impact futur de la recommandation – de source officielle, la mesure de 2008 aurait réduit de 15% les peines capitales.

Par la voix de son Président Wang Shengjun, la Cour Suprême renforce (30/04) le traitement des pétitions, recours du citoyen contre les abus du cadre. Selon cette directive, toute pétition doit être traitée par les tribunaux qui doivent évaluer le risque, informer Pékin, offrir au plaignant un rendez-vous, et surtout une médiation, avec assistance psychologique et juridique. Sur le fond, la médiation annule la plainte, pour inciter les parties à s’entendre. Amorcé depuis 2006, le tournant est à 180°: selon les magistrats, les médiations ont triplé de 2004 à 2009, pour traiter la moitié des plaintes de 2010. Problème: médiation n’est pas justice, surtout pour les petites gens spoliées. En pratique, le choix du pouvoir de privilégier la médiation sur le jugement aurait brisé 20 ans de réforme judiciaire en Chine. Ce qui contribue pour beaucoup à expliquer le climat actuel très tendu (cf article p.3).

Autre technique de management social : la hausse des salaires, surtout des bas, supposée suivre celle du PIB sous le XII. Plan. Ici, un acteur d’ordinaire déconsidéré parmi les masses laborieuses, est supposé tenir le rôle du chevalier blanc : le syndicat unique ACFTU, contre les multinationales. Les corporations des Fortune 500 sont 4800 en Chine.

D’ici 2013, croit Guo Chen, un des hauts cadres syndicaux, 95% devraient avoir entamé des palabres de conventions collectives. Mais il y a loin de la coupe aux lèvres, les employés ignorent leurs droits, et n’ont guère de pression—sauf là où la masse salariale se fait rare…

Autre effort : désendetter les provinces.

Les 600MM$ d’aides d’Etat de 2008 ont souvent atterri chez leurs 10.000 organes financiers «gris», montés pour contourner l’interdiction d’emprunter. Ils ont financé des «usines à gaz» non profitables, causant selon Pékin une dette de 1500MM$, dont jusqu’à 450MM$ insolvables. Montant gérable, mais en le cumulant à la dette centrale, on arrive à 80% du PIB, selon A. Batson, consultant pékinois. Aussi, début juin, la rumeur prêtait à l’Etat le plan de placer 3800 des maisons faillies sous l’autorité de structures de défaisance, comme cela s’était fait en 1999 pour les quatre grandes banques d’Etat ; une autre part de cette dette étant refinancée par des obligations—aujourd’hui interdites aux provinces…

Le bruit fut accueilli avec doutes:

[1] sur des montants si grands, il faut du temps, et une capacité de compromis transcendant les intérêts locaux.

[2] qui paiera ?

Si c’est la rue, le marché en pâtira. Si l’on touche aux PME, c’est l’industrie qui désinvestira. D’autre part, ce désendettement n’offre aucune garantie de briser ce cycle de dettes et de réemprunts pour des projets douteux. Victor Shih, économiste américain, voyait en 2009 la dette provinciale atteindre 3700MM$, la moitié du PIB… D’une certaine manière, c’est le crédit et la finance chinoise qui sont en échec et si rien n’est fait, la capacité du prochain pouvoir à changer la donne. Faute d’avoir disposé d’un terrain sain au départ !

 

 


Petit Peuple : Chongching – Liu Caodong, la fin du couteau à double tranchant

Destinée simple et éphémère, Liu Caodong file dans la nuit noire, pilote de course dont chaque année d’existence semble compter pour 10, empli à l’excès de fureur de vivre. Né en 1985 d’une famille aisée de Chongqing, dès l’âge de 15 ans, il s’initie à la conduite sur la Jetta de ses parents. A 17 ans il dispute son 1er rallye puis à 18 ans le championnat de Chine-CRC (rival du « Championnat de Chine/Asie Pacifique ») au volant d’une Mitsubishi Lancer.

Remarqué par beaucoup d’écuries automobiles étrangères (à l’affût d’espoirs du volant, pour se faire connaître du public chinois), il est embauché en 2004 par VW (groupe FAW) pour le rallye de Chine qu’il gagne : le voilà champion, à 19 ans !

Suivent 4 années fastes. Braun, la grasse écurie privée américaine le prend sous son aile. Il regagne le CRC en 2006 aux mannettes d’une Impreza WRX. Il est élu 1er «pilote chinois de l’année» et passe dans la cour des grands, aux grosses cylindrées, à l’international. Braun l’aligne sur le CdC/AP de 2007. Ford l’invite aux tests du rallye d’équipe Wales au Royaume-Uni, au volant d’une Volvo.

Juin 2008 marque l’apogée pour Caodong, qui reçoit à 23 ans le titre de « plus rapide pilote de Chine». C’est Xu Lang ou plutôt son fantôme qui lui passe son sceptre glacé : ce souverain en titre de la course chinoise (vétéran du Dakar) venant de retrouver sa vieille fiancée la mort, lors d’un rallye russe.

Entre-temps, Liu convole, et s’offre en cadeau de noces une F430 spider – car. Telle est sa vie, jamais vraiment coupé du shoot de l’adrénaline et les relents de gomme brûlée. Entre deux courses, il rentre à Chongqing, pratique le mountain bike pour l’endurance, le golf pour la concentration. Il fait tout à l’excès, heures diurnes de jeux internet, bombances nocturnes avec les copains – bière, gin, plats incendiaires au piment du Sichuan.

Au championnat « AP »- 2008, il sacre sa 3ème victoire nationale, puis s’attaque au championnat de Nle Zélande – sa 1ère apparition en championnat du monde.

Vient  l’automne, et sa mauvaise nouvelle : partout, les budgets s’épuisent dans le sable de la récession. Pour tenir, les écuries misent sur des mercenaires anglais ou scandinaves, pas trop chers (2ds couteaux) et plus rapides. Liu doit faire figuration, comme au rallye de Chine (CRC) en septembre à Shaowu (Fuzhou), où il finit 2d derrière le finnois Jarkko Miettinen sur Mitsubishi. C’est alors qu’il gagne le sobriquet de «couteau à double tranchant», pour son style toujours plus téméraire et trompe-la-mort.

A ce prix, il reste en course: en fin de saison, Ford le réinvite au Wales, cette fois par la grande porte de son écurie Stobart. Mais le cadeau s’arrête là : débarqué en Angleterre à la veille de la course, sans aucun jour libre pour s’acclimater à la voiture, au parcours inconnus, au coéquipier anglais dont il ignore la langue, ils finissent 27èmes : Ford fait sauter sa place en championnat du monde.

La chance a tourné : en 2009 «pour quelques points», il rate le CRC et en 2010, il doit se contenter d’un titre honorifique, le CRC Arena. Il ronge son frein.

En 2011,le balancier revire de bord. Ayant raté plusieurs épreuves comptant pour le CRC, Braun sort les grands moyens, pneus Hancook exclusifs, 2 Mitsu gros cubes. Autre atout de Caodong, les mercenaires européens sont repartis… Mais voilà, au moment où il a tout en main pour renouer avec la gloire, il n’y croit plus. À chaque essai, il quitte la pis-te et doit subit un humiliant « savon» du chef d’équipe.

Juste après, au mariage d’un copain à Chengdu, le pilote déboussolé s’envoie des litres d’alcool blanc baijiu. Il s’effondre, meurt 18 jours plus tard, à 26 ans. Sur la toile, les amis des cinq continents se recueillent, célébrant son enthousiasme et son talent. «RIP», répètent-t-ils, « les chandelles s’éteignirent et la lune disparu t» (烛尽月沉 Zhùjìn yùechēn) : conscients d’avoir perdu un brave, modeste et sans chichis : un des tous premiers de leurs frères en Chine.

 

 


Rendez-vous : A Pékin, Les salons de l’énergie propre et de l’éolien

21-23 juin, Shanghai : HI China, Conférence sur les ingrédients alimentaires de santé

21-23 juin, Shanghai : CPHI / P-MEC China, Salons sur les ingrédients et équipements pharmaceutiques

21-23 juin, Shanghai : PCIM China, Congrès int’l pour l’électronique de puissance

21-23 juin, Shanghai : FI Asia, Slon des ingrédients alimentaires

22-24 juin, Pékin : Clean Energy Expo China et Wind Power Asia

23-25 juin, Canton : ExpoLab, Salon des équipements de laboratoire