Le Vent de la Chine Numéro 13

du 10 au 16 avril 2011

Editorial : Conjoncture – le refroidissement fonctionne-t-il ?

Début 2011, quand Pékin s’avisa que l’économie restait en surchauffe due à l’immobilier, il mit en branle un plan drastique pour reprendre la main – la stabilité du régime en dépendait. Mais quatre mois plus tard, quand on tente d’établir un bilan, celui-ci aboutit à des conclusions bien diverses, selon qu’on est banquier, industriel ou promoteur.

[1] Les carnets de commande industriels ont rebondi en février.

Qu Hongbin, chef économiste à HSBC, voit la croissance«s’adoucir  sans atterrissage dur», à 9,5% (voire 9,7%) au 1er trimestre, selon Yi Gang, n°2 à la Banque centrale. L’indice PMI grimpe en mars à 53,4, contre 52,2 en février. Le secteur du ciment ralentit: 12% cette année (15,5% en 2010), 8% attendus en 2012, pour ne «plus jamais» revenir aux hausses à double chiffre, croit Cao Jiangling, patron du 1er cimentier CNBMC.

[2] Ce ciel bleu un rien optimiste, est grisé par les bilans des banques. Les profits de 2010 furent juteux, +26% chez CCB, mais celle-ci doit inscrire un + 2,5% des provisions pour prêts irrécupérables à la campagne. Car les « 4 soeurs », grandes banques d’Etat se sont jetées sur les prêts ruraux, comme moyen de contourner l’austérité. 2011 verra l’ouverture de 1027 agences rurales: expansion risquée, en l’absence d’un système d’assurance-dépôt. D’où la flambée des mauvaises dettes.

En mars, les grandes banques prêtèrent 242MM¥, 8,6% de moins qu’en mars 2010. En janvier et février, les dépôts nouveaux, à 1300MM¥ se sont effondrés, comparé à 12 mois plus tôt (2500MM¥). C’était la moindre des choses, alors que l’inflation de 4,9% faisait plonger dans le rouge le taux d’intérêt de 3%. On voit alors la contradiction : des prêts en baisse mais une croissance ferme, symptôme d’une finance de l’ombre, qui prend le relais. Cette banque grise, les analystes estiment son volume à un tiers du PIB, soit 305MM$/an. La banque « pignon sur rue » n’assurerait plus que 50% de tout financement. A Wenzhou (Zhejiang), la Banque centrale découvre que 89% des familles et 57% des entreprises y ont recours—4% par mois est un taux courant, dans les monts de piété et autre institut de crédit moins ou pas régulé. Et « pas besoin de contrôle public », dit Wu Xiaoling, ancien cadre à la Banque populaire de Chine, « ce n’est pas l’argent de l’Etat »…

[3] Mais quand on observe l’état de l’immobilier, rien ne va plus. Suivant les consignes, 92% des villes ont remis leurs «objectifs de prix». Mais même si elles comptent les appliquer (ce dont les experts doutent), ces plans déçoivent par leur pusillanimité, se bornant à espérer brider la flambée à « + 7 à 10%/an ». En mars à travers le pays, même à Pékin, les prix grimpèrent de 0,6% (6,4% sur 12 mois). Le comble alla à Baoding (Hebei) +2,6%: ceci promet d’ici décembre des hausses en centaines de milliers de ¥uan par appartement, compromettant les espoirs de l’Etat de refroidir ce marché déboussolé.

Les petites villes sont les moins disciplinées. Dépendant du foncier pour leur train de vie, leurs cadres n’ont nul intérêt à obéir et ne sont pas contrôlés: «le ciel est haut et l’empereur est loin». Même les métropoles sont prises entre deux objectifs contradictoires, l’immobilier à bas prix pour favoriser les couches sociales pauvres, et le contrôle de leur expansion démographique via l’exode rural, cause de charges insoutenables de santé, transports, éducation.

Face à ces dérapages, l’Etat vient de rehausser le taux d’intérêt à 3,25% – mais il reste négatif, avec une inflation passée à 5,2% en mars. Prudent, le mi-lieu financier attend l’automne pour juger du succès du plan d’austérité. Trop de paramètres restent flous, telles la hausse des salaires, la santé des PME ou la reprise de la consommation. L’inconnue majeure est la dette des provinces, part invisible de la dette publique. Elle serait l’équivalent de 25% du PIB (donc la dette publique cumulée atteindrait 42%). Pékin va-t-il, comme il l’assure, intégrer en 2012 cette dette régionale dans la nationale, clarifiant ainsi l’état réel de son endettement ?

En tout cas, pour suivre Michael Pettis, gourou de l’économie chinoise, de lourds changements à de mauvaises habitudes, toujours différés, s’avèrent à présent indispensables, pour que la santé de cette économie devienne aussi rose que l’affiche la voix officielle !

 

 


A la loupe : Culture Google contre culture chinoise – le pot de terre et le pot de fer

L’avenir de Google en Chine apparaît sombre, estime Duncan Clark, chef du bureau BDA. Mais pourquoi cet échec ? Pour éviter toute lecture unilatérale de ce sujet sensible et trop connoté, il faut entendre les deux sons de cloche – celui de Google, et celui de l’État socialiste :

[1] Une série noire se poursuit en Chine pour le groupe de Mountain View (Ca, USA). Gmail la messagerie mondiale y fonctionne soudain mal depuis mars. Google parle de sabotage mais Pékin, de «fautes dans son réseau». Puis le fisc chinois accuse trois filiales de Google, de 6M$ de fraudes «en cours de redressement». Celui là se dit «certain d’avoir respecté les règles». Puis la Chine impose une licence sur la cartographie en ligne, dont Google est un acteur majeur. Or, à expiration du délai pour les demandes, Google, en défaut, risque l’interdiction au 01/07. Enfin le hackage massif de 2010 contre Google reste dans les mémoires.

De tous ces faits, on pourrait déduire une tentative de bannir Google de l’espace virtuel chinois (suite à son refus le 13/01/2010 de se plier à la censure), et de convertir l’internet chinois en un intranet géant expurgé de l’influence occidentale.

[2] Mais en fait, les choses ne sont pas si simples. Un livre spécialisé sur la «culture Google»* identifie une série de gaffes par S. Brin (né soviétique) et L. Page, fondateurs du groupe, qui l’ont implanté en Chine «en aveugles» de la culture chinoise, avec pour seul viatique l’anticommunisme. Ils ont congédié un cadre pour avoir offert des Ipod à des officiels chinois, et bloqué leur propre budget pub en Chine. Ils n’y firent jamais de voyage, une fois ouvert leur Bureau local.

Dans leur état-major, un lobby poussant à quitter la Chine demeure puissant : Google semble victime d’une vision typiquement US de la Chine, sorte d’«Empire du mal » et continent sur lequel il pourrait faire l’impasse. Sur ses choix en matière légale (taxation, cartographie), Google ne semble pas agir différemment en Chine et ailleurs: en tant que multinationale et qu’outil d’un genre de « subculture » soutenue par toutes les jeunesses du monde, il se voit au-dessus des lois, chinoises ou autres.

Le résultat est qu’aujourd’hui, Google n’aurait plus que 19% du marché contre 35% l’an dernier (75% à Baidu). Le portique Sina.com vient de mettre un terme à leur coopération pour implanter son propre moteur de recherche. Google n’obtient en Chine que 1,5% de ses 29MM$ de recettes mondiales : il est ainsi quasi-exclu du marché de la publicité en ligne qui croît en recettes de 40% par an. Pire, le produit phare de Google, Android, comporte un GPS et un accès à des cartes en ligne. Si Pékin décide de l’interdire, c’en est fini du produit, qui avait été adopté par China Mobile, pour un marché potentiel de 500M d’internautes par téléphones portable d’ici 2015.

Face à ces fortes ombres sur l’avenir, Google fait contre mauvaise fortune bon coeur, prétend que son marché chinois croît, et qu’il « communique » avec Pékin sur l’affaire des cartes en ligne. En tout cas Ed. Yu, Président de Analysis International, prononce son verdict : « les firmes chinoises y regarderont à deux fois, avant de s’engager avec Google » !

*  « In the Plex » par Steven Levy (sortie 12/04)

 

 

 

 


Joint-venture : Minmetals, à la hussarde

Petite tempête au club de la mine mondiale. Equinox (Australie) voulait croquer Lundin (Canada), offrant 4,8MM$. Mais voilà que Minmetals (Chine) s’en mêle, et sort la grosse Bertha, prétendant racheter l’Australien – qui devrait alors renoncer à son OPA canadienne. L’OPA, si elle aboutit, constituera une des plus lourdes acquisitions étrangères du Céleste Empire, lui ouvrant d’importants gisements de cuivre en Zambie et en Arabie Saoudite.

La volonté de l’État chinois se devine à deux indices. Le prix pour Equinox, 6,5MM$ cash, est 23% supérieur à sa dernière valeur en bourse, et le triple du volume d’affaires annuel Minmetals, lequel doit donc trouver des capitaux ailleurs -dans d’autres firmes publiques. Minmetals ne cache pas son ambition de multiplier d’ici 2016 ses rachats de mines de cuivre, plomb et zinc en Afrique et en Amérique Latine, et d’accéder ainsi au Club des géants minéraliers mondiaux. Une stratégie incontournable, pour un pays acheteur de 40% du cuivre mondial, à un cours qui a plus que doublé en 24 mois.

Canberra a signalé son absence d’objection—en 2009, il avait bloqué le rachat de Rio Tinto par Chinalco pour 19,5MM$. Quoique «surprise», la direction d’Equinox ne devrait pas déconseiller à ses actionnaires cette offre si forte— qui, selon Minmetals, devrait aboutir d’ici l’été. D’autant que vu le prix, les surenchères seront rares. Ainsi, la Chine renforce les filins l’arrimant à la planète, sous l’angle commercial et monétaire…

 

 


A la loupe : Coup de noroît sur Pékin

«J’aime l’avenir», retapaient inlassablement la semaine passée sur leur clavier, des milliers d’internautes: mot que des centaines de censeurs n’en effaçaient pas moins frénétiquement: «Ai weilai» (爱未来) est un code pour Ai Weiwei (艾未未), le fantasque et talentueux artiste dissident, arrêté, dimanche 03/04, en embarquant pour Hong Kong.

Cette arrestation a frappé de stupeur la Chine et l’étranger. A 53 ans, le co-auteur du «nid d’oiseau» (stade Olympique) passait pour protégé en haut lieu, et ne perdait jamais une occasion de parler clair, souvent critique envers le régime. Par le passé, ce dernier avait fait raser son studio shanghaïen à 1M$, l’avait assigné plusieurs fois à résidence. Ai avait aussi subi une attaque de nervis (Chengdu), nécessitant des soins au cerveau en Allemagne -pays où il comptait s’installer. L’interpellation du 03 fut suivie d’une perquisition (30 PC emportés), et d’interrogatoires de sa maisonnée (un assistant reste comme lui incarcéré).

Pourquoi ? Apparemment pas pour des raisons liées au printemps du jasmin, dont il se tenait à l’écart. Pour les «China Watchers», il s’agit d’un signal donné au plus haut niveau, que nul ne sera plus à l’abri, et nul manque de respect ne sera toléré. C’est un tournant dans la campagne sécuritaire forte à laquelle on assiste depuis le début de l’année, suite aux événements du monde arabe.

Au terme de la loi, l’État a 30 jours pour traduire Ai en justice. Mais une 1ère irrégularité était constatée, l’arrestation n’ayant pas été notifiée sous 24h. Les reproches ont commencé à filtrer au Global Times 3 jours après (6/04) : un délit d’«excentricité», Ai aimant « faire ce que d’autres n’osent pas». Puis le lendemain, on s’acheminait vers le crime économique, sans précision.

Après l’arrestation, un nombre de nations et voix étrangères ont réclamé avec force son élargissement immédiat, dont France, Allemagne, Union Européenne, Grande Bretagne, USA… Comme pour Liu Xiaobo, condamné à 10 ans, puis nommé (déc. 2010) Prix Nobel de la Paix, l’arrestation d’Ai ne fera que prêter de la stature internationale à l’artiste, qui s’efforçait à travers son travail audiovisuel de laisser une trace du monde où il vit et où il ressent l’injustice – en 2009, il avait dressé un fichier indépendant de 5000 écoliers décédés lors du tremblement de terre du Sichuan, puis créé une installation hors de Chine, sur base de cartables.

Détail révélateur d’un souci d’atténuer l’effet de la nou-velle : Wu Yuren, autre artiste emprisonné depuis des mois, était libéré sans jugement, à quelques heures de l’arrestation de Ai Weiwei… Méthode familière de « faire le vide, avant de refaire le plein».

On le notera, la campagne est loin de se limiter au cas de Ai Weiwei. Selon J. Rozenzweig (fondation Duihua, HK) en 15 jours, pas moins de 100 artistes ou intellectuels auraient été arrêtés par des autorités ayant fait le «choix délibéré de sacrifier l’État de droit», qui est pourtant un effort ancien et un objectif à long terme. A Pékin, le 03/04, l’église protestante Shouwang réunissait ses 1000 fidèles pour la dernière fois en son site désormais banni. Ce mê-me jour à Shanghai, la police embarquait les 60 clients du «Q-bar», mettant ainsi un terme à des années de tolérance envers les homosexuels.

Enfin dans les écoles redémarrent des campagnes de rectification : «culture rouge» à Chongqing, refus de bourses, de cartes du Parti pour tout étudiant buvant en public à Jiaotong (Jiangxi), surveillance annoncée à Beida (Pékin) pour 10 types de jeunes «fragiles», «excentriques» ou «radicaux»… Clairement, une campagne ultraconservatrice déploie ses ailes.

 

 

 


Pol : A Wuhan, l’habilleur rhabillé !

Jiaodian Fangtan («Point Focal»), l’émission de camera cachée de la CCTV, n’a pas failli à sa réputation en dévoilant (04/04), une édifiante affaire de corruption.

Le service fourrier de la région militaire de Chengdu venait d’éventer un réseau de faux uniformes (armée, police), depuis deux marchés de gros de Wuhan (Hubei). Mais le jour venu, les inspecteurs ne purent verbaliser, sur les 400 étals, que quatre échoppiers. Les autres ayant été alertés la veille par le Bureau municipal de l’Industrie et du Commerce, quoi que ce dernier soit supposé diriger la guerre à la contrefaçon.

Dans cette affaire, que de détails insolites! Comment la TV put-elle venir de Pékin à temps pour filmer (en cachette) l’équipe de cadres en train de prévenir les dealers ? Comment le reporter pouvait il être si sûr de rester impuni, sur ce terrain qui n’était pas le sien, au point d’aller interviewer après le coup de filet raté (et avant la diffusion de l’émission) Li Xiaoming, l’apparatchik responsable de la fuite, pour lui demander s’il ne croyait pas avoir « commis une illégalité ?» (la réponse fut«non»).

Seule explication possible: par ses excellents services d’écoute, l’APL avait connaissance de l’intention de trahison du Bureau, avant qu’elle n’ait lieu. Ne pouvant arrêter l’opération, elle l’a dénoncé d’avance à Point Focal. Lui préparant ainsi une revanche cuisante. Tant il est vrai que s’il est une chose que le régime ne pardonne pas, c’est bien la divulgation de ses secrets de police auprès des délinquants…(cliquer ici : lien pour visionner la vidéo http://news.cntv.cn/china/20110404/102508.shtml)

 

 


Temps fort : La sécurité nouvelle est arrivée

La Chine publie (31/03) son dernier livre blanc de défense, complétant ainsi celui de janvier dernier sur la diplomatie.

En matière de défense, ce dernier admettait l’émergence de défis sans précédent. Parmi ceux-ci figuraient la remontée en agressivité de la Corée du Nord contre le Sud (péripétie de la « guerre de succession » à Kim jong-il), le retour des Etats-Unis en mer de Chine (et le spectre d’une alliance régionale pour « contenir » le pays). Ce qui permet d’expliquer dans ce dernier livre blanc, le va-et-vient entre l’ambitieuse modernisation de l’armée, APL, et les efforts pour convaincre le monde de sa nature pacifiste.

Le livre rappelle le budget de l’APL, l’armée chinoise, pour 2011 : 92MM$, +12,7%. Il ne décrit pas ses prochains systèmes d’armes : missiles anti-porte-avions (moyenne portée Dongfeng21); porte-avions (l’ex-ukrainien Varyag, en mer d’ici décembre 2011, cf cliché p.1) ; et l’avion furtif J-20. Ces outils ont encore 10 ans de compte à rebours avant d’être opérationnels, mais ils changent toute la donne, en complétant l’arsenal de l’ APL pour lui permettre à terme de se mesurer à l’US Army.

Au chapitre « soft power », le livre détaille les dernières missions maritimes internationales, dont l’accompagnement vers l’Afrique d’un navire du World Food Programme en février. Il offre aussi un éventail de dialogues avec l’extérieur : la visite en mai 2011 du Général Chen Bingde au Pentagone, la main tendue à Taiwan pour négocier un «mécanisme de sécurité militaire». Pour l’instant, le Président insulaire Ma Ying-jeou reste froid, craignant l’impopularité électorale s’il allait encore plus loin dans le rapprochement.

On note aussi des sons discordants au sein de l’APL, entre ces partisans du dialogue et ceux de l’expansion en mer de Chine. En juin 2010, à Singapour, le Général Ma Xiaotian avait eu un éclat avec le Secrétaire d’État américain à la défense R. Gates. Lors de son passage à Pékin (janvier 2011) le 1er vol du J-20, ne pouvait avoir été programmé par hasard, quoiqu’en dise par la suite le Président Hu Jintao dont il s’était dit à l’époque qu’il avait été mis devant le fait accompli.

En fait de sécurité, la surprise de l’année est la relégation budgétaire en n°2 de l’armée, derrière les forces de police, telle la PAP, qui reçoivent 95,2MM$ cette année. Le régi-me réalise que pour mener à bien le mandat n°1, la sécurité intérieure, face à une recrudescence des manifestations violentes que les moyens classiques n’arrêtent plus (100.000 émeutes en 2010).Une refonte de l’appareil sécuritaire s’impose. Préparée de longue date, accélérée par les floraisons de jasmin du monde arabe, celle-ci apparaît au XII.ème Plan économique et social, sous la forme d’un système inédit à déployer d’ici 2105, en symbiose entre police et armée. Deux institutions devront coexister à la base, dans chaque quartier urbain et chacune des 40.000 communes rurales. L’une civile de «gestion sociale» devra régler toutes les doléances, des expropriations aux litiges et pétitions. L’autre dite «wei wen» ou «maintien de la stabilité», consistera en officiers de la police et de l’APL, experts et firmes (anti-terroristes, psychologues etc.) et volontaires. Il s’agit d’une structure de réponse rapide aux incidents sociaux, capable de couper à la racine toute tentative contre l’ordre social.

Encore flou, ce plan montre un système conscient des contradictions internes, avivées par la récession. Il révèle aussi le réveil d’un consensus vieux de plus de 20 ans, pour résister à la pression de la bourgeoisie montante réclamant plus de pouvoirs d’autogestion. Le tournant historique, ici, réside dans les moyens immenses, dont aucun régime n’a jamais disposé avant, pour tenter cette nouvelle phase de son développement.

 

 

 

 


Petit Peuple : Changsha : un vieil enfant perdu

Durant son enfance des années ’50, en son pauvre village, près de Changsha (Hunan), le père de Chen Liangjun l’arrachait souvent à l’école pour le faire trimer aux champs à ses côtés. Un jour qu’il avait refusé d’aller déterrer les patates douces, le vieux l’avait rossé : Chen avait quitté le foyer familial.

Recueilli par une bande, une de ses 1ères voleries fut d’aller avec eux «jouer au train», passe-temps qui consistait à écumer les convois à travers les contrées en détroussant les voyageurs: fructueuses virées qu’ils achevaient en bamboche, avec filles et beuveries.

Ce qui ne les empêchait pas parfois de faire les généreux, histoire de compenser leur vie de vices et préserver un vague sentiment d’honnêteté. Chen se faisait un devoir de balancer les papiers de ses victimes en une boite aux lettres ou de rendre (rarement) sa bourse à la femme qui pleurait à fendre l’âme, tout en affirmant (contre toute vraisemblance) l’avoir trouvée à terre. C’était leur code d’honneur, leur « cause» (women de shiye).

Après 53 ans à pratiquer la fauche, Chen ne sait rien faire d’autre. A Changsha où il loge en dortoir (quand il en a les moyens), il s’en va dès l’aube «travailler» là où il y a des foules, jusqu’à l’après midi où il se repose, et la nuit où il joue au mah-jong et boit du baijiu.

Par force, lui et les collègues sont devenus experts à estimer la vigilance des gens, qui varie selon les lieux et les heures. A l’aube, quand les trains entrent en gares, les voyageurs sont des proies faciles, les réflexes et les reins usés par les nuits blanches. Même inattention propice chez les visiteurs des musées ou des temples, royaumes d’émotions qui sont néfastes à l’alarme.

Mais il est mince, le salaire de la peur qui noue leurs tripes jour et nuit. Pour une occase en or inoubliable (la bourse d’un touriste, lourde de 700$, en 1980), combien de soirs où n’ayant rien goupillé, Chen du-t-il vivoter de l’aumône d’un voleur plus chanceux? En moyenne, son gain ne dépasse pas les 1000¥/mois. Et pour cette maigre chère, combien de fois ne fut-il fait comme un rat? Ils restent gravés en sa mémoire, les huit verdicts d’un juge en bois brut. Comme ces 20 ans qu’il passa à l’ombre…

‘ Autre chose qui l’afflige: le mépris des voisins qui l’exhortent à retourner au droit chemin. Ce dont il est incapable, « en dépit des multiples corrections » (屡教不改 lǚ jiào bù gǎi). Il a grillé (dit-il) sa chance de salut, le jour où il passa chez ses parents, au sortir d’un camp en ’80 pour trouver le père veuf, la mère enterrée «avec l’argent qu’ il leur avait laissé». Il se console en croyant que ses vieux, naïfs, n’ont jamais su sa déchéance, le croyant « au travail, au loin ».

Hélas à 71 ans, Chen perd un peu la boule. Le 26 /01, il s’est fait prendre dans une exposition de téléphones mobiles. Le volontaire qui le pistait raconte comment 10 fois, il l’a vu rater son coup avant de réussir à la 11ème, «piquant» son portefeuille pour se faire mettre la main au collet, sans s’être rendu compte qu’il était filé depuis tout ce temps. Les policiers qui le connaissent ne le punissent plus que pour la forme. Ils l’aiment bien, le sachant «honnête» à sa manière. Chen est imprégné du sentiment d’avoir forfait tout droit à la compassion. Au point d’avoir refusé la pension modeste que son village tentait de lui constituer, histoire de le maintenir à l’abri de la tentation et du besoin…

Sur le banc du bloc où son vice le reconduit régulièrement, chaque fois qu’un quidam prétend s’asseoir à ses côtés, Chen l’avertit sur ces mots de passer son chemin: «je suis kleptomane». Sortie qui chaque fois, ne manque pas de déclancher l’hilarité générale. Mais au fond d’eux -mêmes, les agents s’interrogent, et parfois lui demandent: est-ce par souci de se racheter ou par provocation ? Pour protéger leur bourse de sa main baladeuse, ou bien leur être entier de sa poisse contagieuse ? Mais le vieux voleur ne répond jamais : la réponse n’appartenant qu’au destin, ou à Dieu—comme on voudra !

 

 


Rendez-vous : A Hainan – Forum Boao, Sommet BRICS

11-13 avril, Qingdao : Salon de l’industrie du caoutchouc et du pneu

12-14 avril, Nankin : CIMPS, Salon des industries navales et portuaires

17 avril, Shanghai : Salon du nautisme

16-19 avril : Shenzhen : CMEF, salon des équipements médicaux

15-19 avril, Foire de Canton

14 avril, Boao – Hainan : Sommet des pays du BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique/Sud), suivi les 15-16 avril, du Forum de Boao