Le Vent de la Chine Numéro 11
Le dossier libyen impose à la Chine un casse-tête et une paralysie très visibles. Son vote de la Résolution 1970 du Conseil de Sécurité, son abstention à celle 1973, étaient des actes courageux lui faisant lâcher le Colonel Mouammar Kadhafi, son protégé d’hier.
Mais à peine les chasseurs occidentaux décollés, elle se déjuge, de concert avec les pays du BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine), accusant la coalition d’outrepasser son mandat- feignant de croire qu’il ne parlait que de «zone d’exclusion aérienne».
Une question de la rue reflète les désarrois des leaders: «Quelle mouche pique la France?» Question fausse -c’est l’ONU, non Paris qui autorise les frappes aériennes. Mais pour Pékin, cette guerre aurait été plus facile à condamner si l’instigateur avait été Washington. Pékin est pris de court, faute d’avoir prévu l’exaspération des capitales européennes après le massacre des dissidents par Kadhafi, ni leur désir de se racheter après leurs décennies de complicité passive à la violence sourde des dictatures arabes sur leurs sociétés.
Sous l’angle diplomatique, cette crise désigne deux contradictions dans les rapports entre la Chine et le monde, l’une théorique, l’autre financière.
Héritage du passé, sa non-ingérence lui sert à justifier sa faveur au «droit des régimes» sur celui «des peuples» et à monnayer sa protection de dictatures corrompues contre les sanctions internationales, en échange d’un accès «spécial» à leur pétrole: «a friend in need, is a friend with oil», dit la boutade.
Cette conception se défend par la nécessité géostratégique : historiquement, les pays riches ont accaparé les ressources immédiates de pétrole. Pour étancher son inextinguible soif en ce produit, la Chine doit aller chercher ce qui en reste, là où il est.
Un autre argument de Pékin est sa sensibilité de pays ex-colonisé : il s’hérisse à toute action militaire hors frontière, surtout de la part du gendarme américain du monde qui mena 5 guerres ou frappes en 25 ans, 2 en Irak, 1 en Afghanistan, 2 en Libye (en comptant l’actuelle), sous prétexte de démocratie, mais qui n’apportèrent aucun fruit pour la paix de la région. Pour régler des conflits vieux et complexes, Pékin se sent plus à l’aise dans une stratégie de persuasion à long terme.
Mais au XXI siècle les rigidités idéologiques s’émoussent, et la Chine évolue. Son imbrication dans l’économie mondiale, la prise de conscience de ses responsabilités de puissance et d’une mauvaise image, due à son soutien à des régimes douteux- autant d’arguments l’incitent à plus coopérer avec l’Ouest.
Sous l’angle financier, la guerre libyenne à porté le cours du pétrole à 115$/baril, dont la Chine doit importer 50%de ses besoins. D’autre part, ses corporations ont ouvert pour 20MM$ de chantiers, aujourd’hui abandonnés. Afin de sauver ce qu’il en reste, et ses parts du marché de la reconstruction future, la Chine ne peut se permettre de «miser sur le mauvais cheval» – elle est condamnée à la neutralité.
Mais voilà, à peine engagées les 1ères frappes, une part de la population à Tripoli manifeste un soutien enflammé au dictateur, contrairement à Benghazi où les alliés sont applaudis. Pékin voit bien que dans cette guerre civile, choisir est aussi périlleux que de s’abstenir – d’où ses atermoiements.
Enfin le 23/03, au sommet de l’appareil, le pendule repart dans l’autre sens. «Pour l’Ouest, conserver sa domination (…) demeure la stratégie majeure… Ces puissances de l’Ouest sont toujours le juge et le gendarme du monde» etc. martèle la presse chinoise.
« En fin de compte », commente Li Datong, rédacteur limogé l’an passé pour son franc-parler, « le Parti communiste chinois est bouleversé par la menace d’une idée qui déferle, selon laquelle la pression démocratique peut l’emporter sur la souveraineté des États ».
Pour Pékin, la dernière priorité semble être de contrer cette idée iconoclaste. Même si cette rechute idéologique semble devoir impliquer la disparition de tout consensus à l’ONU sur ce dossier dans les mois à venir. Mais qu’on le comprenne bien, ce n’est pas le salut de Kadhafi que Pékin vise, mais celui de la souveraineté absolue des États !
Le XII. Plan promet aux 54% de fermiers de les enrichir, notamment en augmentant de 10% leur récolte en grains dans la période (2011-2015). Mais en même temps, Pékin avoue qu’il ne changera pas la redistribution des terres (tous les 15 ans), non transférables et expropriables. Or cette faiblesse du droit foncier des campagnes est la racine de leur retard, freinant l’investissement et le remembrement. Quand les paysans migrent, seuls 10% de leurs lopins sont transférés – le reste tombe en jachère.
Une étude de Landesa, institut de développement rural, nous éclaire sur la pratique d’investissement de ceux qui restent au village. Depuis 1998, 22M de fermes (familiales, coopératives etc.) ont acquis pour 145MM$ de serres, tracteurs, soit 12MM$/an et 6500$ par ferme. 12 ans plus tard en 2009, le retour sur investissement était excellent : 69MM$, 50% du total investi sur ces 12 ans, 12% du PIB agricole de l’année et le quadruple des primes et subventions du pouvoir central.
Sur l’origine de ces fonds, surprise : 88% vint de l’épargne privée ou des tontines, et seuls 12% des banques.
Curieusement cependant, en 2010, quasi-3000 banques coopé rurales offraient 119MM$ en prêts neufs (30%du total). Le décuple des 12MM$ de l’investissement rural annuel cité plus haut. Seules exemptées de la politique de restriction du crédit, ces banques rurales prêtent de plus en plus. Le problème est que l’emprunteur, si l’on se fie à l’enquête Landesa, n’est pas le paysan. Mais peut-être l’investisseur proche du chef du village, en connivence avec lui, dans un projet de valorisation de terre expropriée…
Une autre branche financière progresse depuis 2008 : le micro-crédit, après l’octroi du Prix Nobel de la Paix à M. Yunus (Bangladesh). En 2010, 2614 micro-banques avaient prêté 18MM$, à 4570$ par foyer (chez Accion Int’l, l’une d’entre elles). Beau résultat apparent, et Landesa suggère que tel crédit adhérant bien à la réalité de son marché, pourrait être rémunérateur. Hélas disent les financiers, il n’en est rien, du fait d’un cadre réglementaire rigide : trop de limitations sur le capital, le %age de prêts, le taux d’intérêt, et le coût d’évaluation à charge de la banque, effeuillent un à un les profits. Pourquoi cet étranglement administratif du micro-crédit ? Officiellement, par crainte de l’éclatement d’une bulle. Ce qui est plausible-les campagnes chinoises sont notoirement endettées. Mais le problème est sans doute justement là : elles le sont, faute au cadre local d’avoir remis la terre ou les crédits au paysan, et de prétendre les faire fructifier seul -à son profit. Depuis le Moyen-Âge, rien de nouveau sous le ciel…
Sur un autre registre, Guangzhou Daily fait scandale en révélant l’existence de chaînes de TV rurales sans licence.
Avantage : la TV de proximité, les annonces sociales personnalisées. Problème : leurs publicités irresponsables (médicaments de charlatans), leurs films porno ou violents. Protégées par les chefs de village, elles sont impossibles à éradiquer. D’autant qu’apolitiques, juste pour le profit: 200.000, voire 900.000¥ par station, pour un investissement de 50.000¥. Mais c’est gênant, pour un régime qui se targue d’interdire sur son sol tout media privé, surtout audio visuel. Or, ces chaînes, en Chine, seraient plus de 1000.
En fin de compte, ces deux exemples, finance et media nous révèlent que les campagnes font échec à bien des grands concepts du pouvoir central : l’esprit féodal, les vieilles manières de faire restent prédominantes.
11 jets d’affaire Dassault-Falcon vendus en six mois, 5 à 7 de plus d’ici décembre 2010 : J.M. Jacob, vice-Président des ventes internationales n’a jamais vu cela en 30 ans de carrière. Le marché chinois explose, sans crainte de la facture, jusqu’à 50M$/pièce. Pour Dassault, c’est une belle percée que ces 20% de sa production envolés au Céleste empire.
Jusqu’alors, les 116 jets d’affaires en service en Chine provenaient surtout d’autres marques—Gulfstream, Cessna (USA) et Bombardier (Canada). Mais d’ici 2030 Embraer (Brésil) voit les milliardaires de Chine et ses compagnies de leasing absorber 950 de ces jets de 10-20 places, 14% de l’offre mondiale. Et son programme de construction d’aéroports ne peut que faire croître et embellir ces projets d’emplettes.
La Chine de 2011 n’exige que le haut de gamme, dont le Falcon fait partie de droit. Selon le modèle, il avale sans escale 7000 à 11.000km, Pékin-Paris, avec 15 à 30% de kérosène de moins que la concurrence. Il est le mieux insonorisé, et le seul de sa gamme à disposer d’avionique de pointe et de commandes digitalisées. L’aménagement de l’habitacle est bien sûr au goût du client.
Détail notable, Dassault fait produire quelques pièces du Falcon en Chine : non pour réduire les coûts (ce qui n’a pas de sens dans une série limitée et de luxe), mais « juste par amitié et considération du client » remarque notre interlocuteur.
En attendant la publication du recensement décennal, le solde des naissances apparaît : +6,3 millions en 2010 et 76 millions depuis 2000. En décembre 2010, la population atteignait 1,341milliard. Avec un taux de fécondité minimaliste depuis 13 ans (1,8 enfant/femme), le pic de natalité initialement attendu en 2030 à 1,5 milliard, pourrait arriver dès 2026, croient les démographes, suivi de la pente fatidique de la décroissance.
Après avoir épargné 400 millions de bébés, le contrôle des naissances a donc atteint le but des années 1970. Mais les conséquences n’ont sans doute pas été entièrement appréhendées à l’époque. Dès 2025, les actifs baisseront de 10millions par an et les 20-24 ans chuteront de 25% d’ici 2030. Fin 2010, 36millions de petits dragons ont composé des couples d’enfants uniques, aboutissant à une tranche d’âge moitié moindre que celle de leurs parents. En 2030, faute de caisse de retraite solide d’ici là, le résultat sera 1 actif supportant quatre personnes âgées. C’est le syndrome des «4-2-1», source de nuits blanches pour des millions de Chinois.
Le planning familial cause une autre tare : l’avortement sélectif. En 2005, la Chine comptait 121 garçons/100 filles, soit 32 millions de gars en trop, dits les «branches sèches», laissés pour compte sans foyer ni enfants. Ils seront le gibier privilégié de la drogue, des triades, des bordels et autres dérivatifs. Bien sûr, ils sont les moins riches et moins éduqués. 94% des célibataires de 28-49 ans sont mâles, dont 97% d’entre eux sans le «gaokao». Cette pratique de l’avortement sélectif sévit surtout chez les paysans, qui veulent un garçon pour les nourrir dans leurs vieux jours. Elle est renforcée par la tradition d’allocation des terres aux garçons, ce qui fait que déshérité d’avance, le bébé-fille perd encore de la valeur à leurs yeux. Enfin, cette plaie s’avère aussi un puissant obstacle au développement de la consommation rurale. La Chine a dès maintenant 12 millions de garçons qui épargnent férocement (suivis de leur grande famille) pour «avoir assez» pour se marier. On le constate, les ménages en 2010, ont arrondi de 21% leur épargne, à 4900MM$. Mais en même temps, le yuan gagnait 3,9% sur le dollar, ce qui, selon beaucoup d’économistes aurait dû les faire consommer plus. La raison principale, serait cette « taxe au manque de filles à marier ».
Aussi partout, on réclame à mi-voix l’abolition du planning, vieux jeu et porteur de si graves déstabilisations. L’État a compris : cinq provinces, dont Shanghai, doivent voir sous peu le quota familial porté à deux enfants par couple.
Dernier problème sociétal. Selon une étude, 36% des foyers connaissent la violence, dont 85% sur les femmes. Selon une autre enquête récente, 62% des paysannes sont battues. Pourtant, 5% seulement des personnes interrogées ne voient pas l’échec de leur couple, tant ces sévices leur semblent « normaux », inhérents à la vie de famille.
La ville change tout cela: plus conscientes de leurs droits, les femmes signent 70% des demandes de divorce. En 2010, les divorces sont 1/3 plus fréquents (1,96 million) que les mariages (1,2 million). Mais la femme paie très cher sa liberté retrouvée, faute de pouvoir présenter les preuves de l’infidélité et/ou de la violence du conjoint (lesquelles sont souvent liées) alors que le mari dote sa « petite n°3 » du patrimoine du ménage. D’où un amendement en cours à la loi du mariage, pour permettre à l’épouse d’attaquer la maîtresse, et récupérer le bien ainsi détourné…
La corruption s’exacerbe chez les hauts cadres, « syndrome des 59 ans », de la perte très sèche de leur train de vie, une fois à la retraite. Mais l’État frappe de plus en plus, anxieux de reprendre le contrôle de ce chancre.
Ex-ingénieur-chef au MIIT (Ministère des Industries et des technologies de l’Information) et ex-PDG de China Mobile, Su Jinsheng est embastillé (24/03) par la police du Parti, (jilüjiancha, 纪律检查). China Mobile a brassé des milliards de dollars ces dernières années pour déployer son réseau 3G et racheter diverses branches des télécom chinois. Sur ce qui lui est reproché, rien ne filtre encore. Cela viendra. En cette détention pour enquête sous «double rails» (双轨 shuanggui), rares sont ceux qui sortent libres et blanchis… Concernant l’affaire des détournements (TGV) pour laquelle Liu Zhijun, le ministre déchu est en prison, l’audit national annonce (23/03) 30M$ de fraudes sur la ligne Pékin-Shanghai (1358km) qui ouvrira en Juin – une goutte d’eau dans les 33MM$ du projet, dont 21MM$ dépensés au 30 juin 2010. Mais ceci ne concerne que l’argent directement versé à des individus et entreprises—avec preuves. En réalité, le montant perdu est bien plus important, 760M$ envolés. Les noms de China Railways, China Railway Construction, China Communications Construction et leurs filiales sont cités parmi les bénéficiaires. En fait, aucune de ces firmes publiques ne semblent avoir joué selon les règles comptables de rigueur.
« Si vis pacem, para bellum » -« Si tu veux la paix, prépare la guerre » : depuis janvier, peut-être sans le savoir, l’état-major politique chinois pratique cet adage de stratégie militaire romaine antique. Savamment occultés dans les budgets de l’armée et de la police, des milliards de dollars vont à de grands chantiers cybernétiques, approches inédites de la sécurité sur la toile, que l’agence AFP appelle joliment les « bouche-trous de la Grande Muraille ». Ces derniers, secrets, peuvent néanmoins être suivis dans la presse, par les rares éléments hors censure, face émergée de l’iceberg.
C’est net, les appels de la dissidence en exil à manifester pour la « révolution du jasmin », ont inspiré le Bureau Politique à renforcer la pression. Dès janvier, le Président Hu Jintao réclamait une supervision accrue de l’internet. Dès février, au moment même où le FBI enquêtait sur des attaques chinoises contre 5 multinationales pétrolières, Xinhua dénonçait 127.000 attaques de hackers contre le pays au 1er semestre 2010, et concluait au besoin de renforcer la sécurité cybernétique, appel rapidement suivi d’effets :
[1] Depuis début mars, une attaque contre Google paralyse tous les quarts d’heure le port 443, le seul autorisé : la messagerie Gmail disparaît, remplacée par une fenêtre d’erreur, faisant croire à un « bug ». Après deux semaines de vérification, le groupe américain dénonce l’attaque «politiquement motivée» – le gouvernement réfute, bien sûr.
Triomphe technique, ce travail de sape ne pourra être longtemps maintenu sans pertes pour l’économie chinoise: il affecte les communications des firmes étrangères et nourrit leurs soupçons de motivation protectionniste, les locales n’étant pas touchées. Cette attaque a aussi pour faiblesse de trahir la nervosité de Pékin face aux problèmes du monde arabe, qui ne l’atteignent pourtant pas.
[2] Autre action nouvelle, les 72 «micro-blogs» de la police (sic – on peut supposer que ces «micro-blogs» sont beaucoup plus «maxi» que ceux des particuliers), dont le 1er fut lancé par un bureau de police du Guangdong, en mars 2010, sur le site de Sina, Weibo 微博. L’objectif est de recueillir les délations anonymes. Sans détails, les forces de police annoncent que cette «interaction et communication avec le public» se solde par 1400 messages/jour, soit 1 million dans l’année, émis par 170.000 «fans» (re-sic), ayant permis de résoudre 30 crimes et 300 infractions pas toujours évidentes- tel ce stockage non déclaré à Canton, d’explosifs par une firme de génie civil !
[3] Sur les téléphones portables, la localisation spatiale des usagers a fait des progrès, ainsi que la coupure automatique de conversations en cas de prononciation de mots bannis, en mandarin ET en anglais, selon le NY Times.
[4] le 23/03, l’État lançait sa Xème campagne contre la cartographie illégale en ligne, prétendant cette fois annihiler le service, et la firme productrice. Dans ce secteur «encore dans l’enfance», la Chine compterait déjà 42.000 sites internet fournissant des cartes, dont une centaine légaux seulement. Pour ce grand nettoyage, une commission entre le Bureau National de cartographie et 12 ministères, dont l’Admin. Nat’le du Secret d’État, est en oeuvre.
[5] Enfin parmi ces actions, il s’en trouve une qui ne vise pas la liberté de pensée. Sur le seul territoire de Pékin, est bannie (21/03) la publicité incitant au luxe, à l’hédonisme, au culte des produits étrangers. Les vocables de « luxe », « royal », « suprême » ou « classe » ne peuvent plus s’étaler sur les publicités géantes d’appartements-témoins ou de voitures. Passé le 15/04, des amendes tomberont, jusqu’à 30.000² : qu’on se le dise !
La beauté n’est jamais si belle, que pimentée d’un zeste d’inquiétant. Tout débuta le 21 février 2010 à Ningbo (Zhejiang): un internaute publia la photo du « passant le plus beau du monde ». L’inconnu avait fière allure, avec sa coiffure genre japonais très mode, son rasage à la Gainsbourg, un long manteau et dessous, une ceinture écarlate pouvant révéler l’appartenance au signe du tigre, celui de l’année. D’ordinaire en Chine, on cache ce genre de détail. En plus d’être beau, Xilige («frère au regard perçant», sobriquet dont il fut instantanément affublé) était aussi brave !
Coqueluche de la toile, Xilige vit sa photo squattée par les revues de mode et les pubs. Une chasse à l’homme virtuelle s’engagea, et des patrouilles de volontaires ratissèrent Ningbo pour mettre la main sur lui. Bientôt, une caméra de télévision le rattrapa : mais à la stupéfaction de l’équipe, l’homme se mit à hurler comme un enfant. On vit alors qu’à force d’errances, sa raison n’allait plus qu’en pointillés. Connu, tel le loup blanc des services sociaux, ceux-ci avaient fermé les yeux sur lui jusqu’alors. Mais à présent, sous la pression brûlante de l’opinion, ils ne purent faire moins que l’expédier à l’hospice, permettant ensuite de retrouver sa famille. Découverte qui mit de l’huile sur le feu de la passion collective, en «dissipant la brume sur le mont Lu» (庐山真面目lú shān zhēn miàn mù).
Natif de Boyang (Jiangxi), Xilige, de son vrai nom Chen Guorong, avait quitté sa famille à 23 ans en 1999, suite à un drame de la route qui l’avait privé de son père et de son épouse, le laissant père de deux bébés. Pour gagner leur pitance, il avait donc confié les orphelins à sa mère et à son frère cadet, et était parti travailler en ville, où presque tout de suite, il avait disparu. Incapables de le retrouver, dépassés par les événements, les siens avaient fini par le compter pour mort.
En réalité, Chen avait perdu la mémoire. Quel avait été le ressort de son implacable amnésie ? Le chagrin du veuvage, l’alcool, la drogue, un accident ? On ne le saura jamais. SDF, il vivait comme un grand enfant dans la jungle urbaine.
Sur cette vie naïf et libre, un internaute au pseudo charmant «Vieux chat gourmand» relate l’avoir croisé à maintes reprises, et lui avoir donné un jour 10 ¥ pour ses besoins. Il le vit se ruer au «xiaomaibu» (petit magasin) mais au lieu d’en revenir avec un bol de nouilles déshydratées, il brandissait fièrement un paquet de cigarettes. Vieux chat gourmand lui avait demandé de s’expliquer D’un geste du doigt vers un fût rouillé et tordu, Xilige lui avait tacitement répondu qu’il se nourrissait d’ordures, et que ses seuls besoins non comblés étaient le tabac. Parfois, poursuit «vieux chat», il se travestissait «comme pour remplacer l’absence de femme», jouant tour à tour son rôle et celui de l’épouse.
Ce qui, au fond, décrit une existence précaire et végétative, mais pas si malheureuse, affranchi de toute contrainte sociale, bel objet humain protégé par tous pour son regard comme de l’eau de roche, son éclatante liberté vestimentaire et sa beauté à couper le souffle.
Quoiqu’il en soit, il suffit que sa mère et son frère se présentent à l’hospice (4/03) pour que Xilige bondisse dans leurs bras. La presse filma les retrouvailles et ce bonheur si rare. Les mouchoirs épongèrent les larmes nationales. Les dons affluèrent. Flairant le coup de pub, une maison de Shunde (Canton) le prit comme mannequin, puis lança 8 mois plus tard une ligne d’habits, vestes, gilets et pantalons créatifs à son nom.
Xilige, depuis, se repose et attend la disparition des séquelles de son odyssée. Guéri de sa rage de vadrouille, il ne réclame plus aujourd’hui que le droit de vivre « comme tout le monde », et pour commencer, celui de reprendre femme. Comme si, de retour parmi les vivants, il voulait décoller de sa peau cette beauté du diable. Mais est-ce possible ?
Si nous l’apprenons, nous vous le dirons, promis !
25-27 mars, Pékin : Expat Show
28-31 mars, Shenzhen : Salon des plastiques et caoutchouc
29-30 mars, Shanghai : Salon du packaging des produits de luxe
29 mars- 1 avril, Shanghai : Salon de l’hôtellerie
29 mars – 1 avril, Shanghai : Expo Build China
30 mars – 1 avril, Shanghai : Busworld, Salon asiatique des bus et des transports publics
1-4 Avril : Hainan Rendez-vous, Salon du Yacht & de l’aviation privée