Le Vent de la Chine Numéro 29

du 12 au 18 septembre 2010

Editorial : XII. Plan, Réforme : la valse hésitation

En juin dernier, la presse chinoise prêtait au XII. Plan (2011-2016) l’objectif d’un tournant  vers une économie plus qualitative, durable et équitable, et d’une reprise de la réforme politique, sujet tabou depuis 22 ans. Citant des ténors, tels le 1er ministre Wen Jiabao ou le vice Président Xi Jinping, les media parlait d’une redistribution du fruit de la croissance vers les couches les moins favorisées (surtout les migrants), et d’une introduction graduelle d’élections, de libertés pour la justice et la presse.

Aujourd’hui, nous devons envisager l’autre scénario que le Plan se maintienne sur la lancée d’une croissance quantitative. Plusieurs signes vont en ce sens :

– aux fêtes du trentenaire de Shenzhen, Hu Jintao s’est exprimé sur un ton bien différent de celui de Wen Jiabao, trois semaines plus tôt, se faisant l’avocat d’un  «développement politique aux couleurs de la Chine». Il mit à l’honneur le magnat Hongkongais Li Ka-shing. Wen lui, avait plaidé pour la reprise de la réforme politique, « incontournable pour conserver le bien-être acquis».

– tel qu’annoncée dans la presse (VdlC n°28), la transformation du syndicat unique ACFTU est un pas en arrière par rapport à juin, quand Wen félicitait les grévistes de Honda pour avoir élu librement leurs leaders syndicaux ;

– et surtout, on assiste désormais à un grand silence au sommet et dans la presse, sur tout projet pour matérialiser le tournant attendu – comme Xi  Jinping à la Foire de Xiamen (3-6/09), multipliant les appels à la «réforme», mais sans proposer aucun  contenu.

Force est donc de constater un repli de l’offensive réformatrice de la fin du printemps, et à ceci, plusieurs raisons. Le système a été capable d’enrayer durant l’été les vagues d’infanticides,  de suicides et de grèves. La conjoncture reste souriante: 100MM$ d’Investissement direct étranger d’ici fin 2010, le 5e rang d’investisseur mondial, le second à l’export. Les calamités de l’été n’ont pas privé le pays d’une récolte plutôt bonne (VdlC n°28) : toutes ces tendances ont pu rassurer le bastion conservateur, lui suggérant de ne pas changer de ligne.

L’expert T. Doctorof (groupe JWT) estime que pour une forte ouverture politique, les temps ne sont pas murs. Pour 10 ans au moins, le pays va garder son avantage salarial sur les industries mondiales, qui lui permettra de financer la poursuite de son plan d’infrastructures et de villes nouvelles. Pour ce chantier géant industriel et social  (l’exode rural de 300M d’âmes), l’outil politique traditionnel, les investissements d’Etat, la censure et l’arbitraire  restent une solution plus plausible qu’un système inconnu, non testé, qui diluerait le monopole du Parti.

Est-ce à dire que tout espoir d’avancées est vain ? Ce serait mal nous lire. Il y a d’abord la pression internationale (USA, Union Européenne, OMC – Organisation mondiale du commerce) qui attend plus de transparence et de loi dans les affaires, donc un désengagement  du Parti dans l’économie. La Chine ne peut pas non plus laisser s’agrandir davantage le fossé croissant de fortunes entre la rue et les 130 milliardaires en dollars, les 875.000 millionnaires du pays. Sous peine d’en subir les crises de déstabilisation imprévisible.

Reste aussi cette expérience -pilote en cours depuis 2008, permettant au  paysan d’hypothéquer son terrain. Là où ce droit a été accordé, le paysan a emprunté deux fois plus que la moyenne : Pékin a donc le levier instantané pour doubler d’un trait de plume le pouvoir d’achat de 750M de citoyens potentiels.

Certains proches du pouvoir, croient que cette réforme figurera au XII. Plan, applicable dès 2011. Si cela se vérifiait, un nouvel élan économique serait sur les rails, avec des incidences politiques sans précédent. Car de facto, le paysan serait propriétaire de sa terre. C’est peut-être la réforme la plus réaliste que la Chine puisse s’offrir pour l’instant. 

 

 


A la loupe : Birmanie, Japon, Taiwan—la Chine et ses voisins

Plusieurs événements, importants pour la Chine, se sont produits la semaine passée chez 3 de ses voisins :

[1] Le Général Than Shwe, Président de la NPDC (junte militaire) vient d’être reçu en Chine (7-10/09) lors des 60 ans des relations diplomatiques, et surtout pour engranger du soutien étranger avant les élections du 7/11—qui apparaissent à travers le monde comme une tentative de la junte de se légaliser, sans rien céder.

Entre Nawpyidaw (nouvelle capitale) et Pékin, la coopération a été mutuellement bénéfique. La junte a pu résister aux sanctions de l’ONU pour atteinte aux droits de l’homme, armer ses troupes (frégates, chasseurs, canons, camions), obtenir 2,9MM$ de commerce bilatéral très en sa faveur et 1,8MM$ d’investissement chinois qui représentent 11,5% de l’investissement étranger. La Chine est concurrencée en Birmanie par la Thaïlande, l’Inde et le Japon.

Pékin a obtenu le bois précieux birman (teck), l’énergie de barrages comme celui en construction sur la Ngawchanka (1055Mw), le gaz des gisements de Shwe pour lequel la Chine construit deux gazoducs, au terme d’un accord signé par Wen Jiabao en juin dernier. Peut-être plus important, l’APL, l’armée chinoise, a reçu un port sur l’océan Indien, au grand dam de New Delhi, dans sa zone d’influence.

NB : dans le secret de ces entretiens, loin des micros, Pékin a peut-être prié Than Swhe de mettre à ses élections un peu plus de vernis démocratique, pour éviter le retour de conflits sanglants comme avec les Kokang en 2008, dont 37000 s’étaient réfugiés en Chine.

[2] Incident le 7/09 autour des îles Sankaku (Diaoyu, en chinois), à 200km au large de Taiwan sur lesquelles Tokyo exerce une souveraineté contestée par la Chine et Taiwan. Le Mintinyu 5179, chalutier de Xiamen, heurtait deux fois les gardes-côtes nippons avant d’être arraisonné. Depuis, le capitaine est entendu par la police d’Okinawa -il encourt trois ans de prison. Pékin a convoqué deux fois l’ambassadeur Uichiro Niwa pour exiger sa libération. Une manifestation à Pékin le 8/09, petite (40 personnes) mais bien organisée, est là pour indiquer que la patience chinoise sera brève. L’ennui, c’est que le 1er ministre Naoto Kan doit défendre le 14/09, sa place de Président de son parti—et ne peut d’ici là, se permettre de concessions…

C’est le 3ème incident maritime depuis avril entre ces 2 pays, prouvant ainsi l’urgence de s’entendre sur le partage de souveraineté de ces eaux. Il semble être la réponse de Pékin à l’acte voté fin août par la Diète, qui renforce sa souveraineté sur 25 îlots, dont ceux de Sankaku.

[3] La reprise d’échanges normaux entre Taiwan et Chine, ne dissipe pas la prudence : Taiwan déploie un réseau d’alerte contre les 1500 missiles pointés sur elle depuis le continent, qui pourra aussi faire sauter en vol certains d’eux, ceux vers des “cibles militaires critiques”. Coût : 1,25MM$. Il sera opérationnel dès 2015.

 

 


Joint-venture : B. Gates et W. Buffett— la dernière croisade

Quand les milliardaires américains Bill Gates et W. Buffett invitèrent ce mois-ci 50 confrères et soeurs de Chine à un banquet pékinois de charité, la presse s’emballa. C’était, croyait-elle, pour les prier de céder «au moins» 50% de leurs biens, et « seuls 2 sur 50 auraient accepté »…

«Archi-faux», rectifient les 2 magnats, qui veulent simplement «apprendre de leurs hôtes, comment donner en Chine». Et la démarche a intéressé Chen Guangbiao, (ténor du recyclage, Jiangsu, 42 ans, 440M$) qui leur a écrit qu’il comptait tout donner à sa mort «pour l’exemple».

Le problème est qu’en Chine, la charité est un métier de toutes les incertitudes. Selon un témoin, la moitié des dons, pour le séisme du Sichuan de 2008, n’a jamais atteint leurs destinataires. Le tandem des milliardaires américains tente donc d’offrir à leurs collègues désirant s’investir dans le sort de leurs concitoyens, des formules qui marchent : des « JV-non-lucratives », par le biais de leurs propres fondations. Peut-être aussi cette démarche est-elle faite pour stimuler l’Etat et le Parlement afin qu’ils fassent leur propre part : en mettant en place le cadre légal encore manquant. Car la Chine n’a encore ni loi sur les organisations caritatives, ni politique d’encouragement fiscal aux bienfaiteurs. Tant cette charité en Chine, reste aujourd’hui un terrain neuf, inconnu.

 

 

 


A la loupe : Recensement— un miroir de la confiance existante

Tambour battant, il se fera du 1er au 10/11, le recensement des 1,3MM d’âmes de la RP.Chine. Mais depuis des mois déjà, six millions de volontaires (étudiants, chômeurs) sont sur le pont pour défricher cette 6ème édition (depuis ’53) qui pour la 1ère fois, inclut les étrangers. De porte à porte à travers l’empire, ils colportent les explications, promettant notamment que les données, une fois exploitées à fins statistiques, seront détruites. Ils relèvent les n° de téléphone portable pour poser le jour venu aux clients de longues listes de questions sur tous domaines, état-civil, fortune, origine, confession etc. Ils signent des accords de confidentialité… Toutes ces précautions psychologiques tentent de dédramatiser. Car six semaines avant le branle-bas, les recenseurs ont la mauvaise surprise de souvent trouver porte close !

Pourquoi ? En général, avec l’insécurité grandissante d’une Chine qui a de plus en plus de choses de valeur à se faire voler, les gens ne veulent pas d’inconnus chez eux. En particulier tous ceux (nombreux) ayant maille à partir avec la loi, défendent bec et ongle leur foyer: les migrants qui peuvent être expulsés de la ville s’ils sont constatés chômeurs ; ceux qui sont endettés, et/ou délinquants ; eux qui ont fait des enfants «au noir», sans les déclarer, afin d’éviter l’écrasante amende. L’Etat leur a bien promis une semi-amnistie: « une amende minimale», suite à laquelle ils recevront papiers d’identité, scolarité et service de santé, réservés aux citadins. Mais la note s’élève quand même à 90.000¥ (prix plancher), une fortune pour les pauvres. De fait, à six semaines du jour fatidique, rares sont ceux qui ont mordu à l’hameçon. Il y a enfin ceux parmi les riches (la plupart) qui ont de l’argent sale spéculativement placé en appartements vides -pour 1400 MM$, selon une source. Or pour eux, le recensement aura forcément des suites, en repérant les biens fonciers dormants, avant de les taxer. Aussi ceux-là non plus ne veulent entendre parler du recenseur. Tandis qu’au village, plus souvent qu’à leur tour, les maires eux-mêmes lui tournent le dos, de peur que Pékin ne découvre le pot-aux-roses : le fait que depuis des dizaines d’années, leurs ouailles sont plus nombreuses que le chiffre officiel…

En fait de confiance, l’Etat s’est mis dans un mauvais pas en imposant la semaine passée le réenregistrement des identités pour tous les numéros de GSM, ce qui est interprété comme un 1er pas vers une mise sur écoute universelle. Autre malaise, suite à l’arrestation de l’écrivain Xie Zhaoping, pour son livre illégal sur les expropriations du barrage de Sanmenxia : les agents lui avaient fait ouvrir son huis en se faisant passer pour les recenseurs, un mensonge qui a fait le tour du pays en un éclair…

D’autres habitants doutent de la capacité et volonté de l’Etat à produire, ou à exploiter le tableau réel de la population. Pourtant, tous s’accordent à estimer qu’un tel exercice est plus qu’utile : indispensable pour prévoir les besoins d’avenir, à partir des tendances démographiques. En un mot, ce pré-recensement laisse à l’administration un arrière-goût amer, miroir de la confiance dont elle jouit dans la rue, quant à sa capacité à respecter la vie privée des gens.

 

 

 

 

 


Argent : Des Pilotes au bluff, et pardonnés

Brisant six ans de sécurité aérienne sans incident, la catastrophe du vol Henan Airlines de Harbin-Yichun (42 morts, 25/08) suscita une enquête publique aussi rapide que courageuse : en moins de 15 jours, la tutelle CAAC admettait l’erreur humaine et ajoutait cet aveu accablant. En 2008, 203 pilotes du pays avaient falsifié leur licence ou leur qualification pour un type d’appareil. Or, de ces fraudeurs, la moitié volait sur Shenzhen Air, maison mère de Henan Air…

Quelques jours après cet acte rare de transparence, la CAAC (Chinese Aviation Administration Corporation) ajoute que sur 192 pilotes épinglés, certains furent suspendus mais la plupart, renvoyés en stage de certification pour ensuite reprendre du service. Le déficit en pilote étant trop grand pour que le pays puisse s’offrir le luxe de licencier 200 d’entre eux. La CAAC ajoute qu’elle a modifié ses normes pour empêcher la fraude à l’avenir, cessant de faire confiance aux transporteurs, qui lui avaient transmis, sans sourciller, ces déclarations mensongères !

NB : cette précision semble avoir eu pour objectif de sauver l’image de Shenzhen Airlines, voire lui éviter la faillite, qu’elle risquerait sinon en perdant durablement toute clientèle!

 

 


Temps fort : Chine et Amérique révisent leur copie

Quand Tom Donilon et Larry Summers, fonctionnaires américains viennent à Pékin (6-8/09), la Chine se donne du mal pour les accueillir. Li Yuanchao, patron de l’organisation du Parti les reçoit, suivi de Wang Qishan pape de l’économie, du chef de l’APL, l’armée, Xu Caihou, Yang Jiechi ministre des Affaires étrangères, Zhou Xiaochuan gouverneur de la Banque centrale, Xie Furen ministre des Finances, sans oublier Wen Jiabao et même Hu Jintao

Toutes ces faveurs pouvaient sembler étranges, au moment où Alain Juppé, ex-1er ministre français (de rang bien plus élevé) n’est reçu avec sa délégation bordelaise que par Yang Jiechi et un conseiller d’Etat. Mais tout s’explique, quand on sait que ces hôtes sont les très spéciaux envoyés d’Obama, éminences grises de la Maison Blanche, experts en sécurité et monnaie. De surcroît, ils passent pour peu commodes, et peu connus pour leurs sympathies chinoises. Obama aurait choisi cette mission musclée et profil bas, un peu à titre d’avertissement, suite aux échecs au printemps, des missions de Tim Geithner, le secrétaire aux Finances, d’Hillary Clinton aux Affaires étrangères et de Robert Gates, le secrétaire à la Défense que l’APL avait refusé de recevoir en juin.

On ne traite pas les Etats-Unis comme cela. Ces huit mois de tension étaient d’autant plus mal venus, qu’Obama fait bientôt face au rendez-vous de mi-mandat, avec une opinion qui attend plus de fermeté envers la Chine. Le Congrès ressort sa menace de la loi Shumer imposant de lourdes taxes sur tout import chinois, par rétorsion envers un ¥uan jugé manipulé—Obama lui-même doit à nouveau statuer sur la question en octobre.

En juin, Pékin a bien « libéré » son Yuan du lien au dollar, mais ce fut pour le laisser stagner au même niveau (+0,6%).

En déclarant de «nouveaux progrès» dans la relation sino-américaine, Hu Jintao met aux oubliettes toutes les grognes chinoises depuis janvier, les ventes d’armes à Taiwan, l’audience au Dalai Lama—« offense » qui pour d’autres pays, se paie en années de froid. En même temps, Pékin multiplie les promesses, celle de Xi Jinping devant la CNUCED (Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement) à Xiamen de rétablir pour les firmes étrangères l’égalité des chances sur les marchés publics, celle de Chong Quan, le n°2 du Commerce International, de renforcer l’import pour réduire l’excédent commercial (lequel, après avoir doucement redescendu pendant 18 mois, vient d’atteindre 28MM$ en juillet, et 20MM$ en août)…

Summers a donc rencontré tous les décideurs chinois sur la monnaie, tandis que Donilon s’expliquait avec ceux en charge de l’Iran et la Corée du Nord, sur les suites à donner au torpillage de la frégate sudiste Cheonan.

Le tapis rouge déployé aux deux conseillers suffira-t-il à détourner le couperet de sanctions commerciales américaines, aux conséquences insupportables? Un échéancier, sur le Yuan a-t-il été pris? Comme son prédécesseur avant lui, Obama souhaite l’accommodement. Tant les intérêts sont liés, l’accès au marché américain pour la Chine, et pour les USA le soutien du US$ qui constitue 64% des réserves chinoises en devises.

Enfin, sur la suite des événements, on annonce la reprise des relations militaires dès le mois prochain, et Wen comme Hu sont invités à Washington, pour revoir Obama début 2011 : signe que l’amitié est obligatoire, au nom de ce que T. Geithner nomme joliment « l’équilibre financier de la terreur »!

 

 

 


Petit Peuple : À Changping, le gentleman-anti-cambrioleur

Avec son visage bronzé et son corps rondelet, Liu Baiquan porte à 65 ans tous les signes de la réussite. A la tête du groupe Jianhui à Changping (Canton), il possède cinq hôtels étoilés à Dongguan, et sa villa sur la colline, entretenue par toute une maisonnée, fait l’admiration de la région. Un tel succès lui a valu sans peine sa carte du Parti, sa place de Président de l’Association commerciale de la ville : bref, un des hommes qui font la pluie et le beau temps.

Or, le 15/07, lui advint une aventure comme il en rêvait depuis l’enfance, qui lui vaut à présent la célébrité. Il faut savoir que plus qu’ailleurs en Chine, le Delta des Perles est affligé d’une délinquance effrénée, sous l’effet de l’émergence de fortunes comme celle de Liu, et de l’arrivée de migrants de tout le pays, aux dialectes obscurs et aux clans incontrôlables. Ce soir-là, conduisant sa puissante limousine, avec à bord son fils et son pilote d’hélicoptère, M. Liu surprit deux bandits à moto en train de détrousser une passante : pris de rage incoercible, il pressa le champignon pour leur faire une magistrale queue de poisson.

Manoeuvre réussie : la moto à terre, les voleurs, fuyant pour sauver leur peau, se séparèrent pour mieux semer l’adversaire. Tandis que Liu se chargeait du motocycliste, son fils et le pilote poursuivaient l’acolyte qui portait le sac à main, pour le coincer au pied de la colline.

Mince et bien en jambes, le motocycliste sembla de prime abord avoir toutes ses chances, face au sexagénaire à bout de souffle. Deux villageois rejoignirent sa traque et lui mirent la main au collet, l’homme parvint pourtant à se libérer et même à disparaître, sous les yeux des poursuivants médusés. Une battue à travers les édicules, les bois et les rizières, ne donna rien. Ce furent les cochons qui le trahirent, en grognant pour qu’il leur rende le chemin de leur mangeoire, dans la bauge où il se planquait.

Sous le coup du désespoir, il eut alors une idée lumineuse : se plonger au coeur d’un étang profond. Car faute de savoir nager, nul n’osa plus l’y rejoindre. Il aurait peut-être gagné, sans le dernier coup de poker d’un Liu déloyal, mais qui savait ce qu’il voulait : avec son GSM, il ordonna au pilote d’aller appareiller l’hélicoptère. Dix minutes plus tard, il volait au-dessus de la surface du lac, à un mètre au-dessus du larron marri.

Détail incroyable, durant 20 minutes, le voleur poursuivait la lutte, repoussant la tige de bambou que Liu tendait pour l’inviter à se rendre… Mais le combat était par trop inégal, et la libellule d’acier vrombissant contre ses tempes lui sapait le moral. Il le perdit à jamais vers 19h, quand débarqua la maréchaussée, nantie d’un hors-bord pour arraisonner le détrousseur malchanceux.

Pour son haut fait, Liu en a eu pour son argent. Magazines et chaînes de TV se le ravissent pour chanter dans les chaumières la saga du gentleman-milliardaire-qui-combat-l’ennui-en-pourchassant-le-crime, aux-manettes-de-ses-merveilleux-bolides-high-tech.

Mais en creusant un peu, on devine vite que cette image n’est pas si simple, en fait fort complexe, selon l’angle où l’on se place :

-la tradition l’apparente au noble intègre et incorruptible, «jiàn yì yǒng wèi» (见义勇为) « Voyant son devoir, le faisant avec vaillance » ;

– sa caste des nouveaux riches voit en lui le membre brave et sans état d’âme, qui défend sa fortune les armes à la main ;

– pour l’État paternaliste, il incarne la délation civique, auxiliaire de la justice, du genre qu’il aime donner en exemple aux masses ;

– mais plus d’un citadin ou paysans, spolié et oublié du train de la croissance, doit regretter in petto que la victoire ne soit pas pour une fois dans l’autre camp !

 

 


Rendez-vous : A Pékin, le Forum d’investissements Chine-Amérique Latine

14-16 septembre, Pékin : Automotive Testing Expo 15-17 sept. Pékin : Airport China sur les équipements d’aéroports

15-17 sept. Shanghai : Salons China Paper – China Forest—et Paperworld China, Salon des fournitures de bureaux

15-17 sept. Shanghai : Analytica, Salon sur les biotechnologies et équipements de laboratoires

16-18 sept. Pékin : CIOF, Salon de l’optique

15-16 sept.  Pékin Hotel Westin : Forum d’investissement Chine-Amérique Latine