Le Vent de la Chine Numéro 25
[1] Que la Banque de l’Agriculture aille en bourse de Shanghai et de Hong Kong (15-16/07), traduit la volonté publique de doter le monde rural d’une finance à la hauteur de ses besoins.
Mais assainir la Banque de l’Agriculture est digne des travaux d’Hercule, pour une maison qui 5 ans plus tôt avait 50% de prêts insolvables. Pour se ranger, comme ses 3 grandes soeurs publiques avant elle, elle a dû passer par une série de remèdes de cheval, subir une recapitalisation de 139MM$ réduisant sa dette à 2,91% (déc.09), fermer 60% de ses agences pour ne garder que les 23624 les plus rentables. Elle a laissé l’étranger entrer en son capital, StanChart (Londres) pour 0,5MM$, espérant devenir son partenaire privilégié en Afrique), la QIA (Qatar), pour 2,8MM de pétrodollars… Avec l’entrée en bourse, la Banque de l’Agriculture pèserait 150MM$, 4ème mondiale en capitalisation (derrière ICBC – Industrial & Commercial Bank of China-, CCB – China Construction Bank – et HSBC) avec 320M de clients – plus que la population des USA.
Bilan: minutieusement préparée par l’Etat, l’entrée en bourse de la Banque de l’Agriculture atteint le succès attendu, engrangeant 23,2MM$, record historique. Mais on note l’écart entre l’appétit des fonds d’investissement et des banques alléchés par le potentiel de croissance, et l’anémie des porteurs privés qui doutent de la réalité de son désendettement.
[2] Pour l’Etat et 150 firmes (y compris étrangères) attendant leur tour d’entrer en bourse, cette émission de titres a servi de thermomètre, sur l’appétit du marché. De septembre 2008 à juin 2009, toute nouvelle entrée était bannie pour ne pas éreinter plus une place en pleine tourmente. Mais depuis, c’est le feu vert, la ruée vers l’or : en 2010, Shanghai et Shenzhen attendent 300 valeurs fraîches, pour réoccuper la 1ère place mondiale des cotations.
[3] L’économie poursuit sa décrue, à un rythme qui déçoit l’Occident et Pékin, mais pour des raisons inverses. L’Ouest craint une rechute de sa propre croissance, mais à -10% au 1er trimestre, Pékin trouve insuffisante la baisse de son immobilier. Au 1er semestre, les ventes dans Shanghai ont baissé de 34%, et en mai dans Pékin, les prix ont baissé de 21%. Dans l’automobile, les ventes n’ont monté en juin « que » de 10,9% contre 25% en mai. Derrière ces évolutions, se lit le plan de calmer le jeu, sans rien casser! De 9,1% en début d’année, la croissance pourrait se stabiliser à 7,5% en fin.
[4] Le capital local tente de s’exporter. Des 100aines de millionnaires placent dans New York 500.000$, seuil de délivrance de la carte verte; à Athlone (Irlande), ils mettent 60M$ dans une Chinatown; au Pirée (Grèce), la Cosco met 4,2MM$ dans une concession du port pour 35 ans. Le placement est risqué, car la population grecque vit mal cette perte de souveraineté, et ce marché des transports maritimes vers l’Europe ne devrait pas connaître d’expansion avant des années…
[5] Pour Michael Pettis, Professeur d’économie à l’université de Beida, les nations d’Europe, d’Amérique ou d’Asie tendent à faire porter sur les ménages le désendettement de l’Etat: par la taxation, par un taux d’intérêt trop bas, ou par une « restructuration » de la dette. Partout, les mêmes politiques donnent les mêmes effets : baisse de consommation, hausse de l’épargne, rupture de la croissance. Concernant la Chine où les banques sont en «mauvais état», l’unique issue «dans quelques années», serait une réforme politique assortie de la privatisation de l’immense patrimoine public : pour désendetter l’Etat, ou promouvoir le marché intérieur, au choix (mais pour Pettis, les deux reviennent au même).
Ce pari d’une réforme démocratique inévitable peut paraître optimiste. Mais il porte des analogies avec le XII. Plan en gestation, qui parle d’enrichir les foyers en brisant les privilèges des nantis, villes, milliardaires, grandes entreprises d’Etat : les grands esprits se rencontrent… sur une formule qui semble la seule prévention possible d’un effondrement économique, social, et politique !
Aux aciéries chinoises, la crise a apporté le plan de stimulus le plus généreux au monde (400 MM² tous secteurs), leur ayant permis de porter leur capacité à 700Mt en 2009, hausse de 75% en quatre ans. Sa coulée d’acier atteignait alors 568Mt, près de 50% de la production mondiale.
Le résultat a été le gonflement des stocks et l’érosion des cours mondiaux sous la pression à l’export. De janvier à mai, ces ventes faisaient 18Mt soit +133%. Mais depuis, deux décisions de l’Etat annoncent la fin de la fête : [1] la fin de la parité fixe au US$ (6,81/1) va pousser le yuan à la hausse, et donc les prix hors frontières. [2] La fin des primes à l’export (de 9% à 13% sur 406 produits au 15/06), privera 65% des aciers chinois de leurs seuls bénéfices. De ces mesures, Li Yizhong, ministre du MIIT, (Ministère des Industries et des technologies de l’Information) attend la disparition de 100Mt de capacités obsolètes.
En attendant, les prix intérieurs continuent à chuter, sous l’entrée en jeu des nouvelles unités et le tour de vis sur l’immobilier. L’Amérique vient d’imposer 62% de taxe anti-dumping sur des aciers chinois : la roue tourne!
Même Baosteel, qui prétendait couler 80Mt en 2012 a dû rabattre ses objectifs à 50Mt et 66Mt en 2015, au lieu des 100Mt assignés par le MIIT, lequel espérait avoir d’ici là, par restructurations, deux groupes de cette taille qui est celle d’Arcelor-Mittal, le n°1 mondial. Après 3 ans d’attente, ce dernier reçoit justement (5/07) l’agrément pour une JV locale avec Valin (Hunan) : il aura 33% de cet outil d’un coût d’1,5MM$, qui produira 1,2Mt de laminés à froid, 0,5Mt de profilés zingués pour l’automobile.
Dans le grand jeu de concentration de cette aciérie chinoise atomisée entre des centaines d’unités souvent minuscules, un autre enjeu est l’environnement. Fin juin, le Conseil d’Etat admettait que «la sidérurgie reste le secteur au plus fort potentiel d’économie d’énergie et de réduction de CO2». C’est une manière discrète d’avouer que pour cette année, les aciers (surtout) vont faire perdre à la Chine son pari de baisse de l’intensité énergétique de 20% en 5 ans (elle n’atteindra que 14,38%).
L’acier chinois est obstiné: même la croissance hyperbolique des cours du minerai et celle (dans l’autre sens) de ceux du produit fini, n’ont pas suffi à enrayer ses investissements aveugles. Forte, demeure la foi des vieux patrons provinciaux en l’industrie lourde. Au XII. Plan 2011-15, une attaque se prépare contre toute croissance ultérieure d’acier ou de ciment « politique », sans client…
Xu Li, analyste au Lange Steel Research Center, prédit une coupe de 300Mt de capacités, incluant la fermeture de tout projet post 2005, et le rejet de toute nouvelle licence jusqu’en 2011. Ce qui semble peu crédible, car ce sont les unités les plus vieilles que l’on fermera, et non les neuves, ce qui est admis implicitement en annonçant la fin de toute unité de moins de 400m3 d’ici 2011. Il n’empêche, la détermination aujourd’hui exprimée par Pékin, est sans précédent : celle de ramener son outil sidérurgique à la taille de ses besoins, tout en cessant sa pression sur les sources mondiales de minerai et sur sa pollution en grand de la planète bleue.
Le 4/07 à Lhassa, au temple du Jokhang, le 11e Panchen Lama tonsurait le «6e Bouddha Vivant Dezhub», un des 500 disciples ayant, selon la tradition, accédé à l’illumination. Le jeune Panchen ordonnait donc sous le rite lamaïste Losang Doje, 5 ans. C’était un acte politique: Qoigyijabu (nom du Panchen) est aussi vice-Président de l’Association Nationale Bouddhiste, et durant le service, un cadre lut l’approbation du pouvoir à la réincarnation, pour ne laisser aucun doute à son autorité sur la foi.
Qoigyijabu au demeurant, est contesté parmi ses pairs: à l’âge de 5 ans, il a été substitué par Pékin à un autre enfant, Gedhun Choekyi Nyima dont la réincarnation avait été annoncée par le Dalai Lama, haï du régime. Nyima avait alors disparu avec ses parents, sans réapparaître depuis. Le régime le dit en bonne santé…
Est-ce un hasard ? Deux jours après la cérémonie de Lhassa, la communauté tibétaine de l’exil fêtait le 75ème anniversaire du pape lamaïste. Interrogé sur l’événement, un porte-parole du gouvernement répliqua que la Chine ne tenait pas le compte de l’âge du Dalai Lama, ne retenait que 2 dates, et avisait les journalistes d’en faire autant: le 28/3/51, date de la « libération pacifique » du Toit du Monde, et le 23/05/59, de « l’émancipation du servage».
Ce qui n’empêcha la Chine de s’en rappeler ailleurs: pour faire pression sur le Népal, et assurer le respect du non-anniversaire, sur le sol du petit pays voisin -de rite lamaïste pourtant…
En politique d’environnement, deux avancées majeures se préparent, derrière les voiles de la trêve estivale.
[1] Le XII. Plan en gestation (2011-15), contiendra 47 indices d’évaluation des cadres et gouvernements locaux. Parmi ceux-ci, 24 seront «verts», tels la «consommation d’eau par % de PIB», la «part de houille propre utilisée», ou celle «du PIB investie dans l’environnement». C’est un tournant par rapport au plan de stimulus anticrise, qui n’avait consacré que 14,5% de ses 400MM² à des investissements « verts ». C’est aussi un compromis par rapport à la malheureuse tentative du vice-ministre Pan Yue de créer en 2008 un «PIB vert» (=PIB compensé par son coût pour l’environnement). Suite aux protestations d’apparatchiks constatant un recul de leur performance sous ce système, il avait disparu, et son auteur avec, avant d’être lancé. Aujourd’hui, on semble s’acheminer vers sa reprise au moins partielle : au nom de la promesse faite par Hu Jintao au Sommet climatique de Copenhague en décembre 2009, d’une baisse d’intensité énergétique d’ici 2020 de 40-45%.
[2] A Tianjin en octobre, la Chine va tenir la 12e et ultime session préparatoire de l’ONU avant le sommet de Cancun (29/11-10/12), en quête de l’introuvable traité de lutte contre le réchauffement climatique. Elle promet d’y venir avec de «nouvelles idées et offres pour débloquer les choses». Selon la Dr Liu Bin, de la délégation chinoise, la Chine s’apprêterait à concéder davantage sur des éléments clés du deal recherché, comme sur le principe de quotas d’émissions contraignants…
Dasheng, village de Daxing en banlieue de Pékin, vit depuis janvier dans les palissades : on n’y accède plus qu’ avec un passe, et que de jour—uniquement de 6h à 23h.
Ce dernier projet-pilote de la capitale, réalisé depuis janvier, a coûté 130M¥. L’objectif est de maîtriser les flux des populations flottantes, réduire la délinquance. De novembre à décembre, 11 meurtres ont eu lieu à Daxing : débordement inacceptable où que ce soit sur Terre, et qui relativise nos problèmes de voitures torchées dans les banlieues. Aujourd’hui, les migrants sont 211M, placés en ville comme maçons, garçons ou gens de maison. La dangereuse nouveauté réside dans les «fourmis» ( 蚂蚁 mayi), jeunes chômeurs diplômés sans spécialités, aux attentes salariales excessives. Ils seraient 1M, dont 40.000 rien qu’à Tangjialing, près de Zhongguancun, le coeur technologique pékinois. Ils s’entassent dans ces ex-villages agricoles, dépassant les autochtones à 10 contre 1. Ils vivent dans la précarité et s’irritent de voir leurs années d’études rester sans fruit. « Les saisonniers sont très dangereux», dit Chen Debao, le commissaire de Daxing, «parce que diplômés».
D’où la solution extrême envisagée : Tangjialing est en cours de démolition, ses pensionnaires dispersés sans solution de rechange offerte, tandis que les villages voisins sont emmurés. Après Dasheng, 16 autres villages ont été enclos depuis mars (77 portes, 306 caméras, 212 gardiens, 1400m de palissades). 92 suivront d’ici décembre. Pour Liu Qi, le Secrétaire du Parti, le succès est déjà certain: la criminalité a reculé de 45% et les vols de vélos ont quasiment disparu. Pour s’affranchir de toute critique d’autoritarisme (car la nouvelle muraille permet un contrôle inouï de l’habitant, genre « Big Brother »), la mairie de Daxing précise que les villageois fixeront eux-mêmes le degré de perméabilité de leur membrane…
Cette fièvre de bouclage s’inscrit dans une tradition ancienne. Le dernier avatar en fut en 2003 lors de l’épidémie de SRAS, puis en 2008 lors des JO. Face à cette fermeture de leur univers quotidien, les autochtones ont une attitude ambivalente : ils approuvent la meilleure sécurité, mais déplorent la perte des loyers, leur gagne-pain. Depuis la ville, les intellectuels eux, sonnent l’alarme, dénonçant la transformation des «cités dortoirs» en «cités prisons». Pour Hu Xingdou, professeur d’urbanisme, «c’est de la discrimination, et même associée à des techniques de pointe, elle ne fera que déplacer la violence ailleurs, pas la calmer ».
Qu’en penser? Partout au monde, des résidences murées apparaissent, aux USA comme au Brésil. La différence est qu’ici, les nouveaux murs protègent les pauvres, contre d’autres pauvres, et un système autoritaire, contre les suites de 60 ans de discrimination des campagnes. Le mur autour du village est un expédient pour reculer la redistribution plus équitable des privilèges des villes.
On fait enfin ce constat inquiétant: palissade et passe, autour de Pékin, arrivent à point pour relayer le Hukou (户口), au moment précis où l’Etat parle d’abolir ce permis de résidence injuste, dans un souci d’égalité et d’équité. Une contradiction qui ne pourra longtemps durer!
Sur l’évolution du recrutement d’étudiants chinois en France en 2009, Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche reçut début 2010 des signaux mitigés. Car si, d’une part, avec 27000 étudiants dans l’Hexagone, les Chinois forment la 2de plus forte communauté après le Maroc, la ministre découvrait que pour les étudiants shanghaiens, la France n’arrivait qu’en 9ème choix à leur «hit parade» des plus grandes universités du monde. Ce qui signifiait que dans le choix d’études en France, le coût très bas de l’écolage (contrairement au monde anglo-saxon), pesait bien plus lourd que la qualité d’enseignement, et que la France ne parvenait plus à attirer les meilleurs. Constat inacceptable, surtout après l’incident de Toulon où des dizaines de Chinois avaient reçu un diplôme de complaisance, voire avaient été irrégulièrement inscrits (moyennant cachet).
Tel est le cadre de la visite de Mme Pécresse entre Pékin et Shanghai (6-7/07). D’ici septembre, en coopération avec le ministre des affaires étrangères Bernard Kouchner et le conseil des présidents d’université, elle prépare un recadrage :
– Les jeunes qui viennent à 80% en solitaires, seront demain sous «mobilité encadrée» dans des filières de partenariats sino-français, «suivis du début à la fin», pour garantir leur succès. Car un nombre certain d’échecs est enregistré en 1ère année, dus à l’étrangeté du pays d’accueil et à une connaissance insuffisante de la langue. Désormais, le test portera davantage sur la solidité du français oral.
– Ces jeunes verront mieux satisfaire leur attente d’un métier: sans perdre un an en cours de français, ils passeront directement à l’étude du sujet choisi (droit, économie, etc). Ces cursus pourront aussi comporter des mineures en anglais, langue plus demandée (de la part d’un ministre français, cette décision n’a pas dû être aisée).
– Enfin alors qu’aujourd’hui 65% des recrues sont bacheliers, la ministre veut une part plus forte de masters et doctorants (bac +5 et 8), au moyen d’une offre française de filières plus attractives, et mieux annoncées : d’où l’étape shanghaïenne de la visite (grand pôle de recherche universitaire) et la rencontre avec Wan Gang, ministre des sciences et technologies.
Son but : qu’à l’avenir, 10 pôles pluridisciplinaires décloisonnés, figurent dans la botte des 100 du palmarès de Shanghai. A Bordeaux, déjà, les quatre universités sont intégrées avec les écoles de commerce et d’ingénieurs, en PRES (pôle de recherche de l’enseignement supérieur). Des tendances similaires sont en cours d’intégration à Lyon et Marseille.
Voilà ce qu’espère « vendre » V. Pécresse à ses collègues chinois. Avec l’ambition curieusement discrète, de tirer de cette mission un accord présidentiel, à faire signer à Paris par les deux chefs d’Etat N. Sarkozy et Hu Jintao, lors de la visite de ce dernier en septembre.
Inde et Pakistan viennent de se succéder en Chine, visites fort calibrées par Pékin pour refléter le désir d’embellie avec Delhi, sans endommager l’alliance avec Islamabad. Shivshankar Menon, conseiller-défense indien (3-5/07) rencontrait Wen Jiabao, et Asif Zardari le Président pakistanais (6-11/07) était reçu par le Président Hu Jintao.
Avec Menon, Wen a préparé la prochaine session de fixation des frontières—le principal litige-, et discuté «projets communs en pays-tiers», combinant par ex. aide au développement et exploitation pétrolière. Pékin lui soumit son projet de deux réacteurs nucléaires (650Mw) à Chasma au Pakistan – sujet sensible, mais la courtoisie à gagner la confiance. Celle rechutait par contre le 6/07, lors de la confirmation par Zardari du chantier imminent d’une ligne ferroviaire Lhassa-Gadwar (port sur le Golfe Persique, aussi financé par Pékin). Projet très politique, 3000km via le Cachemire, qui en ligne droite via l’Inde, en ferait 1000 de moins : au quart de tour, depuis Delhi, Pallu Raju, ministre de la défense, déclarait que l’Inde prenait ses «propres contre-mesures » (sic)…
Avec Zardari, six accords furent signés, mais pas celui qu’il espérait -, celui de la double centrale nucléaire. Hu lui réserverait la surprise pour 2011, 60ème anniversaire des relations…
La page des Jeux de Pékin est depuis longtemps tournée. Mais nous devons constater que seule au monde à le faire, la Chine s’en invente d’autres: témoignage de sa fascination et de sa créativité dans l’association de l’exercice physique, du jeu et des masses.
[1] Ne parlons pas des Jeux Asiatiques, version locale des Championnats d’Europe. La prochaine session se tiendra à Canton (12-27/11). Hauts en couleurs, ces Jeux Asiatiques intègrent des disciplines rares tel l’indien Kabaddi, sorte de ballon prisonnier où la balle est remplacée par une forme d’apnée: l’équipe attaquante devant répéter «Kabaddi» en permanence durant ses incursions en terrain adverse.
[2] Voyez plutôt les Jeux Fermiers, qui se déroulent tous les quatre ans depuis 1988 dans l’indifférence un peu hautaine des gens de la ville. C’est le seul happening réservé aux paysans chinois, qui parcourent des milliers de km pour en être. Contrairement aux JO, où l’on joue dans la douleur et pour gagner, les Jeux Fermiers n’ ont d’autre but, pour leurs publics et leurs équipes (qui souvent ne font qu’un) que s’amuser. Une de ses règles d’or est la gratuité.
La dernière édition, en octpbre 2008, se tenait à Quanzhou (Fujian). D’un coût de 1MM¥ (à charge de la ville, qui démontre ainsi une belle prospérité), elle rassembla 32.000 athlètes-paysans, et causa des surprises, tant sur le choix des épreuves, que sur les performances réalisées. Aux semailles forestières par exemple, bien des joueurs ne surent planter selon les normes. «Non que nous soyons des faux paysans» fit l’un d’eux, «mais aujourd’hui, on fait ça a tracteur et au semoir : on a perdu le geste…»
D’autres épreuves rappellent la truculence breughélienne de toute fête au village : le pousser de pneu, la course en sac, celle des serveurs de gargote (avec plateau chargé de bols de 饺子 «jiaozi», raviolis chinois).
La 7ème édition des Jeux Fermiers se prépare à Nanyang (Henan) pour 2012, sans pouvoir hélas éviter un petit scandale. Afin de mériter le titre convoité (pour une métropole d’1M d’âmes) de «cité jardin», la mairie a forcé un village à replanter 320ha de champs en bois. Ultime crime pour un fermier, elle a fait retourner au bulldozer ces blés en herbe, à un mois de la récolte. L’esprit est exactement inverse de celui des JF, faisant perdre aux ronds de une belle occasion d’humilité et d’harmonie -mais personne n’est parfait!
[3] Autre rendez-vous aussi bizarre que créatif: les Jeux Théologiques, 1ers du nom, viennent de s’achever à Kunming (Yunnan). Comme Saint Paul luttait avec l’ange sur le chemin de Damas, les fidèles de 5 religions s’y sont affrontés pour la plus grande gloire de leurs Dieux respectifs. Enfin – pas tout à fait. Les règles en ont été fixées par le Bureau yunnanais des religions et Xiong Shengxiang son n°2, organisateur des Jeux: « l’amitié d’abord, la compétition ensuite», ou «l’amour du pays avant celui de la religion ; l’union dans l’harmonie, l’amitié dans l’échange».
Les équipes bouddhiste, taoïste, musulmane, protestante, et catholique se mesurèrent avec 16 autres équipes athées ou agnostiques. Pour leur 1ère session, les épreuves restèrent classiques, entre courses, gymnastique et sports collectifs -avec quand même, un tirer-de-corde par équipes. Dix épreuves au total, pour 1200 participants.
On a donc vu les novices taoïstes, forts comme des Turcs, bomber les pectoraux sous leurs vareuses et faire saillir leurs mollets dans les guêtres avant d’arracher la corde où s’accrochaient en débandade une 20aine de braves curés et séminaristes shanghaiens en robe de bure. Les Tibétains en robe carmin firent leur prière avant le match de basket-ball, puis explosèrent les Hui (musulmans) de Xi’an, profitant de leurs hyper oxygénation naturelle. La bonzesse s’excusa modestement de perdre au badminton face à une imam (si-si!) du Ningxia : «on n’est pas entraînées -mais l’essentiel est de participer, pas vrai?», tandis que les protestants raflaient la médaille des plus beaux cantiques -en 3 langues différentes (hors concours, il est vrai).
A l’issue des Jeux Théologiques, c’est Xiong Shengxiang l’organisateur, qui donna le fin mot de l’histoire, l’idée motrice derrière ces Jeux : « nous avons au Yunnan 10% ou 4,5M d’âmes croyantes qui ne se connaissent pas, chacun dans leur vallée. Ce que nous recherchons avec ces rencontres, est un lieu et un mode de dialogue nouveau» : réinventer l’oecuménisme aux couleurs de la Chine, voire la 3ème mi-temps, en quelque sorte.
L’été 2009 à Fenjie (Chongqing), Chen Maoguo vit sa maison de 2 étages livrée au pic des démolisseurs, qui préparaient une voie rapide. Pour toute compensation, il recevait 390.000¥, pas même de quoi racheter un terrain équivalent. Comme on ne lui laissait aucun choix, poussé par le désespoir, il se réfugia le 03/08 dans l’eucalyptus qui surplombait ses ruines, sur une plate-forme qu’il se bricola en quelques heures. A une branche, il suspendit la licence de feu son magasin, ses titres de propriété et pour faire bonne mesure, le drapeau national.
Puis commença sa longue routine d’ermite. A l’aube, il s’ébrouait et faisait un peu de gym, attendant Shen Zhenglan, sa compagne : dans son panier noué à une corde, elle plaçait ses vivres du matin -quelques «mantou», petits pains étuvés, une ou deux patates douces, ses trois litres d’eau. Il lui passait le sac étanche de ses besoins, que la fidèle remportait. Certains matins, il lisait ou parlait aux pies. Aux heures chaudes, il dormait. A la fraîche, il bavardait avec les amis venus le soutenir. C’est sans doute cela qui le perdit : un jour, dans le baquet, ils lui passèrent un porte-voix. Chen l’essaya, et sur le champ, comme un enfant, il se mit à faire le reportage en direct de sa vie nouvelle, du jardin secret dans la canopée; ses rêves, ses compagnons ailés, la peur de tomber, la couleur du vent.
Surtout, il dit son combat contre la mairie, qui l’avait grugé. Parfois, il entonnait l’hymne national, l’internationale, des slogans politiques de son enfance. En bas, la foule ravie reprenait en coeur… L’exotisme de sa réclusion volontaire, la justesse de sa cause finirent par attirer les foules. Rong Yile (nom d’emprunt), le secrétaire du Parti qui d’abord, le couvrait de ses sarcasmes, en perdit le rire. Presque chaque matin désormais (quand personne n’était là pour le voir), il se rendait sous l’eucalyptus pour adjurer Chen, le supplier presque d’interrompre son action. Car ce qui arrivait à Chen était le lot de tant d’autres en ce pays. Héritage révolutionnaire, aujourd’hui encore, les communes doivent financer jusqu’à 60% de leurs budgets en « droits du sol » qu’elles confisquent aux petites gens pour revendre aux grands, prétextant un chantier d’utilité publique.
Sans s’en rendre compte mais assurément, «l’homme oiseau» était en passe de devenir un héros local : par bus entiers, de la province et d’au-delà, on venait le voir. Les gars de Fenjie, pendant ce temps, se mettaient à gronder -surtout ceux spoliés et ruinés comme lui. A deux reprises, en septembre et octobre, des manifestations eurent lieu, avec banderoles et piquets, empêchant les camions de chantier de passer. La situation menaçant de virer hors contrôle, Rong le secrétaire, vint négocier le dédommagement porté à 800.000¥. Chen obtint l’impunité pour son action. Méfiant toutefois -connaissant son monde-, il attendit que la somme fut déposée sur son compte, et la promesse verbalement actée devant la foule. Il recula même son atterrissage au jour le plus propice: le 18 novembre, après 108 jours révolus (chiffre sacré dans le bouddhisme), il quittait son arbre sous les hourras, allégé de 15 kg par rapport à trois mois plus tôt.
Puis quelques heures après, reniant la promesse des autorités, la police vint lui passer les menottes et l’emmener pour perturbation de l’ordre public. Flèche du Parthe, le virement bancaire était gelé.
Sept mois après, le procès a eu lieu (28 /06). Verdict non encore publié. En théorie, il encourt de longues années de réclusion pour ce délit proche de la subversion. Mais par cet été d’extrême tension sociale, où l’apparatchik se sent souvent mal aimé, le pouvoir s’en mêle, et gère avec prudence. La Chine entière, et même l’étranger retient son souffle : c’est la parole du Parti-même, que l’imprudent secrétaire a engagée. Signe discret de ces oeufs sur lesquels danse l’appareil, le chef d’inculpation a été mystérieusement changé en «perturbation du trafic», péché déjà bien plus véniel.
Et tout en délibérant sur le sort de son homme-oiseau, le siège du Parti soupire sur l’incommensurable bizarrerie de l’être : « la forêt profonde renferme toutes sortes d’oiseaux » (sēn lín dà le, shénme niǎo dōu yǒu, 森林大了,什么鸟都有)».
29 juillet – 1er août, Nankin : Asia Outdoor Trade Fair, Salon des loisirs en plein air
3-6 août, Qingdao : Salon de la machine outils
11-13 août, Qingdao : Salons des équipements industriels, de la transmission électriques et de l’automatisation
18-20 août, Shanghai : CSAE, Salon de la fourniture auto
18-20 août, Shanghai : Control China, Salon/Assurance Qualité