Le Vent de la Chine Numéro 9
La 1ère palabre sino-américaine de préparation de la ronde de l’ONU sur le Réchauffement global (le «Cop-15», à Copenhague en décembre) vient de se tenir à Washington. Li Gao, directeur du «réchauffement climatique» à la NDRC (la super agence économique) avance une exigence maximale : c’est aux pays importateurs des produits chinois, d’assumer leurs émissions chinoises de CO². Et gare au « désastre », si le Sénat US s’avisait de taxer les exports chinois produits en dehors des règles globales de limitation des gaz à effet de serre. Autrement dit, après avoir joui de 17 ans de droit de pollution illimitée sous le protocole de Kyoto, Pékin, par la voix de Li Gao, feint d’exiger un second sursis !
Voix inquiétante donc. Mais le 17/03, toujours à Washington, Xie Zhenhua, chef de la cellule interministérielle anti-réchauffement, annonce que Pékin s’apprêterait à accepter des quotas contraignants. Les grandes nations pollueuses, dit-il, sont d’accord sur le long terme: «la vraie difficulté, est de nous entendre sur les étapes intermédiaires». Son seul souci est que pour l’heure, les USA d’Obama n’ont encore rien promis : aussi, la Chine, selon Xie, ne montrera ses cartes qu’après les autres! Xie touche un point juste: à ce jour, seule l’Union Européenne a fixé ses offres de quotas – mais non ses aides au Tiers Monde, en échange de leur coopération climatique. Pour les USA, Obama a évoqué des objectifs, mais sans engagements fermes. Et la Chine n’offre pour l’heure, d’ici 2020 qu’une baisse «volontaire» de son «intensité énergétique» de passer à 15% de son énergie, en « renouvelables », non fossiles.
D’ailleurs, sur le terrain chinois, crise oblige, force est de constater un recul de l’effort de protection de l’environnement. Durant le plenum du Parlement (ANP), Wu Bangguo son Président, a reconnu que les objectifs pour 2008, de baisse de pollution étaient manqués, et que 2009 ne vaudrait guère mieux, toute priorité allant désormais à l’emploi et au béton gâché. Pan Yue, le vice ministre de l’environnement enfonce le clou. Le projet de PIB vert a été enterré, version du PIB qui intégrait les pertes dues à la pollution : ses mauvais chiffres compromettaient l’avancement des caciques locaux. En 2006, sa seule année d’exercice, le PIB vert avait dévoilé 57MM² de pertes : 3% du PIB…
Tout cela est inquiétant, mais était prévisible, et ne devrait pas cacher la vraie toile de fond : concernant sa stratégie anti-réchauffement global et son arrimage à la machine mondiale, Pékin a fait son choix. Tactiquement, comme les autres, elle le cache encore, espérant extraire des autres des concessions. Mais le pouvoir (Wen Jiabao) sait que la thèse de Li Gao ne tiendra pas : les vieux clients de Kyoto-I, Japonais et Européens, pas plus que les jeunes (USA) ne signeront, si le 1er pollueur mondial -la Chine- s’ingénie à laisser l’effort reposer sur les autres. Ainsi, tous les grands acteurs se jouent cette comptine pour petits enfants, «je te tiens, tu me tiens, par la barbichette» … dont les scientifiques, à Copenhague, changent la musique, en avertissant que le réchauffement des océans atteint et même dépasse le pire scénario : le temps se rapproche vite où nul ne pourra plus tergiverser : pour que nos petits enfants vivent, il faut -maintenant- négocier !
Caracolant à plus de 10% en moyenne, les 10 dernières années de croissance chinoise flottaient sur un tapis volant, grand générateur d’emplois : l’immobilier, générateur de 2millions de jobs nouveaux en 2008. Mais la crise vient de le terrasser et le Conseil d’Etat semble admettre son besoin d’une purge, puisqu’il l’a exclu de la liste des dix secteurs à soutenir d’ici 2011 (acier, marine, automobile, logistique, pétrochimie, textile, industrie légère, métaux non ferreux, mécanique et électronique). Surprotégé contre Pékin par les provinces, l’immobilier, faiseur de milliardaires et bienfaiteur des apparatchiks, s’est développé de manière trop anarchique, construisant sans regard aux besoins réels du marché. Seule aide que Pékin consente à octroyer : l’allègement de quelques taxes, la levée de divers handicaps au crédit (imposés les années précédentes pour calmer le marché) ; et enfin au programme du stimulus, 10 millions d’habitations à loyer modéré.
Résultat de la gabegie passée : une jungle d’apparts et villas invendus. Le parc en souffrance atteint 210Mm², et dans le seul Pékin, 144.933 logis sans propriétaire. En février à travers 70 villes, les prix ont chuté de 1,8% : record depuis 5 ans. L’an dernier, Vanke, n°1 (de Shenzhen, présent dans de nombreuses grandes villes) vit ses ventes chuter de 8,6% à 7MM$, et sa valeur en bourse, de 53%. Dans la capitale, les ristournes vont de 10% à 25%. Dans ces conditions, rares sont les chantiers à voir tourner leurs grues : à travers le pays, 1,2MM de m² de terre à bâtir restent en friche, payés trop cher, inutilisables.
Et puis voici soudain l’embellie, illogique mais indiscutable, fruit du rétablissement du crédit. En février, Vanke voit se redresser ses parts en bourse de 27%, ses ventes d’apparts (prix cassés) de 150%. Poly Real (Canton) remonte de 57% en bourse et de 300% en ventes, réalisant 292M$ de chiffre. Et pourtant, la confiance n’est pas de retour, surtout hors du pays : China Properties voit ses obligations en US$ chuter de 45%, et Costal Greenland de 85%. Incapable en janvier de payer les 9,75% de coupon annuel de son titre, Neo-China Land est en faillite, ou tout comme.
Selon leur optimisme, des professionnels veulent croire que le plancher est atteint, mais d’autres voient encore 20 à 25% de coupes des prix dans l’année. La reprise, pour le Président de Vanke, serait pour 2012 (il pariait hier encore pour « fin de l’année »).
Cette crise permet l’ouverture d’une guerre sournoise entre promoteurs, ceux suffisamment grand pour être cotés en bourse, offrant plus de discounts que les plus petits, afin de les conduire doucement vers l’étranglement et le dépôt de bilan : « dans deux ans, dit ce chevalier d’industrie, les survivants parmi nous, seront au paradis » !
OCDE : la Chine, futur membre ?
Angel Gurria, Secrétaire Général de l’OCDE était à Pékin le 20/03 pour présenter diverses études consacrées à la Chine, confirmer l’intérêt (tout à fait partagé) de ce club de réflexion des nations industrialisées pour la troisième puissance industrielle mondiale : suggérer son entrée désormais plus trop lointaine à l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement économique).
S’exprimant sur le veto chinois à la fusion Coca-Cola – Huiyuan, Gurria dédramatisa, rappelant ce type de décision, toujours décevante pour les perdants, se prend tous les jours à Bruxelles, dans l’intérêt du consommateur (mondial), pour éviter que « les très gros rachètent les très gros» : la décision du Ministère du commerce était «technique, non idéologique ».
Sur l’impact de la crise sur la Chine, la croissance chinoise pourrait chuter jusqu’à 6%. Mais cette baisse sera aggravée par l’intensité de ce tournant radical, 18 mois pour passer de +13% de croissance à la moitié. Enfin, pense Gurria, «Même si la Chine seule ne tirera pas le monde de sa crise, nous avons tous besoin qu’elle réussisse… Car le monde manque de locomotive : celles d’Amérique, d’Allemagne, du Royaume-Uni ou du Japon… sont toutes à l’atelier, en révision »!
Pour la 2ème fois depuis décembre, la Banque Mondiale (BM) revoit à la baisse son pronostic de croissance pour la Chine, à 6,5% en 2009. Ce qui ne l’empêche pas de la féliciter pour son plan stimulus, affirmant qu’il réussit : la Chine sera un des rares pays en croissance cette année, et 75% du mérite en reviendra aux dépenses de l’Etat.
Pourtant après 4 mois d’exercice, nombreuses sont les critiques de ce plan. Les media en dénoncent l’opacité et l’exclusivité octroyée aux firmes publiques, qui se permettent même de chasser de leurs métiers traditionnels des firmes privées. Même la Banque Mondiale ose conseiller à l’Etat un peu de dérégulation de son corset financier.
Ailleurs, des économistes ne se gênent pas pour parler plus clair, comme Andy Xie dans Caijing : « c’est la réforme, pas le cash qui nous sortira de la crise ». Pour lui, la chute de la consommation en Chine, à commencer par l’immobilier, vient non d’une méfiance des ménages mais de la faiblesse de leur revenu. Radicale, sa solution consisterait pour l’Etat à [1] distribuer aux citoyens ses actions dans les firmes d’Etat. Par exemple, en ouvrant automatiquement des comptes individuels dans les banques, sur base des cartes d’identité. [2] L’inventaire immobilier invendu (voir ci-dessous) devrait voir ses prix cassés à 1,5 mois de salaire par m², perte sèche supportée conjointement par le promoteur et l’Etat. De la sorte, l’Etat transférerait son patrimoine aux consommateurs, qui s’empresseraient, pour « 10 à 15 ans » de recommencer à acheter de l’immobilier et d’autres biens, relayant ainsi effectivement les recettes d’exportation perdues.
Ailleurs, cinq économistes publient un autre plan de contre-stimulus en 14 points, basé sur des prémisses identiques: « la crise vient de l’étranger—mais sa solution passe par le règlement de vieilles contradictions intérieures », disent Chi Fulin, Président d’un Institut de recherche économique de Hainan, et Chang Xiuze, analyste à la NDRC, la commission nationale de développement et de recherche.
Pour se donner la chance d’arracher la Chine à sa panne, la Chine devrait promulguer avant l’été la dérégulation des prix de l’eau, du sol, du bois forestier, de l’électricité, du carburant : les doter d’un prix (et d’une taxation) non plus mijotés en ministères, mais basés sur le marché, avec un correctif pour refléter leur rareté. Les auteurs proposent aussi d’ouvrir au secteur privé les portes des chasses gardées de l’Etat, tels les chemins de fer, l’aviation, l’énergie. Ainsi devrait être baissé le seuil d’investissement exigé en ces secteurs. De même, en chemin de fer, firmes exploitantes et pouvoirs locaux devraient reprendre au ministère la gestion des chantiers.
En bref, derrière ces contre-mesures suggérées, se lit l’idée de profiter de la crise pour enterrer deux principes socialistes increvables, quoique non durables : le gaspillage des ressources réputées (à tort) « inépuisables », et la mainmise sur l’économie par des grands corps d’Etat perclus de lourdeur, corruption et incompétence.
Economie : santé, température
Comme depuis cinq mois, l’investissement étranger a reculé en janvier-février : de 26%, à 13MM$. Souvent secrètes, les fermetures d’usines, même étrangères, même au nord du pays, se multiplient, assorties de violences (bris de matériel, occupations, manifs…). Le nombre de firmes étrangères nouvelles atteignit 2761, soit un recul de 37%.
Le monde fermier se retrouve en surproduction de fruits et légumes, de porc, d’huile et de céréales, dont la récolte d’été 2009 baissera de 3 à 4%. Autre tendance : en février, les prix de gros ont reculé de 6%. L’indice des prix à la consommation qui avait monté de 8,7% en février 2008, vient de virer au négatif, à -1,6%, sanctionnant une déflation inévitable – Wen Jiabao, le 1er ministre, espère la contenir à 4% dans l’année. Les bonnes nouvelles sont rares : Huaneng, 1er électricien, annonce des profits après 7 mois de pertes, portés par l’effondrement des cours du charbon, et par une consommation des usagers qui vient de cesser de décroître.
La sidérurgie est en enfer : pour l’Etat, comme dans le cas de l’immobilier, c’est un don du ciel, qui lui offre sur un plateau ce que le secteur (avec la complicité des provinces) conspirait à lui refuser depuis 10 ans : la fermeture des surcapacités, la fusion en 10 groupes de 30Mt/an de capacité moyenne. A tout le moins, cette aciérie chinoise accuse 30% de surcapacité, pour 100Mt/an. Shan Shanghua, Secrétaire général de l’interprofession, croit que l’export perdra cette année 80%. Etranglés par le tarissement des crédits du partenaire, les fondeurs privés qui s’étaient «acoquinés» à l’étranger, voient comme leur meilleure chance de survie, la fusion dans un groupe d’Etat. De la sorte, les 10 majors ont vu leur part du marché intérieur monter de 29% en 2007 à 42% aujourd’hui. Ils visent les 70%, cap qui leur permettra de contrôler les prix.
Ailleurs, les ministères travaillent dur à maintenir leurs secteurs à flot. Pour dépanner les producteurs de caoutchouc (naturel ou chimique), la réserve nationale stocke de 50 à 80.000t, 14% de la récolte de 2008. Le Ministère du commerce crée une chaîne de marchés d’occasion, assortis de labels et de professionnels qualifiés, pour relancer la consommation sur toute la chaîne. Une bourse nationale du Copyright s’ouvre le 16/02 à Pékin, concentrant tous les services (enregistrement, licence d’exploitation, cession). L’enregistrement de firmes est simplifié, accéléré, délocalisé – jusqu’à 100M$, sans passer par le ministère. Enfin en bourse, la crise permet un grand nettoyage chez les courtiers. Jusqu’à hier, la tutelle CSRC avait feint d’ignorer que 50.000 des 80.000 agents n’avaient pas le diplôme requis: dès avril, seuls les diplômés pourront travailler, et encore, pour une seule firme à la fois, histoire de renforcer une confiance bien ternie.
China Mobile : le temps du pain noir
Son gigantisme (464M des 640M de Chinois abonnés au portable) n’empêche pas China Mobile de souffrir dans la tourmente -comme tout le monde. Mais sa « douleur » n’est pas forcément tout à fait naturelle : plutôt injectée, comme en laboratoire, pas son autorité de tutelle, le MIIT (MIIT: Ministère des Industries et des technologies de l’Information). Les profits chutent par la baisse de consommation, et par le gain de nouveaux abonnés en milieu rural, moins fortunés.
Mais China Mobile pâtit d’avoir reçu du MIIT « le baiser qui tue » : le plus mauvais des trois système 3G, celui de mouture locale, tandis que China Telecom recevait l’Américain et China Unicom l’européen, aux années d’avance en technique et en applications. Ainsi, Mobile devra investir, sur ce marché de l’avenir, des dizaines de MM¥ pour une technologie qui ne marche pas. Autre ennui, le MIIT a imposé à China Mobile de fermer son service de portables bas de gamme, populaire en milieu rural, mais qui interférait sur les fréquences du 3G. Tout ceci fait que les profits du 4. trimestre, juste publiés, n’atteignent que +11% sur l’an dernier (à 4,4MM$) : pire bilan en 4 ans. Aussi, sa tentative de lever 4MMHK$ de fonds en bourse de Hong Kong (19/03) s’est soldée par un échec.
La racine de ces pertes traduit en partie un choix d’handicaper cet Etat dans l’Etat, laisser leur chance aux nouveaux venus China Telecom et China Unicom. Il s’agit de créer la concurrence pour le bonheur du consommateur, et pour garder fermée la porte aux opérateurs étrangers. Pour autant, le MIIT protège quand même China Mobile, par cette subvention de 13% aux fermiers sur tout achat d’électronique dans 14 provinces.
C’est par ce temps d’orage, que China Mobile se «découvre» un problème: l’explosion du volume des SMS, 607MM échangés en 2008, 100MM de plus qu’en 2007. Or, une bonne part de ces SMS consiste en messages indésirés, facturés en partie à l’usager. Au départ du Shandong et de Hainan, une collusion lie les branches locales de China Mobile et certains fournisseurs de services, tel le géant publicitaire Focus-Media. Elles leur vendaient les fiches des abonnés, permettant l’envoi de jusqu’à 15.000 « spam » à la minute pour un seul émetteur. Le MIIT a donné l’ordre à China Mobile de faire le ménage, a fermé lui-même 14.000 sources de spam, et puni 300 entreprises coupables.
Ce grand nettoyage de printemps est probablement dans l’intérêt bien compris de China Mobile. L’avenir des télécom, est dans le «packaging» de services entre téléphones (lignes fixe et portable) et internet. China Mobile garde des atouts dominants, telle l’ouverture, en cours de négociation, du réseau I-Phone, aux 15.000 services payants ou gratuits. Mais pour réussir, il lui faut amender ses mauvaises habitudes—vite !
NB : China Mobile doit regretter de n’être pas rentré plus tôt en bourse de Shanghai – il considérait le HKSE, la bourse de Hong Kong bien plus rémunérateur. Aujourd’hui, il rappelle sa « volonté d’y aller, mais sans échéance fixée». Mais les temps ne sont plus favorables.
Le Yangtzé centripète
Dans le Delta du Yangtzé les plaintes des riverains et son coût élevé (4,5MM$) ont tué le projet de Maglev Shanghai-Hangzhou qui aurait dû tourner en 2010 à 450km/h, desservant l’Exposition universelle. Mais Shanghai, Hangzhou et Nankin seront reliées en TGV, mettant chacune à moins d’une heure. de l’autre, moyennant 3,5MM$ payés pour moitié par Pékin. Baosteel qui fournit les rails, prend 8% du réseau. Grâce au triangle ferroviaire, le delta poursuivra une croissance autocentrée.
Plus à l’Ouest, Shanghai Int’l Port (SIPG) est obligé de lâcher ses parts des ports sur le fleuve : Wuhan, le terminal conteneur de Cuntan (Chongqing), Yichang, Wanzhou, Anqing. Ces villes veulent recouvrer la souveraineté sur leurs ports, les rééquiper en lourd, attirer les investissements industriels, ce qui n’était pas (au contraire!) le problème de Shanghai. Wuhan espère 150M² pour son port multifonctions, Wanzhou (Chongqing) 120M². C’est ainsi que Delta via son TGV, le haut Yangtzé via ses ports, réorientent leurs développement sur leurs marchés locaux, chassant tout autre acteur, et reculent l’intégration d’un grand marché national.
Incidents marins en série
L’accrochage en mer de Chine au large de Hainan, de cinq faux chalutiers chinois avec le navire-espion américain Impeccable a suscité d’autres incidents depuis. [1] Le 1er ministre nippon Taro Aso a renoncé à sa visite à Pékin des 27-29/03. A la demande de la Chine, car il venait de réaffirmation sa souveraineté sur les îles «Sankaku», contestée par Pékin qui les appelle Diaoyu. Une mauvaise humeur chinoise sans suite : Hu Jintao verra quand même Aso, (voire sans doute, le Président français N. Sarkozy) le 2 avril au sommet «G20» à Londres. [2] Le 10/03 par ailleurs, Gloria Arroyo, Présidente des Philippines, signait une loi du littoral, affirmant sa souveraineté sur un bout d’archipel des Spratley. Pékin qualifia l’acte d’«illégal et non avenu». En fait, pas moins de six pays riverains réclament cette zone marine riche de ressource halieutique et d’hydrocarbures, en pleine route maritime entre Asie et Amériques. La nouvelle loi philippine, justifie Arroyo, était nécessaire au terme de la Convention de l’ONU du droit de la mer (Unclos), qui donnait aux requérants, concernant la mer de Chine, jusqu’à mai 2009 pour publier leurs revendications. C’est aussi pour répondre à cette initiative de Manille, que la Chine vient de dépêcher en mer du Sud son plus grand garde-côte, le Yuzheng 311. A toutes fins utiles.
Les deux visages de la police renforcée
Au Xinjiang, le 17/03, Abdulkadir Mahsum, Mamatali Ahat en prennent pour 15 et 8 ans, pour avoir rassemblé plusieurs manifestations pour la liberté religieuse, et suspendu un drapeau séparatiste. Au Liaoning, Yao Fuxin, 58 ans, est relâché après sept ans -il avait organisé les travailleurs pour réclamer leurs salaires.
Cette année, la sécurité publique voit ses budgets monter à 487MM¥ (niveau central, et provincial) pour une hausse de 20,5%. Mais cette tendance se lit de deux manières. [1] Inquiet de l’effervescence sociale, l’Etat achète des armes, assurance anti-débordements.
[2] Selon Fu Linghua, professeur à la HK-University, le projet est de briser l’allégeance entre police locale et mafia. Mieux payer et équiper des policiers de base surmenés et dépassés. L’effort porterait surtout sur le Centre et l’Ouest et au plan technique, sur le renfort des communications entre police et police armée. Un aspect important, dans cette coupure des liens avec la pègre, est la convocation à Pékin de tous les commissaires des 3000 cantons du pays, aux fins de formation au traitement des plaintes, et des menaces à l’ordre social. Car une base sociale rassérénée, est le meilleur moyen d’éviter à la police de faire alliance avec le diable.
Un peu imprudents, avec d’autres analystes, nous prédisions au n°8 du VdlC un feu vert imminent du Ministère du commerce (MoC), pour le rachat de Huiyuan par Coca-Cola. Pour le n°1 du jus de fruits chinois, le Goliath des petites bulles offrait 2,4MM$ (en sus des 2MM$ qu’il va investir en Chine d’ici 2014), son réseau mondial, et son savoir faire. Pour Huiyuan, c’était la renaissance, de quoi faire jaillir l’export, recruter des centaines de milliers de fermiers et d’ouvriers de plus : pour la Chine, que des avantages!
Mais nous avions tous tort. Le 18/03, le Ministère du commerce donnait sa réponse: c’était 不«bu» (« non »), et Coca-Cola devenait la 1ère victime de la loi antitrust de 2008.
Les conséquences sont fortes. Ainsi, la Chine vient s’ajouter à l’Union Européenne et aux USA, comme un des lieux au monde qui fait et défait les fusions globales. Au nom de la lutte anti-monopoles, le Ministère du commerce se permet de juger toute fusion de firmes aux ventes supérieures à 1,5MM$/an, et celles en Chine, à 50M$/an. Autrement dit, peu de grandes transactions mondiales lui échappent désormais !
Jusqu’à présent, il n’a pas abusé de la situation. Sur 40 fusions étudiées, il en a validé 24 dont celle des N°1 et 2 de la bière Anheuser/Inbev pour 52MM$. Ce qui n’empêche l’étranger, suite à ce veto à Coca-Cola, de crier au protectionnisme. Pékin dément. Avec 40% du marché chinois du jus de fruit, dans une Chine assurant 50% de la production mondiale de fruits, Coca-Cola renforcé de Huiyuan devenait un cartel à lui seul, en Chine et dans le monde.
Au reste, il n’est pas sûr que le groupe d’Atlanta pleure cette perte. Car s’il rate une occasion de laisser loin derrière, en Chine, le rival Pepsi, (ce qui a pu aussi, au Ministère du commerce, être en argument en faveur du refus), il évite un deal contesté en interne : afin de séduire le Ministère du commerce, il avait offert un prix de rachat beaucoup trop haut. Or, la crise était en train de baisser la valeur de Huiyuan, autant que son propre accès au crédit…
Reste un point où le Ministère du commerce reste critiquable : il refuse à Coca-Cola ce rachat à 2,4MM$ sur son sol, mais n’hésite pas, en même temps, à revendiquer une reprise huit fois plus haute en Australie (18% de Rio Tinto par Chinalco, pour 19,5MM$): il y a là un «2 poids, 2 mesures» qui choque -en Australie même. L’affaire Rio Tinto est ressentie comme stratégique, destinée à capter des ressources hors frontières: aux limites du monde commercial. Le Sénat australien lance un audit, qui a trois mois pour remettre ses «recommandations». Mais symboliquement, c’est 48h plus tôt que le ministre du Trésor tranchera, en toute indépendance. S’il suivait Pékin dans son refus, il risquerait d’entraîner Rio Tinto dans la faillite, faute de pouvoir trouver ailleurs à combler son énorme trou de caisse. Il compromettrait aussi l’accord de libre échange en cours de peaufinage avec Pékin. L’affaire semble donc en bonne voie -mais cette fois, ne parions plus rien : chat échaudé craint l’eau froide !
Sous l’angle nuptial, la Chinoise vit ce que vécurent ses soeurs d’Europe ou d’Amérique un siècle en arrière. Passée la 30aine, pour celles non casées, point de salut : elles doivent se résigner au sort de vieille fille.
A Chengdu (Sichuan), Liu Landie n’est vilaine ni de corps, ni de visage, mais pas assez soignée: ni attifée, ni maquillée, choses pour elle «sans importance». C’est par l’esprit que Landie a voulu briller, toujours 1ère à son lycée (le meilleur de la ville). Après un excellent bac, des études à l’Université du Sichuan conclues par un doctorat, elle se vit offrir un poste de direction à un des bons hôpitaux de la ville, avant d’être rappelée par son université comme enseignante: la consécration !
Mais pour Fu sa mère (58 ans), tout cela n’est rien, sans un mari: malade de la voir seule à 29 ans, elle a pris les choses en main en 2004. Qu’il pleuve ou vente depuis lors, elle passe trois après-midis par semaine au Parc du peuple, au «coin des esseulés» (Xiang Qin 相亲). Elle y suspend ses affiches « fille à marier », le CV, les photos, l’âge de sa fille qu’elle ajuste chaque année. Autour d’elle foisonne cette faune de parents cherchant «chaussure au pied » de leurs rejetons.
Mais pour la pauvre, ses cinq ans d’essais sont cinq ans d’échec. En partie, elle le doit à ses trop hautes attentes. Fu ne peut admettre que la fortune du futur gendre soit hors de proportion de ses propres moyens. Pas la peine non plus d’aller guigner sa fille, s’il ne jouit d’un diplôme bac+3, d’un gagne-pain, d’une bonne santé, et n’est indemne de la tare du divorce.
«Je ne réclame pas la lune, quand même ! », tonne la vieille, pour cacher sa déception. Car en ce parc du Peuple, ils sont 85% à courir après la même perle rare, un «BCBG», bien sous tous rapports. Résultat inévitable : ils se partagent les laissés pour compte, homosexuels visant un mariage écran de fumée, coureurs de fortune, paysans sans fortune ni éducation. En cinq ans, Fu n’a récolté que 10 coups de fil (2 par an) et cinq rendez-vous, parmi lesquels celui obtenu par une mère menteuse, au fils soi disant «avocat» mais en réalité chômeur et sans nul diplôme !
Parfois, des passants bien intentionnés conseillent à Fu de retoucher le portrait : rajeunir sa fille de quelques années et surtout cacher son doctorat. Autrement son cas est sans espoir : incasable, car atteinte des sangao 三高, des «trois choses trop hautes» que sont son âge, son diplôme et son salaire . Tout ce-la refroidit les gars. Un tel «foudre de science» ne fait jamais une bonne épouse au foyer, tout le monde sait çà! Que Landie ne fasse pas la fière, et prenne celui qui se présentera sans regarder aux imperfections, comme dit le dicton : «voir la fleur du haut du cheval » (走马看花, zǒu mǎ kàn huā)…
Depuis ’07, rongée du sentiment de son échec, la mère Fu s’est laissée entraîner à des manoeuvres à la limite de la folie. Sur une carte de visite, elle a fait imprimer son autocritique, s’accusant d’avoir fait de sa fille une bête à concours et de l’avoir détournée des garçons. Ce carton, elle le distribue à tort et à travers dans la rue -sans autre réaction bien sûr, que des regards gênés ou des lazzis !
Tant de remous embarrasse Landie, la jeune docteur d’Etat. Avouant s’être montrée trop froide au sexe fort et avoir mal géré cet aspect de sa vie, elle invoque mille motifs pour absoudre sa mère: «dans nos bureaux, il y a peu d’hommes, et puis mon projet de recherche m’occupe à temps plein ». Mais elle compte réagir : sous-traiter son problème auprès de collègues et d’amis, pour qu’ils lui trouvent son «Mister Right».
En fin de compte, la vie de Liu Landie pourrait résumer une mutation invisible, qui bouleversera l’avenir de son pays : doucement mais sûrement, la société chinoise s’oriente vers le matriarcat. Les femmes discriminées travaillent plus dur pour remonter leur handicap, et accèdent à des responsabilités toujours plus hautes. Face à quoi les hommes mauvais perdants, les boycottent comme leurs compagnes.
Pour Landie, les choses sont claires : elle ne veut plus d’un mariage de convention. En attendant l’union exaltante de ses rêves d’adolescente, elle reste avec le compagnon fidèle de ses jours, et qui au moins la réalise : la carrière !
24-26 mars, Shanghai : Salon du revêtement de sol
25-28 mars, Suzhou : Elexpro, Salon chinois des ascenseurs
26-29 mars, Canton : Salon international du voyage
27-30 mars, Canton : Salon int’l du meuble
29- 31 mars, Pékin : Intertextile Beijing