Le Vent de la Chine Numéro 5

du 16 au 22 février 2009

Editorial : La crise est dans les champs, aussi

A peine tempérée par une ou deux ondées tardives (12/02), la plus violente sécheresse en 50 ans force le régime socialiste à décréter (5/02) l’état d’urgence sur le centre et nord du pays, pour sauver la récolte d’hiver. Le Président Hu Jintao édicte la mobilisation générale des ressources publiques. Le 1er ministre Wen Jiabao se montre le 8/02 à Yanbei (Henan), une lance d’arrosage en main, au milieu de quelques paysans, parmi les 4,4M privés d’eau…

Sur la gravité de cette crise, deux voix discordantes s’affrontent.

Selon la 1ère, «le ministère de l’agriculture aurait crié avant qu’on le batte», et exagéré les dégâts. Le mal viendrait surtout du refus des paysans d’arroser, car les silos et greniers à blé sont pleins. A demande faible, prix bas: les dernières enchères de grain importé n’ont pas trouvé preneur. Dans ces conditions, les pertes se limiteront à 2,5% de la récolte d’hiver.

Plus inquiétante, l’autre thèse dénonce, outre la sécheresse, la rouille du blé, capable d’éradiquer 40% de la récolte là où elle frappe. Au total, 20% de la récolte devrait être perdue. Évidemment d’accord avec cette lecture pessimiste, l’Etat est très inquiet.

Ordre a donc été donné à tous les niveaux de pouvoir, armée comprise, d’irriguer d’urgence -60% des 10M d’ha menacés l’ont déjà été. 5MM m3 sont relâchés des réservoirs dans le Fleuve Jaune au profit des régions sinistrées. Les 7 et 8/02, 2400 roquettes ont été tirées du sol ou par avion, pour inséminer les nuages au chlorure d’argent -technique chinoise. Le résultat a été médiocre, avec 0,5mm de précipitation dans le Henan, pas même de quoi  humecter la surface.

Comme souvent en cas d’impasse, Pékin fait son autocritique: un réseau d’irrigation mal tenu, faute d’investissement, et qui perd 70% de l’eau avant d’atteindre la plante ; un projet géant de canal Yangtzé – Fleuve Jaune qui a pris quatre ans de retard, au niveau  de Danjiangkou : il n’a pas créé à temps les dizaines de centres de retraitement des eaux usées, ni relogé 300.000 habitants chassés par l’extension du réservoir.

Aux grands maux, grands remèdes : 13MM² viennent d’être alloués en primes aux paysans, pour leur permettre d’acquérir des outillages d’irrigation plus efficaces. Si Pékin réagit si fort, c’est que l’écart de revenus entre ville et campagne s’est encore aggravé en 2008, avec 10.000¥ de différence, le citadin gagnant 3,36 fois plus que le paysan. Et avec 20M de bouches nouvelles à nourrir, une récolte ratée pourrait aboutir à un climat social incendiaire………………. 

Cette crise amène des leçons, sur les erreurs et les comportements à changer. La presse l’avoue, le nouveau Grand Canal ne sera pas la panacée. La solution consistera à «adapter l’homme à la nature et non l’inverse»: arrêter le gâchis d’une eau «socialiste, gratuite à volonté». L’Etat peaufine même un plan d’encouragement de transfert d’une partie du parc industriel de la côte vers les petites villes du centre et de l’ouest

Tout cela exprime un tournant mental «dans la douleur» —c’est à cela que servent les crises. Pour l’entrée de la Chine dans le mécanisme mondial de lutte contre le réchauffement global, à Copenhague dans 10 mois, c’est de très bon augure !

 

 

 

 


A la loupe : Etranger : le tapis vert est à l’orage

 «La Chine n’est pas responsable des difficultés actuelles dans la relation franco-chinoise», assurait Xinhua le 10/02, tandis que Wen Jiabao accueillait avec visible plaisir l’ex-1er ministre J.P. Raffarin, venu tenter de faire des «efforts effectifs et positifs pour réparer les dégâts du passé» : s’excuser sans en avoir l’air, pour la rencontre du Président N. Sarkozy avec le Dalai en décembre. Cependant, comme pour remettre de l’huile sur le feu, c’est le moment (12/2) que choisit le ministère des affaires étrangères pour revendiquer la restitution par Paris de 2 bronzes du Palais d’Eté, aux enchères chez Christie’s : « oeuvres pillées… par des soudards»… Puis dans la semaine, se succèdent cinq autres heurts avec cinq autres pays, dénotant de la nervosité du moment :

 – Rome nomme (9/02) le Dalai Lama citoyen d’honneur. Protestation du ministère des affaires étrangères, sourd à l’explication de l’Italie, qui plaide qu’elle ne peut faire pression sur ses mairies.

– Le 10/2, après l’octroi par le Canada d’un permis de travail à un transfuge chinois, plainte de Pékin qui préfère ignorer que la justice canadienne est indépendante.

– Le 10/02 à Baden Baden, le Dalai Lama reçoit le prix 2008 des Media allemands – et alerte ses auditeurs sur la «menace pesant sur la culture tibétaine».

  Le 12/02, Pékin se dit «intensément soucieux» d’une corvette de guerre que le Japon aurait stationné dans les eaux des îles Diaoyu-Sankaku, disputée par les 2 pays, et

 – Le même jour, par presses interposées, Inde et Chine voient monter les soupçons réciproques : escarmouche navale (supposée), blocus indien sur les jouets chinois pour cause de qualité, menaces de rétorsions chinoises, à  commencer par une plainte OMC.

Pourtant depuis plus d’un an avec Tokyo, cinq ans avec Delhi, de gros efforts mutuels ont été accomplis pour normaliser et jusqu’à l’automne officiellement, c’était le beau fixe.

 Sur le fond, ces incidents semblent pouvoir être ramenés à une baisse d’image de la Chine parmi les populations clientes de la Chine, à mesure que disparaissent leurs emplois traditionnels décimés par ses exports à prix imbattable. Un phénomène antérieur à la crise, mais exacerbé par elle. Or, la Chine a l’habitude des temps difficiles, mais n’est pas championne en communication, et ne supporte pas de se sentir rejetée -car à part s’enrichir, la chose qui l’obsède, est d’être accueillie au club des nations, dans sa place historique de grande nation. Phénomène aggravant : la fièvre cocardière, notamment sur les questions de Taiwan et du Tibet. Tout ceci lui donne hors frontières l’image d’un monolithe inquiétant, alors même qu’elle est persuadée agir en son droit. En somme, plus que jamais les deux bords ont besoin de se comprendre, par l’entremise de bons diplomates qui se connaissent et se font confiance, comme Wen Jiabao et Raffarin.

 

 


Joint-venture : La percée de Chinalco dans Rio Tinto – la Chine mache le fer

La percée de Chinalco dans Rio Tinto – la Chine mache fer

La Chine attendait l’occasion d’entrer dans un groupe minier global: la crise lui donne la chance. Rio Tinto s’est vu coincé par ses 39MM$ de dettes, puis la chute de 57% des cours des métaux depuis juillet. Chinalco, fondeur d’aluminium (groupe d’Etat) paiera 19,5MM$ pour doubler à 18% ses parts dans Rio et devenir actionnaire minoritaire de neuf mines de fer, cuivre, aluminium. Chinalco semble avoir payé bien trop cher—le deal initial était 25% plus bas. Mais par cette stratégie, il s’assure des sources fiables. Pour autant, il ne pourra pas «faire un prix» aux aciéries chinoises pour leurs achats de minerai. Et pour cette part dépassant 15%, le Bureau australien de surveillance des investissements étrangers devra approuver – ce qui n’est pas acquis. Détail qui frappe: le 9/02, Jim Leng, président de Rio Tinto démissionnait, protestant contre un allié chinois qui pourrait le dévorer de l’intérieur. Et de fait, selon Goldman Sachs, ce deal qui n’éponge pas toute la dette de Rio, le rend vulnérable fa-ce à d’autres géants  comme Vale ou BHP, et «vend à Chinalco le droit d’acheter ses parts à un discount massif sur le tarif futur». Enfin, même avec ses équivoques, cette solution soulage bien du monde, même en Europe, écartant pour longtemps le spectre d’un super géant Rio-BHP qui aurait dicté ses prix aux cinq continents.

En bref – en bref – en bref -en bref – en br

Ÿ Sauvées des eaux à l’automne par le Trésor fédéral américain, les assurances AIA remettent leur bijou : leur branche asiatique- 20MM$. Comme candidat au rachat, côte à cote avec du beau linge tels HSBC, Prudential, Manulife et Allianz, Pékin choisit la Banque de Chine (BdC), plutôt que China Life. C’est que Banque de  Chine pèse 6.600MM¥, contre 946 à China Life. Elle sait aussi mieux travailler à l’international, en devises. La Banque of America a déjà son réseau d’assurances en Chine -mais gérer 20M de polices, 200.000 agents à travers 13 pays 2MM$ de profits et (l’an passé), sera autre chose. Enfin même avec la bénédiction officielle, la Banque de Chine n’a pas déposé son offre : elle hésite, vu les échecs des investissements financiers chinois des 12 derniers mois, comme celui de Ping An dans Fortis, chuté de 90%…

Ÿ Syngenta, le Goliath suisse de l’agrochimie, lance sa seconde coopération de recherche en Chine. La première était avec l’université de Pékin. La seconde, avec celle de l’Anhui, testera (en terre, et en laboratoire) des fonctions génétiques nouvelles chez des plantes de rapport, telle la résistance au sec et l’absorption optimale d’azote. La recherche qui durera 8 ans, se fera sur des espèces de riz, mais à terme, ce sont des semences de maïs et soja que les partenaires visent.

 

 

 

 


A la loupe : Conjoncture: janvier calamiteux, février dégelé?

Le gouvernement continue sa chevauchée solitaire pour garder le moral des troupes, attendant des jours meilleurs.

« Les chiffres sont terribles, et l’environnement effrayant», dit Ken Peng de Citigroup, voyant les dégâts de janvier : l’export plongeant de 17,5%, l’import de 43%. Tout en sachant que ce mois, chunjie oblige, comptait 5 jours oeuvrés de moins, on avait plus vu cela depuis 1998. La moitié des usines de jouets ont fermé—il n’en reste que 4388—le secteur n’a pu qu’égaler ses ventes de 2007, à 8,6MM$.

On voit pourtant de bonnes nouvelles aussi.

Suite à l’énergique intervention de l’Etat, le crédit semble rétabli, avec en janvier, pour 237MM$ de prêts bancaires et une masse monétaire « M2 » augmentée de 18,8%, rythme le plus rapide depuis plus de 12 mois. Lu Ting, de Merrill Lynch (HK) croit que la Chine est le seul pays à avoir rouvert si nettement le crédit—au risque, il est vrai, d’altérer la croissance future, car «gare aux mauvais prêts». Apparaît un plan d’aide à la construction navale, veuve de 10MTJB en commandes résiliées et qui devra survivre en 2009 avec des commandes nouvelles d’à peine la moitié des 58M TJB de 2008. Aussi l’Etat, tout en recourant à des mesures de bricolage, tel le refus de licence aux nouveaux chantiers et la « casse » obligatoire pour les « cercueils flottants », ordonne aux banques de financer le crédit des commandes intérieures et étrangères -emportez le bateau, payez quand vous pourrez.

Autres embellies : la remontée de l’acier et du cuivre (12% depuis octobre), les stocks épuisés. Remontée ferme aussi de la bourse (24% depuis le 1/01 à Shanghai et 4,7% dans la semaine), avec deux lectures opposées. Pour JP Morgan, qui constate le 11/02 un record historique du nombre de transaction à 32MM, c’est l’aube de la reprise, et la confiance revenue, qui devrait « bientôt » contaminer les marchés automobiles et de l’immobilier. Tandis que Goldman Sachs ne veut pas déjà y croire, et avertit que cette reprise boursière est intenable et non durable.

Parmi d’autres mesures envisagées, figure l’engagement de ne pas lier aux 585MM$ de crédit publics une condition d’«achetez chinois». Pour deux raisons : d’abord, la Chine, de toute manière, ne fait que cela, et d’autre part, c’est un clin d’oeil à l’Amérique de Barak Obama qui elle, a attaché à son propre paquet plusieurs obligations de « buy american » . Cet autre projet d’un centre de recherche du ministère des finances, fera du bruit, s’il est appliqué : baisser le cours du Yuan, des 6.83/1$ actuels, à 6.93/1$.  Mais là, ce serait le signal des hostilités, pour les USA, et la course aux rétorsions. Zhou Xiaochuan, gouverneur de la Banque populaire de Chine veut à tout prix éviter, en promettant d’ « éviter les grandes variations du Yuan » – pour l’instant, et même, de continuer à acheter des bons d’Etat américain—malgré la certitude d’y perdre !

 

 


Argent : L’incendiaire légèreté de la CCTV

L’incendiaire légèreté de la CCTV

Fol incendie du Mandarin Oriental, la tour basse du complexe de la télévision nationale, CCTV, en cours de finition à Pékin. C’était la nuit du 9/02, du festival des lanternes, annonçant la fin du nouvel an chinois. Le groupe avait invité son personnel local à un concours de raviolis et à un feu d’artifice à 1M¥ devant l’édifice, quoique encore sans eau et au sommet  inaccessible aux lances (159m). Le tir avait été banni -mais CCTV passa outre. Bilan: 7 casernes engagées 6h (600 pompiers) n’empêchèrent pas l’hôtel et un central digital de disparaître, un pompier de décéder. CCTV s’est  excusée – 12 personnes ont été arrêtées.

Dans la rue, la réaction n’est pas tendre : les foules pourfendent une CCTV perçue comme muselée et trop gâtée. La perte de l’annexe de « la culotte », comme on surnomme le complexe CCTV, inspire sur la toile une floraison de caricatures et textes persifleurs, indice de l’émergence d’une opinion articulée. En attendant, le pouvoir, doit réviser la liberté de tirer des pétards en ville. Il l’avait rétablie en 2006, afin d’octroyer des libertés anodines, tout en bloquant les essentielles. Mais le prix à payer pour cette stratégie s’affiche aujourd’hui: 100M$ au bas mot, sans compter les morts et blessés de cette imprudente grande fête du feu du chunjie !

 

Emploi, droits de l’homme, et révolution

Ces trois sujets hétérogènes en apparence, sont en fait reliés par des fils et poulies invisibles, et présents dans tous les esprits, sinon dans la presse…

– Comme tous les 192 membres de l’ONU tous les 4 ans, la Chine a été passée à la loupe (9-12/02, Genève) du Conseil des droits de l’homme. Soutenue par Cuba et d’autres, elle n’eut aucun mal à rejeter les critiques, et se permit  -preuve de force- d’annoncer le bilan de 76 condamnés et 950 arrêtés depuis les émeutes du 14 mars. Pour autant, cette session ne fut pas comme les autres. Les 47 membres n’ont pas éreinté l’Empire du Milieu, mais souligné ses progrès, se bornant à noter que « peut mieux faire», dans le respect de sa propre constitution. En face, l’ambassadeur Li Baodong a étonné, en informant que tous les ministères auraient bientôt des quotas an-  nuels à remplir (moins de torture, de peines de mort etc) : un plan était en rédaction, entre 50 agences de l’Etat… Énorme surprise -mais on attend de voir la réalisation !

– Dans une directive du 3 février, le Conseil d’Etat le réitère : la priorité absolue dans son action est l’emploi. Et des règles nouvelles ont été envoyés aux firmes préparant des plans de dégraissage. Ainsi, le critère des mises à pied, devient majeur, dans l’avancement des cadres, et tout projet soumis aux tutelles, doit comporter des projections de création d’emploi. De même, pour tout débauchage de plus de 20 ouvriers ou 10% du personnel, le délai est de 30 jours, moyennant approbation de la sécurité sociale locale, et bien sûr, le paiement des salaires. La règle ne précise toutefois pas quelles sanctions encourent les patrons qui n’obtempéreront pas -ni quelles sont les chances d’empêcher les firmes de fermer, par un simple décret.

Ce que cela signifie, selon l’économiste Pieter Bottelier : après avoir perdu 20M de jobs l’an dernier, la Chine s’apprête à en voir couler de 39 à 48M d’autres en 2009, dont plus de 20M en «diplômés cherchant sur le marché des emplois non fermiers ».  Ceci, à condition que la croissance atteigne 7,5%. Tel cataclysme serait évité, «si le type de croissance de la Chine haussait soudainement son intensivité d’emploi». C’est exactement ce que Pékin tente de faire—changeant de cap en pleine tempête.

Mais le régime se prépare à toute éventualité. Hu Jintao, Zhou Yongkang, Meng Jianzhu, Chen Jiping -les plus hauts cadres en charge de la sécurité tiennent des conseils marathons, pour être prêts. Toutes les mesures sont envisagées. Mieux traiter les pétitions des citoyens, renforcer les brigades anti-terroristes, tenir à l’oeil les dissidents, briser dans l’oeuf toute velléité de rébellion paysanne ou ethnique. On parle beaucoup aussi d’un méga défilé militaire le 1/10, 60ème anniversaire de la RP Chine : tant pour impressionner les autres que pour se rassurer soi-même !     

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Pol : Second tour africain pour Hu Jintao

Second tour africain pour Hu Jintao

De nouveau en route, Hu Jintao! En Arabie Saoudite (10-12/02), il propose un dialogue stratégique avec les Etats du Golfe, afin de sécuriser les sources chinoises de pétrole, un accord de libre échange (échanges en 2007: 58MM$ et +60% au 1er semestre 2008). Il signe une pré-accord pour un monorail à 1,7MM$ entre la Mecque et Medina, à construire par la Chine sous 2 ans.

En Afrique noire (13-16/02) il passe au Mali, au Sénégal, en Tanzanie et à Maurice. Le but est de prouver que Pékin s’intéresse aussi aux régimes africains démocratiques, même durant la crise, de l’autre, ouvrir ou renforcer les intérêts chinois miniers (Tanzanie, Mali, Sénégal), des fermes géantes (Sénégal). Partout, il sème des projets de ponts, autobus ou hôpitaux, et éponge une partie de la dette locale… Investissement sur l’avenir, car selon cet expert européen, « la présence chinoise en Afrique, n’est durable que par l’acceptation des populations locales » !

NB: simultanément, Xi Jinping, vice Président et Hui Liangyu, Vice 1er ministre étaient en Amérique Latine, en deux visites séparées qui ont porté leurs pas dans neuf pays, dont Brésil et Argentine.

 

Yang et Rabe, deux héros aux destins croisés

Voici les histoires de deux hommes aux destins croisés, tous les deux au service de l’humanité en général, chinoise en particulier.

[1] (Après des décennies, John Rabe connaît une gloire posthume, grâce au réalisateur allemand Fl. Gallenberger et au film qu’il vient de lui dédier. En 1937, les troupes nippones soumirent Nankin à six semaines de terreur égorgeant et assassinant : le bilan fut de 142.000 victimes selon un tribunal allié, 300.000 selon la Chine.

Rabe était directeur d’une usine Siemens d’équipements électriques, et président du Comité int’l de la « zone de sécurité ». Il s’apprêtait à rentrer au pays après 30 ans d’expatriation locale, quand déferla la meute japonaise : changeant ses plans en catastrophe, il resta pour organisa cette concession de 7km² et veiller sur la sécurité de sees  200.000 habitants. Il réussit, en se prévalant de son appartenance au parti nazi, allié de l’Empire du Soleil Levant. Excellent diplomate, il sut trouver les interlocuteurs nécessaires pour que « ses » Chinois soient épargnés.

Cette action du « Schindler de Chine » ne fut pas appréciée de tous : de retour à Berlin en 1938, il fut arrêté par la Gestapo pour collaboration avec les Chinois, et eut toutes les peines du monde à s’en justifier. En 1945, à l’inverse, les alliés l’accusèrent d’avoir été nazi. Rabe devait mourir dans la misère, cinq ans après.

NB : les hauts faits de Rabe avait déjà été filmés en Chine, mais dans un style propagandiste et improbable qui avait entièrement raté l’audience mondiale.

[2] Né dans le Hebei en 1959, « Jerry » Yang Xiangzhong vivait dans un village d’éleveurs porcins où régnait alors la famine endémique. Son frère aîné fut sélectionné par le Parti pour «aller aux études». D’abord résigné, Xiangzhong supputa qu’il serait donc éliminé de ce circuit aux places rarissimes—pas plus d’un universitaire par foyer ! Mais il s’avéra si exceptionnellement doué qu’on lui offrit en 1982 une place à l’université agricole de Pékin, puis en 1985, une bourse doctorale d’embryologie à l’université Cornell aux USA. Puis il rejoignit, comme enseignant chercheur, celle du Connecticut, dont il obtint bientôt 20M$, pour créer un centre de biologie régénérative.

Dès 1999, avec des collaborateurs japonais, il avait créé la génisse Amy, 1er animal cloné aux USA. Par la suite, ses travaux permirent d’établir que les êtres clonés pouvaient se reproduire, et vivre autant que les autres. Enfin, pour contourner le veto de G. Bush à toute recherche sur les cellules-mères, il monta un programme en Chine, avec ses meilleurs étudiants et des chercheurs internationaux. Yang vient de décéder à l’âge de 49 ans d’un cancer des glandes salivaires, après 10 ans de combat inégal.

 

 

 

 


Temps fort : Une (pas si) nouvelle stratégie chinoise de l’énergie

Zhang Guobao a rang de ministre, mais son Administration Nationale de l’Energie n’a pas celui de ministère.

Telle est la contradiction d’un secteur cloisonné, que l’Etat n’arrive pas à fusionner sous une ombrelle unique, bloqué par les groupes électriciens, pétroliers et houillers. Zhang vient de publier un rapport sur les perspectives de l’énergie chinoise dès l’an prochain. Sa stratégie, des actions à mener, consiste à tirer partie de la récession pour rattraper des « devoirs en retard ».

[1] L’énergie conventionnelle prend la part du lion dans les 600MM$ du plan de relance et va voir réaliser une série de mégaprojets. 17,5MM iront à trois centrales nucléaires, dont celles de Hayang et Roncheng (Shandong), Sanmen (Zhejiang), Yaogu (Canton). 44MM$ iront au 2d gazoduc Ouest-Est, du Kazakhstan vers la côte. Il atteindra une capacité de 30MMm3 et une longueur de 8.700km, en comptant les huit dérivations vers des métropoles comme Shanghai et Hong Kong.

[2] Zhang veut rééquilibrer les sources d’énergie: concentrer la production de houille sur 13 bassins, favoriser l’émergence de groupes nationaux, renforcer les énergies renouvelables.

[3] 2009 devrait voir l’achèvement de la réforme du prix du carburant, moyennant un «rapport indirect et contrôlé» entre les prix intérieurs et mondiaux. Autrement dit, la Chine n’indexera pas son cours sur ceux de l’extérieur.

[4] Parachever la création des réserves stratégiques, grâce aux bas prix  actuels. Des mois d’effort ont permis de stocker moins de 30 jours d’autonomie, mais l’action s’essouffle depuis novembre. Les autorités sont divisées, une faction craignant que ces réserves improductives, chères à entretenir, ne soient de l’argent mal placé.

On s’étonne de la portion congrue réservée aux renouvelables. Mais l’ essoufflement, là aussi, ne fait que re-fléter… la chute du cours du brut, qui fait reculer le sentiment d’urgence -impression renforcée par le fait que les renouvelables, jusqu’à présent, n’ont pas de problème de financement (+88% pour les éoliennes l’an dernier).

Et pourtant, ce secteur commence à souffrir.

Raison technique :  l’éolienne, avec une capacité installée de 1,1% du parc national, ne produit que 0,3% de l’électricité chinoise -problème de fiabilité d’une filière nationale en retard technologique. Comme ce courant est plus cher que les autres, il ne trouve pas facilement preneur. Faute d’une tarification préférentielle, l’objectif de 100 Gw d’ici 2020 est compromis. Justement conscient du risque, Zhang Guobao promet d’ici l’an prochain cette tarification spéciale ! 

Le problème est encore plus lourd en énergie solaire. En 2006, l’Etat a cru pouvoir le soutenir en faisant voter sa «loi des renouvelables», mais sans succès. A présent, dit le Conseiller d’Etat Shi Dinghuan, faute d’intervention publique, l’ambitieux objectif de 30Gw d’ici 2020, est hors de portée.

 


Petit Peuple : Dahonghu: la musique qui déplace les montagnes

En 1971, Ding Xing sortait diplômée de son école normale de Changshou avec une spécialité rare : professeur de musique. Changshou se trouve en banlieue de Chongqing, environnement sichuanais de villes-dortoirs et de villages privés de tout : pas le terreau idéal pour l’art. Comme Ding Xing était d’un naturel agréable, de surcroît bien notée, ses supérieurs lucides et généreux l’avaient affectée à Chongqing : pour un premier poste, c’était la chance à ne pas manquer !

Aussi quelle ne fut pas leur stupéfaction, lorsqu’ils virent la jeune prof refuser, et réclamer un emploi à Dahonghu, l’école de son village, encore plus perdue dans les collines. De s’enterrer de la sorte, à 21 ans, elle était folle, pensèrent-ils.

Une fois sur place, il lui fallut peu de temps pour réaliser l’aspect sordide, quasi désespéré de l’exil qu’elle s’imposait.

A cette école intermédiaire, estimant leurs disciplines «bien plus utiles », les profs de chinois ou de maths avaient fait collusion pour squatter ses heures de solfège avec la complicité du directeur. Et en instrument, faute de bonne volonté de la direction, les mômes ânonnaient les notes sans voir l’ombre d’un pipeau ou un tambourin.

Très vite, Ding Xing se rebella. Elle défendit sa discipline comme une chienne ses petits. D’ordinaire douce et polie, elle aboya, dénonça l’illégalité de cette dérive non conforme au programme. Elle cria à la discrimination de classe : les enfants de fermiers n’étaient ni plus bêtes que ceux de la ville, ni condamnés à dénicher les oiseaux. En un mot : même les paysans avaient droit à l’art. A force de meetings, elle arracha le rétablissement de ses heu-res et tambour battant, créa une chorale, un ballet ouvert à tous, hors des heures de cours.

Mais sa fronde ne lui avait pas valu que des sympathies. Les professeurs principaux ne rataient jamais une occasion de remonter les parents contre elle : «Nous les paysans», glissaient-ils, « ne pouvons gâcher la chance de nos enfants. La patrie offre à nos gamins de devenir ingénieurs ou marchands: si vous écoutez cette égérie, leur avenir est compromis. Vous ne croyez tout de même pas que votre fils deviendra premier violon à l’orchestre national ?»

Au début, les parents ne demandèrent qu’à les croire. La musique, pour eux, c’était des « pois germé » – du temps perdu. Ding Xing connut un échec frontal avec la petite Fangfang, au corps de ballerine, d’une merveilleuse souplesse, qu’elle venait de découvrir dès la 1ère heure de cours de ballet : le père la retira de l’école, prétextant un collant impudique… En réalité, il avait  besoin d’elle aux champs (partout en Chine rurale, quand il faut choisir, pour les études entre sa fille et son garçon, c’est celui là qu’on privilégie !  

Ding Xing persista. En ’90, elle créa « Fleurettes rouges », troupe de ballet d’enfants, tous volontaires. Faute de local, ils répétaient aux champs, parfois dans la neige.

Petit à petit, le vent tourna. Dès juin 1995, fut organisé le premier spectacle au village: ravis du rare divertissement, et comme il y avait panne d’électricité, 900 parents fiers comme des empereurs battirent la semelle jusqu’à 10h, et que la lumière revienne : le show fut si applaudi que la maître de choeur balaya le soir même ses derniers doutes, résolvant de rester au village jusqu’à son dernier souffle.

Depuis lors, Ding et sa troupe de Dahonghu volent de succès en succès. En près de 40 ans, quelques dizaines de ses mômes ont accédé aux meilleures universités, Renmin (Pékin) ou Fudan (Shanghai). Tian Li, sa fille adoptive (18 ans), ballerine, est entrée au conservatoire du Sichuan -un des meilleurs du pays, d’où elle commence à rafler les prix des concours nationaux.

La gloire aplanit bien des problèmes : aujourd’hui, son petit conservatoire compte 500 élèves sélectionnés de toute la région. Tout cela pour avoir su demeurer 坚如磐石 jiān rú pán shí, « ferme comme un roc » : pour avoir deviné qu’il n’y a pas que la révolution, mais aussi la musique qui déplace les montagnes.

 

 


Rendez-vous : Pékin : IPSO China, Salon des sports d’hiver et de la mode

19-21 fev. Pékin : IPSO China, Salon des sports et de la mode, et Alpitec : Salon de la montagne et des sports d’hiver

20-23 fev. CIAACE : Salon des accessoires voitures, et Salon de la voiture customisée

20-22 fev, Visite de Hillary Clinton / 20-23, visite du Président pakistanais Asif Ali Zardari