Le Vent de la Chine Numéro 39

du 30 novembre au 13 décembre 2009

Editorial : La Chine en quête d’un nouveau modèle économique

Un drame minier a eu lieu le 21/11 à Hegang (Heilongjiang) : 107 morts, 20% de l’effectif. C’est l’éternelle source d’accidents de la filière houillère en Chine, 500 fois plus dangereuse que sa soeur américaine: le grisou, poche de méthane qui se concentre soudain et explose. Fléau évitable avec des équipements, une formation selon normes. Pékin admet 3200 morts en 2008, mais le vrai chiffre serait 5 à 6 fois supérieur, du fait des cas cachés par des cadres soucieux de leur carrière. A deux semaines du COP15 de Copenhague, sommet de combat du réchauffement global, ce nouvel accident révèle un des coût caché de la croissance chinoise. Pour garder la cadence de 12Mt/an, la mine avait placé plus d’hommes à 500m sous terre que ne le permettait le règlement. En 10 ans, la production nationale a doublé, à près de 2t/citoyen. En 2015, elle fera 3,5 milliards de tonnes, soit 2,7t/citoyen. Au coût caché des morts de mineurs, doit s’ajouter celui du million de décès par an par troubles respiratoires, sous la cloche de CO2 soufré recouvrant souvent la majeure partie du pays.

L’environnement est la 1ère source des 100.000 émeutes/an estimées. Actions de pauvres, à laquelle l’Etat répond souvent en les censurant dans la presse. Mais de plus en plus, la bourgeoisie émergente vient relayer cette protestation – avec plus de moyens!

Exemple frappant, cette manif près de Canton (23/11), contre un projet d’incinérateur d’ordures. Plus de 1000 opposants s’étaient donnés rendez-vous par Twitter, messagerie mobile par internet, pour l’instant imbloquable. Sur place, par twitter, les participants racontèrent l’événement en temps réel, incitant d’autres à venir gonfler leurs rangs. Lu Zhiyi, le cadre cible de la vindicte dut aller rendre des comptes devant les masses (chose rarissime) et promit de geler le projet, le temps d’achever un bilan écologique.

Paradoxe: cette résistance « citoyenne » naissante, se trompe de sujet. L’incinérateur est son allié, pas son ennemi. Pour ces villes encerclées d’une Grande Muraille d’ordures toujours plus haute et nauséabonde, il est un équipement urgent. Mais l’initiative courageuse de Canton, arrive après des décennies de pollution qui laisse la population avec une méfiance viscérale envers l’Etat et tout ce qui en vient.

Comme pour dire que tous les thèmes du jour ramènent à l’environnement, la Chine se découvre aujourd’ hui un lourd déficit en gaz. Au nord du pays, depuis le 1/11 (1ère neige), la compagnie nationale pétrolière CNPC a coupé 6M de m3/j (6%) et sur le bassin du Yangtzé 3m3/j (8%). Entre Henan et Zhejiang, Usines, bus et taxis s’arrêtent —priorité aux habitants. Les prix du gaz monteront l’an prochain. Déjà, la NDRC (National Development and Reform Commission) augmente l’électricité des usines et commerces de 5,7%, à 0,533¥ du Kwh. Le sens de tout cela est clair : l’Etat doit, et est prêt à faire payer l’énergie à son prix, à commencer par les gros usagers, pour les contraindre à réduire leur intensité énergétique.

Autre mesure qui va -aussi- dans ce sens : les 11 plus grandes banques doivent trouver 43MM$ de capital frais pour faire face aux nouvelles normes, tout en maintenant la croissance de leurs prêts. Suite à cette décision, la bourse a chuté en un jour (24/11) de 3,5% entre Shanghai et Shenzhen. C’est la fin annoncée du déluge de prêts (1300MM$ cette année) qui servait à nourrir la reprise. La douche froide de la CBRC (China Banking Regulatory Commission) veut prévenir les mauvaises dettes, mais aussi donner un coup de fouet à la recherche d’optimisation énergétique chez les entreprises.

Toutes ces informations donnant l’impression d’un compte à rebours, et d’un pouvoir en train de préparer un grand plan de décarbonisation, sur des décennies, d’une économie arrivée au maximum de ses possibilités, suivant le modèle actuel. Ce baisser des cartes, il pourrait le faire avant le COP15 (cf articles p.2), à travers la publication du XII. Plan (2011-2015).

 

 

 


A la loupe : Yang Rong, revenant peu ordinaire

En 2002 Yang Rong, patron de Brilliance, groupe auto de Shenyang (Liaoning) fuyait aux USA sous le coup d’un mandat d’arrêt pour fraude, jamais dévoilée ensuite d’ailleurs. Génie industriel, Yang avait créé cette firme autour du minibus Jinbei, clone du Hiace de Toyota dont il vendait 60.000/an (leader national) et avait négocié l’alliance de BMW et lancé la Zhonghua, modèle de luxe. A peine en Californie, il attaquait la Chine en justice, pour spoliation. Sur de telles bases, qu’il puisse un jour retravailler au pays, semblait bien improbable…

Mais 7 ans après, Yang Rong appelle 10MM$ de capital chinois à sa filiale HKMC (44 fois sa propre mise). Trois groupes cotés en bourse sont déjà sélectionnés, aux noms encore secrets. Un accord est signé avec la SEUZ (Shenyang European Union Development Zone). Sur les 2km² fournis par la Zone, Yang s’engage à investir 1,5MM$ dans la production d’1M de moteurs hybrides, moteurs électriques et boites de vitesse, pour 1M de voitures/an. Si Pékin octroie la licence, Yang s’engage à mettre 1,5MM$ dans une usine de montage sur huit autres km² de la SEUZ. Outre les 3 investisseurs locaux, le venture capital américain fournira 33% des fonds initiaux. Production et vente seront assurées par une JV, qui paiera jusqu’à 500$ de commissions par voiture hybride.

Sur ce modèle, Yang Rong voit une croissance rapide de son affaire entre les 2 continents. Une usine à 1,5MM$ d’abord (5800 jobs) débutera en sept. à Baldwin (Alabama).D’ici 2020, 6 usines chinoises (3 de pièces, 3 de mon-tage) tourneraient en Chine, assurant 3M de véhicules.

On note le gigantisme des projets annoncés. Il reflète l’ aspect mégalomane du personnage, que nous découvrions en 2001 à Shenyang lors du lancement des 2 usines (Brilliance + BMW). Il répond aussi à la nécessité de convaincre Pékin d’octroyer une licence dans un secteur déjà presque réservé aux grands. Enfin, il offre la chance d’une économie d’échelle planétaire, permettant d’accélérer la maturation (design, R&D, qualité) d’un produit neuf sur un marché vierge, pour les cinq continents.

En dernière instance, le succès dépend du bon vouloir de Pékin. Le fait pour Yang Rong, d’avoir été repris par la région même qui l’avait chassé 7 ans plus tôt, est de bon augure, tout comme ces anonymes groupes investisseurs locaux qu’on imagine d’Etat, vu les ordres de grandeur.

Ce retournement peut s’expliquer aussi par la déchéance de Brilliance. A peine Yang Rong parti, le groupe qui avait alors tant d’atouts sur ses concurrents (son expérience productive, sa place en bourse de New York depuis 1992), a tout perdu dans la valse des PDG, la raréfaction des modèles (de faible qualité au demeurant), la chute à 2,3% du marché en 2009. Brilliance vient de céder sa Zhonghua, gouffre à dettes, et a dû subir l’humiliation de n’être pas retenu dans la botte des sept groupes publics destinés à reprendre les autres… Tout se passe comme si Pékin, à son habitude, votait pour ceux qui gagnent, et préparait un accueil du fils prodigue à Yang Rong qui, en 2002, se présentait en mutant et prend désormais autre figure -celle d’un revenant, après des années au froid !

 

 


Joint-venture : BCIA, l’aéroport qui s’envole

BCIA, l’aéroport international de Pékin fait son chemin.

De 2000 à 2007, Aéroports de Paris, ADP, son actionnaire à 35% l’avait formé, avant d’être invité à céder ses parts. Pour les Jeux Olympiques 2008, aux frais de l’Etat, il s’offrait la gigantesque extension du Terminal 3 de l’architecte londonien Norman Foster, sacré en octobre meilleur aéroport mondial par une revue britannique de référence: sa modernité et son ampleur lui permettant des services impeccables aux voyageurs et transporteurs.

Depuis, BCIA a acquis les droits sur 34 aéroports du pays et s’intéresse dernièrement aux aéroports d’Amérique Latine, fort de sa capacité financière, de son expérience en management des surfaces et construction-équipement. En Colombie, BCIA possède 20% de Air Plan, qui a repris, en mars, la concession de six aéroports en BOT (Build, Operate, Transfer) pour 15 à 25 ans (selon croissance du trafic), moyennant un investissement prévisible de 200 à 250M$. Il participe aussi à un appel d’offre au Pérou pour six unités, pour d’autres aéroports colombiens, au Brésil et au Chili.

Cette expansion est encouragée par Pékin, avide des ressources minérales de ces pays. Elle doit aussi renforcer la fibre commerciale d’une firme aux traditions trop administratives. Elle doit enfin relancer un enthousiasme d’entreprise émoussé l’an passé par l’exécution en août de Li Peiying, le PDG de la Holding (CAH) condamné pour 11M² de corruption…

 

 


A la loupe : Une Vision française : Jean-Louis Borloo, ministre

Pour le futur traité de Copenhague, les nations européennes travaillent fiévreusement ensemble, commis-voyageurs du COP15 entre les continents. N. Sarkozy était le 26 à Manaus (Brésil), le 27 à Trinidad. JL. Borloo le ministre français de l’environnement était le 26/11 à Pékin chez le Vice 1er Li Keqiang, après avoir visité Bengladesh, Cambodge, Laos (etc.), avant de rencontrer le 1er ministre russe Vl. Poutine, puis 30 ministres africains…

«Mr Climat» en France dénonce les sceptiques qui proposent de reporter l’accord global, parlant d’impréparation. «Après 2 ans d’entretiens, toutes les données sont connues—il n’y a plus qu’à agir». L’heure n’est pas au marchandage : « Le COP15 n’est pas l’OMC, mais une cause commune. Chacun apporte ce qu’il peut sans regarder chez l’autre ».

Tous les grands pays, poursuit-il, ont remis leur offre de coupe, entre 25 et 40% d’émissions. Les Européens feront 30%, le Japon 25%. USA et Canada sont des cas à part, offrant des taux inférieurs aux autres pays industrialisés et réclamant de la «flexibilité». Borloo égratigne les USA, « grand pays ami » mais incapable d’envisager un effort supérieur à 4% de coupe des émissions de 1997 (référence de Kyoto). Mais peu importe : il faut avancer, pour permettre à tous les pays d’atteindre en 2050 l’objectif de 2t de CO2 émises/an par habitant. Ce retard des Américains pourra se rattraper 3 ans plus tard.

De même pour les pays émergents : l’offre de la Chine est acceptable, vu son engagement depuis deux mois de partager l’effort de coupes d’émissions, et sa présentation d’un chiffre. Vu aussi son évidente conviction que la décarbonisation de toute activité (industrie, agriculture, commerce, transport…) est le creuset des richesses de demain. Sur ce dossier, France et Chine sont à l’unisson.

Reste la question des pays démunis. Selon l’ultime rapport du GIEC, la Terre va souffrir sous 50 ans un réchauffement minimal de 2°C. Face aux violences climatiques et à la sécheresse, bon nombre d’Etats ne pourront l’affronter faute de moyens (40cm de remontée des mers = 30M de réfugiés) : toute l’Afrique, Bengladesh, Cambodge, Laos risquent leur croissance et 43 îles comme les Maldives jouent leur existence. Pour ces pays, dit Borloo, l’humanité doit constituer un fonds de ressources prévisibles, additionnelles à l’aide au développement déjà en place : 500 à 600MM$ d’ici 20 ans, soit 30MM$ par an. Un autre fonds de 5MM$ par an est nécessaire pour les pays pauvres à grandes forêts -la déforestation étant source de réchauffement global.

Pour Copenhague, l’équation est posée. Il faudra établir la clé de répartition des coupes de CO2, préciser les financements publics pour pays vulnérables, fixer les pics des pays émergents, créer un organe spécialisé. La suite, l’enveloppe légale peut (un peu) attendre.

 

 


Pol : La croissance du parapluie social

A crise économique, lois sociales ! En première nationale, Shanghai offre le bénéfice de sa sécurité sociale aux étrangers, aux mêmes conditions qu’à ses citoyens : couverture des maladies et accidents de travail, primes d’invalidité-chômage-pensions. Volontaire, le système appelle des cotisations minimales de 1995¥/an, plafonnées à 9876¥ (11% du salaire) tandis que la firme elle, paie 37%. Ce que cela signifie, dans cette ville la plus avancée du pays : salaires et niveaux de vie des 93.000 expatriés étrangers et «compatriotes de Taiwan, Hong Kong et Macao » s’équilibrent avec ceux des locaux. De son côté, en mentalité, la mairie avance aussi, ne ressentant plus le besoin de ségréguer cette masse de celle des concitoyens.

A corps et à cri, le Syndicat unique réclame un amendement à la loi des salaires, vieille de deux ans, pour durcir les châtiments aux employeurs s’enfuyant sans payer, ou bien ne payant qu’une maigre fraction du dû. En 2008, 7 millions de maçons ou d’ouvriers avaient été spoliés, dit le ministère des ressources humaines. 15 millions n’avaient pas l’obligatoire contrat. 164.000 patrons avaient omis de régler les charges, privant de facto ces migrants de parapluie social. La Fédération réclame amendes et prison ferme : à l’approche du Chunjie, désormais proche, où les migrants rentrent chez eux, espérant avoir leur paie en poche.

 

 


Temps fort : Le point de vue Chinois : du ‘ chat noir ‘ au ‘ chat vert ‘

Jusqu’à la veille du sommet climatique du COP15 de Copenhague, (Conference of the Parties 7-18/12) des palabres intensives se poursuivent entre Chine et autres partenaires. L’ultime rendez-vous préparatoire a lieu le 30/11 à Nankin: le Sommet Europe-Chine, que Pékin prépare à sa manière, en publiant (26/11) ses offres, qu’il différait depuis des années, de 40 à 45% de baisse d’intensité carbonique d’ici 2020, sur base de 2005. Pas de baisse en volume absolu : au nom du droit de pays pauvre à poursuivre sa croissance, la Chine n’accepte de réduire que son gaspillage d’énergie.

Par son timing, l’annonce suggère une concertation avec Barack Obama. 10 jours en arrière à Singapour (au Sommet de l’APEC), Obama avait harmonisé ses positions avec Hu Jintao. Le 26/11 à Washington, Obama faisait sa propre offre (17% de coupe en 2020 et 83% d’ici 2050). Le même jour, la directrice de l’ONG chinoise Climate Group, prédisait la proposition du pays, laquelle était officialisée dès le lendemain.

Aussi, le ministre de l’environnement Xie Zhenhua multiplie les reproches aux Occidentaux: n’avoir pas tenu leurs promesses de coupes d’émissions, ni transféré de fonds et technologies aux pays démunis ; ne pas offrir assez pour le COP15; pour l’Amérique, n’avoir pas ratifié le protocole de Kyoto, et pour l’Occident «hypocrite», tenter à présent d’en changer les règles, qui exemptent les pays «pauvres» de tout effort de coupes contraignantes. Ces critiques servent à contrer celles de certains pays riches, accusant la Chine d’effort insuffisant.

Heureusement, l’enjeu du COP 15 pour la Chine, n’est pas qu’un simple jeu de tapis vert. En cas de mauvaise réponse au réchauffement climatique, elle a beaucoup à perdre. Selon « from bread basket to dustbowl », l’étude juste publiée par McKinsey avec la NDRC (National Development and Reform Commission) et l’Académie agronomique, 35M de paysans du Dongbei et surtout mongols perdraient plus de 50% de leur revenu d’ici 2030, faute de mesures fortes. Pour prémunir la Chine, les auteurs estiment à 3,7MM$/an l’investissement nécessaire, en irrigation performante, conservation du sol et sélection de semences, alors que les débours actuels n’atteignent que 40% (1,46MMs). Or, le XII. Plan, de 2011 à 2015, semble vouloir relever le défi : en environnement tous azimuts, la Chine paiera environ 91MM$/an, contre 41 en la période précédente. Avec l’apparition ultrarapide de groupes de taille mondiale dans chaque secteur « vert », tels Shanghai Electric (production d’éoliennes), Longyuan (leur exploitant), CGNPC (nucléaire) etc.

Une autre donnée essentielle, sera la date à laquelle elle promet d’avoir atteint le « pic » de ses émissions avant de repartir sur la pente descendante. Hu Angang, le plus optimiste, estime possible un pic dès 2020 moyennant l’adoption immédiate d’un plan stakhanoviste de conversion de toute industrie vers le bas-carbone. C’est ce que Hu Angang appelle convertir le « chat noir » (la pollution) en « chat vert » (les filières nouvelles).

Avec de telles données et l’excellente image dont jouit le pays auprès des nations pauvres et des grands émergents, la Chine devrait aisément parvenir, au COP15, à éviter le banc des accusés pour passer à celui de leader politique et technologique. Beau renversement des rôles, de la part du plus gros pays pollueur de la Terre.

 

 


Petit Peuple : Changsha, en avant la musique

New Oriental (Xindongfang) est la plus célèbre école privée de Chine. Dans la plupart des 32 provinces, elle forme les étudiants aux examens d’anglais (degré 4 et 6) nécessaires à l’université et bien sûr, pour étudier dans le monde anglophone. Son succès reflète évidemment la fascination chinoise pour l’Amérique, qui poussait dès 2002, 200 millions de Chinois à potasser l’anglais.

Mais comment chaque semestre, garder l’attention de ces dizaines de milliers de potaches aux QI si variés ? A l’école de Changsha (Hunan) Zhou Sicheng, professeur de 26 ans, pratique une méthode plus qu’étrange, qui lui vaut un engouement confinant au fanatisme. Son amphithéâtre de 200 à 300 places est toujours plein un bon quart d’heure avant le début du cours. Sa recette ? Entre une liste indigeste de mots commerciaux et une page de Hamlet, il danse devant eux, tango ou rock selon inspiration, ou la dernière danse « in », qu’il vient d’apprendre sur internet.

Pour varier, il peut aussi chanter, ou faire chanter. Ainsi quand il surprend une fille à taper un texto à son «petit miel» au lieu d’écouter sa question, plutôt que de la punir ou de lui faire perdre la face, Zhou réclame une chanson, et l’accompagne. La leçon est simple mais efficace: «en trois ans», ex-plique-t-il, «c’est leur avenir qui se décide, et le marché du travail est impitoyable. Beaucoup doutent d’eux -mêmes. Alors en dansant, je leur fais oublier leur stress. C’est bon pour eux – ils réussissent mieux à l’examen ».

Tout Changsha s’accorde à le reconnaître: par rapport aux autres étudiants, les poulains de Zhou Sicheng maîtrisent mieux l’anglais -et s’avèrent aussi meilleurs cavaliers et cavalières. Aussi en 2008, au traditionnel hit-parade sur la toile, du professeur de Xindongfang le plus « lei » 雷 (sympa) du pays, c’est Zhou qui sortit premier devant les 6000 autres.

Tout le monde pour autant n’aime pas son style -certains le trouvent efféminé. Un jeune s’est un jour plaint qu’il ait empesté sa salle de son parfum aérosol, afin d’en dissiper l’odeur de renfermé. L’an dernier d’ailleurs, la direction à Pékin s’est crue obligée d’interdire la danse en classe. Zhou respecte l’interdit, mais se permet quand même de passer, pendant les pauses, ses vidéos à qui veut les voir, c’est-à-dire tous ses élèves sans exception, soit plus de 20.000, depuis 2005.

On peut toutefois aussi comprendre la réaction de New Oriental : l’école est contestée de l’extérieur, et tient à sa réputation. Son succès ne la met pas à l’abri des voix pincées de l’université, qui la traite en paria, aux profs mal formés et aux diplômes en bois. Zhou lui-même n’a jamais passé son bac, et avoue n’avoir dû sa place en fac, qu’à son art du tango et du chachacha.

Ce qui d’ailleurs permet de voir sa danse sous un autre angle : comme une forme de «lutte des classes scolaires», de contestation d’une pédagogie poussiéreuse par des profs jeunes et proches de leurs élèves.

Zhou se rappelle des débuts ingrats, du temps où il cherchait à se faire accepter. Il avait d’abord essayé les trucs des collègues, le style compassé-british, ou l’arrogant-yankee. Jusqu’au jour où il s’est rappelé ses talents de toujours, de ténor, de violon et de danse. Flanquant alors son trac aux orties, il s’est mis à faire le spectacle sur l’estrade. L’acte était inconscient, mais la réaction des élèves le stupéfia. Son art leur faisait l’effet du sel aux chèvres, comme la matière dont ils avaient la plus forte carence : l’art de « hisser le drapeau de soi-même » (自树一帜 shù yī zhì) – d’exprimer son propre style.

 

 


Rendez-vous : Nankin, le 5. Sommet Europe-Chine

30 novembre : Nankin, 5. Sommet Europe- Chine

1-4 décembre : Shanghai, MARINTEC, Salon maritime

9-11 décembre : Shanghai, AUTOMECHANIKA

2-4 décembre : Shanghai, RE China Expo, Salon de l’imprimerie

7-18 décembre : Copenhague, Sommet climat COP 15