Le Vent de la Chine Numéro 37

du 16 au 22 novembre 2009

Editorial : Une Chine en surchauffe, sous la neige…

Le 12/11, la 3e tempête de neige sur Pékin en 12 jours (du jamais vu depuis 1981) est là pour rappeler que le dérèglement climatique frappe à la porte. D’autres alertes sonnent, à 25 jours du sommet de Copenhague. Frappé d’une sécheresse qui tue 1 million ha de cultures, le haut-Yangtzé doit ouvrir les vannes de ses barrages (sauf des Trois Gorges) et le WWF (World Wildlife Fund) avertit : sous 30 à 50 ans, la fonte des 36.000 glaciers du Tibet (ce «3ème pôle» qui disparaît, en réchauffement six fois plus rapide que le reste de la Chine) et la remontée de la mer, menaceront avant tout Shanghai, à +4m seulement du niveau de la mer.

En ce contexte, la plainte de Wang Jinnan (du Ministère de l’Environnement) peut choquer : des 140MM²/an investis en protection de la nature, 50 se perdent en squares, golfs et buildings de luxe, négligeant recyclage des eaux usées et nettoyage des cours et lacs.

Bonne nouvelle cependant: pour la 1e fois dans l’histoire du pays, une agence de l’Etat (le CCICED – China Council for International Cooperation on Environment & Development) pense que la Chine devra se soumettre à une coupe contraignante de l’intensité énergétique du pays (donc, de ses émissions de gaz à effet de serre), de 4 à 5% par rapport à 2005, et d’ici 2050, de 85%. Ce n’est pas encore une offre internationale officielle —mais on y vient.

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Le 11 novembre, la BPdC, (Banque populaire de Chine), tutelle du ¥uan, annonce qu’avec «initiative, surveillance et graduellement», elle va «modifier le mécanisme de change, tenant compte des flux internationaux et (…) des devises». Donc, quitter -dès janvier, prédit Calyon le «peg» de la parité ¥/$). Jusqu’alors, en laissant le yuan s’effriter suivant le billet vert, la BPdC freinait la chute de ses exports, au déni de la réalité du marché. En octobre, la production industrielle montait de 16,2%, le surplus commercial de 30% (18,9MM$). Aussi ASEAN (Association des Nations d’Asie du Sud-Est) et Union Européenne, APEC (Coopération Economique de la zone Pacifique), USA réclamaient toujours plus nerveusement cet abandon du « peg ». On note que 48 heures avant, Pékin rejetait ces appels, au nom du vieux slogan de «stabilité basique du ¥».

Pourquoi cette volte-face? Par diplomatie d’abord: à la veille de la visite de Barak Obama (cf p.3), la bonne volonté prime. Ensuite, la croissance dopée aux hormones d’un crédit diluvien devra se rembourser d’ici un an, au risque des mauvaises surprises des multiplications de prêts en faillite: d’où l’intérêt pour la Chine (défendu par beaucoup d’économistes) de revenir au plus vite aux réalités d’un monde qui s’adapte, tandis qu’elle se protège…

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Fondatrice, rédactrice chef de Caijing (un des meilleurs media du pays) Hu Shuli a sauté le pas, et démissionné. La dispute avec l’investisseur public-propriétaire portait sur la liberté de réinvestir les 20M² de recettes de publicité par an. Elle était peut-être aussi nourrie par la rancoeur des cohortes de corrompus étrillés par Caijing en ses 11 ans d’existence.

Suivie de 80% de sa rédaction, Hu s’en va rejoindre la branche commerciale, qui avait démissionné en masse, 15 jours avant. Caijing tente de survivre à l’hécatombe, sous la direction de deux grandes signatures recrutées en catastrophe. Hu prend la tête de l’école de journalisme de l’université Sun Yat-sen (Canton): c’est pour mieux peaufiner, dit on, un nouveau groupe multimedia d’affaires, présent dans la presse-papier et en ligne. Selon le célèbre stratagème de «la cigale d’or qui fait sa mue »

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Voici pour finir un rendez-vous délicieux et naïf, témoin de l’énergie vitale du pays. 7000 débutantes chinoises se battent pour 40 places de Cendrillon dans un bal+banquet+croisière, où elles découvriront (et réciproquement) 40 princes charmants millionnaires – les 21-22/11 à Shenzhen. L’Agence matrimoniale organisatrice teste sévèrement les filles sur leur look, maintien et CV scolaire. Des hommes, on n’attend que la richesse, et 36.000¥ de ticket d’entrée. Mais à ce jour, seuls 10 candidats se sont présentés.

 

 


A la loupe : Obama-Chine : vers une nouvelle alliance

Depuis la venue en Chine de R. Nixon (1972), pas un Président américain n’a omis de visiter le pays. Mais cette mission présente d’Obama (15-18/11) est différente, frappée à l’effigie d’une époque nouvelle, aux moeurs nouvelles: celle du 1er Président noir des Etats-Unis, et de l’effondrement de leur empire financier mondial.

Depuis le 1er jour, Obama et Pékin préparent cette rencontre avec la préscience d’une étape cruciale. L’enjeu pour chacun est identique: jeter les bases d’une alliance et confiance mutuelle, là où il n’y avait que «business», et en tirer un charisme leur permettant d’augmenter leur marge d’action, face à leur opposition.

Dans un style bien chinois, cela commence par une redéfinition de la relation. G.W.Bush l’appelait «candide», -ce qui déplaisait à Pékin. Pour l’heure, les deux pays se sont entendus sur les termes un peu benêts de «positif, coopératif et intégral». Obama a été plus clair, qualifiant la Chine de «ni amie, ni ennemie, mais rivale». Le mot aurait pu blesser. Au contraire, il enchante Hu Jintao comme le Conseil d’Etat, pour son affirmation d’absence d’inimitié (c’est une nouveauté importante pour eux) et une émulation commerciale qui leur convient bien.

Obama a aussi multiplié les gestes de bonne volonté. Il s’est abstenu de voir le Dalai-Lama. Il consacre à cette visite 3 nuits, contre une à la Corée et une au Japon, les alliés de toujours (un peu mortifiés). Il a aussi qualifié de «crucial» le lien sino-US, pour tous «sujets critiques, du climat à l’énergie, de la convalescence économique à la sécurité régionale». La Chine en a conclu, par la voix du professeur de la CASS (Académie chinoise des Sciences Sociales) Tao Wenzhao, à l’évident désir d’Obama de promouvoir ce rapport. Ce qui comble son propre rêve depuis toujours. Elle ne peut donc qu’accéder enthousiastement à ce désir, et en donne un signe qui ne trompe pas : sa suggestion d’une future réévaluation du Yuan, qu’elle refusait au monde depuis 10 ans (cf édito).

En 3 jours de dialogue intense à tous niveaux, bien des sujets défileront : les offres respectives au COP 15, pour le futur plan global anti-réchauffement climatique, la prévention d’une guerre commerciale, les zones de tension régionale (Irak, Pakistan, Corée, Afghanistan), l’avenir des énormes masses monétaires imprimées et prêtées de part et d’autre du Pacifique… Et bien sûr, les droits de l’homme. Sans doute, seront évoqués les projets futuristes d’Union Asiatique, de monnaie commune, projets où l’Amérique doit trouver son intérêt -être présente!

On s’apprête à assister à la rencontre des leaders de la 1ère puissance (en déclin) et de la plus jeune (en ascension). Ensemble, ils ont un levier sur le reste du monde. Le rapprochement est inévitable et bénéfique, à condition qu’il ne se fasse pas au détriment des autres, en un nouveau Yalta. Les intérêts «impérialistes» respectifs pourraient les y conduire. Mais la sensibilité démocratique d’Obama et celle anti-hégémoniste du socialisme chinois les détournent à priori de cette voie. D’autant plus que sans un minimum d’acquiescement des autres régions du monde, un tandem Sino-américain n’a ni sens, ni chance.

 

 


Joint-venture : AXA sort par la porte, rentre par la fenêtre

On voyait la semaine passée (VdlC N°36) AXA, premier assureur d’Europe, contraint à vendre ses parts dans Taikang, sa vache-à-lait locale.

On constate aujourd’hui que cette péripétie, en fait pourrait l’aider… à renforcer son enracinement au Céleste Empire dans le domaine de l’assurance-vie : une stratégie financière est en cours pour renforcer son contrôle sur sa filiale AXA-Asia Pacific, trop indépendante à son goût, quoiqu’il en exerce un contrôle à 54%.

L’Etat major parisien veut faire racheter la firme par AMP, son partenaire australien gestionnaire de fortune.

Prix offert : 10,3MM$. AMP devrait lui rétrocéder la zone asiatique (l’essentiel du portefeuille) pour 7MM$. AXA utiliserait ici le 1MM$ de la vente de Taikang. Un autre financement viendrait d’une augmentation de capital d’AXA pour 2MM², qui devrait aussi permettre d’autres acquisitions en Europe de l’Est.

Il y a un obstacle : AXA-Asia-Pacific se dit sous évaluée, et refuse cette reprise « hostile ». Mais au tapis vert, aucun des deux bords n’a de rigueur « idéologique » : AXA a déjà remonté son offre à 11,6MM (+10%), et sur le fond, tout le monde a à gagner, à concentrer les forces du groupe, pour réussir sur ce marché si difficile.

 

 


A la loupe : Sommet Chine Afrique – quelle voie africaine?

A Sharm-el-Sheikh (Egypte), les 8-10/11, des milliers d’hommes et femmes ont tenu un meeting haut en couleurs, entre délégués des 54 pays du 4.ème Sommet Chine-Afrique, 2.3 milliards d’êtres humains dont 1 milliard d’Africains.

Wen Jiabao le 1er ministre apporta -comme de coutume- un chèque, 10MM$ de prêts pour 3 ans. Il financera (entre autres) des routes, lignes ferroviaires et internet entre Dar Es Salaam, Rwanda Burundi et Congo (RDC), et une highway de 78km en Ethiopie (Addis-Abeba).

Wen offre aussi : [1] 1MM$ à prêter aux PME africaines, [2] l’éradication des taxes pour 95% des produits des pays les plus pauvres, [3] 100 mini-centrales propres (solaires, hydroélectriques ou à biogaz), [4] 30 centres anti-malaria (soignant à l’artémisine, meilleur remède du moment, issu de plantes chinoises), l’équipement de 30 hôpitaux, la formation de 3000 médecins/infirmières. [5] Contre la pénurie alimentaire qui guette, l’envoi en Afrique de 50 équipes d’agronomes chinois, et la formation de 2000 Africains.

Convaincante, l’aide chinoise fut acclamée à Sharm-el-Sheikh, et même, jusqu’à un certain point la pénétration commerciale qui l’accompagne: en 2008, les investissements chinois, à 7,91MM$, avaient octuplé depuis 2003 et les échanges atteignaient 107MM$, 45% de plus qu’en 2007.

Indiscutable au demeurant, cette popularité n’évite pas quelques ombres au tableau, tels les compliments d’alliés embarrassants, tels le soudanais Omar El Bashir, ou le Zimbabwéen R. Mugabe, dictateurs protégés par Pékin des sanctions onusiennes, en échange d’un quasi-monopole des ressources naturelles de leurs pays.

Au sein même de ces nations d’ailleurs, cette politique fait discorde: A. Mutambara, vice-1er ministre zimbabwéen du cabinet Tsvangirai s’exprima contre le «vieux modèle» où la Chine puise les ressources africaines et y exporte les produits finis. «Nous ne voulons plus de cela », protesta-t-il, contredisant ainsi son Président. D’autres délégués abondèrent en son sens : dans ces échanges, seuls 13 sur 53 pays gagnent, tous les autres s’endettant envers la Chine, telle l’Egypte, dont le ministre Mahmoud Mohieldin se plaignait d’importer 11 fois plus qu’il ne livrait à la Chine.

Autre argument douteux: l’insistance de Pékin à vanter l’«inconditionnalité» de son aide contrairement à l’Ouest qui exige la démocratie en retour. Mais les projets chinois comportent aussi des conditions: l’usage sur tout chantier de milliers de bras chinois, laissant aux locaux la part du pauvre en fait d’emplois, ce qui provoque çà et là (entre Algérie et Zambie) des émeutes. Ces contrats sont aussi tout sauf transparents, faisant risquer la corruption (scandale de l’autoroute transalgérienne de CITIC)…

« En fin de compte », conclut le sud-africain Martyn Davies, « ce que la Chine vient faire en Afrique, c’est du business, et il prime sur la politique. L’Afrique est un marché émergeant. La Chine y a un atout : sa flexibilité, et sa capacité de faire plus vite et moins cher ».

Wen Jiabao enfin, souleva un autre argument «massue» et «décolonisateur» en faveur du modèle de coopération chinois : le refus net de tenter d’inspirer à l’Afrique une « voie chinoise ». C’est à l’Afrique, fit-il, de trouver sa propre voie—nul ne peut le faire à sa place !

 

 

 


Pol : La marine chinoise apprend l’esprit d’équipe

« Nous avons le devoir de tenir nos obligations internationales » déclare à Hong Kong le lieutenant-colonel Hu Guangsheng, n°2 du Bureau national de la défense navale, annonçant que la marine chinoise commandera l’armada des nations contre les pirates somaliens. C’était inévitable, car 40 navires de guerre ne peuvent sécuriser les 8,5Mkm² du Golfe d’Aden (quatre « Europe ») qu’au prix d’une coordination étroite, en protégeant des convois sur un corridor de 9km de large. Or avec ses imports massif de pétrole, bois ou minerai, la Chine est davantage attaquée -ses 4 navires de guerre ne suffisent pas. En octobre encore, un de ses vraquiers fut arraisonné, 25 marins pris en otages.

L’armée chinoise (APL) avait d’abord promis de les poursuivre, mais aux dernières nouvelles, elle négocie une rançon : elle n’a plus d’autre choix, que de s’allier aux autres marines.

Sans doute déchirant, ce choix traduit l’abandon du dogme maoïste d’autonomie mais aussi une montée en qualité et en confiance de cette marine. C’est d’ici mai qu’un officier chinois dirigera la flotte internationale. Cette promotion forcera d’autre part l’APL à renforcer sa présence en ces eaux inhospitalières. Elle ne peut qu’y gagner : expérience, réputation, esprit d’équipe. Tout cela, fruit d’un incident (la recrudescence de la piraterie) que nul n’avait prévu !

 

 


Temps fort : Pourquoi le mur de Berlin est tombé-mais pas la muraille du PCC ?

Il y a 20 ans (09/11), le monde fêtait la chute du mur de Berlin, bientôt suivie de celle de l’URSS. A l’époque, l’Ouest prédisait « dans la foulée » l’extinction du socialisme chinois. Détrompant ces pronostics primesautiers, ce dernier pourtant, a survécu et apparaît aujourd’hui en gloire (en apparence), plus vivace que jamais. Pourquoi?

Première réponse, du professeur J. Wasserstrom (Irvine, CA) : le régime a muté sous l’interaction complexe de ses deux mécanismes, sclérose et flexibilité.

Constant depuis 1989, le front du refus des réformes (de changer de ligne) se vérifie en juin 2009, dit Wasserstrom, dans la négation rigide du massacre de 20 ans plus tôt, et la paranoïa déployée (dit Wasserstrom) pour garantir la non-commémoration du non-événement.

Mais la Chine a aussi démontré (peut-être pour compenser cette faiblesse) une capacité d’adaptation hors pair aux énergies en action hors du pays. En 2009, l’ouverture à l’étranger lui a permis de truster 66% du marché chinois automobile. Ce qui n’a pas empêché le pays de dépasser l’Allemagne comme 2de nation industrielle mondiale. En même temps, le régime a démontré une vive flexibilité en laissant renaître les pratiques religieuses, reconstruire temples, monastères et séminaires.

Depuis 1989, le Parti communiste chinois (PCC) poursuit cette stratégie de céder sur ce qui lui paraît accessoire (adaptation) pour s’agripper à ce qui lui semble essentiel (rigidité) au nom de la ligne de l’époque, de l’ « économie socialiste de marché aux couleurs de la Chine ».

Celle ci associait trois systèmes qui auraient été totalement contradictoires en logique occidentale : marxisme, nationalisme et capitalisme. Pékin laissait donc sortir les intellectuels à l’étranger, produire ou importer sur son sol les meilleurs biens de consommation. Mais il préservait aussi farouchement son monopole du pouvoir sur l’économie, l’opinion (presse), l’action sociale (les ONG). Une telle réforme s’imposa au printemps 1992, avec le voyage au Sud de Deng Xiaoping.

A cette même époque, le PCC observait intensément l’évolution de la Yougoslavie… Dans ce pays, il voyait une Chine en miniature, par sa composition idéologique et ethnique, et un laboratoire où observer les évolutions de sa ligne politique. De même, dans son actuel soutien au confucianisme, il retrouve une ligne qui a bien réussi à Chiang Kai-shek à Taiwan, tandis que la persécution du Falungong renvoie à celle des Taiping au XIX.siècle. En somme, le PCC étudie avec minutie les expériences du passé et du présent (le sien et celui des autres) afin d’en isoler les modèles, les outils à suivre, les erreurs à éviter. C’est une racine de la longévité de la Chine.

Cela dit, la pérennité du régime peut avoir une autre source, non exclusive de la 1ère. En 1991, l’URSS s’est éteinte par épuisement moral et non manque de ressources. Elle regorgeait de pétrole et d’autres énergies, commodity la plus rare et prisée au monde, dont l’actuelle Fédération de Russie tire sa prospérité. La durée au pouvoir du PCUS fut de 74 ans, soit trois générations. La Chine socialiste n’en a vécu que 60 ans, soit deux générations et demie. La différence entre les deux, tient au fait qu’en Chine vivent encore de nombreux révolutionnaires de la 1ère heure, qui avaient disparu dans l’URSS de 1991. La différence est importante dans un pays où reste prédominant le culte des ancêtres. Le socialisme en Chine, atteindra ses 74 ans en 2023 : temps d’enterrer cette génération et avec elle, le halo de sa foi d’antan ?

 

 

 


Petit Peuple : L’amour hors de la voie

Peut-être pour compenser un mari handicapé, la mère de Wei Yongkang décida à sa naissance en 1983 à Huarong (Hunan), d’en faire un génie. Dès ses 1ers jours, elle le submergea d’un déluge verbal de poèmes anciens, des tables de multiplications, de pages d’histoire et de tout le programme des écoles primaires.

Contre toute attente, ce comportement délirant porta ses fruits. Assez vite, par ses réactions, l’enfant montra qu’il suivait et retenait. Au bout de quelques mois, ses babillements évoluèrent vers des phrases ordonnées, tandis que sa main, au stylo, traçait ses 1ers idéogrammes. De la sorte, à trois ans il possédait 3000 caractères -assez pour lire le journal, écrire des courtes rédactions. Mais c’est en mathématiques qu’il accumulait les preuves de son génie précoce, exécutant en 3 secondes au plus les calculs mixtes (addition, division, racine carrée…) de l’âge des adolescents.

A ce rythme, il ne lui fallut que 10 ans d’école et collège pour gagner sa place à l’université locale de Xiangtan, puis 4 de plus pour intégrer l’Académie des sciences, à Pékin comme doctorant de 3ème cycle – c’était l’an 2000, il avait 17 ans.

Il ne le savait pas, mais l’ère des succès faciles était sur le point de s’interrompre abruptement, pour une raison sournoise mais indéniable. Jusqu’alors, il n’était qu’un pur esprit, enfant n’ayant jamais conquis son autonomie corporelle. Il ne savait ni se nourrir, ni faire sa toilette ou son lit. Depuis toujours, sa mère s’occupait de ces détails mesquins. Même en fac: à Xiangtan comme à l’académie des sciences, la mère avait la chambre d’à côté et le couvait toujours-elle avait pour ce faire, quitté son emploi sans hésiter.

De cette perversion, les suites apparurent vite. Il rata des examens, et même sa maîtrise, faute de méthode. En 2003, en pleine crise du SRAS, il fut le seul à ne pas respecter les consignes d’hygiène de l’Académie, à ne pas prendre les piqûres obligatoires. Cette fois, c’en était trop: il fut renvoyé.

De retour au foyer, reclus, il se révolta contre la mère. En 2004, il fugua, zigzagua par 18 provinces en autostop, 39 jours avec 500¥ en poche, avant de se faire ramasser à Beihai (Guangxi) à l’autre bout du pays, sans un sou pour se nourrir…

Alors sortit de l’ombre Zhang Jinping, sa prof de naguère. Connaissant son naufrage, et son talent, elle voulut l’arracher à l’orbite délétère où il végétait: elle offrit de le prendre, sous seule condition que les parents acceptent une coupure complète d’un trimestre.

Débuta l’apprentissage. A 5 h. du matin, (lui qui était habitué à son bol de soupe de riz au lit à pas d’heure), elle lui colla en mains balai et serpillière, lui fit récurer l’appart comme un sou neuf. A 7h., ils étaient au marché, à tâter les poireaux, soupeser les oignons. A chaque stand, le jeune Wei devait dialoguer, négocier les prix. Ils passaient le reste du jour au collège de Zhang : elle l’y forçait à discuter avec les collègues, le principal, aider les femmes de charge, tambouiller en cuisine sous les ordres du chef… Après ces mois de marche-ou-crève, un nouveau Wei émergea, plus libre, moins autiste.

En août 2005, un producteur à la TV eut vent de son existence, et flairant la belle histoire, le fit passer à son émission « à franchement parler ». Ce fut l’étincelle de sa reprise des études, après deux ans de césure.

A 1300km, à Shanghai, Xing Guangqian, directeur d’un centre de recherche en astrophysique devina le potentiel de ce cerveau en friche, l’invita à son institut.

Quatre ans après, en juillet 2009, Wei décrochait son doctorat et recevait sur place un poste de chercheur -à 27 ans. Il avait trouvé femme, et venait d’être père.

Pour sa métamorphose, c’était à Zhang Jinping, la maman d’adoption qu’il rendait grâce. A sa mère biologique, il en voulait de l’avoir étouffé tant d’années, à force de monstrueux amour. En chinois, on appelle cela l’« amour hors de la voie » (ài fēi qí dào, 爱非其道)…

 

 

 


Rendez-vous : Pékin, Salon des économies d’énergie et du bâtiment écologique

16-19 novembre : Shanghai, Forum du Gaz

17-19 novembre : Pékin, ESBAU, Salon des économies d’énergie et du bâtiment écologique

18-20 novembre : Pékin, Salon énergie photovoltaïque

18-20 novembre : Pékin,  Salon chinois de l’eau

18-20 novembre : Shanghai, FHC, Salon de l’alimentation et de la boisson