Le Vent de la Chine Numéro 9

du 10 au 16 mars 2008

Editorial : Une réforme, par la « bande »…

« Nous sommes pleinement conscients de l’écart entre notre travail… les urgences de la situation… et les attentes de la population»: c’est en ces termes que Wen Jiabao, ouvrant la session annuelle du Parlement (ANP – Pékin, 5/03), reconnut les retards en réforme politique. Avec son humilité coutumière, le 1er ministre face aux 3000 édiles, poursuivit la critique des cadres, dénonçant tour à tour la fuite des responsabilités ou l’arrogance mandarinale – désignée sous l’euphémisme de « problèmes de contrôle et d’équilibre dans l’exercice du pouvoir».

Deux mots d’ordre font le fil rouge de son rapport : lutte contre l’inflation, soutien du paysannat.

Confronté à une pénurie alimentaire mondiale, Wen voit inévitable une nouvelle flambée des prix, mais prétend l’endiguer à 4,8% pour 2008 -ce qui semble illusoire, l’indice ayant flambé de 7,1% en janvier suite aux intempéries qui paralysèrent le centre et sud du pays. Wen veut le faire, en «accroissant substantiellement l’offre alimentaire » (en améliorant le revenu paysan, et en important davantage), et en «réduisant la demande inutile», à savoir la conversion du maïs en éthanol. La lutte contre le gaspillage et l’indiscipline porte un nom, martelé par le Président Hu Jintao : le «développement scientifique».

De même, la croissance doit plafonner à 8%, très en dessous des 11,4% de 2007 : sous l’effet d’une fermeture du robinet du crédit (qui resta pourtant lettre morte en janvier!). Exception (à part l’armée, cf p.2): les campagnes, qui recevront 562MM¥ en 2008, soit +30% en primes à l’équipement, aux semences, en hausse du prix plancher de leurs produits, et en mini-équipements d’ énergie renouvelable -5M de fosses à méthane par an, des crédits dans les mini-barrages et l’irrigation enterrée (hydroponie). Tandis que l’assurance maladie couvrant (trop légèrement) 730M de paysans verra sa couverture doublée sous 2 ans, de 50¥ à 100¥ par assuré.

Cette sensibilité rurale est le propre de l’ère de Hu Jintao, tentative de rééquilibrage après des décennies de favoritisme des villes. Wen Jiabao avoue ailleurs dans ce rapport les «difficultés» à enrayer l’écart de développement entre villes et campagnes, et même d’enregistrer plus de gains dans la récolte céréalière, laquelle enregistre cet automne un déficit de 5,5% (cf p.2). Sans le dire, l’effort financier en faveur des fermiers tente de désarmer le défi de 10aines de milliers de paysans dans 4 provinces, qui viennent de défier le principe de la propriété foncière collective, et de se liguer en prétendant l’abolir.

Évitant toute concession démocratique radicale, Wen offre une palette chatoyante de progrès «socialistes»: plus d’écoute de l’opinion dans la préparation des lois, plus de lutte contre la corruption, d’égalité devant la loi. Jiang Enzhu, porte-parole de l’ANP, évoque une réforme de la loi électorale, mais simplement pour donner autant de députés aux villes qu’aux campagnes…

Wen Jiabao cite Mao Zedong (son slogan des«100 fleurs»), et Deng Xiaopingrechercher de la vérité dans les faits»). Choix tout sauf anodin : à l’impossible aspiration populaire, il répond sur le ton de la nostalgie, et faute de pouvoir y accéder, tente de maintenir le lourd appareil sur ses rails, par le simple rappel des beautés (dépassées) du passé.

 

 


Temps fort : Un Plenum, deux rêves

Wen Jiabao débuta son rapport sur un ton rassurant, évoquant les succès de son 1er quinquennat : de 2002 à 2007, fit-il, le PIB grimpa de 10,6%/an, à 22.660 MM¥ : + 2/3 en 5 ans. Le budget public fit mieux, +171% à  5130MM¥, tandis que les réserves en devises passaient à 1520MM$ et le commerce extérieur à 2.179 MM$ : de 6ème trader planétaire, la Chine est passée 3ème, talonnant l’Allemagne. 

En 5 ans, 51M emplois furent créés. Le revenu citadin monta de 80% à 13786¥, celui paysan de 90%, à 4140¥ – ce dernier, par l’abolition de toute taxation paysanne, et par l’octroi de 1600MM¥, sous forme de routes (1,3Mkm rénovés ou construits), d’adduction d’eau (97,5M de bénéficiaires), ou d’irrigation capillaire – (6,3Mha)… Promesse tenue (selon Wen) : la gratuité des écoles rurales en zone pauvre, moyennant 2430MM¥ en 5 ans, changea la vie de 150M d’externes et 7,8M de pensionnaires.

En infrastructures, la Chine lança ou réalisa, dans la période, les plus grands chantiers du monde: la ligne ferroviaire Qinghai-Tibet (1300km,passant à 5000m), un gazoduc, une ligne à haute tension Ouest-Est, le barrage de Xiluodu (succédant à celui des Trois-Gorges), la (future) ligne de TGV Pékin-Shanghai. Le réseau électrique gagna chaque année un parc type « Royaume Uni » (70Gw/an). Ces 5 ans virent l’arrivée de 28000km d’autoroutes, et de 568 appontements pour cargos de plus de 10.000t. L’effort titanesque, bien sûr, va se poursuivre, visant par ex. 244 aéroports en 2020 contre 147 en 2006 : alors, 82% de la population vivra à moins de 100km ou 90 minutes d’un aéroport, pour un invest prévu de 60MM$. Le réseau ferroviaire de 74.000km en 2005, atteindra 120.000 dans 12 ans…

En défense environnementale, Wen Jiabao jugea digne de mention la reforestation de 32Mha d’anciens champs, et le retour en friche de 33Mha, tandis que l’an dernier, la dépense en énergie dans la production industrielle (par %age de PIB) baissait enfin de 3,27%, celle de DCO (indice de pollution de l’eau) de 3,1%, et celle de SO² (indice de pollution de l’air) de 4,66%.

Après ces chiffres ronflants, Wen pouvait asséner à son public un électrochoc : « la note de la croissance est exorbitante, en terme de ressources et d’environnement… Des obstacles institutionnels et structurels s’amassent » : la Chine ne pouvait plus poursuivre ainsi, le moment était venu de refroidir, voire stopper la machine à argent facile. Mais dans les couloirs, les réactions suggérèrent que le message ne passait pas : la majorité des édiles continuèrent impavides à échanger leurs tuyaux, faire du «networking» pour investir, placer, gagner toujours plus!

 

 

 

 

 


Pol : Les leçons du gel

Les leçons du gel

Les calamités hivernales ont « douloureusement surpris » le pays, qui va devoir en « tirer les leçons », affirme Wen Jiabao devant le Parlement.

Les pertes d’infrastructures s’élèvent à 16MM$, sans compter celles d’exploitation des mines et usines, les 107 vies humaines perdues, celles des 69M d’animaux. En reconstruction, les banques ont déjà prêté 14,4MM$ et la NDRC a offert 500M$ en subsides. Alors, la Chine se rend compte que les désastres de la nature sont aggravés par ceux de l’homme : en préfecture de Kaili (Guizhou), plus de 10.000 pylônes récents, pliés comme fétus de paille, sont irréparables. Tandis que ceux anciens, des années ’50 à 60, ont tenu le choc. Un 1er contrôle a permis de constater que des renforts en acier massif avaient été sciemment remplacés par du fer à béton.

Embarrassé, le distributeur Southern Grid promet qu’à l’avenir, les fournisseurs indélicats seront rayés des listes. La presse cite Hu Jintao, qui en octobre 2007, face au XVII. Congrès, appelait à la séparation des pouvoirs décisionnel, exécutif et de supervision… En attendant, une enquête se prépare, sur ce cas de corruption massive.

 


Argent : Industrie – fermeture du géant des sacs plastiques

L’ABC, banque paysanne : départ imminent

Annoncé le 5/03, le passage de la banque de l’agriculture (ABC) sous actionnariat se veut le symbole du régime à ouvrir au paysannat des sources crédibles de finance. «Sous 3 ans», selon son porte-parole, la banque rurale sortira de sa chrysalide, avec des actionnaires tels China Life, puis passera en bourse. Chen Yuan, son gouverneur, resterait son Président. La CIC (China Investment Corporation) devrait y prendre une part (la part publique de son désendettement tournait en décembre autour de 50MM$).

Pour cette sortie du rouge, le moment est bon : en 2007, l’ABC affiche des profits (+ 64% – 8,9MM²),+51MM² de dépôts, +30,6MM² de prêts, -5,3MM² de mauvaises dettes. Dès le 28/02, l’autorité boursière dote l’ABC d’un outil préparé depuis des ans: une co-entreprise de gestion de fonds avec Crédit Agricole (33%) et Chinalco (15%).

ABC-CA offrira donc des fonds mutuels, permettant à la banque rurale de rejoindre ses trois soeurs (grandes banques publiques) sur ce lucratif marché de l’épargne. Pour rattraper son retard sur elles, l’ABC peut compter sur l’expérience du Crédit Agricole sur les marchés asiatiques, et sur son propre immense réseau d’agences à travers le territoire !                                                     

NB : la China Development Bank elle aussi, banque «politique» des infrastructures, prépare sa chasse aux partenaires et l’entrée en Bourse.

 

Industrie – fermeture du géant des sacs plastiques

1er fabricant chinois de sac plastique, Hua Qiang, filiale de Nanqiang Plastic (Canton) a fermé mi-janvier à Luohe et Suiping (Henan), laissant 20 000 employés au chômage. La fermeture était inévitable après l’interdiction au 1/06/2008 par le Conseil d’Etat des sacs plastiques de moins de 0,025 mm d’épaisseur, en distribution libre. Trop fins pour être recyclés, ces sacs se retrouvaient trop souvent dans la nature, danger mortel pour la faune et la flore, qui mettra deux siècles à disparaître. Or 90% de la production de Hua Qiang entrait dans cette catégorie -250.000t/an, bientôt sans clients.

Bonne pour l’environnement, la nouvelle l’est moins pour le Henan, région pauvre du centre du pays. Trop souvent, la Chine « Jaune » de l’intérieur, dans l’espoir de combler son retard industriel sur celle « Bleue » de la côte, accepte des productions navrantes au plan écologique. Hua Qiang était dans ce cas, mais réalisait 2,2 MM¥ de chiffre d’affaires annuel et trustait 50 à 100% du marché. Un patron (anonyme) d’une firme concurrente note que la fermeture n’était pas inéluctable -Hua Qiang aurait pu chercher un nouveau produit plus acceptable, et payant. Si la fermeture eut lieu si vite, 10 jours après la mise au ban des sacs gratuits, c’est sous le coup de la loi des contrats, juste amendée : presque 10% du personnel, avec dix ans d’ancienneté, avaient droit au CDI, ce qui allait coûter au groupe 10M¥/an de plus en masse salariale, et bien pire en indemnités, en cas de fermeture quelques mois plus tard…  Face à une telle perspective, la direction a préféré le sabordage, plutôt que de redresser le navire. Les machines recherchent déjà acquéreur (35 à 40M$ demandés). Pour les murs, et le personnel, c’est le black-out.

Immobilier – une potion contre flambée et bakchich?

Pour enrayer la flambée des prix fonciers sur son sol et la corruption, Shanghai a inauguré le 1er mars à Pudong/Liujiazui son Municipal Land Trading Market, centrale de commerce du sol. Accessible sur le Web, ce marché de 3000m² permet la cession et le transfert des droits d’usage de terrains pour construction commerciale, industrielle et résidentielle. Il est connecté par intranet aux bureaux fonciers des 19 arrondissements centraux et de banlieue, qui fonctionnaient jusqu’alors en vase clos, dans une vase propice aux passe-droits et dessous de tables à chaque étape de la vente.

Cette initiative est donc la suite logique de l’éviction de l’ex-« roi » de Shanghai Chen Liangyu, suite à un scandale financier et immobilier sans précédent. Elle est le 1er acte du pouvoir, en fait de reconstruction administrative, afin d’éradiquer la corruption systémique. Shanghai a été choisie pour sa concentration d’officiels « marrons » dans le foncier. En centralisant toutes les offres sur le marché et toutes les données liées, et en instaurant le principe de règles standardisées invariables, cette plate-forme offre aux acheteurs plus de transparence et leur permet de voir en temps réel l’avancement de la procédure, tout en limitant les possibilités de pression, cadeaux etc. De même, pour la mairie, l’ensemble des ventes sera traçable, permettant d’identifier tout dérapage et d’y remédier à temps. Bon moyen, selon Wang Shiyuan le vice-ministre du sol, de réduire l’«interférence humaine», et stabiliser le cours du terrain. Après Shanghai, l’expérience doit être étendue à toutes les métropoles en proie à la même fièvre.

 

 


A la loupe : ANP- bruits de couloirs…

 

Rendez-vous unique des personnalités et grands de ce monde, la session de l’ANP -ou ses couloirs- offre durant 15 jours une chambre d’échos unique d’événements et tendances d’habitude indiscernables. En voici quelques uns :

Han Zheng, maire de Shanghai, dévoile que le feu vert pour l’extension du Maglev (train électromagnétique de 500km/h) vers Hongqiao, pour une ligne « des deux aéroports », n’est plus pour 2008. En janvier des milliers de citoyens avaient manifesté contre. Ainsi, la liaison ne peut plus être prête pour l’expo de 2010, moins encore son extension vers Hangzhou. Or, entre les aéroports, le métro lui, sera prêt, et un TGV Shanghai-Hangzhou se prépare.

NB : après la construction de ces autres liaisons rapides, le Maglev perd sa 1ère raison d’être. Reste celle d’une image high tech, et une obligation vieille de 10 ans envers l’Allemagne, qui finança de 500M$ (50%) les 34 km de ligne existante. Si l’extension vers Hangzhou tombe, Shanghai, Hangzhou et l’Etat épargnent 5MM$!

Liu Xiang, l’idole olympique battu à froid : à la CCPPC (le «comité consultatif » chinois qui siège en même temps que l’ANP), le médaille d’or du 110m a préféré … l’avion pour Valencia, où l’attendaient les championnats du monde en salle. Du coup, des édiles lui reprochent de prendre à la légère la nation et ses institutions. Apparemment impassible (et simple), Liu, à Valence, ne pense qu’à améliorer ses 7,42s aux 60m/haies, record personnel,

♪ Dans le cadre du grand plan de création des super ministères, le min. de la santé va avaler la FDA, et fera «d’une pierre 2 coups»:

– fermant une agence de sinistre mémoire, dont le Président Zheng Xiaoyu fut exécuté en août, tandis que le bilan des morts par intoxication alimentaire montait dans l’année de 32% (à 258), et

– plaçant sous un même toit la sécurité des médicaments et aliments, aujourd’hui atomisée entre au moins 6 agences nationales.

♪ La session de l’ANP coïncide avec l’arrivée des tempêtes de sable, plus puissantes, et meurtrières du fait des toxines  des usines charriées par les vents. Suite à l’arrivée de Chine d’un de ces fronts (4/03), la Corée du sud a fermé les écoles au sud-ouest de son territoire. Détail insolite : mi février, Pékin se désengage d’un programme international météo avec Tokyo, Oulan-Bator et Séoul : l’échange de telles données seraient un « secret d’Etat »…

♪ Des vents qui n’arrangent pas non plus les agriculteurs, déjà victimes du cataclysme hivernal, après la sécheresse de 2007. Au nord-est , la récolte de maïs d’hiver s’avère de 5,5% en dessous des prévisions, à 137Mt (source US). Or, la sécheresse frappe des 10aines de M d’ha à travers le territoire. Jilin et Liaoning, par ex., n’ont reçu qu’1,8mm d’eau depuis janvier, -80% de la moyenne et plus bas taux depuis 1951… L’année sera dure, pour les paysans !

 


A la loupe : APL: une Longue Marche boulimique, qui inquiète

Pour la 20ème année consécutive, l’armée populaire de libération (APL) annonce une croissance à deux chiffres de son budget : +17,6%, près de 57MM$. Chiffre que Jiang Enzhu le porte-parole justifie ainsi : «notre nouvelle Grande Muraille» doit rattraper les faibles investissements des années 1980 (5,83%/an) pour mieux nourrir, habiller, former ses 2,3 M d’ hommes. Et Jiang de confronter la modestie de ce budget kaki, «1,4% du PNB», à l’ampleur de celui des Etats-Unis (4,6% et 515MM$), de la France (2%) ou de l’Inde (2,5%).

Ce tir de barrage, pour répondre aux «inquiétudes» du Pentagone, qui dénonce dans son rapport annuel au Congrès (5/03) le manque de transparence de cet effort de réarmement. De longue date, l’administration américaine estime les dépenses de l’APL au double ou au triple du chiffre officiel – jusqu’à 139MM$, cette année.

Ainsi, la Chine disposerait de missiles ASCM (longue portée, contre navires et leur base logistique), et d’ici 2010, des  DF31 et 31A (balistiques intercontinentaux).

Depuis 1998, elle aurait lancé une classe de navires/an, dont son croiseur Lu Yang (I & II) et les sous-marins Song, Shang et Yuan. En 2007, elle a détruit un satellite. Elle détient l’arme nucléaire, et prépare son porte-avions.

En résumé, l’APL reste «peu opérationnelle dans des actions à distance» mais se prépare à «des missions locales sous cadre di-gital». Elle démontre « le plus grand potentiel de rivalité avec les USA» et «une maîtrise de technologies militaires disruptives qui pourraient à terme, mettre en échec les atouts traditionnels US ».  Le rapport note que Taiwan s’apprête à conserver la parité, grâce à une méga livraison américaine (3,5MM$) qui comprendra 12 avions P-3C anti-sous-marin, des missiles antimissiles Patriot-2 , ou AMRAAM et Maverick, armant les chasseurs bombardiers F16 taiwanais…

A ce programme d’armement, on peut décrypter quatre sens.    

 [1] il est outil de prévention (ou de répression) de toute déclaration unilatérale d’indépendance de Taiwan.

[2] Il vise à atteindre, en 50 ans, le 1er niveau mondial —et donc, à rattraper le niveau technologique des forces US

[3] Il permet à la Chine de réduire la dépendance en fournitures depuis Moscou, dont il dédaigne désormais les équipements, sauf dernier cri (que le Kremlin ne veut pas fournir).

 Historiquement, l’APL sert enfin de « bras armé de la dictature du prolétariat » -cité par Deng en mai ’89 dans un discours secret, et utilisé peu après pour mettre fin au printemps de Pékin.

Enfin, la rivalité potentielle n’empêche pas, et peut-être même, favorise le dialogue—entre puissances militaires conscientes des risques de dérapage. C’est le moment qu’elles choisissent pour se doter d’un « téléphone rouge », négocié depuis des années, signifiant, précise le Pentagone, «un mécanisme à travers lequel nous pourrons parler… Mieux que par le passé » – à toutes fins utiles !

 

 


Joint-venture : Les ambitions de China Mobile

Les ambitions de China Mobile

China Mobile, engrangeait 7M d’abonnés en janvier (376M au total!). Il voit son trésor de guerre renforcé par la conjoncture, qui érode les cours de la concurrence mondiale. Aussi Wang Jianzhou son DG continue à racheter des opérateurs émergents —entre Asie, Europe Orientale et Afrique. A cet effet, China Mobile ouvre un bureau à Londres, et se dit prêt à créer un réseau est-européen. La voie à suivre, croit m. Wang, est celle de Paktel (Pakistan), repris en février 2007 pour 460M$. China Mobile avait encore épongé 400M$ de dettes et investi 400M$, qui lui avaient permis en 11 mois, de passer de 4% à 14% de ce marché très disputé.

Pour poursuivre cette galopade, cette année, il y investira 800M$ de plus. China Mobile doit aussi se confronter au défi de l’érosion constante de ses tarifs intérieurs : 14% l’an dernier dans le vocal, et 62% depuis 5 ans. La solution selon m. Wang : développer le service « non vocal», comme ce journal anglophone sur mobile, co-développé avec China Daily, ou l’introduction envisagée de Iphone, avec son imbattable gamme de services. Sur ce dossier, la réouverture des négociations, semble proche – même si Steve Jobs, patron d’Apple se laisse désirer !

Donald nage vers Shanghai

Le projet de Disneyland à Shanghai prend corps: la demande de feu vert est déposée, annonce le maire (7/03). Vieux projet: la lettre d’intention avec Disney Corp. était signée depuis 2002. Un 1er écueil avait longtemps bloqué le dossier : l’exigence du groupe d’obtenir en même temps une chaîne locale de TV pour diffuser ses propres produits, en dehors de Club Dragon, l’émission fétiche de Picsou et Mickey sur CCTV. En 2006, l’accord était en vue— et ne parlait plus de Disney-TV. Mais alors explosait le fameux scandale du fonds de pension shanghaïen et de Chen Liangyu : il en résulta deux ans de contretemps, renforcés par le lobbying de HK, peu enthousiaste à l’idée d’un 2d parc chinois qui épuiserait sa déjà maigre clientèle.

A présent, si Pékin approuve, les constructeurs vont pouvoir lancer le chantier dans Pudong Liujiazui -près de 5 fois la taille de celui de HK. Pour Shanghai, c’est un « must » afin de dorer son image de rêve, genre « Paris de l’Orient ». Pour Disney, c’est peut-être une dernière chance : ses autres parcs dans le monde, tels Marne la Vallée, Tokyo et Hong Kong, voient la fréquentation plafonner.

John Deere s’offre un bulldozer chinois

Deere, le géant du matériel agricole motorisé, communique (29/3) la reprise ferme de 50% de Xuwa, 3ème constructeur chinois d’excavatrices, de Xuzhou, Jiangsu.

Avare de détails, l’industriel américain ne donne pas de prix, mais signale que Xuwa offre 14 engins sur catalogue à travers son réseau de vente dans 28 des 30 provinces, qui vendront à l’avenir, aussi, du Deere. Le groupe de Moline (Illinois) renforce sa présence en Chine, au moment où le régime s’apprête à augmenter le pouvoir d’achat des paysans, et à les encourager à adhérer aux coopératives, réserves d’équipements collectifs. Pour Xuwa, la perte de souveraineté est amplement compensée par l’apport en financements et en technologie.

Cette affaire interpelle, car elle semble le miroir de la bataille pour Xugong, le n°1 national du chariot élévateur, l’autre ex-entreprise publique de Xuzhou—sa jumelle. Dès 2005, l’investisseur californien Carlyle prétendait à 85% de Xugong (avec son accord complet), pour 275M$. Suite à la plainte de Sany, un outsider, l’affaire piétinait trois ans, avant que Carlyle ne renégocie -pour moins et plus cher. Ce n’est sans doute pas un hasard, si aujourd’hui, Deere maintient le secret sur les conditions du deal, et si le pourcentage agréé est de 50%, le chiffre concédé à Carlyle : la leçon n’a pas été perdue pour tout le monde !

 

 


JO : Jour J-151

– Une 1ère dont la Chine se serait passée, à 20 semaines des JO : à Xi’an le 5/03, un homme chargé d’explosifs prit d’assaut un bus de dix Australiens, avant d’être abattu, laissant indemnes ses otages (agents touristiques!), rapatriés le lendemain. Sa motivation est encore inconnue.

– En concert à Shanghai, la star Björk a osé (4/03) changer un de ses textes, pour suggérer l’indépendance du Tibet.

Provocation qui va causer une glaciation des contrôles sur les artistes étrangers, mais qui fait mal à cinq mois des Jeux, alors que le Tibet bouge -ses leaders, à l’ANP, promettent de veiller au grain. Accusé d’être derrière l’agitation, le Dalai Lama, dans un groupe de travail  de l’assemblée, est traité de “saboteur olympique”.

– Sous l’angle sécuritaire, la session du Parlement, ouverte le 5/03 a été une répétition générale des Jeux, avec 500.000 agents dans les rues (1 tous les 100m, gardes triplés aux sites protégés), sans compter les gardes en uniforme et 1M de volontaires à brassard rouge. Toute aviation “privée”, parapente, ULM etc. était interdite à 200km à la ronde, surveillée dans 6 provinces. De nombreux protestataires furent cueillis sortant du train. Tout résident temporaire dans toute ville, même pour études ou affaires, doit obtenir un permis spécial, payant. D’où, désordre et résistance.

 

 


Petit Peuple : Beigeng – le chef-d’oeuvre recopié

Le 15/3/90 à Beigen (Guangxi), Shi Xiuyu, instituteur de 47 ans entama l’oeuvre de sa vie : une copie du 本 草纲目bencaogangmu, ou compendium de materia medica de Li Shizhen, ouvrage de 1596 décrivant les 1882 substances de la  pharmacopée antique. Par sa démesure, la tâche avait de quoi décourager les plus intrépides : 1,9M signes,1100 dessins, 11.000 prescriptions et 1346 pages.

Shi dut d’abord refendre des fûts de bambou géant, puis polir ses tablettes avant d’y reporter ses colonnes calligraphiées.

Le 1er soir, il n’en remplit que deux, et en jeta trois pour cause de rature. Puis il dut reproduire l’illustration d’un médecin en robe prenant les pouls d’une patiente. Fin mars enfin, il avait sa 1ère page : 22 plaquettes  sans défaut, reliées entre elles d’un cordon de lin.

Insensible à son dos en feu, à son cou roide, aux sourires en biais de ses 2 enfants et aux cris de vieux fou proférées par sa femme, il poursuivit -il faut dire que celle-ci, constatant sa totale détermination, mit vite la main à la pâte, en apprenant à fendre les tablettes.

Pour aboutir, il lui fallut 17 ans, sacrifiant toutes ses nuits et ses temps libres.

Le 29/01/07,  dos cassé et yeux myopes, retraité depuis belle lurette (il avait 65 ans), Shi lâcha son 100ème pinceau sur sa 148.000ème plaquettes !

Réaction bien chinoise: enfin libéré, fier de son chef d’oeuvre, il ne fit rien pour le faire connaître. Il fallut qu’une voisine jase, pour que la presse vienne voir.

Mais quitte à sacrifier 17 ans de sa vie,  pourquoi ne pas les avoir dédiés à une invention originale, une recherche sur un sujet inexploré ?

 

[1] Shi voulait peut-être terrasser le mortel ennui de la vie en province, s’offrir une vie virtuelle décalée, un pied au présent, l’autre en un passé savant et altruiste: devenir l’intime de l’auteur, cinq siècles en arrière.

 

 [2] L’instituteur admet avoir voulu régler des comptes avec  le système de santé chinois. Par 2 fois en 15 ans, sur son foyer, l’hôpital local incapacité manquant d’expédier ad patres sa mère puis lui-même : pour les sauver, Shi n’avait dû son salut qu’au manuel médical antique, ce qui l’avait décidé à en faire la copie : manière de promouvoir l’antique, et s’inscrire en faux contre le moderne !

 

[3] Mais en ce pays, on ne se lance pas impunément dans la critique publique. Et quand on le fait, on se retrouve assez vite sans énergie, avec sa révolte canalisée en mode survie. Dans le cas de Shi, cela signifiait copier. Le dissident se faisait conformiste. Sa vertu tenait au courage de ne jamais abandonner. Comme se disait Shi tous les jours devant ses planchettes, «功夫不负有心人» (gong fu bu fu you xin ren) : l’effort ne rebute pas l’homme de qualité !

 

[4] Dernière réponse à l’énigme: en culture chinoise, copier, loin de tricher, c’est honorer le maître. Shi Xiuyu avait recopié Li Shishen. Qui avait recopié Shennong, autre médecin herboriste situé, selon le mythe, 5000 ans en arrière.

Il se trouve qu’au même moment, peut-être inspiré par le chef-d’oeuvre du petit maître d’ école, la star taiwanaise Jay Chou à son tour, vient de dédier au bencaogangmu un de ses «tubes» -sponsorisé par Motorola. Prouvant qu’en Chine de siècle en siècle, des jalons restent indélébiles au coeur des hommes, toujours plein de saveur, quoique clonés à l’infini !

 

 


Rendez-vous : Busworld Asia, bus et transports publics

10-11 mars, Shanghai : ICC-China, composants électriques

11 – 13 mars, Suzhou : Salon int’l de l’industrie de Suzhou

11-14, Shanghai : Busworld Asia, bus et transports publics

12-13 mars, Shanghai : Sommet chinois du Sourcing