Le Vent de la Chine Numéro 32

du 12 au 18 octobre 2008

Editorial : Turbulence sur le Toit du monde…

Par multiples petites informations, le Tibet fait reparler de lui, rappelant ainsi son irréductible différence, géographique et culturelle, à tout autre région du pays :

[1] Pékin sort (7/10) un Livre blanc, sur la protection de la culture tibétaine. Moyennant 2400MM² d’investissement de 1959 à 2007 (dont la moitié depuis 2003), il déclare scolariser cette année 547.000 jeunes, salarier 30.652 profs -à 80% locaux. 50% des cours sont en tibétain -selon la loi. Détruits durant la Révolution culturelle, 1400 monastères ont été restaurés. Des dizaines de dictionnaires bilingues ont été rédigés. Trois chaînes de TV diffusent en tibétain, neuf éditeurs publient 1000 titres/an. 4000 artistes et 18 troupes de danse, chant ou théâtre se produisent au Tibet, en Chine, ou (trop rarement) dans le monde…

Tout cela est en partie vrai -nous avons pu le vérifier sur place, lors d’un voyage juste achevé. Mais les instituteurs de village sont souvent incultes. Les rangs des moines à l’heure de la prière sont ostensiblement clairsemés – depuis le 14 mars, murmure-t-on. Chanteurs et danseurs sont souvent tristes, faute de liberté. Des jeunes hommes fuient en Inde. Et surtout, partout en ville, l’APL, larmée chinoise, patrouille avec half-tracks, boucliers et casques, matraques, mitrailleuses. Et Lhassa garde les stigmates des émeutes: murs torchés et noirs des incendies passés, les magasins non restaurés ont repris les ventes…

[2] A Chamdo (1300km de Lhassa), 4 jeunes moines du monastère de Gonsar reçoivent (2/10) de 4 à 9 ans de prison, pour participation aux violences de mars. De ce district, au moins 22 autres ont déjà été condamnés.

[3] Le 6/10 à 80km de Lhassa, à 4000m, un séisme de force 6,6 détruit 200 foyers, cause neuf victimes. Pékin envoie des secours, et ferme les écoles, par sécurité.

[4] La Tibet Autonomous Region souffre du réchauffement global. Depuis 1969, la température a monté d’1°C, les ondées ont doublé à 150mm/an. Le Tibet en tire plus de foin cet été, mais moins de bouses de yak séchées, seul combustible local, dont la seule préfecture de Nagqu (420.000 paysans) brûle 2M chaque hiver. Ceci justifiant aux yeux de l’administration, l’effort pour fixer les bergers transhumants, qui ne sont plus que 5% de la population contre 80% en 1959 : c’est un changement culturel fort, trop rapide, sans doute moins lié à l’arrivée du socialisme, qu’à celle des progrès techniques inéluctables…

[5] Tandis que le Dalai Lama subit un second examen médical en 2 mois, ses émissaires s’apprêtent à rencontrer en octobre des cadres socialistes, en quête d’un accord. Mais sur quoi ? Ni l’appareil «han» local, ni la rue tibétaine ne semblent prêts à la moindre concession, et dans sa structure politique «fédérative», Pékin ne peut rien imposer : sauf miracle, l’échec est aux portes.

[6] A Daramsala (refuge indien du Dalai Lama), le Parlement tibétain en exil prépare pour mi-novembre une «conférence législative extraordinaire» et prédit, à défaut de résultats, la rupture de six ans de dialogue: faisant planer le spectre d’une tension de longue durée, genre Irlande du Nord, Pays Basque – ou Xinjiang…

De ce séjour au pays des neiges, nous retenons la volonté de la RPC de moderniser, mais aussi sa surdité aux aspirations locales, religieuses surtout, et la rancoeur mutuelle. Il en résulte bien des efforts gâchés: sur le plateau, la légèreté n’est pas l’ambiance dominante.

 

 


A la loupe : Tempête et réforme confondues

Quoique émanant de sphères très éloignées, ces deux incidents récents éclairent une même tendance de la société chinoise :

[1] Le 16/09 vit une 1ère dans l’histoire judiciaire du pays. Wang Yi, pasteur protestant à Shuangliu (Sichuan) attaqua le Bureau local des affaires religieuses, pour ingérence dans un culte de 40 fidèles le 2/05. Wang revendique la liberté religieuse inscrite dans la Constitution et «quand le pouvoir viole sa loi», le droit de «dialoguer» avec l’Etat en justice. Sa paroisse « des grâces de Qiuyu » fait partie des églises au foyer, aux 300.000 membres notoirement mal vus du pouvoir. A posteriori, le Bureau de Shuangliu avait couvert l’action policière par une interdiction de culte, à effet rétroactif.

[2] A Wuhan (28/09) des 10aines de milliers de fans marchèrent contre la CFA, la China Football association, accents de «Mort à la Super Ligue !». Ils défendaient Guanggu, leur club de foot qui venait de se retirer du championnat national, suite à la suspension pour huit matches de Li Weifeng, ex-capitaine national. Sanction pourtant justifiée : Li venait d’échanger des coups avec un adversaire sur le terrain. Mais le club du Hubei, suite à une série d’échecs désastreux qui le mettait 15ème sur 16, avait recruté cette star dans l’espoir de sauver sa saison -espoir dès lors perdu, car Guanggu était en faillite! N’ayant plus rien à perdre, le club avait donc fait ce geste de défi – choisissant la manière forte, la CFA rayait carrément l’insurgé de ses listes !

Loin d’être limitée au seul Wuhan, cette nervosité est partagée par l’univers du ballon rond chinois. Dès nov. 2004, sept clubs de la Ligue (sur 12, à l’époque) avaient prétendu se passer de la CFA et organiser seuls leur championnat. Et la fronde de Wuhan crée un tel malaise, que Xie Yalong, vice Président de la CFA et l’empereur despotique sur le foot chinois depuis 2005, vient d’être limogé (9/10). L’échec aux Jeux Olympiques et l’incident de Wuhan ont bien servi de catalyseur, mais le problème est ailleurs, systémique : pas assez de matches, pas assez de compétence, trop de corruption.

Entre ces deux incidents, bien des points communs. L’église protestante et le club de football contestent l’autorité des organes de contrôle, reliquat des temps de la dictature du prolétariat. Elles le font, à un moment vulnérable, après la fin de la fête des JO et alors que vient la bise financière. Dès 2004, entraîneurs et athlètes prophétisaient que le système suranné et autoritaire, opaque et rigide éclaterait—après les JO. On assiste ainsi aux 1ers signes du dégel, où la rue, pour ses activités de groupes, demande à passer de l’association (émanation de l’Etat) à la fédération (organe démocratique). On note aussi que la contestation de la base, part de ses segments organisés mais apolitiques (sport, religion). Signe d’une soif de modernisation des structures sociales !

 

 


Joint-venture : Compin, nouveau venu, et déjà N°1 chinois

Compin, à peine installé, n°1 chinois

N°1 européen des équipements ferroviaires d’intérieur (cabines, cloisons/plafonds, sièges), Compin (Evreux, Fr.) vibre en Chine depuis sa reprise en 2005 par M. Granger, ancien d’Alstom. Associé dès 2004 à Qingdao Railways, il lui permit d’améliorer son savoir-faire auprès de clients tels Sifang, le constructeur du Shandong, du Canadien Bombardier, meublant et équipant des 100aines de wagons de TGV (1ère et 2de génération), les rames du train d’altitude vers Lhassa, des rames des métro de Pékin, Shanghai, Nankin, Canton. Le 26/09, le groupe change de nom en Chine (Qingdao-Compin-Railways), tout en rachetant 60% du partenaire pour contrôler l’usine aux 400 actifs et au chiffre d’affaires de 13M² en 2007 (1/10ème de son revenu propre). QCR entretient un centre de R&D doté d’une 30aine de chercheurs, et deux expatriés. L’avenir lui sourit: déjà n°1 en Chine de ces équipements en matériaux composites, QCR s’apprête à équiper les nouveaux TGV de 3ème génération, dont la future ligne Pékin-Shanghai. Et à exporter vers l’Europe, grâce à des coûts de production plus bas. Mettant à risque l’emploi en Europe -mais c’est «de plus en plus incontournable», croit Pat. Stein, son directeur en Chine. Enfin, la crise ne sera pas pour Compin, le client étant l’Etat et le produit, prioritaire. Tout au plus y aura-t-il moins de crédit -mais Compin s’attend quand même cette année à un chiffre de 20M² -un bon tiers de hausse, et un bilan enviable, par les temps qui courent.

 

 


A la loupe : Crise financière : le sort des USA, aux mains de Pékin

La grande crise asiatique de 1997 avait épargné la finance chinoise, encore protégée par son cloisonnement étatique. A présent, le tsunami éreinte le monde boursier, chinois compris, mais non la finance chinoise. La Banque mondiale l’assure:   nulle céleste banque ne suivra dans la faillite  Lehman’s ou autres, puisque seuls 3,7% de leurs actifs sont « à risques » hors frontières. D’autre part, les 1800MM$ de réserves publiques et leurs propres confortables réserves leur permettent d’observer la tempête avec sérénité. Du coup, la finance chinoise qui passait il y a cinq ans encore pour percluse de mauvaises dettes, face à ses homologues en «acier trempé», fait aujourd’hui figure de superstar !

Le risque provient d’autres secteurs tel l’immobilier qui casse ses prix de 25 à 35%, les trois 1ers milliardaires (dont la fortune, en Bourse, depuis janvier a fondu de 50%, parallèle à la bourse,  -66%), ou l’assureur Ping An qui vient de perdre 1,8MM$ dans sa désastreuse acquisition de 4,18% dans le belge Fortis, sauvé de la faillite par le gong (son rachat à 75% par BNP-Paribas).

Sur le fond, la Chine a le choix entre renflouer les US pour sauver le circuit  monétaire Yuan/$, ou non. Pour l’heure, elle feint de botter en touche, arguant que sa meilleure contribution au redressement global est sa croissance, et que c’est avec l’Asie (dont il se voit redevenir le leader) qu’elle veut forger un nouveau système monétaire indépendant du US$, à commencer par un fonds d’intervention de 80MM$ (idée coréenne) avec Japon et ASEAN.

En interne bien sûr elle se sait vulnérable, dans l’oeil du typhon, comme en témoigne son cours de l’acier en baisse de 20% depuis août. Sa croissance de 11,9% l’an dernier a vécu, avec ses deux piliers menaçant de s’effondrer – l’investissement (4,9%) et l’export (2,7%) – que la consommation (4,3%) ne pourra pas relayer : elle ne compte que pour 38% du PIB (un tiers de moins qu’en Inde).

Aussi, comme mesure prophylactique, avec du cran, la Chine dérégule la bourse, autorisant short selling et margin trading, pratiques à risque que les Etats-Unis interdisent depuis peu. Elle limite aussi le droit de timbre, et détend le crédit en même temps que le reste du monde—mais moitié moins, à 0,27%. 

Analyse : dans la débâche mondiale, sur ses 1800MM$ placés en bons d’Etat américains, Pékin en aurait perdu 500MM$. Loin de paniquer pourtant, il affiche la sérénité, une force tranquille : c’est que lui seul dispose de la réserve, du pouvoir de sauver l’homme à la mer américain voire mondial, en rachetant ostensiblement, pour rétablir la paix, jusqu’à 200MM$ de bons américains. Sur la pointe des pieds, l’annonce de ce soutien chinois à la défense de la stabilité monétaire mondiale apparaissait ce dimanche 12 octobre au soir. Preuve par neuf de la fin de la guerre froide ! 

 

 

 


Argent : Restauration : l’irrésistible ascension du fast food

  Sauver Beichuan – par le tourisme

Le 12/05, 87.000 Sichuanais mouraient autour de Beichuan, d’un séisme de force 8 sur l’échelle de Richter. Une fois  les 1ers besoins comblés (tentes, préfabriqué etc), restent les problèmes de long terme. Peu formés et éduqués, 1,5M de paysans sans terres offrent un casse-tête aux 20 provinces qui tentent de leur créer un autre gagne pain—la moitié d’entre eux ont émigré entre Pékin et Shanghai, dans des jobs de misère. 80% des autres sont au chômage. Sur dix ans, l’Etat a promis d’injecter 100MM² dans le rattrapage de la région. Le plan de relance est dévoilé, et pour Beichuan, reconstruit sur un site plus sûr, c’est un avenir à vocation touristique qui est retenu—logiquement, avec pour patrimoine ses  montagnes et torrents, la culture et l’architecture si typique, en hautes tours style donjon des minorités Qiang et Dayu. Pékin dotera ce plan spécial de près de 2MM², dont la plupart passera en routes, égouts, hôtels, centrales électriques. Pour la mémoire collective, le musée du séisme comprendra un centre de formation à l’évacuation d’urgence, un monument aux morts et aux héros, et d’autres animations autour de la culture des Qiang, dont 30.000 moururent (10% d’entre eux) ce jour-là. Déjà, ce travail de promotion commence, et pas toujours comme le souhaiterait Chengdu : au festival de Pusan (Corée), « Qui tua nos enfants? », de Pan Jialin, fait fureur…

E-commerce : Taobao, perle d’Alibaba

Depuis sa création en 1999, Alibaba est passé n°1 asiatique d’achats en ligne, et croule sous l’or. Surtout grâce à Taobao, sa filiale d’enchères gratuites pour acheter ou vendre n’importe quoi, et grâce à ses 850.000 boutiques privées hébergées avec un catalogue global de 2M de produits référencés. Par cette stratégie de gratuité, il a pu chasser l’américain eBay de son marché. Aujourd’hui pas encore rentable mais déjà autosuffisant, Taobao vit de sa pub et de ses services commerciaux. En 5 ans, le bilan est édifiant : trustant 84% du marché chinois, il accueille 80M d’acheteurs, 1M de vendeurs qui réalisent 1,5M de transactions par jour, pour un chiffre de 30,5M². De 5,6MM² en 2007, le chiffre du e-commerce doit passer à 12,6MM² en 2008 et 56,9MM² en 2011. Pour poursuivre ses projets d’expansion, Alibaba crée aujourd’hui son grand Taobao, en le fusionnant avec Alimama, son autre site de pubs qui profitent à 0,4M de PME. Il annonce aussi un crédit de 541M² sur 5 ans pour «développer d’autres outils de vente». Il a pour lui un marché potentiel de 253M d’internautes, et -meilleur atout encore, peut-être -la crise, qui risque de détourner vers lui les clients de la grande distribution  traditionnelle, en quête de moins cher. Alibaba rêve de dépasser sous 10 ans le géant américain WalMart, tout en reprenant sa liberté vis-à-vis de son actionnaire Yahoo (39%) : cette ambition semble à sa portée.

Sanlu tue la vache au lait d’or…

Après un mois, le scandale du lait à la mélamine poursuit ses dégâts. Le 1er ministre Wen Jiabao l’assure, «rien n’est caché», mais le bilan officiel (« 90.000 enfants touchés ») reste en-deçà de la vraisemblance -ils sont 15M, les nourrissons qui consomment ce type de produit. 5000 inspecteurs sont lancés sur les milliers de laiteries du pays, et une quarantaine de responsables (dealers, patrons d’usine) sont sous les verrous. En catastrophe, l’Etat a fixé un taux-plafond admissible de mélamine, à respecter par les industriels sous des peines allant jusqu’à la mort. Implacable, la revue économique Caijing accuse l’AQSIQ, agence de l’hygiène alimentaire, d’avoir arbitrairement exempté d’inspections Sanlu (la 1ère firme coupable) et fait taire la presse à sa demande. Or, les pertes s’annoncent lourdes, en milliards d’², durant un an au moins, selon l’expert hollandais Bram Wouters. Des firmes comme Sanlu, Yili, Mengniuont déjà vu leurs ventes chuter de 70%. Incapables d’écouler leur lait, les paysans touchent en prime d’urgence 200¥/vache pour éviter l’abattage. Le secteur qui progressait jusqu’alors de 20% par an (17,3MM² en 2007) en perdra 20% cette année. 3M de travailleurs voient leurs emplois fragilisés. Et sans doute, tout le secteur, à réorganiser, devra retourner à l’école!  

Restauration : l’irrésistible ascension du fast-food

Quel symbole plus clair que celui du fast-food, pour la mondialisation qui gagne en Chine? Le fast-food chinois gagne la bataille des ventres, tenant la dragée haute à McDo, KFC et Pizza Hut, dit Research in China. Lan passé, la restauration en Chine occupa 19,4% du commerce de détail, dont 1/6ème  au fast-food. Sur ce dernier, 80% était local. Cette domination devrait durer : la croissance annuelle de 30% en 2007, est très supérieure à celle des chaînes étrangères. Tout va comme si  la Chine avait mis quelques années à «digérer» la formule importée, avant de la resservir avec succès sur un marché captif où tous, parents comme enfants doivent acheter leur déjeuner, à prendre en quelques minutes. Depuis 2007, la flambée des étiquettes favorise elle aussi la restauration collective, par ses moyens de comprimer les prix. Aussi ce fast-food qui en 2007 revendiquait 7,4% de toutes les dépenses des foyers, passera d’ici 2011 à 9,3%, + 25% par an. Assurant la petite part de ce festin national, les étrangers font contre mauvaise fortune bon coeur. Pour 2009, Yum! (KFC, Pizza Hut, Taco Bell) espère en Chine une croissance de +20%. D. Novak, son Président ajoute ce faux aveu: «Nous sommes contents d’être en Chine, où nos restaurants sont vite amortis». Mais d’autres, tel l’analyste D. Miller, sont moins béats : «sous ce climat économique négatif, les gens préfèrent se passer du restau, et déjeuner au bureau»!

 

 

 

 


Pol : Eau : Tianjin tire son épingle de la mer

Nobel: la Chine épargnée, sinon médaillée

Mardi 8, 3 jours avant son octroi, Pékin avait murmuré du bout des lèvres son espoir que le Prix Nobel de la Paix aille à «la juste personne ». L’appel semble avoir été entendu « 5 sur 5 », puisque le 10/10, l’honneur revient à l’ex-Président finlandais Ahtisaari pour son travail de médiation dans le monde. Or durant la semaine, les noms les plus prononcés à Oslo étaient ceux de l’avocat Gao Zhisheng, 44 ans, défenseur de dissidents et fidèles du Falun Gong, et de Hu Jia, 35 ans, protestant, militant contre le sida. Tous deux en prison depuis 2007. Cette semaine aussi, la Chine avertissait – toujours discrètement- la Commission de Bruxelles de ne pas autoriser BHP-Billiton, le géant australien de la mine, à racheter son rival Rio Tinto—le gouvernement de Canberra venant de donner à l’opération projetée son propre feu vert.

Décodage : la Chine qui a toujours cherché à influencer l’étranger sur toute décision impliquant ses intérêts. Montant aujourd’hui en puissance à vitesse inattendue, elle y met aujourd’hui moins de complexes, et est plus écoutée !

Auto : deux pilules, un édulcorant…

Sous l’angle des transports urbains, les Jeux olympiques n’ont été pour Pékin qu’un laboratoire de méthodes pour nettoyer les écuries d’Augias de son trafic auto. Durant ces 6 semaines (JO + Paralympiques), 40% du parc ont dû rester au garage, selon leur plaque paire ou impaire. Mais de lundi 13 à avril, l’effort est réinstauré : les nunéros de plaque en « 1 » et « 6 » sont bannis lundi, ceux en « 2 » et « 7 » mardi etc. La mairie compte écrémer presque autant de voitures (0,8M/j) que lors des JO. Avant de lancer sa mesure, elle s’est prémunie par un sondage : 69% des usagers se sont dits satisfaits du résultat «JO». Cela dit, la mesure apparaît d’emblée comme un cache misère : 17% des sondés, en cas de réintroduction, se promettent de racheter une 2ème auto, et d’ici 2012, Pékin aura 5,4M, au lieu de ses 3,5M présentes… Aussi d’autres mesures sont étudiées au Centre de recherche sur le trafic pékinois, dirigé par M.Guo Jifu: le retour pur et simple du pair/impair, plus de voies pour bus, plus de lignes de métro, une vignette de centre-ville à certaines heures… Fait bizarre, Guo n’envisage pas, parmi ses mesures, la réhabilitation du vélo, ni la hausse du carburant. Pourtant, cette dernière est bien d’actualité, au 7/10, +4%, justifiée par le passage (07/10) des carburants à la pompe aux standards Euro IV, mesure anti-pollution. Comme par compensation, l’usager, ce même jour, reçoit le droit de personnaliser sa propre plaque —c’est un retour à une tentative éphémère qui avait eu lieu en 2002.

Que les lecteurs d’ailleurs en Chine ne s’y méprennent pas: ce harnachement de mesures barbares aux automobilistes n’est pas voué qu’à la capitale, mais l’avant-goût des lendemains pour tous. Et la hausse « anti-pollution » du pétrole n’est qu’un prétexte : la Chine se prépare bel et bien à s’aligner au cours mondial.

Eau : Tianjin tire son épingle de la mer

Prise en tenailles entre un Fleuve Jaune toujours plus sec sur son bas cours, une agriculture intensive et 15M d’habitants intra muros, Tianjin vit de façon aigue une contradiction bien connue ailleurs en Chine du Nord : comment alimenter en eau une industrie puissante, en univers semi-aride ? Pour son parc pétrochimique de Dagang, la solution s’appelle désalinisation, avec l’usine Newspring, d’une capacité de 100.000t d’eau douce/j (150.000t max), opérationnelle l’été prochain -la plus grande d’Asie. La technique et l’invest (81M²) reviennent à Hyflux, groupe expert singapourien qui a obtenu la concession pour 30 ans en mode « BOT ». Tianjin dispose déjà d’un petit outil de dessalage d’une capacité de 13500t/j. Mais la technique ne fait pas que des émules. On lui reproche son coût élevé, une forte demande en énergie, et le risque d’empoisonner un littoral déjà dégradé en rejetant au large de Tianjin, pour chaque litre d’eau douce un litre de saumure et de dépôts toxiques, pouvant éradiquer ce qui reste de la faune et la flore… Ce qui n’empêche la Chine de nourrir dans cette technologie contestée des projets volontaristes, prétendant dessaler 1Mt/j d’ici deux ans, le double 10 ans plus tard.

 

 


Temps fort : 3 ème Plenum – un demi tournant

Sans tambours ni trompettes, la 3ème plénière du 17ème Comité Central s’ouvrait (9/10) sur des enjeux immenses. Elle doit étancher l’hémorragie de confiance, suite au scandale du lait, renflouer ou non (par influx monétaire massif) une économie mondiale mise à mal par la faillite américaine, tout en jalonnant les dernières années du second mandat du Président Hu Jintao ! La priorité apparente de ce conclave, peut-être le plus crucial de toutes les années « Hu », était le monde agricole: dès le 1/10 (fête nationale), Hu visitait Xiaogang (Anhui), berceau de la réforme de 1978, là où Deng Xiaoping avait laissé les paysans se repartager (pour 15/30 ans) les terres des communes populaires. Aujourd’hui, Hu semble vouloir aller bien plus loin, en reconnaissant aux foyers le droit à certaines transactions jusqu’alors interdites, telle la location ou l’hypothèque sur les champs—sans aller encore, sous réserve d’inventaire, jusqu’à la cessibilité.

Cette réforme devrait régler le cas des millions de lopins ou fermettes bâtis «au noir» : véritable bombe à retardement, des 10aines de millions de «petits propriétaires» dont l’Etat menaçait implicitement le patrimoine.

Concernant les terres cultivables, l’Etat veut avant tout protéger les paysans de la rapacité des cadres locaux, prompts à exproprier au nom de l’ « intérêt public », cause de 74.000 émeutes en 2004. L’autre enjeu est la constitution de grands domaines: chance d’un remembrement et d’une agriculture mécanisée tournée sur l’export ; chance aussi, dit le professeur Dang Guoying (CASS, l’Académie des sciences sociales), de financer l’exode vers la ville des fermiers en surnombre. Mais ici, on touche une réticence historique profonde : celle de voir le retour des seigneurs d’avant 1949, d’une inégalité entre ceux n’ayant que leur lopin, et les accapareurs au cash illimité.

De plus, disent nos sources, les villages s’entendent déjà, en secret, pour redistribuer (illégalement mais efficacement) les terres en cours de bail, selon l’évolution démographique des familles. En pratique, l’essentiel de cette réforme pourrait consister à avaliser ce genre d’accord, tout en bridant les appétits expropriateurs des cadres corrompus. Ce virage à 90° reprend donc l’objectif du plan de 1978 -enrichir le paysan – et en avoue l’échec. En rassurant le paysan sur sa propriété, Hu Jintao veut lui permettre d’investir à long terme, de s’organiser en coopératives, se mécaniser, tourner la page des pénuries agricoles endémiques comme celle des produits frelatés – celle du lait, aujourd’hui, née de la pénurie…

Enfin, le projet socio-économique transparaît : Hu veut renforcer la consommation dans les campagnes —c’est obligatoire, alors que l’ère de la croissance par l’export se termine. Enrichir les paysans et les arrimer à leurs terres—enrayer le hiatus de croissance entre campagne et ville. La paix sociale, et le maintien des taux de croissance des 20 dernières années en dépendent.

 

 

 

 


Petit Peuple : Caoxian : le vannier de verre

Pour croquer du verre, il faut être fou, non ? A moins d’avoir une idée là-derrière, comme y trouver le secret de s’arracher à la médiocrité ? C’est peut-être ce qui arriva à Cui Jibin, vannier de son état, qui décida un jour de 2006, d’ajouter à sa diète cet ingrédient douteux.

A Caoxian (Shandong), Cui est un homme à qui rien n’arrive. En ce microcosme, la routine règne en maître : tout le monde s’ennuie.

Jusqu’au jour où arrive l’appel de la folie : au moment de la pause, sur la place publique, un compère-vannier lance la galéjade : il a vu à la télé un gars qui bouffait du verre.

Alors, pris d’une inexplicable inspiration, un Cui en mal d’esbroufe s’entend dire, stupéfait, le mot qui change le cours de sa vie : « Boff ! c’est rien, çà, chte l’fais quand tu veux ». « Chiche », fait l’autre. Incapable de reculer, Cui le défie de trouver du verre : manque de chance, l’autre lui sort une ampoule électrique, suite à quoi un Cui nettement moins fier se défile et perd la face.

Mais foi de Cui, on n’en restera pas là ! Chez lui, il mâche une petite ampoule, fait glisser les tessons entre ses molaires, de la pointe de la langue, les brise précautionneusement, salive, mâchouille, mordille, avale un grand coup : le verre est en son corps, ni sang ni douleur : l’étape est passée… Voilà Cui membre de l’exclusive chapelle des avaleurs de verre !

Le lendemain sur la place, il fait montre de son savoir-faire tout neuf, réitère l’exploit. C’est la gloire. Désormais, le village se divise en 2 clans, l’un qui le prend pour un Dieu, l’autre pour un fou. Pour préserver cette notoriété toute fraîche, il lui suffit de se donner en spectacle devant les visiteurs qui viennent en bus entiers, de loin constater l’exploit : voilà Cui devenu 刮目相看«gua mu xiang kan » – celui qui, par ses prouesses, force le regard.

Mais il n’est pas d’Eden qui dure: dès son 1er exploit, les copains l’ont cafardé à leurs femmes, qui l’ont sans retard répété à son épouse. Histoire de rétablir au village, l’harmonie menacée par son acte excentrique. Comme tous l’espéraient, elle lui fait une scène, moins pour cause de santé que pour celle de convenance : « chez les gens bien, on fait pas ce genre de chose

Cui ne l’entend pas de cette oreille. Après avoir goûté à sa magie envoûtante, comment retourner à la grisaille du conformisme ? Il ne laissera pas s’envoler la voie qu’il s’est trouvée pour s’arracher à l’insignifiance!

Son épouse ne supporte pas de le voir croquer ses éclats de verre ? Il se cache dès lors au bord de la rivière, avec sa cour d’admirateurs, et prétend voir depuis, son appétit s’améliorer!

Attiré par sa notoriété, un journaliste vient de la ville, l’interviewe, l’entraîne vers l’hôpital – qui l’examine, et conclut comme prévisible, à une santé à peu près normale, mis à part une paroi stomacale un peu enflammée, et la psychologie d’un hâbleur, en mal de notoriété.

C’est l’instant que Cui choisit pour renouer avec les réalités : 3 ans de frime, ça suffit. Sa moitié, il faut le dire, lui a posé un ultimatum : l’arrêt de son « cirque », ou le divorce. Fine mouche, le vannier -qui durant ces ans, a beaucoup appris sur le show biz- choisit la TV pour faire son grand acte de contrition, maquillé, sous les projecteurs et caméras. Le serment de Cui plait au public : Il a du bagout et passe bien. Les producteurs sentent en lui une bête de chaîne : sa fortune est faite – à lui désormais, de savoir la garder, par sa verve campagnarde. Et Cui, ému, d’observer le chemin parcouru depuis l’époque, 36 mois plus tôt, où il tressait mélancoliquement ses paniers, parmi ses compagnons d’infortune !

 

 


Rendez-vous : Le rendez-vous de la Foire de Cantn

12-17 oct, Shenzhen : China Hi-Tech Fair

15 oct – 6 nov : Foire de Canton

15-19 oct, Pékin : CATF, Salon de l’agriculture

16-19 oct, Suzhou : EMEX, Foire des fabricants d’électronique

18-19 oct, Pékin : Salon de l’éducation