Le Vent de la Chine Numéro 30
Ces petits faits relevés la semaine passée, n’ont qu’un point commun : leur aspect volontariste et osé. Comme si, après les Jeux, par des méthodes de plus en plus risquées, la Chine tentait de conjurer les dangers qui la hantent.
[1] Ce mois de Ramadan, au Xinjiang, est sous haute surveillance. Les commerces de campagne sont interdits de fermer, et les citoyens de porter barbes, voiles, ou de prier en masse, de jeûner ou d’enseigner le Coran. Tout ceci intervient après les attentats d’août (33 morts), et tente de prévenir un réveil de la ferveur islamiste et la tentation martyre -au risque de provoquer une explosion généralisée. Comme par compensation, Urumqi annonce l’abandon d’ici 2013, de 470Mha de coton (26%), « pour les rendre aux éleveurs », voire pour passer à la betterave à sucre ou au lin (bien plus rentables), ou pour leur permettre de reconstituer leurs nappes épuisées…
[2] Le Comité Central en Plenum d’octobre votera un amendement du droit foncier, octroyant aux paysans la propriété du sol non cultivable. Inconnue capitale: le terrain «résidentiel» est-il inclus? Si oui, les 80M de «petits propriétaires» chinois, ayant acquis ou bâti sans permis, pourraient recevoir enfin leur titre de propriété, supprimant un risque d’émeutes, au cas où une autorité serait tentée de les spolier.
[3] Sur la toile chinoise, un plan anonyme propose de partir à la conquête du Vietnam – rien de moins. A en croire ce document délirant, mais à succès, yaka bombarder 5 jours la jungle à Lang Son, la côte à Tanh Hoa (Nord et Est de Hanoi), puis d’y déverser 310.000 hommes avant de partir pour une promenade de santé de 26 jours et de subjuguer le pays de l’Oncle Ho. L’auteur justifie ainsi son petit jeu : « Le Vietnam est le 1erobstacle à l’ascension pacifique (sic) de la Chine, et sa prise, la condition 1ère du contrôle de l’Asie du Sud-Est ». A l’évidence, des Chinois n’ont pas oublié la défaite cuisante subie en 1979 par l’armée (APL), lancée sur le Vietnam à titre de «leçon», après qu’il ait évincé les Khmers Rouges du Cambodge ; ni les actuels petits pas de Hanoi pour confier à Exxon une part de son pétrole offshore, revendiqué par Pékin. NB: Hanoi se plaignit. Pékin répondit qu’il n’était pas l’auteur. N’empêche, ce genre de jeu ne fera rien pour freiner le réarmement accéléré, de l’Asie et Australie.
[4] 1er officiel à s’engager dans cette voie, Hu Angang, professeur d’économie et conseiller du régime, lui suggère de s’engager dans l’engrenage de réductions contraignantes de ses émissions de gaz à effet de serre, au sein du futur protocole de Kyoto-II (après 2012). “C’est dans son intérêt”, plaide-t-il, à moins de devenir un des 1ers contributeurs verts, nous serons une des 1ères victimes du réchauffement global”. Depuis 2006, la Chine est déjà n°1 de ces rejets de CO², avec 6,2MMt. Hu Angang prédit ce choc salutaire à l’horizon 2020, et la division par 2 des rejets d’ici 2050. En ce soutien à Kyoto, Hu Angang reste encore minoritaire, mais “le reste du pouvoir ne peut que suivre”, affirme-t-il.
Racheter le premier presseur de fruits de Chine : ce défi lancé par Coca-Cola (VdlC n°29), agite les milieux d’affaires chinois et étrangers, qui tous se demandent si l’Etat laissera passer cette reprise de Huiyuan par Atlantic (filiale du géant d’Atlanta) pour 2,4MM$.
La presse chinoise spécialisée prédit le feu vert, arguant qu’il n’y a ni sécurité nationale en jeu, ni position dominante. Dans ce marché fragmenté, le groupe contrôlerait 37% des nectars mais seulement 20% du marché, tous jus confondus. Huiyuan est d’autre part une firme privée, contrairement à Xugong, que la Chine avait refusé à Carlyle en 2005. En acceptant ce deal, Pékin donnera un fort signe à sa bourse exsangue (-56% depuis janvier), en permettant la naissance de valeurs mondiales sur son sol. Enfin, le moindre avantage de ce feu vert, ne serait pas la relance de l’investissement européen direct : freiné par les barrières et les incertitudes chinoises, cet IDE ne compte plus que pour 5% du flux actuel. Ce signe positif donnerait enfin des idées aux autres presseurs Uni-President China (21%), Tingyi, North Andre (Yantai) et Haisheng. L’opinion cocardière est à 82% hostile, dit un sondage internet. Mais ici, la Chambre de commerce de l’Union Européenne réplique, accusant des lobbies de se protéger derrière ce paravent pour défendre les monopoles protectionnistes. J. Wuttke, son Président, estime à 20MM² /an les pertes de marché des firmes européennes en Chine, surtout dans le secteur des fusions-acquisitions. La remarque prend tout son sens, quand on apprend que les autres presseurs de jus méditent une contre-attaque auprès du ministère du Commerce, exigeant en cas d’accord public, qu’une partie des «bijoux» du groupe chinois soient détachés du lot auparavant, et vendus à l’encan.
On note aussi l’accord sur cette reprise, par le PDG de Huiyuan, Zhu Xinli qui la déclare « conforme aux règles du marché », tout en précisant que « les grandes marques devraient être affranchies des frontières, comme de l’espèce humaine ». On le comprend : l’enjeu, pour lui, est un gain en cash de près d’1MM$.
Sibyllin, le ministère annonce qu’il traitera la demande de Coca-Cola/Huiyuan « selon les principes de l’économie de marché, contre le monopole, mais pour une activité commerciale normale» (sic). Il y aura donc enquête anti-monopole, selon les termes de la loi juste entrée en vigueur. Ce dossier prend donc valeur d’un challenge à la Chine, sur sa capacité de jouer franc-jeu -alors qu’elle-même tente d’acquérir des actifs partout dans le monde, à commencer par l’Australie, dans l’énergie et les minerais.
NB : accusée par l’Union Européenne de protectionnisme, Pékin lui retourne la politesse, déplorant les 12 plaintes antidumping déposées à l’OMC (organisation mondiale du commerce) en 12 mois et les 40 plaintes du monde entier. Comme quoi la tentation de protection est partout – pas seulement au Céleste Empire.
Automobile : des taxis « chinglish »
Depuis 12 mois déjà, Fengjing (Shanghai) abrite une curieuse relique de l’empire britannique automobile: une chaîne de montage du taxi londonien à la British touch unique, logeant cinq clients avec hauts de forme et parapluies. Fameux aussi par leur robustesse et leur rayon de braquage, ils sont produits à 3000 exemplaires/an à Coventry, qui ne peut en faire plus -c’est du moins ce qu’on a dû expliquer aux syndicats. Voici donc cette JV à 65M² entre London Taxi Int’l (LTI, filiale de Manganese Bronze Holding, MBH), et Geely, 8ème constructeur national. Le constructeur de Wuhu (Anhui) fait une affaire sublime, obtenant 52% des parts de la JV, et 23% de celles de MBH. L’usine clone le modèle de 2006, le TX4 soudé à la main comme en Angleterre, doté d’un moteur Mitsubishi de 2,4l. Les premières sorties de chaîne ont eu lieu fin août – 50 spécimens roulaient dans Pékin, à temps pour les Jeux Olympiques. Et déjà l’affaire s’avère en or, du fait de l’engouement dans le monde. La demande londonienne sera limitée à 300 (pour garder à Coventry 9/10ème du marché), mais la Chine et le monde (Moscou, Singapour Dubaï) en ont retenu 6000 fermes, dans le créneau du taxi pour grands hôtels. Pour faire face à cette nouvelle demande, commercialisée par LTI, la chaîne chinoise a déjà une capacité double de l’usine Reine-mère… Pour London Taxi Int’l, un avantage substantiel consiste en la réduction de 60% sur le coût des pièces, avec un prix-catalogue de l’ordre de 37.000². Geely lui, prend au passage des lettres de noblesse. Mon tout donne une habile opération de niche.
Paralympiques: retrouvailles du Père fondateur
Pékin l’avait dit, on n’assisterait pas à des Paralympiques « au petit pied », après des Jeux Olympiques sublimes. Pari tenu : les dignitaires étrangers ne tarissent pas d’éloges sur ces installations de rêve, modifiées en 12 jours de manière à recevoir dignement fauteuils roulants, malvoyants et malentendants. Les panneaux de signalisation « JO » ont été vite changés pour assurer aux athlètes que ces Jeux Paralympiques sont bien leurs Jeux à part entière. Un matraquage est déployé dans les media, pour décrire les efforts du régime, au plan légal et financier, pour améliorer le sort de ses handicapés. Efforts payants : le secrétaire d’État français aux sports Bernard Laporte, la Secrétaire à la solidarité Valérie Letard demeurent «impressionnés» par les 23% (19M) de handicapés chinois pratiquant un sport, contre 1% côté français. Comme les JO, ces Jeux Paralympiques permettent au système de gagner des points propagandistes : la Chine reste n°1 en médailles d’or, avec 37 ors (13/09) talonné par le Royaume-Uni (33), puis les USA seulement 3èmes (23), le Canada 11ème (9) et la France 13ème (6). Signe discret de solidarité au Sichuan, elle met en avant Li Yue, sa ballerine de 12 ans qui vient de perdre une jambe dans le séisme.
NB : loin de paraître gauches ou embarrassants, ces athlètes et leurs Jeux sont soudain plus authentiques que les Jeux Olympiques: on y sent plus la conquête de soi, la joie de se produire et de partager l’idéal de Pierre de Coubertin, débarrassé de sa gangue de «star-système» et de gros sous. Un conseil, si ce n’est déjà fait —regardez les !
A Hong Kong, depuis 1997, toute élection est cruciale vu l’enjeu: le système électoral bancal légué par Londres se muera-t’il en une démocratie à l’Occidentale, ou s’alignera-t’il sur le centralisme administratif chinois? Après 11 ans sous le principe 一国两制 «1 pays, 2 systèmes», la coalition des partis autonomes-démocrates, majoritaire dans la rue mais minoritaire au parlement Legco, se montrait assez forte pour enrayer toute tentative pékinoise de «réforme» constitutionnelle locale, comme en 2005, pour étouffer la liberté d’ opinion. Le pouvoir dans l’île, étant tenu, pour le compte de Pékin, par la droite financière traditionnelle, dont le conservateur DAB (Democratic Alliance for Betterment). Pour ce scrutin d’automne pourtant (7/09), nul ne donnait cher de la peau de l’opposition : comme dans toute l’Asie, la crise des subprimes changeait la donne. Au Japon comme à Taiwan, les gens enterraient leurs nostalgies démocratiques pour soutenir les partis les plus crédibles dans la sauvegarde de l’emploi.
Or, après un vote plutôt boudé (45%), surprise: ensemble, Partis démocrate, civique et Frontière remportent 23 sièges sur 60 : 2 de moins qu’avant, mais 3 de plus que nécessaire pour sauver leur veto sur les réformes constitutionnelles. Sur les 30 sièges soumis au suffrage direct des 1,52M de votants, 19 leur reviennent. Prouesse d’autant plus remarquable que le clan pékinois, comme de coutume, roulait sur l’or pour sa campagne, y compris les 51 médailles d’or (et leurs titulaires) emmenés de Pékin à grand renfort de tamtam, tandis que Donald Tsang, chef de l’exécutif, payait une «tournée générale», sous la forme d’un rabais sur la note d’électricité des ménages. Clairement, le vent patriotico-olympique continental, n’a pas soufflé bien fort sur le Rocher.
Sur les raisons de cette résistance démocratique, la Hong Kong University décrypte qu’à 87%, les citoyens se sont inquiétés de l’accès à l’éducation et au logis, à 77%, de l’économie. Or l’île souffre d’une chute de croissance trimestrielle de 3 points (à +4,2%, d’avril à juin) et d’une fièvre inflationniste à 6,3% : les démocrates ont eu beau jeu d’épingler l’alignement «à l’aveugle» de Donald Tsang sur Pékin, et ses piques contre la liberté d’expression sans rien obtenir en retour, avec pour effet (selon eux) une sclérose accélérée des institutions. Autre évolution remarquable : la vieille garde démocrate symbolisée par Martin Lee, laisse place aux jeunes générations, avec de nouveaux tribuns tels Kam Nai-wai, 47 ans ou Leung Kwok-hung, dit «cheveux longs», expulsé des épreuves hippiques des JO pour y avoir manifesté contre la dictature de Pékin.
Au fond : les Hongkongais, plus éduqués qu’ailleurs,conscients que leur fort niveau de vie résulte de l’usage de leurs libertés, se montrent une fois de plus résolus à défendre leur système, face à un Pékin perçu comme déterminé à le briser, s’il en avait l’occasion.
En dernier ressort, cette victoire inattendue, est aussi une leçon à l’Asie : la morosité… n’est pas une fatalité !
La perle trop peu rare
A Hongqiao, marché aux perles de Pékin, un client guigne le produit le plus cher en vitrine, un rang de 20 perles de la taille d’ une noisette, lisse, à l’orient le plus fin. Prix affiché: 85.000¥. Mais une fois négocié, le prix est tombé à presque six fois moins! Plus que de longs discours, ce marchandage grotesque raconte la crise d’une aquaculture produisant trop, et trop mal. En 2007, les perliers d’eau douce ont écoulé 1600t, 95% de la production mondiale. Mais ces perles très imparfaites ne gagnent que 2000¥/kg, dix fois moins qu’en 1998. De plus, leur élevage saturé d’engrais empoisonne les lacs. Mais les choses changent. Parmi les plus grosses provinces perlières, le Hubei interdit depuis 2007 la culture en lac. Cette année, la production devrait baisser à 1400t, et 1000t en 2010, selon les plans de la GJTAC (Association nationale du commerce des gemmes et de la bijouterie). Du Kulin, secrétaire général de l’association perlière du Zhejiang prédit le recul des exploitants à 10.000 au lieu des «10aines de milliers » actuels et comme idéal, une production réduite à 100t de perles, cultivées moins denses et sur un plus grand nombre d’années. Tout cela pour rejoindre les prix et la qualité de la Polynésie française, montée en épingle comme la perle de la région!
Gazoduc Est-Ouest : et de 1, et de 2, et (bientôt) de 3!
En 2005, se concluait une farce dont Shell, BP, Exxon et Gazprom étaient les dindons: après avoir négocié avec CNPC, la compagnie nationale pétrolière, durant des années pour construire ensemble le 1er gazoduc transchine, Urumqi-Shanghai (5400km, 42MMm3/an), le partenaire chinois faisait cavalier seul. A l’époque, les Occidentaux déçus supposaient que l’outil ne serait jamais rentable, faute de rassembler assez de GNL pour le remplir : le présent démontre la vanité de la question, car la Chine construit le second, et prépare le 3ème. Investissement nécessaire pour doubler sa consommation de gaz en cinq ans – de 2,8% en 2005, à 5,3% en 2010. Le gaz viendra du Tarim (Xinjiang, 8400MMm3), de gisements du Shanxi (GNL, et méthane houiller), et des gisements de l’Asie Centrale. Pressenti pour fonctionner dès 2009, le 2nd (CNPC aussi), de 9000km, acheminera 30MMm3 /an du Turkménistan à Canton et Shanghai, moyennant un tronçon principal et 8 branches aux stations de compression fournies par General Electric moyennant 100M$. Son coût total: 14MM². Quant au 3ème, de même longueur, il décrira un gigantesque demi-cercle, d’Urumqi au Fujian via le delta des Perles. Son étude de faisabilité est déjà en cours. Et son prix plus élevé -vu l’explosion des coûts des matières premières. Ainsi, la Chine, sans grande expérience de départ, se sera hissée au 1er rang mondial des poseurs de gazoducs – seule!
Inde—Chine: regards en chiens de faïence
Du 4 au 6 septembre à Vienne, l’Inde obtint grâce aux USA un fameux succès à l’AIEA (Agence Int’le de l’Energie Atomique), en entrant au groupe des 45 pays fournisseurs nucléaires (NSG) : elle mettait fin à 34 années de paria, sous embargo mondial de livraisons atomiques suite à sa course à la bombe et à son refus d’adhérer au pacte de non-prolifération. Fin politique, conscient de l’immense demande de l’Inde en énergie nucléaire et du marché d’avenir pour son pays, George Bush s’était fait le courtier de cette réintégration via l’artifice d’une exemption d’adhésion au pacte remplacée par une simple déclaration formelle. Si cette nouvelle a sa place dans Le VdlC, c’est que les négociateurs indiens décidément ultrasensibles, accusent Pékin d’avoir failli faire tout capoter en semblant appuyer les opposants à l’entrée de leur pays malgré la promesse formelle de soutien faite par le Président Hu Jintao. Pékin dément. Mais l’incident montre la méfiance mutuelle. Une fraction des négociateurs pékinois a pu être tentée de bloquer Delhi: après tout, sa bombe, en 1998, était justifiée par la «menace chinoise». Ces lourds nuages ont pesé sur les 3 jours de visite à Delhi (7-9 /09) de Yang Jiechi, ministre des Affaires étrangères, invité par son homologue Mukherjee. Les pays ont pourtant de grands projets, tel le doublement des échanges à 60MM$ d’ici 2010, ou le règlement des contentieux frontaliers. L’Inde réclame à la Chine 38.000km² d’Himalaya. Pékin prétend obtenir de Delhi les 90.000km² de l’Arunachal Pradesh (nord-est). C’était la 12ème séance de travail au niveau ministériel : Yang est reparti, espérant trouver une solution, mais décrivant le processus comme «complexe et ardu» : on ne peut mieux dire.
Tibet : « bergers, faites-vous mineurs »
Les émeutes du 14/03 à Lhassa, ont laissé un Tibet déchiré, où les échanges entre communautés sont rares. Tension exacerbée par la saison touristique perdue et par la hausse du coût de la vie (+4,9% en août à travers le pays). Or le 5/09, la Région autonome annonce un programme d’investissement, 2,1MM² sur cinq ans et 22 projets. Quatre sont dédiés à la construction et à ses matériaux. Trois autres, à la transformation agroalimentaire et à la pharmacopée. Cinq autres, à autant de zones industrielles, et à divers nouveaux tronçons de la ligne ferroviaire Pékin-Lhassa, ouverte il y a 2 ans. Le gros de la troupe, 3/4 des crédits vont à 10 projets miniers, afin de mettre en perce une partie des gisements, pour près de 100 minerais enfouis au toit du monde -cuivre et chrome, surtout. Pas par hasard, au même moment, Chinalco, le géant de l’aluminium ouvre à Lhassa, Chinalco Tibet Mining, au capital de 25M², dédié à tous les métiers de la mine, de l’exploration à la vente des lingots.
NB : A un mois de négociations cruciales avec le Dalai, le plan émet deux messages : la Chine est là pour y rester, et aussi pour développer. Elle le fait pour une économie nationale en manque de matières 1ères, mais aussi pour la région qui ne tire que 7,5% de ses revenus de l’industrie (cela va changer !), et d’une population qui verra surgir 15.600 emplois. Le problème insoluble, étant que les Tibétains sont volontiers nomades, peu sinophones, et peu confiants en la « mère patrie », au risque de voir, une fois de plus, ces emplois leur échapper— tout comme leurs richesses !
Alerte au lait de bébé : avec Sanlu, point de salut !
La série noire des produits alimentaires frelatés made in China se rappelle à notre mauvais souvenir -depuis 4 ans, elle n’a jamais cessé de sévir. En 2004, c’était un lait en poudre maternisé qui avait tué au moins 13 poupons (et sans doute bien plus). En 2006, des sirops et dentifrices au diéthylène, produit qui est plus à sa place dans l’antigel. 2007 voyait défiler les champignons plombés et la pâtée pour animaux à la mélamine, et début 2008, les raviolis aux pesticides exportés au Japon. Et revoici à présent, le lait en poudre maternisé qui tue. Entre Anhui, Gansu et 10 autres provinces, on recense 59 cas, 13 cette semaine, dont un mortel – de bébés ayant développé des calculs rénaux. Le ministère accuse la mélamine, base plastique qui contrefait une protéine alimentaire, mais avec cet effet nocif qui éradiqua l’an passé des milliers de chiens et chats aux USA. Détail insolite : Sanlu (Hebei), la firme responsable n’est pas comme en 2004, une PME fantaisiste mais une maison respectée, spécialiste du bon marché. Elle est d’ailleurs depuis 2005, filiale à 43% du groupe néo-zélandais Fronterra, n°1 mondial (33% du marché laitier). Sanlu s’est empressé de rappeler, autant que faire se peut, les 700t de poudre en circulation, et crie à la contrefaçon. Mais est-ce bien le cas? Sanlu fut déjà «pincée » en 2005 à Tianjin, pour des 100aines de caisses de yoghourt aux étiquettes frauduleuses. D’autre part, l’AQSIQ (Administration pour le contrôle de la qualité, de l’inspection et de la quarantaine) a reçu une dénonciation affichée sur son site web, contre Wei Dehua, directeur d’un de ses centres de collectes dans le Jiangsu, accusé avec les fermiers d’avoir rallongé le lait frais avec de l’eau, des poudres végétales, des édulcorants et la mélamine, afin de gagner plus qu’ils n’avaient produit… L’AQSIQ mène l’enquête et a promis un châtiment exemplaire aux responsables. Détail piquant : Sanlu était fournisseur officiel du programme spatial chinois. Il semble désormais improbable que son lait demeure au menu des cosmonautes, lors du 3ème vol habité, le 25/09 !
110 jours après le séisme du 12/05, Wen Jiabao, le 1er ministre retournait à Beichuan la ville martyre, le 2/09, y inaugurer le collège provisoire, et donner du coeur au ventre aux 3000 élèves et professeurs rescapés : « par votre dur travail, votre endurance, vous allez gagner le respect de tous—je vous fais confiance »…
Mais traversant Anchang, Wen Jiabao ne voyait pas les 200 parents l’attendant au bord du chemin pour lui dire leurs souffrances. Car entre eux et une administration locale décidée à étouffer tout débat sur ses fautes, un lourd contentieux demeure. Le nombre officiel et la liste des jeunes décédés restent secrets (bilan officieux: 88.000 morts). De ville en ville, les parents ont reçu des primes aux écarts inexplicables, 8000¥ ici, 20.000¥ là. Et sur le fond, ils veulent que l’Etat avoue qu’avec ces 12.000 écoles «de tofou», on a joué avec la vie de leurs chers disparus.
Sur ce point au moins, Pékin offre un début de satisfaction, s’engageant à re-culons vers une reconnaissance de faute. Du bout des lèvres, le géologue Ma Zongjin admet que «les structures ont pu être trop faibles -il peut y avoir eu des problèmes»… Mais les autorités ont évité l’explosion de colère par un mélange post-stalinien de bonnes paroles, d’intimidation, et de chèques – 60.000¥, voire 90.000¥ par foyer, des promesses de pension-vieillesse…
Autre dossier en panne : les orphelins. Quoiqu’ils ne soient que 88 adoptables, seuls deux d’entre eux ont trouvé famille d’accueil. L’instance de placement ex-plique que nul n’en veut, parce qu’ils sont déjà trop âgés (10-14 ans), ou amputés : décidément, une fois l’élan du coeur passé, c’est le désert des Tartares !
Même remarque, au niveau des fonds recueillis. Wen Jiabao avait affirmé tout reconstruire « en 3 ans ». Mais pour l’heure, le fonds de reconstruction ne détient que le quart des 244MM$ budgétés, et le plan intégral de la NDRC (National Development and Reform Commission) n’est toujours pas validé, malgré la présence sur place de 2000 géologues, architectes et autres experts travaillant d’arrache-pied. Certes, un fort travail d’urgence a été presté. 670.000 cabanes, 1,6M tentes sont en place (10MM$ déboursés). Mais pas assez, et pas assez vite. Si aucune fraude majeure n’a été repérée à ce jour, les rouages semblent paralysés : moins de la moitié des 8,7MM$ de dons sont parvenus aux sinistrés, tels ces 1,4M de paysans ayant perdu leurs champs. Restent à rebâtir 4,5M de maisons, 169 hôpitaux, 4432 écoles/collèges, des milliers de km de routes et de voies ferrées, selon le plan tel que cité par Xinhua. L’Etat a prévu d’imputer 10MM$ de son budget par an pour reconduire le Sichuan à son niveau du 11/05/08. Mais à l’évidence, pour les sinistrés qui s’apprêtent à affronter l’« an 01 » de l’après-séisme, l’hiver sera rude !
Bien chinoise dans sa complexité, l’aventure qui suit brasse 1000 thèmes contradictoires, l’ altruisme et la compassion, les ficelles d’une carrière réussie dans la police, la vertu citoyenne, la manipulation de l’opinion.
Au début pourtant, quoi de plus humain ? A Jiangyou près de Beichuan (Sichuan), Jiang Xiaojuan était policière et mère depuis six mois, quand éclata le 12/05 le séisme, dragon de pierre qui explosa à la minute toutes les villes à l’épicentre, laissant des M de sinistrés, des morts et blessés gémissant sous les décombres.
Venant de sevrer son bébé, Xiaojuan avait encore son lait. Dans les heures qui suivirent, on porta au poste neuf nourrissons privés de leur mère : telle la Margoton de la chanson de Georges Brassens, Xiaojuan dégrafa son corsage pour «donner la gougoutte» à ces chatons, puis…
« un croquant passant à la ronde trouvant le tableau peu commun s’en alla le dire à tout-l’monde…»
– Le «croquant», en l’occurrence, était la TV : l’image fit le tour de la Chine. Six jours plus tard, Xiaojuan débuta une tournée triomphale à travers les provinces, campagne de propagande montée depuis Pékin. La belle laitière était catapultée héroïne nationale, qui prouvait par son existence, celle d’une police «au service du peuple». A chaque ville, Xiaojuan multiplia interviews et plateaux, décrivant en termes véridiques le drame de sa région épinglée comme un insecte au bestiaire du destin.
De retour à Beichuan, elle retrouva 4 de ses 9 bébés et leur offrit les boites de lait maternisé offertes par caisses entières par des citoyens anonymes, entre Shanghai et Pékin.
Point sotte, notre avenante agente avait fort bien tenu son rôle, durant son périple. A présent venait l’heure de la récompense : son commissariat la proposa au poste de vice-commissaire politique! C’était une ascension fulgurante, en principe inaccessible à une simple îlotière, quand bien même elle eût elle été au terme de sa carrière, ce qui était loin d’être le cas. Quant au motif, « avoir nourri quelques jours des nourrissons», il ne tenait pas la route… Aussi pour se couvrir, comme on fait en pareil cas, les autorités nommèrent une commission. Puis le 11/06, la proposition fut soumise à l’opinion sur internet -méthode de consultation qui permet au prince, après avoir donné de la face à la base, de n’en faire qu’à sa tête.
Ce n’est qu’après la clôture que les critiques fusèrent, de manière feutrée : sur la police, la rue ne se prive pas de cancaner, mais jamais en face – il faut se protéger. « Ne pourrait on pas, demandait l’un, promouvoir les gens sur des états de services plus probants?» L’on soupçonnait cet ascenseur-éclair de mille motifs ultérieurs, et une confusion des genres : pour mériter un poste, être vertueux ne suffisait pas, il fallait aussi de la compétence (德才兼备, de cai jian bei).
Plus insidieuse, une autre voix -sans doute féminine- flûtait : « pendant tes mois à t’occuper des bébés des autres sous les caméras, Jiang Xiaojuan, qu’as-tu fait de ton propre enfant ? »… La fronde montait en puissance… Mais sauf force majeure, une autorité socialiste ne se déjuge pas: Su Yangjian, le patron, a tranché : Xiaojuan occuperait son nouveau fauteuil à l’essai, pour un an. Au commissariat, Jiang gère directement tous les cas impliquant des femmes ou des enfants.
Avec son verdict, le chef de la police Su s’est montré fin psychologue : il a gagné 12 mois de répit, et d’ici là, le séisme, la promotion, sa polémique, tout cela sera loin !
16-19 sept, Shanghai : Salon du bricolage (Hardware Show)
17-18 sept, Pékin : Wireless China Forum
17-19 sept, Shanghai : CITEXPO, Salon du pneu
17-19 sept, Shanghai : China Paper, China Forest