Le Vent de la Chine Numéro 29

du 7 au 13 septembre 2008

Editorial : La semaine en cinq instantanés…

[1] C’est reparti pour les Paralympiques (6-17/09), avec 4.200 athlètes, de 148 pays.

Au plan technique, ces jeux font preuve de la même minutie que les JO, salués comme un «1st class job» par Sir Ph. Craven, Président du CIP. Cependant, dans leur vie de tous les jours, les 83M de handicapés chinois ont de quoi se plaindre, déplore Zhao Chunluan, patron de leur fédération. L’appareil législatif de protection est bien là – fruit de 30 ans de travail par des hommes tel Deng Pufang (fils du patriarche, défénestré en ’68 par les Gardes Rouges).  Mais la vraie loi reste le plus souvent celle de l’exclusion: des patrons préfèrent payer l’amende et leur refuser l’emploi, et l’Etat n’est pas plus tendre pour ceux d’entre eux qui se risquent à la dissidence, tel Chen Guangcheng, aveugle, en prison.

[2] Séisme (31/08) de force 6,1 à Panzhihua et Huili (Sichuan) : 38 décès, 532.000 logis détruits, cent jours après la secousse à Wenchuan du 12 mai, qui causa 87.000 morts… Pour ces deux catastrophes, les travaux continuent à étapes forcées, encadrés par l’armée, pour permettre aux rescapés d’affronter l’hiver… 

[3] Le 30/08, Pékin refuse d’avaliser le coup de force de Moscou pour arracher l’indépendance de deux provinces russophones à la Géorgie.

Par principe, à travers le monde, la Chine condamne le séparatisme, pensant à son Tibet et son Xinjiang. Elle veut aussi se concilier ces ex-satellites d’URSS, qui ne peuvent que haïr le viol de la souveraineté d’une de leurs soeurs. Suivant le même projet à long terme, Pékin agit vite et bien sur cette Asie centrale pauvre faute et pourtant si pleine de richesses minérales. Il remplace la Russie comme pourvoyeuse de développement. Au Tadjikistan, il finance 296M$ une route, des lignes à haute tension. Avec 1MM$ déjà investis, il s’impose de loin comme 1er investisseur…

[4] Une masse de projets sociaux fleurit.

On avait vu la promesse de gratuité des écoles et collèges dès la rentrée, dans les villes et villages ; puis le Parlement  propose celle des maternelles un  an, pour commencer. Puis les 26M de 个体户 (getihu) camelots sont affranchis (1er/09) de la taxe administrative, abusive et détestée : 650¥/an en moins à payer à l’Etat, qui en perdra 17MM. Histoire de remplumer un métier qui se  perd —ils étaient 31M en 1999…

Pékin prépare encore la révision à 1300¥ du seuil de pauvreté, pour permettre à plus de personnes de bénéficier de la protection sociale : leur nombre doublerait, à 80M—ils étaient 835M en 1981. Cependant, dès 2005, la Banque Mondiale dénombrait 207M de pauvres en Chine, et on  ne voit pas trop ce que l’Etat pourra faire à court terme pour les arracher à leur condition. 

[5] Rénovée pour les Jeux Olympiques, l’infrastructure urbaine de Pékin apporte aux citadins sa récompense pour l’environnement. Selon la SEPA, l’agence nationale de protection de l’environnement, cet été, la ville à humé son air le plus pur en 10 ans, débarrassé de 45% de sa pollution. Première fois dans l’histoire, le niveau des eaux souterraines remonte de 0,5m depuis janvier,  suite  à une pluviosité généreuse, mais aussi à une consommation d’eau réduite à 3,4MMm3 contre 4,04 en 2000 : grâce aux tuyauteries neuves, aux stations d’épuration traitant 90% des eaux usées.

Soyons clair : face à l’immense pente à remonter, le progrès est mince. Mais un demi-tour vient d’être effectué, et avec lui, l’espoir est de retour !

 

 


A la loupe : Les habits neufs de la banque chinoise

Les banques d’Union Européenne et des USA souffrent sous l’ouragan des subprimes : ayant déjà perdu 695MM$. Jeu de vases communicants? C’est à peu près ce que viennent de gagner les banques des pays émergents, Inde, Brésil, Russie, Chine : 753MM$.

Le triomphe est surtout celui de la banque chinoise : fin 2007, ICBC (la banque de l’industrie et du commerce), CCB (la banque de la construction), et BdC (la banque de Chine) occupent la 1ère, 2de et 4ème place mondiale, la n°3 revenant à HSBC. BoA (Bank of America) et Citibank suivent en n°5 et n°6. 

A présent, les 3 soeurs chinoises récidivent, publiant leur bilan de 1er semestre : l’ICBC y apparaît la plus profitable, aux gains de +57% (6,4MM²). Coeur nucléaire de la croissance, ces banques gagnent inépuisablement, faisant fi des quotas de prêts, hausses de provisions bancaires et des taux d’intérêt.

C’est le triomphe de 10 ans de travail pour les assainir,  former des cadres à l’étranger,  et d’une pratique du métier «à l’ancienne»  -prêts à des clients solvables, contrairement à l’Ouest lancé dans la course aléatoire aux marchés fictifs. Selon l’agence Chengxin, en un an, les 16 plus grandes maisons ont progressé à l’indice de fiabilité, de gestion du risque et de qualité des actifs : un exploit, par temps de forte croissance. J.P. Morgan leur voit un autre atout : une faible exposition aux prêts immobiliers, 7% à 8% seulement.

Mais de tels succès ne peuvent cacher les vulnérabilités. De statut public et tradition socialiste, ces banques ne sont pas indépendantes face au Parti qui nomme leurs Présidents (et un comité occulte et tout puissant, au sommet de l’organigramme, qui se mêle de tout). Elles doivent parfois consentir à des opérations pas toujours commercialement sensées. Protégés par leur carte de membre et/ou leurs relations, certains de leurs cadres n’hésitent pas à frauder  – même à l’étranger, à mesure qu’elles se déploient hors-frontières.

Ainsi une cour de Las Vegas déclare (29/08) deux  ex-directeurs de la Banque de Chine et leurs épouses coupables d’escroquerie aux USA, portant sur 485M$ en 13 ans.

Autre alerte : les banques se débarrassent de leurs avoirs chez Fannie et Freddy, les prêteurs immobiliers semi-publics américains. Surtout la Banque de Chine qui avoue avoir liquidé 20MM$ de ces positions depuis janvier. Cession bizarre, alors que le Congrès a autorisé le Trésor US à renflouer si nécessaire, les deux maisons dans la tourmente…

En tout cas, ces affaires de corruption et de la revente de subprimes, sont les seules ombres au tableau de la banque chinoise. On aura remarqué leurs deux points communs : elles ont comme acteur la Banque de Chine, et pour cadre les Etats-Unis. Or, la Banque de Chine est le fer de lance de l’expansion de la banque chinoise hors de la terre natale.

 Cette dysfonction bizarre, et sans doute non vouée à durée, symbolise plus que tout autre fait, l’inconfort de ces maisons chinoises, à s’éloigner et fonctionner hors de leur cadre protégé !

 

 


Joint-venture : Coca-Cola rue dans les oranges

Coca Cola rue dans les oranges

La brillante présence de Coke lors des Jeux Olympiques (un de ses sponsors), ses shows et animations en M$ dans Pékin s’expliquent à présent : après 30 ans de ronron dans les rayons chinois, le groupe d’Atlanta prétend soudain racheter Huiyuan, presseur pékinois de jus de fruits: à 2,4MM$, ce sera le record d’acquisition étrangère en ce pays.

Pour réussir vite et sans bavure, Coke paie très cher, le triple du dernier cours en bourse. C’est que Huiyuan est le fleuron nat’l du jus (43% des «nectars» en 2007) Son marché est un des plus prometteurs, ayant progressé de 160% en 5 ans, devant quadrupler en 10 ans, pour faire alors 40% de toutes boissons. Ce rachat permettrait à Coke de contrôler 37% des ventes. Ecoulé aux USA via le réseau Walmart, Huiyuan peut en espérer l’explosion de ses exports, sous l’étendard Coke. Pour Danone qui revend ses 23% de parts, le goût est doux-amer, perdant un partenaire stratégique mais engrangeant 100M² de profits. Mais l’écueil, bien connu en Chine (cf l’affaire Xugong/Carlyle) est le populisme: 82% des 52.000 personnes interrogées par Sina.com, se disent hostiles à la reprise, dite (sic) «destruction d’un pilier culturel». L’Etat va à présent devoir avouer le véritable esprit de son ambiguë loi des Monopoles – conçue

[1] pour protéger le consommateur, ou bien

[2]  contre l’étranger ? Le pire n’est pas la voie obligatoire. Car Pékin trouve aussi potentiellement, dans ce deal géant, sa meilleure chance de réaliser un vieux rêve bloqué depuis des ans au tapis vert de l’OMC (ronde de Doha) : exporter en masse ses produits agroalimentaires vers les marchés riches, assurer des emplois ruraux bien payés, enrayer l’hémorragie lente des campagnes. la Chine, produisant 60% des fruits mondiaux, peut inonder le monde de ses jus -à condition de partager la galette avec un étranger de taille, Coke, par exemple !

 

 


A la loupe : Marine militaire—des pas de géant

Bouclier d’un commerce extérieur réalisé à 90% par voie de mer, la marine chinoise n’était en 2000 qu’une flotte vieillie, ne s’aventurant pas loin des côtes. Profitant de décennies de budgets discrétionnaires, elle se met alors à produire ses navires de pointe, les acheter, étudier, améliorer.

Selon le dernier Monde Diplomatique, elle vient d’émerger comme 3ème force derrière les USA et la Russie, avec 850.000t de jauge brute et 500 bâtiments, dont certains furtifs, bourrés d’électronique et d’armements de classe mondiale. Depuis 2006, la Céleste Navale a reçu, avec l’aviation, la priorité  sur l’armée de terre. Sa mission stratégique: contrôler les 4M km² de mer revendiqués (au départ de ses 14.500km de côtes).

Pour cette réforme, fut adopté dès les années ’80 le plan stratégique de redéploiement, signé de l’amiral Liu Huaqing.

La «ligne verte», du Japon à la Malaisie, via Taiwan et Philippines, devait être maîtrisée d’ici 2010. Le 2d objectif—l’actuel- est la « ligne bleue» est du Japon à l’Indonésie via Guam, coeur du dispositif de l’US marine au Pacifique. Puis la navale devrait sécuriser les quatre routes du pétrole chinois, dont le détroit de Malacca, où passent 80% des imports chinois d’or noir.

Depuis lors, la Navale se dote d’un outil capable de répondre à ces défis, face aux flottes du géant US et de son allié nippon. Elle a ouvert un 2d front vers l’océan Indien, où elle monte patiemment son «collier de perles» : série de bases bordant l’océan Indien et ses routes, Marao aux Maldives, îles Coco en Birmanie, Chittagong au Bengladesh, Gwadar au Pakistan.

Liu Huaqing préconisait d’éviter l’affrontement : aujourd’hui, la navale chinoise s’enhardit, testant par exemple en 2004 la capacité nippone de détection des intrusions de ses sous-marins. Basées à  Qingdao (Nord-Est), Shanghai (Est) et Zhangjiang (Sud), ses 3 flottes disposent chacune de leur base navale, avec chasseurs et bombardiers. Ensemble, elles alignent 60 navires de haute mer, tels les destroyers de classe Luoyang, Ma’anshan ou Guangzhou -ces derniers de 6 800t pour 160m de long, cinglant à 29 noeuds. Gros effort en sous-marins (sa seule défense, pour l’heure, contre les 12 porte-avions américains) : 5 nucléaires d’attaque (SSN), et d’un lanceur de missiles balistiques stratégiques (SSBN). Sans compter 30 diesel-électrique et 20 en construction. 

Seule lacune évidente chez cette flotte géante : celle d’un porte-avions. Plusieurs tentatives ont eu lieu en Chine pour maîtriser cet outil complexe. Y-compris l’achat du Varyag à l’Ukraine en 1998, à présent en rade à Dalian. Mais pour l’heure, la route menant à ce roi de la marine militaire, est encore une très longue marche !

 

 


Argent : TGV, ligne nationale, ambitions mondiales

TGV : ligne nationale, ambitions mondiales

Pour l’avenir du TGV chinois, Zhang Shuguang, vice ingénieur chef au ministère des chemins de fer voit en grand : d’ici quatre ans sera lancé le train à 380km/h entre Pékin et Shanghai, chantier de 22MM². La rame n’existe pas, mais Zhang croit sa sortie possible dans les temps. Une telle prétention ne prête plus à sourire depuis cet été, où le CRH-3 (dérivé de l’ICE de Siemens, construit à Tangshan, Hebei), roule à 350km/h sur la ligne Pékin-Tianjin. L’objectif de 380km/h n’est pas indifférent: il permettra d’avaler les 1318km de Pékin à Shanghai en 4h (sans compter les arrêts sur le trajet), au lieu des 12h actuellement nécessaires. De quoi tailler des croupières aux avions sur la même route (2h de vol, + trajet-aéroport, fouilles, check-in etc). De quoi aussi épargner une énergie précieuse. De quoi enfin menacer les marchés étrangers des TGV français, ICE allemand et autre Shinkansen. L’an passé, le TGV a amélioré son  record du monde de vitesse (574,8km/h), et le Shinkansen s’apprête à passer à 360km/-h moyenne. Cependant, aucun doute possible, ces maîtres mondiaux sont indéniablement rattrapés par l’élève chinois.

Ils l’ont été à une vitesse fulgurante : 15 ans seulement. Avec grand succès, la Chine a appliqué une stratégie -également suivie dans les filières du nucléaire et de l’aéronautique-, en invitant sur son sol les détenteurs mondiaux (Siemens/ICE, Mitsubishi/Shinkansen, Alstom/TGV), puis en les mettant en concurrence et en les amenant à céder leurs décennies de recherches et brevets, moyennant l’achat de quelques rames -et leur présence sur le marché chinois. De la sorte, le transfert de ces technologies à leurs JV locales, permit à la Chine de constituer en 15 ans sa propre infrastructure de production, design, maintenance et certification. Atout d’export futur, auquel s’ajouteront ceux des « amitiés tiers-mondistes », et son prix imbattable de construction.                                                             

NB1 : la priorité des investissements va à Shanghai et sa région (40% du PIB pour 25% de la population), mais à terme, toutes les métropoles seront reliées au réseau TGV de 12.000km.                                              

NB2 : Pour moduler les propos de M. Zhang Shuguang, il convient quand même de préciser les faiblesses de ce rail chinois, régulièrement cité pour  incompétence. Dernier incident en date : le 28 avril dernier, deux trains entraient en collision dans la province du Shandong. Bilan : 70 morts, 420 blessés ; une des pires catastrophes ferroviaires depuis dix ans.

Télécoms : China Mobile, l’homme à battre …

En mai, la refonte des télécoms en trois opérateurs mixtes (fixe-mobile) était supposée égaliser les chances aux outsiders China Telecom et Unicom, face au géant China Mobile.

Mais quatre mois plus tard, aucun doute : China Mobile conserve son rythme (7M de nouveaux abonnés sans fil/mois) et son avance (70% du marché). Wang Xiaochu, Président de China Telecom, se plaint d’un déséquilibre systémique, après avoir perdu 10M d’abonnés en ligne fixe en 1 an (il lui en reste 215M) et 8,2% en revenus nets au 1er semestre. Raison : les usagers votent pour le portable, et sont déjà 600M.

Pour renouer avec le profit, China Telecom n’a d’autre choix que compléter à étapes forcées son réseau mobile CDMA (norme US) juste racheté à Unicom (4,38MM²). Pour améliorer la diversité des modèles disponibles en CDMA, il vient de  commander 5M d’appareils de marque (Samsung, ZTE, Motorola, Huawei), qu’il écoulera 200¥ /pièce, combinés à des services nouveaux (telle la bascule vers ligne fixe). Wang annonce d’autres mesures de l’Etat pour rétablir l’équilibre concurrentiel: le droit de quitter China Mobile tout en conservant son n° propre, ou la fusion de tous les réseaux exploités par les trois opérateurs, pour éviter les investissements redondants qui, de 2002 à 2006, coûtèrent 112MM² au pays, selon l’auditeur général Liu Jiayi, tout en n’étant utilisés qu’à 30%…

Et l’étranger, dans tout cela? Grande muette, il attend toujours. Seul l’Espagnol Telefonica peut placer 750M² dans China Netcom, juste avant sa fusion avec Unicom : à terme, Telefonica aura 5,5% du nouveau groupe, contre 3% à Vodafone (RU) dans China Mobile. Aux seuls équipementiers, l’avenir semble sourire -mais ce n’est pas nouveau !

 

 

 

 


Pol : Monolithes du sport : premières fissures

Corée du Nord : la famine au pas de la porte

Pour Tony Banbury, directeur du Programme alimentaire mondial (PAM) pour l’Asie, la Corée du Nord connaît sa pire crise nutritionnelle depuis la fin des ’90, où des M d’habitants étaient morts de faim. Au Pays du matin calme, un humain sur 2 est malnutri, 40% des enfants sont rachitiques. Le système donne des signes d’effondrement: le PAM qui devait cette année sustenter 1,5M d’âmes, avec 1Mt de céréales (0,5Mt par les USA, 0,4Mt par Séoul, 0,1Mt par les ONG), voit soudain ses clients passer à 5M, et doit trouver 1,5Mt avant décembre, dont 15% dans l’immédiat. Mettant la Chine devant ses responsabilités, il la prie officiellement de lui vendre 50.000t (10% des besoins). Cette crise s’explique par une conjonction de malchances : deux années de crues, plus encore de manque de pétrole (pour les tracteurs) et d’engrais : d’où une récolte qui chute d’un tiers ; la baisse des imports de Chine, réduits de moitié en 2006 et 2007 ; et une grosse colère avec la Corée du Sud, son nourrisseur n°2… Au passage, la coupe sombre des livraisons chinoises révèle un souci secret de Pékin sur son propre stock, que les experts évaluaient 12 mois plus tôt entre 100 et 200Mt, mais que la pénurie  de février a du écorner. En tout cas, la quasi-famine nord-coréenne a ses conséquences : prétextant que les USA ne l’ont pas sorti de leur liste noire des Etats-voyous, Pyongyang, décidément aisément irritable, prétend soudain relancer son programme nucléaire. Comme pour lui insuffler un peu d’espoir, Pékin choisit le moment pour lui octroyer la clause de « destination touristique », promesse future d’une poignée de devises… Une réponse qui a de bonne chance d’être ressentie comme « too little, too late » !

Monolithe du sport : premières fissures

Déjouant la censure, deux échos dans la presse permettent à l’opinion de se démarquer de l’image officielle des Jeux Olympiques, voire du sport en Chine. [1] MSN (chinois) demande le 3/09 si les 43MM$ d’invests des Jeux (record historique, fête somptuaire inouïe) étaient justifiés: sur 70.000 répondants, 36,4% dirent ‘oui’, et 50,3% ‘non’. Plus de la moitié pensent donc qu’une telle fortune eût été mieux investie dans la lutte contre la pauvreté ou pour la santé. Autre manière de contester la politique populiste-cocardière officielle : les Chinois ne sont pas dupes. [2] Signé Hu Shuli, un édito de la revue Caijing, d’une vivacité inattendue, réclame le démantèlement du «système sportif étatique», à savoir la Commission nationale des sports, cocon maoïste de fabrique d’athlètes. Le titre ne laisse nul doute sur le projet: «ouvrir les menottes dorées du sport chinois». Rappelant que chacune des 51 médailles d’or vient de coûter 6M², l’article évalue à 80M² le budget annuel de la CNS, monopole des compétitions qui dépossède les clubs de leurs moyens d’existence. Il évoque le vieux scandale du «11» de football, ayant reçu lors des JO deux cartons rouges pour jeu violent contre la Belgique. Remède préconisé par Caijing : ôter la gestion du sport aux apparatchiks pour la confier «au marché», lequel arrive aujourd’hui même, tout droit des USA (VdlC n°28). Illusion dangereuse, car le sport bien que commercial, est aussi une pratique de masse et une éthique. Mais nos confrères connaissent les limites à ne pas dépasser : priver l’Etat du monopole du sport, n’est tolérable qu’au nom du profit, seule valeur licite, surtout pas au nom de la démocratie. Caijing maintient jusqu’au bout l’ambiguïté, évoquant comme but d’un sport futur, «passer d’un pays riche en médailles, à un pays riche en athlètes», proposition qui sent le soufre, de par ses implications sociales !

Xinjiang: Intifada chez les Ouïghours

Depuis fin juillet 2008, le Xinjiang connaît un nouveau vent de révolte armée. Quatre attaques ont eu lieu contre armée et police, toutes perpétrées par des Ouighours, avec des moyens rudimentaires -arme blanche, bombes bricolées. 39 personnes sont décédées, dont 16 policiers en une seule frappe, près de Kashgar. L’alerte maximale n’a pas empêché la mort de 2 policiers le 27/08—cinq autres ont été blessés. Ce qui frappe, est que la plupart des attaques visèrent des policiers ouighours -comme si les insurgés voulaient désormais annoncer à leurs coreligionnaires la vengeance qu’ils encouraient en servant l’administration chinoise. On note aussi la jeunesse des agresseurs, voire leur sexe : telle l’adolescente de 15 ans arrêtée après l’attaque du 10/08.                    

Analyse : entre résistance ouïghoure et soutiens intégristes émigrés au Kazakhstan et Kirghizstan, 7 années de répression accrue ne semblent pas avoir su couper les liens. On ignore si ces coups -non revendiqués- sont l’oeuvre d’un même groupe, mais leur accumulation lors des JO n’est pas fortuite. Une de ses raisons est celle qui fit exploser Lhassa le 14/03, la Birmanie en septembre 2007 et la Thaïlande à présent : l’explosion du coût des vivres et du fuel. Une autre raison, plus spécifique au Tibet et au Xinjiang est  l’échec de 30 ans de politique d’assimilation, d’acculturation, et menant à l’obligation de travailler dans la langue de l’autre.

 

 


Temps fort : Chine—Japon : réchauffement ‘climatique’

En 2005, lors d’un sommet régional, selon l’histoire, Hu Jintao aurait refusé de  prêter son stylo à J. Koizumi pour signer un accord. Vraie ou apocryphe, l’anecdote en dit long sur le peu d’estime en laquelle le leadership chinois tenait à l’époque son partenaire !  La raison de ce peu de courtoisie, était la vieille insistance du leader japonais à honorer des criminels de guerre inhumés au sanctuaire de Yasukuni, et donc à nier le massacre de Nankin (1937).

La semaine passée (1er/09), la réaction chinoise au départ d’un autre 1er ministre nippon, Yasuo Fukuda, montre le chemin parcouru  entre les deux puissances : un porte-parole chinois relève la « grande contribution » de Fukuda dans la restauration des liens, et conclut : « nous l’apprécions fort »!

La convalescence a débuté à l’arrivée aux affaires à Tokyo de Shinzo Abe, ardent nationaliste lui-même, mais qui comprit (suite à l’appel des industriels) l’urgence de mettre fin à cette dérive. Abe s’était empressé d’inviter en 2007 Wen Jiabao et Hu Jintao. Mais il avait maintenu la tension en tentant de relancer le réarmement du pays… Puis Fukuda arriva, attendu comme le sauveur par Pékin – n’ayant pas oublié son père Takeo Fukuda, 1er ministre, 30 ans plus tôt, l’artisan nippon du traité d’amitié sino-japonais… A peine investi dans ses fonctions en septembre 2007, Fukuda-fils s’envolait pour Pékin, annulait le projet de réforme constitutionnelle de l’armée, accueillait Hu à Tokyo en mai 2008…donnant ainsi tous les gages!

Après son départ, signe d’un système constitutionnel faible (10ème premier ministre en 14 ans!), Fukuda sera sans doute relayé par Taro Aso, cheval de retour, conservateur à tout crin. Les éloges répétées de Pékin à Fukuda traduisent le souci chinois, face aux bases encore fragiles de ces relations, et la conscience de leur importance. En fait, les risques de rechute sont infimes. Désormais au Japon, le nationalisme a mauvaise presse : les électeurs ne s’inquiètent plus que de l’économie et du social, avec une croissance en baisse de 0,6% au 2eme trim., et 30.000 cas de suicides par an, un des taux les plus hauts du monde.

Entre ces pays, la synergie est inévitable : en 2007, les échanges ont bondi de 15% à 236MM$. Les prêts bancaires nippons, à 23,2MM$ en mars, ont plus que doublé en cinq ans.

Second bailleur en Chine d’IDE, le Japon y a déjà placé 60,7MM$. A Shanghai, 25 banques nippones s’installent dans la nouvelle tour Mori (101 étages), pour placer en Chine les fonds levés chez elles, pour un profit meilleur qu’aux banques chinoises mêmes! En face, le capital chinois (la CIC) s’ébranle, pour trouver au pays du Soleil levant de bons placements… Avec de tels fondamentaux, entre ces deux pôles de l’Asie qui rivalisent depuis des siècles pour le leadership de pa région, le sentiment ne peut que changer, comme il le fit 59 ans plus tôt entre France et Allemagne, de la méfiance vers l’estime.

 


Petit Peuple : Pékin : l’ange est en enfer

Pour Confucius, s’enrichir, c’est se déshonorer. Une fois les siens nourris-logés, l’honnête homme ne devrait plus dépenser qu’à faire le bien. Mais en culture chinoise moderne, c’est le contraire : une fois enterrées les valeurs socialistes vieux-jeu, et sous l’écrasante attraction de l’American way of life, l’argent n’a plus d’odeur ! Jaillissant de l’abîme entre ces valeurs, un torrent de conflits vient déchirer ces 1,3MM d’âmes : le drame de Yu Hongfang en est un cas.

Jusqu’à 2007, cette Pékinoise de 33 ans démarchait dans les hôpitaux avec grand succès, écoulant scanners et poumons d’acier pour une classe de nouveaux riches très à cheval sur  leur petite santé. Mais plus Yu gagnait, plus lui pesait sa hon-te : les commissions alourdissaient son compte… Pour se mettre en règle avec sa conscience, depuis 2002, elle s’était mise à adopter des fils de paysans studieux mais pauvres:elle payait leurs études, 10.000 ¥/an aux lycéens, 20.000 aux étudiants. De la sorte, elle avait 9 filleuls -ils l’appelaient «Grande soeur Yu ».

Mais cette Chine bouillonnante est encore loin de maîtriser les arcanes de l’économie durable: en 2006, sous la multiplication de la concurrence et la saturation des hôpitaux, son marché médical entra dans les vaches maigres : les commandes se tarirent. Pour la démarcheuse, c’était la ruine : en découvert, pressée par ses jeunes réclamant à corps et à cris leur chèque, elle n’en dormait plus !

C’est alors qu’elle imagina le coup tordu qui causa sa ruine : prendre l’argent là où il était, chez les médecins, tous pourris, croyait-elle. « Pas de fumée sans feu », la rumeur leur prêtait la pratique du coupe-file, où les plus riches achetaient clandestinement un passage prioritaire sur le billard, laissant les pauvres attendre des mois. Sans aucune preuve, Yu était certaine de son affaire. Et puis la fin justifiait les moyens : elle se fit donc corbeau. Dans 5 hôpitaux pékinois, elle détecta sur le net une centaine de professeurs ou chirurgiens, à qui elle adressa une lettre de chantage réclamant 20.000¥ pour prix de son silence.

Yu avait négligé un détail: en Chine, pas d’hôpital sans détective! Après avoir compulsé leurs lettres, les flics privés ne tardèrent pas à faire leur jonction, pour chasser en meute. Remonter jusqu’à Yu eût été un jeu d’enfant: le coeur bourré de remords, comme pour se faire prendre, la néophyte dans l’art du corbeau avait multiplié les indices, telle cette justification de son extorsion par le désir d’ «adopter un étudiant pauvre ». Mais les limiers n’eurent pas le temps : à peine son dernier libelle posté, elle fonça aux policiers pour se dénoncer.

Une fois au cachot, ni sa bonne attitude, ni l’intercession émotionnelle de ses ouailles ne purent la tirer des griffes de la justice. Tout au plus le juge put limiter la sentence à 10 mois fermes – le minimum, qu’elle purge maintenant. Suite à quoi elle pourra oublier sa vie dorée, ses clients et son employeur pour mener – à moins que n’intervienne une main divine compatissante- une vie plus conforme à sa morale. Mais dès maintenant, Yu a l’intuition de l’horrible gâchis qu’elle a fait de son existence, par naïveté ou réflexe d’enfant gâté : à force de ruses pour rejeter la chance, elle aura tout perdu : « laissé s’échapper le poulet, et perdu les grains de riz jetés pour l’appâter »

(偷鸡不成蚀把米 tóu jī bù chéng shí bǎ mǐ).

 

 


Rendez-vous : Rendez-vous annuel à la foire de Xiamen

8-11 sept, Xiamen : CIFIT, Int’l Trade Fair

9-11 sept Shanghai : MEDTEC Salon du matériel médical,

10-14 sept, Shanghai : ART Fair

11-13 sept, Shanghai : Millionaire Fair, Salon des produits de luxe