Le Vent de la Chine Numéro 26

du 27 juillet au 30 août 2008

Editorial : Pour les JO—une harmonie tendue

Deux incidents des derniers jours permettent d’observer les Jeux Olympiques sous un éclairage neuf.

A Kunming-Panjiawan (Yunnan), le 21/07 à l’aube, deux bus de la ligne 54 explosent : deux morts, 14 blessés -à 19 jours des Jeux Olympiques. Dans les heures qui suivent, curieusement, quoiqu’il s’agisse du 1er cas d’attentat prouvé, sur la longue liste d’autres cas allégués par les autorités, Pékin écarte l’hypothèse d’un acte terroriste… et offre 10.000², puis 30.000² de prime de délation.

Est-ce un hasard ? Huit jours avant, la province avait connu une émeute à Menglian. En conflit avec la compagnie exploitante, 500 planteurs  d’hévéas, aux mains avec la police, avaient vu deux des leurs tués. D’autres incidents avaient lieu à Shenzhen (deux morts), et à Kanmen (Zhejiang (10ainesde blessés). A chaque incident, Pékin envoie des enquêteurs, ordonne aux provinces de tenter de les régler dans l’« harmonie », parle d’émettre un « sondage » auprès de 80.000 cadres pour découvrir des fautes des leaders locaux. Mais sur le terrain, les incidents sont durement réprimés. Trois semaines après l’émeute de Wengan (Guizhou, 30.000 citadins ayant mis à sac la mairie), 217 suspects ont été arrêtés.

Vu sous cet angle, l’attentat de Kunming, quel qu’en soit l’auteur, permet au régime de renforcer la répression, donne de la réalité à la menace qu’il dénonce depuis des mois – mais évite le terme de « terrorisme ».

L’autre phénomène consiste en ce plan officiel jusqu’alors ultrasecret, paru fugacement sur internet, intitulé « Olympiades paisibles, action corrections spéciales ». Son but : neutraliser les cellules terroristes, les forces anti-chinoises et les fauteurs de trouble,  qu’il veut encourager à quitter la capitale, au nom des intérêts supérieurs de la nation. Agir vite, fort et sans parler. Les restaurants, maisons de bain, de thé et de karaoké de moins de 100m² ont fermé, comme les hôtels creusés dans les galeries souterraines, qui hébergeaient 300.000 migrants pauvres. Par ce coup de filet, au 30/07, Pékin avait fait une cure d’amaigrissement autoritaire et écarté des millions de résidents précaires. Peut-être, dit la rumeur- pour très longtemps, bien après les Jeux. Les 200.000 caméras des rues, devraient décupler en 2 ans—comme à Shenzhen, et probablement partout.

Ces Jeux, enfin, seront nationalistes, trend annoncé par la multiplication des drapeaux rouges sur les voitures. Quoique non conforme aux normes olympiques et à l’idéal de neutralité de la ville hôte, ce phénomène est  encouragé. Idem, les stades attendent une foule sélectionnée, enthousiaste et disciplinée, au service de l’Etat, par idéal, ou sur commande. 

A traits encore grossiers, une stratégie s’esquisse: utiliser les Jeux, la menace d’attentats pour restaurer l’autorité de l’Etat. L’ennemi est moins le terrorisme que le désordre qui s’emballe, le choc d’un repli économique planétaire annoncé à l’automne. Dans cette phase vulnérable, le Parti communiste chinois veut s’appuyer sur sa jeunesse fière de son pays, en colère contre l’Ouest : le temps de passer à gué la crise mondiale, et défendre, au passage, la « dictature du prolétariat »  et ses privilèges d’élite !

 

 


Temps fort : Autoportrait—la Chine dans son miroir !

L’institut Pew, de Washington, sort son sondage des opinions de 24 pays sur eux-mêmes. En Chine, 3200 adultes de tout âge et de tout milieu, reflètent l’image décapante d’un pays jeune, optimiste,  patriote, aux opinions tranchées.

Sur les Olympiades, ils sont 96% à dire qu’elles seront un succès, 93% à croire qu’elles embelliront l’image du pays, et 79% à penser qu’elles leur apporteront un profit personnel.

Sur la question capitale du bonheur (vu comme un cocktail de fierté envers le pays et sur sa vie propre), 86% se disent comblés, contre 48% six ans avant, et 29% pour les Français. En terme de satisfaction économique, ils sont 82%, soit 30% de plus qu’en 2002 (Français = 19%…).

Mais qu’on gratte un peu, et les nuances viennent vite : parlant de la famille, seuls 14% sont « ravis» tandis que 67% disent « mama huhu » (马马虎虎, «plus ou moins»). Sur l’emploi et le revenu, on ne trouve que 4% au nirvana contre 60% dans le «ça-m’suffit», chiffres immuables depuis 2002. Autrement dit, cet optimisme du Chinois se réfère plus à la nation et à sa capacité à l’enrichir, qu’à son existence propre.

Le problème qui lui pèse le plus est la hausse des prix : 96%, dont 72% «très soucieux». Suivent l’écart des richesses (89%), la corruption des cadres (78%) et des businessmen (61%) – mais l’Etat «fait un bon travail» de répression, pensent 65%. Suit la pollution (air, 74% et eau, 66%). Ici, quatre Chinois sur cinq pensent qu’il faudrait faire plus, même au prix de pertes de richesse et d’emploi. Passons sur le chômage (68%), la délinquance (61%) : de 56 à 39% des gens sont sensibles aux accidents de travail, à la qualité des produits, aux pensions, à la Sécurité sociale, à l’éducation. Le cadet de leurs soucis va aux coupures de courant (27%)…

A 70%, le Chinois approuve la liberté de marché et la vie moderne : 38% ont leur ordinateur, et 25% vont sur le net. Mais parmi ceux qui atteignent le pinacle, avec un diplôme, bon job en ville et haut salaire, ils sont 59% à se plaindre de la perte des traditions : c’est parmi eux que se recrutent les «jeunes en colère contre l’Occident». Trouvant exorbitant le prix payé pour leur bonne fortune, ils s’érigent en gardiens ombrageux d’un passé que leurs parents ont jeté aux orties.

A cette racine du nationalisme, vient s’en adjoindre une autre : candidement, cette Chine qui pompe des millions d’emplois à d’autres pays, ne croit qu’à 3% leur faire du tort. Elle s’estime à 77% populaire mais distribue sans complexe, aux voisins, le titre d’« ennemi » : au Japon (38%), aux US, (34%), à l’Inde (25%). Dans le même ordre d’idée et de xénophobie montante, ils ne sont plus que 77%, contre 92% en 2002, à croire que l’anglais pour leur enfant, soit un « must ».

En somme, la société chinoise s’éveille à la condition de nation, et de puissance, avec le passage inévitable par la phase ingrate de l’adolescence cocardière !

 

 

 


Pol : Russie/Chine : le dégel de l’Amour

OMC : carton jaune pour la Chine

Depuis l’entrée de la Chine à l’organisation mondiale du commerce (OMC) en 2001, la période transitoire est révolue : pour la première fois, elle est condamnée à Genève (21/07) pour discrimination des constructeurs auto étrangers, en leur imposant l’intégration de 60% de pièces locales dans leurs voitures «made in China», sous peine de les taxer à 25% comme « importées ». Déposée en 2006 par les USA, la plainte avait été soutenue par Union Européenne et Canada.

L’OMC, donc, montre les dents : il s’agit d’une infraction aux règles du club mondial, d’autant moins acceptables qu’entre-temps, la Chine est passée 3ème marché automobile mondial, aux ventes annuelles de 12MM$. Elle est le terrain où se jouera le sort des constructeurs de l’Ouest. Pékin fait appel, se disant « pas entièrement d’accord ». D’ici à la fin de l’année, l’OMC émettra un dernier jugement, exécutoire. Une chose qui frappe, est que les gouvernements, plus que les firmes, sont montés au créneau, pour la défense de l’emploi sur leur sol. Dans une logique plus commerciale, les constructeurs, se sont accommodés de l’obligation de se fournir en pièces locales – leurs fournisseurs ont fait le grand saut, ou ont été supplantés par des firmes chinoises.

NB : à Genève, dans les négociations de la dernière chance pour la ronde de Doha, la Chine était présente (23/07) pour la 1ère fois, aux côtés des sept puissances commerciales mondiales.

 

Justice: Danone dans la tourmente

A la recherche d’une sortie honorable dans son litige avec Wahaha, sa filiale félonne, Danone est sur des charbons toujours plus ardents. Au total, 54 actions judiciaires sont en cours, dont, au 1/07, l’appel d’un verdict de la cour d’arbitrage de Hangzhou qui rendait à Wahaha sa marque (et à son PDG Zong Qinghou).

Or, mi-juillet, c’est de Stockholm qu’une autre cour d’arbitrage internationale refuse à Danone des mesures en référé pour empêcher Wahaha de s’agrandir hors de sa JV avec Danone, et de vendre sous la marque conjointe. Puis tombent d’autres « tuiles » : alertés par lettres assez peu anonymes, les contrôleurs des taxes de Shanghai et Canton passent au peigne fin les livres de Qin Peng, patron de Danone-Chine soupçonné (pour Shanghai) de 6 M² d’évasion fiscale depuis 1996.

NB: Sur le fond, pourquoi tant de misères au géant alimentaire et pourquoi la justice chinoise ou mondiale est incapable de rétablir ses droits face à un partenaire indélicat? De l’avis des experts, Danone a commis deux imprudences : n’avoir pas fait valider son contrat de JV en 1996, et avoir cherché délibérément des partenariats avec des firmes concurrentes, Wahaha, mais aussi Bright et Robust, dont les JV sont en échec. A présent, Danone veut sortir, mais avec sa vulnérabilité juridique, il aura bien du mal à forcer Zong à lui payer les 1,62MM² qu’il réclame : Zong, « par magnanimité », prétend lui en offrir le 5ème ! 

 

Russie/Chine : le dégel de l’Amour

Cela faisait près de 80 ans qu’elle durait, la dispute des îles entre Amour/Heilongjiang et l’Oussouri, annexées par l’URSS en 1929. Après le dégel en 1989, il fallut presque 20 ans aux experts pour retracer les 4300km de leur frontière orientale, enterrant leurs revendications territoriales.

La Russie ne perd pas tout : elle rend les deux îles Yinlong, mais garde la moitié des Heixiazi, et la moitié (174km²) des territoires contestés. Politiquement, le symbole est fort : c’est la 1ère fois que Moscou, lâchant ses riverains, cède un lambeau du sol au nom du bon voisinage.

Au plan stratégique, les sols rendus n’ont guère d’utilité -le Heilongjiang veut y instaurer une zone de libre échange. Mais ceci intervient alors que la diplomatie sino-russe connaît une éclatante réussite, donnant la réplique aux US sur les dossiers zimbabwéen, iranien et coréen du Nord. Commercialement, les échanges n’ont jamais été si bons, pétrole oblige (48MM$ en 2007, +44,3%).

Ce geste de confiance réciproque pourrait débloquer d’autres méga contrats énergétiques, le fameux pipeline Angarsk-Daqing en panne depuis dix ans, des centrales nucléaires de 3ème génération où pour l’instant, seuls Américains et Européens sont servis… Même au plan militaire, ces quelques «arpents de neige» sacrifiés des îles de l’Oussouri, pourraient permettre à l’alliance sino-russe de déployer ses ailes, par exemple pour contrer les ambitions des USA qui rêvent d’intégrer dans l’OTAN, Ukraine et Géorgie, ex-vassaux de l’URSS, ex-membres du défunt pacte de Varsovie, que Pékin pourrait aider à renaître de ses cendres sous la forme du SCO, dit club de Shanghai.

 

 


Argent : GEE : fusion et perte de mauvaise graisse

GEE : fusion et perte de mauvaise graisse

Chentong, groupe de gestion d’actifs logistiques et commerciaux (né en 2005, au capital de 2MM²), va dévorer 20 GEE, (Grandes entreprises d’Etat).

C’est la méthode choisie par la SASAC, l’organisme de tutelle crée en 2003, (à l’arrivée au pouvoir du tandem Hu Jintao – Wen Jiabao) pour réaliser son mandat : forcer ces mammouths maoïstes à perdre leurs mauvaises habitudes, à se colleter avec la concurrence capitaliste étrangère. De la sorte, les 149 géants sous sa houlette ne seront plus que 130, et d’ici 2010, plus que 30 à 50. Le concept de «groupe de gestion d’actifs» n’est d’ailleurs que provisoire, temps d’intégrer les firmes, les recombiner, voire résorber leurs mauvaises dettes. Leur vocation voulue est de devenir des conglomérats bien gérés, de taille mondiale. Problème pratique cependant: comment avaler des firmes cotées en bourse, pilotées par l’assemblée des actionnaires?

Patron de l’institut de recherche Guosen, He Chenying nous révèle la méthode, en termes pleins de pudeur : «remplacer le contrôle direct, par l’exercice de l’influence directe» -nuance! Au programme, une mutualisation des coûts, des investissements et programmes de R&D, et la mise en faillite des déficitaires invétérés. Et si le festin sera «éclair», la digestion sera lente, vu le poids des mauvaises graisses. Mais ainsi, tout reste sous contrôle, dans la famille -et le temps, en Chine, est ce qui manque le moins.

 

 


A la loupe : Irrigation, prélude à une révolution tranquille ?

Cette année, la désertification et le réchauffement global se traduisent, pour le paysan chinois, par la perte de 15,8Mha d’emblavures (3Mt de plus qu’en 2007) et 28Mt de grain. 70% des champs sont irrigués, 70% de l’eau chinoise va aux champs. Or le Chinois ne dispose que de 2700m3  d’eau par an – 25% de la moyenne mondiale. Le nord surtout est assoiffé, ne détenant que 20%  des réserves : dur bilan, à l’heure où sonne le branle-bas de combat pour faire passer la récolte de 500 à 600Mt sous douze ans.

De plus, en fait d’irrigation, tout est à refaire. Sur 12MM² pressentis pour 402 réseaux depuis 2000, seul 1MM² a été versé. A ceci, des raisons complexes, tel le fouillis d’offices concurrents, la propriété floue de ces réseaux hérités de Mao (donc «à personne»), un prix de l’eau bas (0,065¥/m3 en moyenne, 38% des coûts de maintenance), ruinant toute chance de rentrer dans leurs frais.

De ce fait, la majorité des réseaux conçus dans les années 1950 à 1970 avec plus de ferveur que de technique, est périmée, et perd 50% de son eau sur le Fleuve Jaune,  80% dans le Gansu.

C’est alors que le Ministère de l’eau et celui des finances tentent de résoudre toutes ces contradictions via un projet pilote audacieux, révélé par la  revue Caijing. Cet été sur 1000km², dans un certain nombre de provinces et de réseaux, il a commencé par financer (par le niveau local et central) la réhabilitation des canaux, ensuite confiés à une  association locale des paysans, créée pour en assumer la propriété, la gestion et la maintenance – laquelle vote aussi un nouveau prix de l’eau, pour couvrir ses frais.

Le mot qui fâche, ici, est « hausse », voire « multiplication » du tarif. Mais il s’agit bien de cela : créer un électrochoc pour faire ressentir la ressource conne une valeur, l’épargner pour irriguer plus, ou vendre plus loin. Par cette technique, les experts espèrent doubler voire quadrupler la récolte, sur les sites du projet.

La pilule amère de la hausse du prix est compensée d’avance par la forte montée locale et globale du cours du grain cette année. En outre, le paysan prend confiance en ce système qui l’associe davantage : c’est en fait un nouveau droit de l’eau qui se dessine. Enfin, des subventions aux associations sont évoquées, pour maintenir les hausses dans les limites du supportable.

 Bien sûr, un tel plan anti-gaspi ne peut tout résoudre à lui seul : ni la question de la qualité souvent déplorable de l’eau (pollution), ni de celle des semences (trop gourmandes en eau). Ni l’incertitu-de de la hausse des engrais et du carburant (hydrocarbures).

Sans compter un problème non évoqué par Caijing : le petit ap-paratchik, hier maître de tout, acceptera-t-il la perte du contrôle de l’eau, source de sa richesse personnelle, au profit du paysan—la plèble ? Évidemment, cette réforme courageuse, n’est pas gagnée d’avance, et ne peut être qu’un premier pas !

 

 


A la loupe : Economie – Pékin cède aux lobbies, bride le ¥uan

Les dix derniers jours ont vu le Président Hu Jintao au Shandong, le 1er ministre Wen jiabao dans les deltas des Perles et du Yangtzé et Xi Jinping, Li Kejiang (les dauphins du régime) avec Wang  Qishan (nouvel astre de l’économie nationale) dans les autres provinces de la côte : en mission d’observation économique. Puis se tint le plenum du Politbureau, se demandant si maintenir l’austérité, alors que l’export recule (+17,8% à 121MM$ en juin contre +28% en mai) et que deux tiers du textile, de janvier à mai, est dans le rouge. Étouffées entre les coûts qui explosent et l’export en chute libre, les firmes délocalisent (Centre, Vietnam) ou ferment. Canton octroie 4MM² aux firmes Hongkongaises, en eau et électricité subventionnées, pour qu’elles se déplacent vers ses propres zones low cost

Au nom de la défense de l’exportation, le Ministre du commerce réclamait la stabilisation du yuan. La réponse a été nuancée. Oui, la hausse du ¥ sera bridée, à 3% au 2d semestre pour atteindre 6,6% en décembre face au dollar. Mais non, l’Etat ne va pas relancer la planche à billets. Car cette potion amère lui convient tout à fait, seul moyen pour elle, depuis longtemps attendu, pour forcer les firmes à gravir l’échelle de la qualité, baisser la consommation d’énergie et la pollution. Pékin est ravi de sa croissance désormais «modérée» (10,1% au second trimestre contre presque 12% l’an passé), à l’inflation ramenée à 7,1%, au bâtiment muselé par la coupure du crédit. Le tout, en transition « stable » et sans fluctuations.

Pour autant, le régime n’ose pas engager la main dans les grandes réformes en souffrance, dont la libération du prix de l’énergie, du pétrole —puisque la dernière hausse de 18% a maintenu le prix à la pompe, à la moitié du cours mondial —comme avant !

Le pouvoir s’inquiète aussi du capital de ses firmes qui voient se fermer le chemin de la bourse (déprimée), comme celui de la croissance volumique, faute de marché intérieur, ou à l’export. Le bas de laine en devise devient très risqué, avec le dollar qui flanche : il donne donc consigne de foncer dans les achats de ressources hors du pays. Les boites, à vrai dire, ne l’ont pas attendu : d’avril à juin, elles ont fait 169 acquisitions  pour 15,5MM$ : 137% de plus qu’au trimestre d’avant. 35 de ces achats ont eu lieu hors frontière, dont 55% dans l’énergie et la mine.

Enfin, l’optimisme officiel est-il justifié? Reste l’inconnue de la crise des subprimes, qui est là pour rester, avec son lot futur de mauvaises surprises. Reste le risque d’un éveil post-Olympique douloureux (mais il ne devrait toucher que Pékin, qui ne fait que 4-5% du PIB). Reste aussi l’interminable chute aux enfers de la bourse, et la limitation du marché intérieur, du fait de l’écart croissant entre fortunes colossales et centaines de M de bourses modestes.

En bref : l’automne sera chaud. Pékin le sait, mais pour l’instant, fait le dos rond —méthode Coué.


Joint-venture : Pétrole: Exxon déchiré entre Chine et Vietnam

Fusions & Acquisitions : coup de gong pour Xugong

La saga Xugong-Carlyle s’achève après trois ans sur un coup de gong.

Le californien expert des reprises hypothécaires (LBO), renonce à  la compagnie publique d’engins lourds. En 2006 pourtant, il rachetait à la mairie de Xuzhou, pour 375M$, 85% d’un Xugong enchanté de cette chance de résister à la domination de Caterpillar et Komatsu. C’était compter sans Sany, petit rival aux solides appuis, qui dénonça  la braderie d’un fleuron national.  A ce prix, lui-même rachetait! Si ce deal se faisait, menaçait-il, il était condamné.

Ces accents cocardiers inquiétèrent Pékin: en août, le ministère du commerce imposa son feu vert à toute acquisition étrangère d’équipementiers locaux. Douze mois plus tard, ils étaient six ministères en conclave, pour tenter de sortir de l’impasse. En vain. Carlyle transigea, haussa son prix, réduisit ses prétentions à 50%, 45%… Rien n’y fit : le 23/07, prétextant que l’entente est expirée, Carlyle se retire.

Pour autant, il n’a pas attendu pour refaire sa vie: depuis 2007, il a mis 1,3MM$ dans 30 affaires dont 49% des tubes d’acier Yangzhou Chengde, 17,3% des assurances China Pacific. Xugong veut se faire racheter par la bourse : sa filiale cotée à Shenzhen veut y lever 820M$, pour racheter la maison mère, et la recapitaliser. Le 25/07, les agioteurs patriotes approuvent : Xugong remonte de 9,5%. Quant à Carlyle, il ressasse la dure leçon, un peu trop tard apprise : en Chine, quand on veut racheter quoi que ce soit d’importance, on demande d’abord à Pékin !

 

Automobile : à truand, truand et demi

En 2004, la mariée était belle, cette JV signée entre Malcolm Bricklin et Chery, le constructeur de Wuhu, (Zhejiang).

Avec son réseau de Visionary Vehicles, le  businessman flamboyant se faisait fort d’inonder le marché américain des voitures low cost de Chery. Importateur de Yugo, Fiat et Subaru, Bricklin était orfèvre en la matière. Peu regardant sur l’origine douteuse des modèles du partenaire, il prétendait en importer 250.000 dès 2007, moyennant 200M$ d’investissements de ses revendeurs franchisés. Trois ans plus tard, ce seraient 1M de voitures qu’il écoulerait, en faisant 1,1MM$ de profits, grâce à son prix plus bas de 30% en moyenne.

Mais fin 2006 tout à trac, Chery tourne casaque, et s’en va à la concurrence Chrysler, avec armes et bagages : adieu, veau, vache, cochon, couvée ! A présent, Bricklin accuse le Chinois de l’avoir trompé de n’avoir feint leur coopération que pour attirer les grands du secteur : un Chrysler, un pied dans la tombe, ne pouvait pas laisser le Chinois pénétrer sur son marché -sauf comme son partenaire, produisant ses propres voitures sous licence, créant une synergie entre qualité américaine et bas prix chinois, ce qu’ils ont fini par convenir, sur le dos de Bricklin. Au tribunal, Bricklin accuse aussi Chery d’avoir soudoyé un de ses employés pour obtenir son plan d’investissement. Dindon de la farce, il réclame entre autres les 26M$ qu’il avait placé dans l’affaire. Le seul gagnant, en finale, pourrait être Chery : si dans quelques années, il lâche Chrysler, une fois sa technologie acquise, son marché phagocyté !

 

Pétrole: Exxon déchiré entre Chine et Vietnam

Concernant la souveraineté sur « sa » mer, les choses sont simples pour la Chine : tout est à elle sauf une bande de 12 miles marins aux riverains. En pratique, Pékin admet l’aspect inacceptable de sa revendication mythique, et elle a convenu de négocier.

Mais quand le Vietnam, assoiffé d’hydrocarbures, invite Exxon Mobil, 1er pétrolier de la planète à s’associer à PetroVietnam dans l’exploration des Paracelses, au sous-sol très prometteur, Pékin avertit que sa souveraineté est violée. Dès 2007, Hanoi avait invité British Petroleum (BP) à explorer un autre bloc. La pression de Pékin l’avait fait reculer, mais il comptait revenir.

Pékin avertit les firmes que si elles insistent, ce sont leurs contrats futurs en Chine qui en souffriront. Argument qui fait réfléchir : Exxon monte avec Sinopec une raffinerie dans le Fujian, et aurait beaucoup à perdre (et réciproquement) d’une rupture avec la Chine. Mais Hanoi tient bon : la géographie et le droit de la mer (la convention de l’ONU de 1982) lui donnent raison. Tout en suggérant un compromis possible : une fois sa souveraineté admise, tout partenaire, même Chinois, est bienvenu pour venir développer la ressource. La différence étant que les taxes, comme le pétrole, regagneront la terre ferme par le chemin le plus court —vers le Vietnam !

 

 


JO : Jour J-12

ª Le dimanche 20/07, usines, chantiers, la moitié des automobiles furent stoppés. Cinq jours après, c’est à ne rien y comprendre : sur la capitale, plane un smog laiteux, mauvais pour les poumons sportifs… On attend plus qu’un miracle – les fameux canons à pluie, peut-être ?

ª Dite “le marteau de fer”, Lang Ping fut capitaine de l’équipe féminine de volley qui offrit à son pays l’or olympique en 1984, puis en 1996—cette fois comme entraîneuse. Aujourd’hui en charge de l’équipe américaine, entre les deux, son coeur balance !

ª Juste à temps, le 19/07, ouvre la ligne 10 (celle du green olympique) et celle de l’aéroport. Immédiatement saturées par l’interdit partiel de rouler, elles portent le réseau à 200km.

ª Pas tolérante, Pékin ? Allons donc ! Elle vient d’ouvrir trois zones “spécial-contestation” aux parcs “Ritan” à l’Est, “Shijie”(du Monde”) au Sud-Ouest et de Zizhuyuan (“Bambou pourpre”) au Nord-Ouest. Mais attention : le dissident officiel doit avoir son permis de la police, et respecter les lois locales -donc, pas de politique. Mais dans les lieux-dits, les responsables ne sont pas au courant.

ª C’était le pire tirage au sort qu’on puisse imaginer”, dit un Yao Ming dépité : pour son équipe de basket, le sort a pêché l’Espagne championne du monde, les USA, la Grèce, l’Allemagne, l’Angola – qui vient de la battre en amicale à Hangzhou… Mais qu’à cela ne tienne, le héros national, champion des Houston Rockets, s’en tient à l’objectif -cap sur les quarts de finale.

 

 


Petit Peuple : Pékin, 3ème dimension des JO – la peur de la face

Les Olympiades, côté cour, c’est le feu d’artifice des tours futuristes, de la Cité Interdite restaurée, des parcs pimpants surgis dans la nuit. Côté jardin, c’est la souffrance cachée du million de maçons migrants brisés à la tâche, ou des expropriés. Mais il existe encore une 3ème dimension qui touche tous les Pékins de la rue comme les apparatchiks : le trac, la peur de perdre la face. 

Dans l’obsession du terrorisme, Pékin s’est retranchée: trois « lignes de défense », des centaines de check-up armés jusqu’aux dents sur les routes. Elle vient aussi de bannir les banderoles dans les stades.

Le chien est banni des rues, et de la casserole. Dans les «hutong», les ruelles pékinoises, la fourrière rode en quête du toutou errant, ou trop grand, ou sans permis : pour survivre aux mois d’été, haletant sous sa toison rasée, le million d’amis du Pékinois reste cloîtré. Comme par compensation (en réalité, pour éviter la critique étrangère), les restaurants doivent rayer le chien de leur menu. Idem, les terrasses de Sanlitun seront bannies. Durant les festivités, l’aéroport sera fermé, forçant l’annulation de centaines de vols, pour empêcher l’avion suicide de s’écraser sur les 80 rois, présidents et CEO de ces Jeux Olympiques déjà surnommés le « Davos des muscles ».

Il n’y a pas que les ronds de cuirs à perdre les pédales. La délinquance aussi explose : voyant passer sous leur nez, des milliards d’euros d’investissements futiles, toujours plus de pauvres hères tentent d’en saisir un lambeau, tels au manège, les enfants se dressent sur leur cheval pour agripper la queue de Mickey.

Dans le Dongbei, le plus grand cercle clandestin de paris mutuels vient d’être brisé : en un an, 42 comparses ayant reçu par internet/Sms, 847M$ de mises, risquent 15 ans de prison. Idem à Chongqing, un réseau est démantelé, qui reproduisait tous les faux papiers: diplômes bidon, cartes d’identité, titres de propriétés imaginaires, licences de bar en bois.

Face à l’appétit de lucre sans précédent ni vergogne qu’il voit chez les puissants, l’homme de la rue sait qu’il ne peut compter que sur lui-même. Ce sentiment apparaît le mieux dans ses lectures – même pauvre, le Chinois est un redoutable dévoreur de pages.

Beijing Openbook, qui étudie les ventes de 1500 librairies sous toutes les latitudes chinoises, constate que les dix best sellers, hors-roman, suivent la même recette : tous offrent des antidotes aux poisons sociaux, par le renforcement de soi.

En seconde et quatrième position, un ouvrage en deux tomes affirme péremptoirement que l’automédication vaut mieux que le médecin. Le sixième professe «la sagesse de ne pas tomber malade», et le septième, au coeur du sujet, révèle « 50 moyens d’échapper au désastre ». Le neuvième vous dévoile « ces inconnus pour qui vous travaillez »…

Non-violents, témoignant du goût du chinois pour la paix, les 1er, 5èmeet 7ème enseignent à ne pas résister à la force du mal, mais à goûter la consolation des sages millénaires, des Analectes de Confucius, et … des Méditations de Marc Aurèle, l’empereur romain.

Enfin, comme on a vu, les peurs sans fondement, se réfèrent à l’obsession de ne pas perdre la face. Ce qui apparaît étrange à l’oeil étranger, est que tous, apparatchiks comme Pékin moyen, déforment ces angoisses, les interprètent comme une armée de traîtres et d’assassins en embuscade, mais qui n’existent que dans leurs têtes : « derrière chaque touffe d’herbe, derrière chaque frondaison d’arbre, ils voient briller une arme » (草木皆兵 cǎo mù jiē bīng).

 

 


Rendez-vous : 8 – 24 août : Beijing, les 29 ième Jeux olympiques d’été

28-31 juillet, Qingdao : Salon int’l pour la machine-outil et l’instrumentation industrielle

4-6 août, Dalian : Salon de l’industrie chimique en Asie

8 – 24 août : Beijing, les 29 ième Jeux olympiques d’été

20-22 août, Shanghai : Salon int’l des fournitures automobiles

28-30 août, Shanghai : Salon int’l de l’industrie de l’emballage