Le Vent de la Chine Numéro 21

du 22 au 28 juin 2008

Editorial : Chine et USA se dotent d’outils nouveaux

Fin 2007, Pékin entamait avec l’Union Européenne une ronde de débats qui durera des années, pour bâtir ensemble un cadre de coopération puissant, tous azimuts, à la hauteur de leurs échanges toujours plus forts.

Quelques mois après, les 16-17/06 à Anapolis (Maryland), c’étaient aux USA d’entamer avec la Chine la 4ème session de leur dialogue économique stratégique, présidé par le vice 1er  Wang Qishan et le secrétaire au Trésor  H. Paulson. De part et d’autres, les attentes sont aussi nettes que hautes, résumées par le leader chinois: « sur notre coopération, pas de retour en arrière possible. La Chine a besoin des USA, et vice versa! » 

Pour adoucir les USA, Pékin avait « payé d’avance » :

– faisant fi de l’érosion du dollar, il avait acheté en avril, pour 30,2MM$ en bons et titres US (1MM$/j !) ;       

– depuis des semaines, il avait accéléré la réévaluation du RMB,  désormais 20% de plus qu’en 2005,                                                 

– il avait freiné  ses exports vers les USA, qui ne progressaient plus (janv-avr) que de 6,9%, à 74MM$. Clairement, le déficit US de 256MM$, ne se reproduirait pas…

Dans ces conditions, plus de confrontation, et l’on pouvait envisager de construire des choses ensemble. Même si les USA continuaient à reprocher à Pékin sa monnaie sous-évaluée, et ce dernier, à Washington, son dollar trop faible : les deux partenaires ont décidé de lancer ensemble, sous 12 mois, un traité bilatéral d’investissement, afin de doter leurs financiers de règles du jeu : que des Chinois tel le fonds souverain CIC (China International Capital) puissent acquérir des joyaux financiers américains, et que des compagnies d’investissement, telles Carlyle ou Blackstone, puissent racheter banques, aéroports, assurances etc. 

 B. Bernanke, Président de la Réserve fédérale, confirma que les banques ICBC (Industrial & Commercial Bank of China) et CCB (China Construction Bank) recevraient bientôt leur licence sur territoire US. Et la bourse de New York (NYSE-Euronext), 1er groupe boursier mondial, rappela sa demande d’une ouverture de la bourse de Shanghai aux valeurs étrangères…

L’énergie fut le second champ majeur de ce sommet. USA et Chine, géants pollueurs, en retard sur l’effort collectif de lutte contre le réchauffement global, décident de s’associer pour rattraper : ils se sont liés sur 10 ans, par le biais d’un accord de coopération couvrant tous les aspects de politique énergétique et d’environnement.

Ils convinrent aussi d’ouvrir les bureaux de la Food and Drug Administration en Chine avant fin 2008, pour aider les industries pharmaceutiques et alimentaires à respecter les normes américaines.

Au bénéfice des firmes américaines, dès le 1er jour, la Chine annonça 35 commandes suivies de 70, d’une valeur globale de 21,6MM$, dont 3MM$ de soja pour Cargill, d’autres pour Ford, General Motors, Boeing, et tous les grands de l’électronique et des télécoms. Au même moment, les premiers 232 touristes chinois officiels, franchissaient la frontière des Etats-Unis, promus «destination privilégiée»…

Pendant ce temps en Chine, la presse n’en avait que pour Barak Obama, le candidat démocrate à la Maison Blanche.

Le Quotidien du Peuple exprimait la fascination du pays  pour sa couleur de peau—la capacité des USA, pays «blanc», à relayer le pouvoir à ses minorités. Tout cela pour dire que c’est en Obama que la Chine, pour l’heure, voit le vainqueur du scrutin de novembre, – l’homme avec qui, à l’avenir, elle devra négocier !

 

 


Temps fort : Le séisme, puis les inondations

Elles reviennent chaque été au Sud, les crues, considérées comme «normales» en cette région du monde.

Mais cette année, on voit trois différences :

– de l’avis des victimes, comme des experts, elles sont plus nuisantes,

– elles furent précédées en janvier, du plus rigoureux gel en 100 ans, et

– au Sichuan, à 1000km, d’un terrible séisme.

Cela fait beaucoup de coups du ciel, en peu de temps : prix à payer, non à la colère des Dieux, mais au réchauffement global…

Les averses débutèrent le 7/06, sur 12 provinces du Sud, Centre et Est. Après 11 jours sans interruption par endroit, elles font le record du siècle. Les cours d’eau quittèrent leurs lits, causant pour 4MM$ de dégât. Ceci, malgré l’effort héroïque des militaires et volontaires, dans l’eau jusqu’à la taille pour consolider les digues. Le bilan s’alourdit d’heure en heure—plus de 200 morts, 1,66M de gens déplacés, dont 1M au Guangdong. Le delta des Perles, une des bases les plus dynamiques de production industrielle et agricole, est durement frappé. 2,2M ha de rizières, d’hortillons et de vergers sont dévastés, et des milliers d’usines comme celle à café de Nestlé, attendent le retour au sec pour réparer. Ce qui ne semble pas devoir intervenir, dit la météo, avant des jours.

Sur des centaines de km, le Fleuve Jaune, surnommé «la douleur de la Chine», risquait de briser ses digues, tout comme sur la rivière Xi, menaçant Wuzhou (3M d’habitants -dont 1M évacués). Au Shanxi, un glissement de terrain tue 19 ouvriers. A Wenchuan au Sichuan, 70.000 victimes du séisme sont réévacuées…

Face à ces calamités, le Sichuan voit se poursuivre l’effort de reconstruction, sous un contrôle social toujours plus pesant. Une escouade de procureurs est arrivée pour lancer l’enquête judiciaire sur les conditions de la destruction de dix écoles. Les pillards ou profiteurs sont punis—une ligne téléphonique de délation des escrocs du séisme (010-59592947) est en place. Mais aussi, l’Etat incarcère des activistes tels Huang Qi (pour avoir organisé le mouvement de parents endeuillés), ou l’institutrice Zeng Hongling (pour avoir posté sur internet un pamphlet sur les écoles «de tofou»).

Enfin, au bilan des pertes, on découvre les derniers dégâts irréparables : 27 musées et 17 villages traditionnels, 80% des bambouseraies qui nourrissaient les 1400 pandas sauvages de Chine, dont l’existence est donc menacée…

A ce sombre tableau, voici une lueur plus positive : lors du séisme, des milliers de Chinois, pour la 1ère fois, ont fait la queue pour donner leur sang. Désormais, 98,5% du sang des hôpitaux en Chine est collecté gratuitement -seule garantie, dit l’OMS, l’organisation mondiale de la santé, d’un sang non contaminé. Pour renforcer les bonnes volontés, à ceux ayant donné 20 fois, l’office s’apprête à décerner une médaille « de la vie »!

 

 


Pol : Corée du Nord : Xi Jinping et la Chine marquent un point

Shanghai ouvre le greffe des greffes

 Depuis 2004, la Chine s’active pour moraliser son industrie des transplantations, qui en 2006 réalisait 20.000 opérations -dont une bonne moitié pour étrangers, à une fraction des tarifs mondiaux.

Au plan éthique, la pratique était insupportable: en 2006, selon South China Morning Post, 99% des organes provenaient d’exécutions. Aussi en juillet 2006, le ministre de la santé bannit les ventes d’organes (seul le don par la famille ou le mourant était licite), et soumit toute opération, au sein de l’hôpital, à un «comité d’éthique». En 2007, les organes disponibles furent réservés aux nationaux, et les visas d’entrée supprimés aux candidats au «tourisme -bistouri».

Restait la question de fond, celle de l’origine des organes: l’immense demande non comblée (2M/an dont seul 1% satisfait) faisait risquer tous les dérapages… Ce 15/06, la Chine fait le pas décisif en ouvrant son registre obligatoire des transplantations. Seuls 80 hôpitaux sont agréés, et tenus (sous peine de perdre la licence) d’entrer toutes les données dans un fichier central. Pour débuter, le système est limité au foie, et à Shanghai. Profit à en attendre: pour les praticiens, la traçabilité de l’organe, et l’historique des opérations ; pour la nation, la levée de tout risque de scandale… à deux mois des JO.

La prochaine étape est déjà dans les cartons : avec le ministère, la Croix Rouge et sept instances, la Chine offrira aux candidats au permis de conduire de donner ses organes en cas de décès -contre compensation à la famille. Ce qui mettrait à portée des hôpitaux chinois les organes des 100.000 décédés de la route par an, réglant une partie de la question de ce déficit!

Corée du Nord: Xi Jinping et la Chine marquent un point

  Entré au Comité Permanent du Politbureau en mars, pressenti pour remplacer Hu Jintao en 2012, Xi Jinping n’en était pourtant  pas le favori. Désigné depuis «Mr JO», il semblait plutôt sans pouvoir : mais sa visite à Pyongyang (17-20/06) change les perspectives.

Car c’est un dossier mondial qu’il vient dénouer, la dénucléarisation de la Corée du Nord, en panne depuis près d’un an. Or, sa mission semble avoir réussi : reçu par Kim Jong Il le «cher leader», il a renforcé avec lui la relation bilatérale pour 10 ans. Pyongyang se dit prêt à un nouveau Sommet à six, et Condoleezza Rice donne sa «confiance» en Pyongyang (c’est rare) pour honorer «bientôt» sa parole, et recevoir en retour, son retrait de la liste américaine des pays terroristes. Ainsi, la carotte de Pékin semble mieux marcher que le bâton de Washington : l’hiver dernier, le blocage était parti de l’accusation américaine à la Corée, d’avoir épaulé Damas dans son programme nucléaire…

Si le risque coréen disparaît, l’«action chinoise» prendra de la valeur face aux deux autres aléas présents de la paix mondiale—l’Iran et le Soudan— autres grands «amis de la Chine», qui pourrait une fois encore, marquer des points sur la scène diplomatique mondiale !

NB : Xi Jinping, qui poursuit son périple via Mongolie, Arabie Saoudite et Yemen, semble en fait tenir en main la supervision quotidienne de l’appareil du Parti communiste chinois, et en préside le Secrétariat  : tapis rouge vers le pouvoir suprême !   

 

 


Argent : Le téléphone chinois fait du cinéma

Au Salon international du portable (Tianjin, 16/06) sort le CKing E1000, 1er modèle doublé d’un projecteur.

Trois firmes en assument la paternité : CKing (Jiangxi), Butterfly Tech. (Shenzhen) et Netcom (l’opérateur). A part téléphoner, le CKing E1000 reproduit  toute image et vidéo sur 30 pouces durant 2 heures – moyennant 300². Coiffant Motorola sur le fil, les trois compères comptent sortir en septembre le modèle acceptant les fichiers Word, Excel ou Powerpoint. Suivant ainsi une stratégie d’occupation de niches à haute valeur ajoutée.

A l’opposé, Huawei (Shenzhen) cherche repreneur pour sa branche portable. Prix demandé: 4MM$.

L’an dernier, cette division vendait 18M de GSM bas de gamme pour pays émergents. Ses marges étaient faibles -380M$ pour 3,5MM$ de chiffre-, comme sa place dans le groupe 16,4% du chiffre global. Pour repreneur, Huawei ne cherche pas n’importe qui. Il veut un financier -pas un industriel, qui renforcerait sa concurrence. Il le veut américain, espérant obtenir des contrats d’équipements des producteurs US de portables, dès lors plus ses rivaux. Car Huawei veut se recentrer sur son métier premier, les routeurs, réseaux sans fil et commutateurs «3G». Il lui faut des fonds pour investir dans la recherche, et pour résister à plus gros que lui, tel Alcatel-Lucent, qui vient d’empocher un MM$ de commandes chez China Mobile sur ce créneau.

 

 


A la loupe : Xinjiang et Tibet—la flamme passe en force

Faire repasser ou non la torche olympique au Tibet (2de fois en deux mois) ?

Pour le régime, cette étape était incontournable, symbole de légitimité et d’arrimage du Toit du monde. Mais après les émeutes de mars et les remous occasionnés par la flamme ailleurs dans le monde, des précautions étaient de mise : après une apparition le 13 à Shangrila (cf VdlC n°20), elle se montrait le 21/06 à Lhassa.

La règle du jeu semble avoir été la même au Xinjiang, où cohabitent Han ou Hui venus refaire leur vie, et 8M de Ouighours musulmans. La torche passa (17-19/06) à Urumqi et Kashgar, sous préparatifs rigides : fenêtres fermées, interdiction autour du périmètre de la torche, sauf avec la 单位 danwei (unité de travail), fouilles des véhicules, fermeture des échoppes, regroupement des journalistes dans un hôtel, et (à Kashgar) cette invitation à 5000 Ouighours provinciaux, de retourner dans leurs vallées! Tout cela, pour prévenir toute tentative d’attentat. Ancienne, la tension s’est exacerbée à mesure que s’approchent les Jeux. Moins soutenus que les Tibétains à l’Ouest, les Ouighours ont en leur sein un petit nombre d’activistes et des appuis dans le monde islamique : assez pour imposer une surveillance active. Un site internet sinophone prônant l’entente Han/Ouighours a même été fermé, soupçonné de servir de relais avec des milieux intégristes hors frontières.

Pékin désigne (16/06) un Monsieur antiterrorisme aux Jeux : Yang Huanning, ex-vice-ministre de la sécurité publique, est un homme jeune (51 ans), aguerri à la lutte anti-clandestins au Tibet et au Xinjiang, ex-commandant des casques bleus chinois, parfois aussi chargé de la gestion de l’image de la Chine dans le monde. Sa nomination intervient alors que sort la énième rumeur d’un attentat possible sur les JO : cette fois, le 16/06, ce sont les épreuves hippiques à Hong Kong qui seraient visées—bruit démenti ensuite par le gouvernement de la RAS… 

A Lhassa, comme à Kashgar et Urumqi, imams, lamas, cadres et étudiants doivent suivre des conférences pour raviver leur patriotisme et leur ferveur olympique nationale. On sent l’incompréhension mutuelle grandissante, malgré les efforts du pouvoir pour enrichir ses territoires excentrés : au Tibet, les trois quarts du budget viennent des caisses publiques… Le fond du problème, dans les deux régions, provient du fait que la prospérité retombe invariablement sur ceux qui parlent le chinois —les Han et Hui- tandis que les minorités moins éduquées, ne recueillent que les bribes.

Attendant ses secondes palabres avec Pékin, le Dalai Lama offre d’envoyer dans les régions tibétaines ses «agents de la paix » pour dissuader de protester, et promouvoir la légalité. L’heure est venue, pour la Chine, de remplacer une stratégie qui a échoué. Mais par laquelle – et le pouvoir y est-il prêt? Toute la question est là.

 

 


A la loupe : Chine, Japon enterrent la hache de mer

Entre Chine et Japon, il aura fallu sept mois de négociations difficiles pour aboutir à ce résultat mince, mais qui change toute la donne régionale: un accord sur le partage des hydrocarbures de mer de l’Est autour des îles Diaoyu (Senkaku), à 600km au sud d’Okinawa. Le 18/06, les capitales publiaient leur projet d’exploitation conjointe du gisement gazier de Chunxiao (Shirakaba) et d’exploration d’un bloc près de Longjing (Asunaro).

Pour y parvenir, il a fallu voir défiler trois 1ers Ministres nippons en 3 ans, J. Koizumi (nationaliste haï de Pékin, parti en 2006), Shinzo Abe son fils spirituel (mais ayant admis la nécessité de rapprochement, parti en octobre 2007), suivi de Yasuo Fukuda, que Pékin attendait, fils du signataire nippon du traité d’amitié. Sa visite (décembre 2007), puis celle de Hu Jintao en mai 2008, relançaient la confiance.

En cet accord, les pays déclarent partager les ressources, malgré le vieux litige sur la frontière. S’alignant sur le droit de la mer, Tokyo la trace selon les ZEE, zone économique spéciale maritime, (autour des îles sous sa souveraineté), tandis que Pékin ne jure que par le «plateau continental», prolongation immergée de son relief. Depuis 2003, Tokyo reprochait à la Chine de pomper «ses» réserves, derrière la ligne contestée.

Sur Chunxiao, supposé contenir 64M de barils d’équivalent- pétrole, le Japon investira dans les 2 projets chinois. Sur Longjing, ils exploiteront en JV des réserves estimées à 116Mt—une misère, face aux 3,26MM barils supputés dans toute la mer de l’Est.

Cet accord encore très parcellaire permet aux pays d’affirmer la vocation de «paix, coopération et d’amitié» pour cette mer qui les séparent, tout en réservant leurs droits respectifs. C’est tout ce que pouvaient se permettre pour l’heure Pékin et Tokyo, vu le lourd passé qui les séparent et les atrocités (encore partiellement niées) de l’armée du Mikado en Chine des années ’30 à ’45.

Ainsi le naufrage (10/06) d’un chalutier taiwanais coulé par un garde-côtes nippon (Tokyo s’en excusa le 20/06), causa l’incursion dans les Diaoyu d’une flottille nationaliste taiwanaise, et le 18/06, une tentative de manif à Pékin, prétendant bouter Tokyo hors de l’archipel… Cette même évidente peur, au Parti communiste, vis-à-vis de la rue chinoise, avait contraint Pékin (30/05) à dissuader le Japon d’envoyer son aide d’urgence au Sichuan par C130 militaire. Ce qui ne l’a empêché, le 18/06, d’accueillir à l’arsenal de Zhanjiang, le destroyer japonais Sazanami (4650t) : c’est une première !

Avec cette réconciliation ébauchée, le bon sens reprend ses droits -même en affaires. Un groupe comme Nissan prévoit d’augmenter ses ventes de voitures de 64% d’ici 2012, franchissant la barre du million. Et les Chinois peuvent enfin avouer qu’ils préfèrent 1000 fois le « made in Japan », au produit « national » !

 

 


Joint-venture : Total en Chine, plein gaz

La fin de l’ivresse de l’essence cheap

La nuit du19/06, les chauffeurs qui attendaient aux stations d’essence, savaient pourquoi: au matin, essence et gazole avaient monté de 18%. Par ordre de la  NDRC (National Development and Reform Commission), pétrole, diesel enchérissent de 1000¥/t, le kérosène de 1500¥/t.

Afin d’encourager sa percée, le GNL, gaz naturel liquéfié, n’est pas changé. Le Kw/h, aussi, montera de 4,7% au 1/07, pour les industries —sauf engrais. En bourse de New York, cette annonce eut un effet fort : le cours du baril reflua de 3$, à 134$, révélant ainsi la double distorsion du prix d’Etat sur le cours de l’or noir :

 grosse acheteuse, la Chine fait monter les prix,

‚ puis revend chez elle sous le prix mondial (au prix pour l’Etat de 50MM$ cette année, dit la Banque Mondiale). Avec pour résultat d’habituer les usagers à gaspiller une ressource perçue comme inépuisable…

Obsédé par la stabilité sociale et l’emploi, Pékin n’osait pas, jusqu’à hier, toucher au dogme de l’énergie «cheap». S’il change d’avis, dit la BM, c’est au nom d’une bonne conjoncture (croissance élevée et inflation qui chute, 7,7% en mai). Selon l’étude de la CICC, 40% de la hausse mondiale du brut est imputable à ce prix artificiel chinois. Une hausse de +50% (niveau de profitabilité des raffineurs hors Chine) ramènerait le baril à 110$ fin 2008, 90$ fin 2009. Enfin, Pékin reste très prudent : les tarifs des trains, bus, taxis ne bougeront pas, et les revenus faibles toucheront des primes de carburant: on reste encore loin d’une dérégulation de l’énergie en Chine!  

Venu de France, pour l’environnement : l’Agence française de développement

L’Agence française de développement, depuis 2003, s’est installée en Chine pour y prendre ses marques, avant d’y opérer dès 2006, en sélectionnant et finançant, à concurrence de 150M²/an, des projets d’économie d’énergie et de défense de l’environnement.

Quoique brassant de gros moyens—elle a transféré l’an passé 3,5MM² dans 70 pays en voie de développement, l’Agence fonctionne à la parcimonie : pour 1² de fonds propres, elle en attire sept autres -le tout remboursable, à taux modestement bonifié.

Pour le client, le véritable intérêt réside moins dans les fonds, que dans la qualité des experts de haut niveau, gratuits, associés à la sélection et la maturation du projet. Pour sa «récolte 2008», l’Agence française de développement investit 130M² dans

[1] la rénovation ou création de 8 mini-barrages autour de Yichang (Hubei) d’une capacité de 58mW,

[2] le montage du 1er parc d’éoliennes du Yunnan à Zemoshan, près de Dali,

  [3] un fonds de 60M² pour des microprojets d’énergies douces, parrainés par le pôle de compétitivité Cap-énergies ou l’ERI, cofinancé par le FFEM (Fonds Français pour l’Environnement Mondial).

[4] L’agence mise aussi 14M² sur un filtre aux fumées de la centrale à charbon de Laibin B (Guangxi), sous concession « BOT » par l’EDF : investissement qui permettra l’élimination de 90% des 40.000t de souffre (SO²) émis chaque année par ses cheminées dans l’atmosphère.

Total, en Chine, plein gaz !

Le 16/06, Total communique qu’il livrera à la Cnooc (China National Off-shore Oil Corp) 1Mt/an de Gaz Naturel Liquéfié de 2010 à 2025. Aucun prix précisé: il ne s’agit que d’une déclaration d’intention. Trois mois avant, Cnooc signait avec Qatar-gas un contrat long terme de 2Mt de GNL/an.

C’est là le résultat d’années passées en quête vaine de réserves hors-frontières. Les contrats en dizaines de milliards de dollars et dizaines d’années avec Indonésie voire Iran marquent le pas. Le problème a été en partie retardé par un prix trop bas de l’énergie, défavorisant le GNL, plus cher mais plus propre. Mais toujours plus, les mégapoles chinoises votent pour le gaz, pour remonter la pente de leur pollution. Confrontée à une poussée de demande (+5% /an de demande en gaz d’ici à 2030), la Chine n’a plus le choix, et doit s’adresser aux multinationales, sa concurrence…

Tiré de dix gisements mondiaux, ce gaz Total ira au terminal du Guangdong, seul en état : il alimentera ses centrales thermiques. Trois autres terminaux émergent à Shanghai, au Fujian, au Zhejiang. Au moins, ce deal permet à Cnooc de rendre à Total une politesse : en 2006, Total l’avait vu rafler 45% de «son» gisement offshore d’Akpo, au Nigeria, d’un débit estimé à 225.000 barils/jour, qui entre en exploitation ces prochains mois.                  

NB : silence «total» sur la poche de Sulige (Mong. Intérieure), en cours de développement  par le groupe : exploitera, exploitera pas ?

Aéroports: des ambitions planétaires

La Chine poursuit le formidable effort d’équipement aéroportuaire qui fera d’elle sous 10 ans, la première base mondiale du trafic aérien.

D’ici 2020, 97 aéroports de lignes secondaires (feeders) doivent être inaugurés dans les régions moins desservies. Les pôles (hubs) seront modernisés, et des groupes d’aéroports seront constitués (clusters). De la sorte d’ici 2020, les 147 aéroports chinois seront  244, qui coûteront 64MM$ à l’Etat.

But recherché -comme partout ailleurs au monde : satisfaire l’explosion de la demande du marché des mégapoles, et renforcer l’intégration et la coordination de groupes, par ex. pour mieux développer le fret, ou le trafic intermodal

A ce bal de l’air, l’étranger est invité (depuis 3 ans) : General Electric va payer 25% max. (selon la loi) des 370M² du terminal Jieyang-Chaoshan, qui  remplacera dès 2011 celui de Shantou (Canton). Avec le GAM (Guangdong Airport Management) pour partenaire, il va construire et cogérer ce 9ème aéroport cantonais, qui attirera le marché tout neuf de Taiwan, juste rétabli. Dès 2015, il devrait traiter 5M de passagers.

 

 


JO : Jour J-46

ª Les Jeux olympiques seront gastronomiquement corrects : les ronds de cuir olympiques ont retraduit en anglais les noms des plats les plus célèbres, pourchassant dans les gargottes, les titres farfelus : finie, la “tranche de poumon mari et femme” (qui devient “boeuf et tripe en sauce piquante”), banni, le poulet “vierge”, qui devient “vapeur” – espérons que le goût, lui, demeure!

ª 100.000 volontaires aux JO reçoivent une formation sur le SIDA. Un travail de la Ligue des jeunesses communistes, de l’UNAIDS, de la Croix Rouge et de MSI, une ONG experte. Le but : prévenir, lors des Jeux, les réflexes d’exclusion du malade, et généralement, éduquer la société chinoise à mieux intégrer ses victimes du fléau.

ª Tout comme les Bleus sortent sans gloire de l’Euro 2008, l’équipe de Chine n’ira pas en coupe du monde. Perclus de corruption et de “sifflets marrons” (arbitres vénaux), le football chinois n’a jamais eu la chance de monter en qualité. Faute de disposer de ses structures autonomes – idéologie oblige !

ª Kevin Ruud, le 1er ministre aussie, sera à la Fête d’ouverture des Jeux – mais pas son équipe nationale, consignée à son camp de base, à Hong Kong. M. Binnington, entraîneur, justifie: “après 5 à 6 jours, les gars auraient des problèmes respiratoires —autant les faire monter à Pékin le plus tard possible”.

Mais, ami lecteur,  plaignez les autres, ceux qui vivent dans l’oeil du typhon de pollution!

 

 


Petit Peuple : CIXI – CHEN CONTRE CHEN

L’hiver  1994 à Cixi (Zhejiang), le pêcheur Chen Bao rentrait à la maison. Comme chaque soir, il appela sa femme. Mais seuls lui répondirent les sanglots étouffés de Baobao leur fille de huit ans…Une  brève visite des lieux lui confirma le pire : Chen Ying avait disparu !

Chez les voisins, le marin alla aux nouvelles: ni l’ami Weng Hua, ouvrier vivant à 300m, ni personne n’avait rien vu.

Pas un instant Chen ne se douta qu’elle ait pu le quitter: ils étaient heureux tous les trois, même si Ying, par ses silences du soir,donnait parfois signe de mélancolie. Même si sa pêche sur cette mer stérile les tenait juste hors de la misère.

Chen Bao s’accrocha à l’espoir. Quand il entendait parler d’un cadavre féminin inconnu, il fonçait voir à Shanghai, Jiaxing, Jinhua, Ningbo. Chaque fois, il en retournait rassuré (ce n’était pas elle!) et déprimé : où était- elle, que faisait-elle, pourquoi n’écrivait-elle ? Le soir autour du port, avec une lampe de poche, il faisait une ronde: les copains, les femmes, les gosses jasaient sur le pauvre fou qui cherchait toujours sa femme…

Ce n’est qu’en déc.2007 qu’ il fut déniaisé – par Chen Ying elle-même. Son monde de certitudes simples s’écroula alors. Les traits ridés, le teint curieusement pâle, l’infidèle atterrissait d’outre nulle part, pour lui apprendre que ces 14 ans, elle les avait passés chez Weng Hua, l’ami déloyal qui avait secrètement bâti un nid d’amour à l’étage de sa maison,à seule fin de lui barboter sa femme ! Ces 4822 interminables jours, elle les avait passés à cuisiner pour son amant, laver son linge, re-garder la TV, en attendant qu’il vienne la rejoindre dans son lit. Elle ne sortit de la demeure qu’1 fois par mois, de nuit, déguisée dans les habits de Weng.

Pour sa trahison, Weng avait une circonstance atténuante : sa femme schizophrène, et leurs 2 petits enfants, charge au-dessus des forces d’un homme seul.

Mais pour Chen Ying, quelle désolante destinée ! En 14 ans, elle n’eut plus jamais droit au soleil et n’entrevit plus qu’à travers les rideaux son mari, sa fille qui grandissait seule. Même à son mariage, elle ne put se résoudre à assister. « Je voulais crier pour vous appeler, dit-elle à Chen Bao, mais ma bouche restait close». Elle avait troqué une vie d’ennui, pour une autre de réclusion, et le sentiment de faute inexpiable : celle de s’être révélée «云心水性: yun xin shui xing », le coeur comme les nuages et le corps comme l’eau qui fuit -une traînée. Or ce qui brisa la confiance de Chen Bao, fut moins la trahison en soi (moment d’égarement) que l’incapacité à faire demi-tour, pour dissiper le cauchemar.

Mais au fait, se demandera-t-on, pourquoi est-elle rentrée? Pour une raison qu’on devine sordide. Ying avait contracté une infection ovarienne qui non soignée, avait empiré, nécessitant une intervention: pour le suborneur, il était temps d’organiser le «retour à l’envoyeur»!

Digne, voulant se racheter, la pécheresse s’est rendue au bureau des divorces, puis au tribunal, plaider la séparation d’avec un homme qu’elle ne connaissait plus et qu’elle ne méritait plus. Mais le juge l’a déboutée : selon la loi chinoise, en toute circonstance, il appar-tient au mari de subvenir aux besoins de sa femme démunie -après tout, Weng Hua l’ouvrier, toujours affligé de sa fem-me égarée, n’est pas solvable.

Entre Chen et Chen, donc, tout reste à reconstruire, moins par choix que par contrainte. Une seule force, au départ au moins, pourrait les aider à se rabibocher : l’absence d’alternative, et la  question qui les taraude, lancinante et ridicule: «et si 14 ans plus tôt,elle n’était pas partie ? »!

 

 


Rendez-vous : Shanghai, Salon de la santé et des produits pharmaceutiques

24-26 juin, Shanghai : Salon sur les ingrédients alimentaires de santé et les équipements pharmaceutiques

26-28 juin, Dalian : Salon de la construction portuaire et de la logistique

19-21 juin Dalian : Salon de la protection de l’environnement

26-28 juin Canton : HOSFAIR Salon int’l des équipements pour l’hôtellerie