Le Vent de la Chine Numéro 2

du 14 au 20 janvier 2008

Editorial : 2008 : l’angoisse des Chinois

«Nous sommes prêts !», affiche le Comité Olympique chinois, évoquant les immenses efforts déployés, les dizaines de MM$ dépensés pour préparer ces Jeux Olympiques qui se veulent les plus fastueux de l’histoire. Nonobstant, bien des signes disent le souci dans lequel le monde chinois attend cette fête, et les temps qui lui succéderont.

La ville est traumatisée par l’inflation toujours plus haute (6,9%, record de 11 ans), et les hausses des vivres de 30 à 70%, dit la CASS, l’Académie chinoise des Sciences Sociales. Souvent, les familles n’achètent plus que la moitié de la viande qu’elles prenaient 12 mois plus tôt. 66% des citadins, 56% des paysans voient dans la valse des étiquettes leur 1er souci, le coût du logement, la sécurité des produits. Le Conseil d’Etat prend des mesures (gel du prix de l’eau, de l’énergie, des transports, blocage à 8%/an des prix des vivres). Mais sont-elles applicables, alors que la pénurie est cyclique et mondiale? Suite aux mauvaises récoltes de 2007, Chine, Russie, Argentine, UE et Australie n’exportent plus de blé : le marché se contracte en peau de chagrin !

Quoique soutenu par de récentes politiques préférentielles (école gratuite, abolition de taxes), l’agriculteur souffre du gouffre grandissant entre son revenu (3321¥ en 2007, +8%) et celui du citadin (+13%, 10.346¥). Plus encore, si on le compare à des industries, telles celles des technologies de l’information qui gagnent 4,69 fois plus que lui en  2007,  contre 2,71 contre 1 en 1978. Le paysan est aussi las de voir le cadre lui voler sa terre dont il n’a que le «droit d’usage», pour y bâtir et partager le profit avec le promoteur, violant la loi et la constitution. Aussi le paysan prend son droit en main, construisant et vendant sans permis: c’est le phénomène du petit propriétaire, qui toucherait déjà 40% de l’immobilier. Le 9/01, l’Etat dénonce la pratique, au nom de la protection des terres arables. Mais après les années de passe-droits aux promoteurs, entre temps milliardaires, son argument ne porte pas. Pour autant, Pékin n’ose faire démolir, par peur -fondée- d’émeutes. Agronomes et juristes estiment la réforme foncière prioritaire et urgente —mais l’Etat campe sur sa tradition

Le nouveau riche s’inquiète d’un effondrement de la bourse, face au ralentissement de l’économie mondiale et de la compétitivité du textile, alors que le citoyen ne dépense plus, en 2007, que 36% du PIB : taux le plus bas depuis des décennies — les gens préfèrent thésauriser.

Le cadre redoute autour du 8 août (jour d’ouverture des J0) la montée de M de provinciaux pour exprimer leurs doléances, face au monde. D’où le durcissement de la censure et de la police, les multiples arrestations (telle celle de Hu Jia), et la destruction à l’automne dans Pékin, du dernier « village pour pétitionnaires ».

Chen Zhu, ministre de la santé, annonce (7/01) en 2007, la hausse des investissements publics de santé de 277%, à 6,3 MM², et promet d’offrir un accès égalitaire aux hôpitaux… d’ici 2020. Il veut doubler la part de l’Etat dans la sécurité sociale rurale, à 80¥ par paysan – lequel devra aussi doubler sa contribution à 20¥. Ainsi elle assurait en 2007, 730M de fermiers (86%), et en trois trimestres, remboursa 2,2MM² pour 263M de visites médicales… Toutefois, dans le climat tendu décrit plus haut, ce type d’annonce trahit une intention spéciale : celle de rasséréner l’opinion et la tenir en patience, d’urgence ! 

 

 


Temps fort : L’empire du Milieu des salles obscures

Au moment des Jeux Olympiques, dans 207 jours, les cinéphiles Chinois obnubilés par le sport, vont-ils se visser à leur petit écran? Ou bien ravis par leurs tonnes de médailles, voudront-ils sortir, se mêler à la liesse, et se payer une toile? Tel est le pari que doivent affronter aujourd’hui les maisons de production en Chine.

La liesse s’annonce pourtant mise en sourdine par une censure d’acier sur les réalisateurs, comme en tout domaine culturel. Les consignes sont claires : c’est de Chine qu’il faut parler, et sous le mode glorieux. Parmi les titres en préparation, une locomotive a été commanditée par le régime : Chibi, de John Wu, tiré du roman les Trois Royaumes, Xème remake de la bataille de la fameuse Falaise rouge, perdue par Cao Cao en l’an 208, qui lui ferma à jamais la route de Chine du Sud et la chance de réunifier le pays. Cette production, à grand spectacle et à 80M$ (record de Chine), de China Film Group s’apprête à truster toutes les salles. Tous les autres auteurs, se demandent comment récupérer les miettes du marché. Peut-être avec The One, de Hou Yong, histoire véridique d’un athlète qui échappa à l’occupation nippone en Mandchourie pour aller gagner aux Jeux Olympiques de Los Angeles en 1932…Très sino-centrés, les autres titres en tournage, s’appelleront Nankin, Nankin!, l’incident Shinjuku, et le retour du dragon  (autre épisode des Trois Royaumes).

En attendant, la frontière est fermée aux films étrangers —vu le risque que le public les préfère. Seule la poursuite du bonheur, chez Sony, peut préparer sa sortie chinoise pour le 17/01. Qu’on ne s’y trompe pas, pour autant, le cinéma en Chine reste une affaire qui marche, avec 3900 salles pesant déjà 400M$ l’an dernier (+15%). Imax, le dragon canadien des salles obscures, vient de vendre à Wanda l’installation de dix salles, avec grands écrans de 22 x 13,5m.

Deux films viennent d’être censurés : primé à Bangkok en février 2007, Lost in Beijing, de Fang Li, était sorti en Chine expurgé de scènes choquantes : le voici interdit, et ses auteurs privés de tournage pour 2 ans, suite à l’apparition sur internet des scènes censurées, notamment de viol. Tandis que Lust, caution!, l’oeuvre mondialement acclamée de Ang Lee, passe aux grands ciseaux…Artistes (Gong Li) et cinéphiles réclament un système de référençage, qui donnerait plus de liberté de choix aux adultes — mais au détriment du pouvoir de la censure !

NB : La même vague de pudeur frappe l’internet : la SARFT, tutelle de l’audiovisuel, veut protéger les 162M de surfeurs, dont 70%, de moins de 30 ans : contre leurs propres désirs, et la découverte du corps, continent inconnu !

 

 


Pol : Iter : la Chine, soutien massif

Trop d’enfants, cuit

Depuis l’été, la politique de l’enfant unique se durcit et, tente d’enrayer la dérive nataliste. Dans la seule province du Hubei, en 2007, 1678 fonctionnaires et/ou communistes ont été convaincus d’avoir conçu un enfant hors planning. 500 d’entre eux ont perdu leur carte du Parti, 395 ont été licenciés.

Province natale de Mao, le Hubei, il faut dire, est économiquement en retard, aux 59M d’habitants-paysans, serrés sur 185.000km² au coeur du pays. Ce qui explique que la province ait vu naître, selon le même rapport, au moins 93.000 bébés imprévus—illégaux. Sur l’ensemble du pays, selon les experts, l’excédent est évalué entre 3 et 10M par an, dont une bonne part forme la population grise, non déclarée. Les autres contrevenants furent taxés selon leur richesse. L’amende-record atteignit 70.000² – mais le nabab parvint à transiger à 10.000².

Iter : la Chine, soutien massif

ITER, projet international de recherche expérimentale en fusion nucléaire commence à se construire à Cadarache (France, région PACA). Six puissances s’y sont engagées sur 35 ans reconductibles et 11 milliards d’euros dont l’Union Européenne paiera la moitié et la Chine 10%, tout comme les US, la Russie, le Japon et la Corée. Soit pour Pékin, 1,1 milliard, promesse publiée le 8/01.

Un tel effort est unique dans l’histoire, et sa raison est simple: les physiciens attendent de la fusion, une fois maîtrisée, une génération d’électricité illimitée et propre. Mais dans les recherches nationales, les quatre dernières décennies ont été décevantes. Les réacteurs expérimentaux sont trop petits. Aucun Etat n’a les moyens de construire seul le Tokamak, ou tunnel annulaire aux dimensions suffisantes pour accélérer le plasma à la vitesse de fusion. En attendant de trouver la formule gagnante, chaque Etat paiera surtout en nature -ainsi, pour les USA, en tuyauterie cryogénique et en machinerie à confinement magnétique. Il paiera aussi en savants, tout comme Pékin qui doit en fournir 30 (12 sont déjà sur place), selon Luo Delong, vice directeur. Que la Chine ait voulu coopérer à part entière, démontre ses ambitions : en retard sur plusieurs pans de cette recherche, ITER lui permettra en peu d’années, de rejoindre le peloton de tête.

Taiwan – le retour du balancier

Le 13/01, le scrutin législatif à  Taiwan se solda par une victoire raz-de-marée du Kuomintang (KMT). Sous la houlette de Ma Ying-jeou (maire de Taipei, homme populaire), le KMT a emporté 81 sièges, contre 27 au DPP (Democratic Progress Party). Victoire qui traduit un jeu de forces contradictoires.

L’irrésistible poussée de l’identité insulaire, est plus que contrebalancée par la chute de son poids dans le monde, au profit de la Chine. Le DPP paie aussi pour les démêlés en justice du clan Chen Shui-bian – la promesse non tenue d’une gestion propre, et pour un indépendantisme dont l’opinion approuve l’idée (seuls 14% se disent Chinois), mais non l’agressivité. Pragmatique, elle veut concilier paix, prospérité, et modus vivendi avec le Continent. Pékin s’est gardé de faire pression directe.

Il a toutefois racheté à prix d’or deux pays nains alliés de l’île, îles Marshall et Malawi, 6 milliards de $ pour transférer l’ambassade de ce dernier de Taipei à Pékin. Prochain RV, et le plus important : les présidentielles du 18 mars, opposant Ma à Jimmy Hsieh pour le DPP—pragmatique et modéré. L’un comme l’autre désormais pourraient négocier avec Pékin sous certaines conditions. Preuve que ces dernières années, sur le ring entre les deux Chine, Pékin a marqué les points. A plus long terme pourtant, c’est l’île qui gagne, en renforçant sa démocratie. Nul doute que Pékin se serait senti plus confortable avec un seul et même Parti vainqueur aux élections, auquel un jour ou l’autre, il eût pu se substituer !

Corée du Nord / un dégel de tous les dangers?

Insolite, ce scénario offert par deux centres politologiques à Washington (l’institut américain pour la paix, et le centre d’études stratégiques internationales) : en cas d’effondrement politique du pays du matin calme, les troupes chinoises franchiraient la frontière de la rivière Yalu, de préférence « en coordination avec l’ONU » (sic), mais également sans, si nécessaire, afin de s’assurer du contrôle des 10 bombes atomiques détenues par Pyongyang. Ces fuites apparaissent, début janvier, après que le régime de Kim Jong-il ait dépassé la date limite du 31/12 pour démanteler son infrastructure atomique.

Au même moment, peut-être pour exprimer son indisposition, Pékin reportait à des temps plus doux l’ouverture d’une liaison aérienne avec Pyongyang.

Cependant qu’un 3ème analyste d’Amérique, le « Journal de l’armée US », éclaire à sa manière le scénario des deux autres : en cas de disparition du petit régime stalinien, une coalition US/sud coréenne s’ébranlerait sans attendre, pour occuper le territoire et battre de vitesse l’armée chinoise. Vu sous cet angle, la prétention chinoise, supputée par les barbouzes américains, d’aller récupérer l’arsenal atomique de Pyongyang, semble relever du prétexte.


Argent : Telecom chinois—la grande valse débute

Telecoms chinois — la grande valse débute

Le South China Morning Post l’affirme (11/01) : le grand quadrille des télécoms, médité par la SASAC (State-Owned Assets Supervision and Administration Commission) et le MII (le Ministère des industries de l’information), est approuvé, recomposant le paysage de la téléphonie chinoise.

China Mobile avalerait China Railcom. La branche GSM d’Unicom irait à China Netcom, et la branche CDMA, à China Telecom. Trois groupes homogènes émergeraient, offrant en concurrence, sur tout le territoire, leurs services fixes et mobiles. Les grands vainqueurs seraient China Telecom et China Netcom, jusqu’alors enlisés dans leur marché du fixe qui s’étiole, relayé par le mobile. 

La valse des firmes est suivie de celle de leurs leaders.

Wang Jianzhou, boss de China Mobile, sera relayé par Xi Guohua, vice ministre de tutelle (MII). A China Telecom, le boss sera Zhang Chunjiang, ex-patron de China Netcom. Wang Xiaochu, Président sortant, dirigera le MII. Unicom-Netcom sera drivé par Chang Xiaobing, commodore actuel d’Unicom. Cela dit, ce grand plan ne dit rien sur les attributions de licences 3G, et ne sera d’application, en tout état de cause, qu’après les JO. Autrement dit, tout porte à croire que le secteur restera pour un temps figé dans ses structures trop petites, et ses rivalités —compréhensible, vu l’enjeu immense !

 

Finance US à la diète, chinoise à l’engraisse

Percluses de mauvaises dettes «subprimes», les géants financiers américains poursuivent leur retraite de Sibérie dans l’empire du Milieu, permettant aux banques chinoises aux coffres bourrés de cash, de récupérer leurs parts.

La CIC, bras financier du pouvoir chinois,  avait déjà placé 5MM$ sur Morgan Stanley : le 8/01, ce dernier cherche repreneur pour ses 34,4% dans la CICC, 1ère banque d’investissement nationale, ayant déjà traité pour 200MM$ de deals -prêts, fusions, participations. Il s’apprêterait à réinvestir dans China Fortune, plus petit (48ème courtage national).

Par ailleurs, Citigroup négocie avec la chinoise China Develpment Bank (CDB) pour une participation de 2 MM$—le prince saoudien Alwaleed est aussi sur les rangs. En fonds, la CDB vient de recevoir 20MM$ frais de l’Etat central…

 


A la loupe : Entre deux Li, la guerre des ailes

Les experts se grattent la tête, pour tenter de donner un sens au contretemps au mariage entre China Eastern (CEA) et Singapore Airlines (SIA), deal de reprise d’un quart du chinois par l’étranger, dynamité (8/01) par 78% des actionnaires de China Eastern.

 C’est Air China qui joua les trouble-fête. Son ex-boss Li Jiaxiang, promu Président de la maison-mère CNAC (China Nat’l Aviation Corp), rêvait d’un super transporteur de taille mondiale. Déjà détenteur de 12% de China Eastern, le groupe pékinois entraîna les actionnaires dans une fronde, leur promettant 32% de plus que Singapore Airlines (offrant 5HK$ la part).

Air China est motivé par des considérations commerciales. En cas de victoire, il détiendra 50% du marché aérien shanghaïen, en plus de son portefeuille de lignes nationales et internationales. Mais il semble également être tenté de protéger la « grande muraille aérienne » chinoise, même si ses transporteurs perdent de l’argent.

Quel a été le rôle de l’Etat? Force est de constater que la tutelle financière SASAC, qui avait autorisé l’affaire, n’ont pas donné au moment crucial, le signal qui aurait freiné les actionnaires dans leur fronde.

Air China n’a pas perdu de temps pour annoncer qu’il « tiendrait sa promesse sous 15 jours ». Cathay, son allié Hongkongais et l’immémorial rival de Singapore Airlines, pourrait mettre la main à la pâte. Mais Air China parle aussi déjà de règlement partiel en échange d’actifs, afin d’éviter de débourser du cash— moyen où SIA est évidemment imbattable.

Li Fenghua, Président de China Eastern, est le plus fâché de l’échec, et nie à l’avenir toute volonté de travailler avec la rivale pékinoise : pour lui, China Eastern et Air China, sont à égalité de compétence et de performance de marché. L’argent n’est pas tout : seule SIA et non Air China peut aider China Eastern à faire le saut technologique qui lui manque.

Toute cette affaire recèle bien des contradictions.

[1] Soucieuse de saine gestion et de modernité, une Chine officielle a approuvé cette entrée d’un étranger dans une de ses chasses gardées du business. Puis une autre, cocardière, a approuvé le torpillage de l’opération.

[2] Pour ce faire, Air China a dû s’appuyer non sur l’Etat, mais sur les actionnaires de la bourse de Hong Kong—et donc utiliser l’étranger comme instrument de défense protectionniste !

[3] Après coup, un Chinois (China Eastern) repousse les avances du compatriote…

Au demeurant, les actionnaires ont pris le risque que SIA ne retourne pas au tapis vert. Percluse de dettes, China Eastern avait le plus à gagner à l’affaire, vendant un risque immédiat pour un marché futur. Si Singapore Airlines abandonne, China Eastern et Air China pourraient rester cloués à leur palier de croissance sans profits, et le titre China Eastern, voué aux turbulences ! Avec ses hésitations, le phénomène est l’indice d’une ouverture imminente de cette aviation chinoise : une alliance étrangère ne sera plus longtemps tabou.

 

 

 


A la loupe : Refonte ambitieuse de l’administration

Non à la démocratie de l’Ouest, mais Oui à l’efficacité de l’administration : tel semble être le mot d’ordre de Pékin, qui prépare la refonte du gouvernement pour terrasser ses dragons de l’incompétence et de la corruption. Pour ce faire, Wen Jiabao, le 1er ministre, veut recombiner en super ministères, les 28 ministères et commissions, et les 48 agences et bureaux. Selon les modèles du Japon (12 ministères), des USA (15), du Royaume Uni (17).

D’ici mars, à présenter à la session du Parlement, l’ANP, le ministère des transports (MOT) cumulera transports et chemins de fer, aviation civile et postes. Le ministère de l’Environnement et de la construction (MOEC) fusionnera SEPA (l’agence nationale de protection de l’environnement), construction, les min. de l’eau, du sol & minerais. Le ministère de l’énergie (MOE) coiffera les organes de gestion de la houille (noire, et blanche), des hydrocarbures, du nucléaire, des renouvelables. D’autres fusions « sur le feu », concerneraient les tutelles financières des banques (CBRC) de la bourse (CSRC) et des assurances (CIRC), celles de la monnaie (finance et taxation), et un vaste ministère vert, agriculture + forêts.

Sur cette réforme, peu de détails circulent. L’objectif est d’accélérer la définition des politiques en supprimant redondance et rivalités—atteindre plus de cohérence par une vision globale. Et d’enrayer la voracité des cadres qui, en 30 ans, ont quintuplé leur part du budget de l’Etat, de 4,7% (5,5MM¥) à 19,2% (651MM¥).

Un autre effet espéré, est la reprise de contrôle sur les lobbies. Les superpétroliers Sinopec, CNPC et CNOOC, si puissants, ont obtenu en septembre d’être maintenus hors du joug de la loi anti- monopole, tout en augmentant leurs prix à tout va, sans regard pour les 10aines de MM$ de profits engrangés par le seul jeu du cours mondial. De même, les super ministères sont supposés se faire mieux obéir des provinces. Par exemple, le MOEC pourrait empêcher la création à outrance de villes et usines en des sites menacés – déjà, l’on annonce le gel de l’urbanisation dans 4 provinces aux sols fragiles : Tibet, Guizhou, Ningxia et Qinghai… A vrai dire, on voit mal comment le super ministère se fera mieux entendre d’une province ou d’un lobby sûr de sa force, de ses appuis, ni comment il jugulerait la corruption -au pire, celle-ci, consistant en marges sur des budgets, pourrait se muer en « super-corruption »!

Ici intervient une autre initiative, qui renforcera les chances de Pékin de se faire obéir. Depuis début 2007, la CCID (Commission centrale d’inspection de la discipline) a reçu le droit de nommer depuis Pékin ses hommes en provinces. Auparavant, c’était le Secrétaire du Parti qui le faisait. Ainsi, la police interne du Parti en province, ne rendra compte qu’à Pékin. C’est un progrès. Mais il ne suffira pas. Manque avant tout, la séparation du Parti et de l’Etat, et l’indépendance du pouvoir judiciaire : une réforme qui affaiblirait le Parti en renforçant l’Etat : le régime n’y est pas prêt !

 

 


Joint-venture : Hôtellerie Made in China : dormez en conteneur !

Tchouc-tchouc pour Hambourg

Le 8/01, un train très spécial s’ébranle de Pékin-Ouest. Venu d’Allemagne, sans fenêtres, ni cloisons, mais portant quelques centaines de conteneurs sur les plateformes. Il s’agit d’un convoi-test, en route vers Hambourg, via les deux Mongolie, Russie, Belarus et Pologne, destiné à démontrer la faisabilité de la liaison en dépit des différences techniques tel l’écartement des rails.

 Le même jour, à Pékin, les autorités ferroviaires des six pays ont signé un accord-cadre pour lancer ce service régulier, après simplification des procédures de douanes, transit et changement d’essieux. Les 9780km du trip inaugural doivent être parcourus en 18 jours. Chef du projet à la Deutsche Bundesbahn, Hartmut Mehdorn espère à l’avenir, réduire le délai à 15 jours – soit 40% du temps d’acheminement par mer via l’océan Indien (20.000km). Ce qui justifiera le surcoût inévitable de ce nouveau service, compromis entre le bateau et l’avion ! 

Made in China : dormez en conteneur !

En Grèce antique, Diogène dormait dans un tonneau. L’idée a été reprise par Travelodge, la multinationale de l’hôtellerie bas de gamme, qui prépare des établissements assemblés à partir de conteneurs.

L’idée est brillante : La Chine compte profusion de boites de 40 pieds, usagées, ne valant plus que le prix de l’acier. Il suffit de les réaménager, équiper (en Chine) de fenêtres, sanitaires, avant de les charger comme conteneurs sur un navire, et de les assembler sur le site d’implantation choisi. Par cette stratégie 10% moins cher et 25% plus rapide que la construction d’un hôtel en dur (12 semaines de montage, au chrono), Travelodge pense devenir 1er hôtelier londonien pour les JO de 2012. La solution permet d’installer pour tout événement des hôtels temporaires mais confortables et à bas prix -19£/nuit – quitte à les déplacer ailleurs, l’événement passé.

Pour 5M£, un hôtel expérimental de 120 chambres (86 conteneurs) vient d’ouvrir à Uxbridge, en banlieue de Londres. Seuls l’ameublement et la décoration sont locaux, le reste made in China. Pour les suivants, Travelodge compte faire réaliser cette finition en Chine aussi. Pour des raisons transparentes, aucune information n’a encore filtré, sur les coordonnées du transformateur chinois.

 

 


JO : Jour J-207

ª A toute vitesse, plusieurs écoles autour de Pékin, préparent les 320 hôtesses qui rendront les médailles.

A Changping, 32 apprenties apprennent l’anglais (quelques formules), le maintien (un livre sur la tête, une feuille de papier entre les genoux), la courbette (à 15, 30 et 45°), le port du plateau des médailles (coudes à 90°), et un sourire contagieux (une baguette entre les dents).

ª l’équipe suisse de dressage hippique déclare forfait, et n’ira pas aux Jeux à Hong Kong. C’est sa Fédération qui a tranché. P. von Grebel, le chef de l’équipe, a trouvé le risque insupportable pour les chevaux, en raison du climat orageux et chaud en été, des 11 h. d’avion et six semaines de voyage loin de leur logis.

ª Aramark, traiteur new yorkais, fournira les 3,5M de repas attendus en 60 jours au village olympique. Mais il y a dispute sur le choix du fournisseur, notamment de porc, qu’Aramark voudrait étranger.

ª Les organisateurs n’ont pas nommé les trois marathoniens de l’équipe chinoise après l’épreuve internationale de Xiamen (6/01): ils gardent le secret, pour maintenir tout le monde motivé.

Parmi les probables élus, comptent Zhou Chunyu (vainqueur à Londres en 2006, 2:20:38), Zhu Xiaoling (4ème aux championnats du monde, Japon 2007), Zhang Yingying (18 ans, vainqueur de Xiamen).

 

 


Petit Peuple : Pékin, Chengdu : fils et pères aux antipodes 

 [1] En décembre 2007, la conscription militaire des triplés Yang fut au coeur de la rumeur dans toutes les chaumières. Et pour cause: l’affaire avait été décidée pour eux, le jour de leur naissance !

Dix-huit ans plus tôt, l’accouchement s’annonçait mal : leur survie, comme celle de la mère, était plus qu’aléatoire! Heureusement, Hongqian le père était de la grande Muette, comme son père (pensionné): l’hôpital militaire 301, leur maison attitrée, était le meilleur de la capitale. Aussi tout alla à merveille. Quelques semaines de couveuse suffirent alors à rendre aux chétifs la force de remonter la pente.

Mais tout se paie! Dans cette famille d’officiers, on a son code d’honneur. Sur le clan pesait une dette plus lourde que d’argent : 3 vies sauvées, 3 vies à rendre! Aussi le 5/12, Yueqi, Yuelong, Yuegang marchèrent vers leur destin sans maugréer, avec enthousiasme même. Au jour d’aujourd’hui, entrer sous les drapeaux n’est pas donné à tout le monde. En plus de leur piston  et de leur « dette », les triplés se trouvaient répondre aux critères, ayant le bac, et la bonne taille -1,74m, 1,75m, et 1,76m.

Bonne fille, « notre nouvelle grande Muraille » n’a pas voulu séparer nos 3 bessons, et les a affectés ensemble en Mongolie Intérieure. Bientôt sans doute, ils auront droit à une même école d’officiers, marchant dans les traces de leurs aînés : 种瓜得瓜 (zhong gua de gua), « un chien ne  fait pas  des chats » (en chinois, qui sème des pastèques, récolte des pastèques)!

 [2] A Chengdu, Zhang Duan aussi semblait devoir suivre la voie choisie par Nan, son père: le basketball, où il excellait. Seul souci: Nan, divorcé, l’avait gâté. Externe en lycée sportif d’élite, sustenté d’autant d’argent de poche qu’il en voulait, Duan, qui n’avait que 15 ans, succomba vite au démon du jeu vidéo, et s’y adonna plus souvent qu’à son tour.

Alerté par l’entraîneur sur ses frasques, Nan eut le pressentiment que seules des mesures extrêmes, pourraient arracher son fils à la spirale infernale.

Pour mieux le suivre, Nan, manager d’une firme de design très en vogue, quitta son job doré, son F6 de standing, se relogea près du lycée.  Rien n’y fit. En décembre, Duan vendit sa moto, 2 GSM et  disparut avec 10.000¥ de cash. Battant la semelle, Nan le dénicha après 8 jours au Grand World café, les yeux hâves des 20h. de joystick qu’il venait de s’infliger. Duan lui avoua que le patron l’avait attiré grâce à une carte de membre et un barbecue. Comme ce dernier refusait de voir son père pour s’expliquer, Nan fou furieux revint le 25/12, armé de 5 l. d’essence, décidé à nettoyer ce lieu de perdition, qui ne dût son salut in extremis qu’à la police. Cette fois, le bureau des affaires culturelles avait senti le roussi ! Il se remua, et taxa le Grand World de 5000¥, et menaça – mollement – de fermeture les autres cafés, s’ils s’avisaient de recevoir des mineurs. Désormais interne, Duan joue au basket à toute heure, avec pour sa semaine, des sous chichement comptés : père et fils ont tiré la leçon de l’aventure.

On l’aura compris : dans ces deux histoires, les fils, face à leur père, ont réagi de manière diamétralement opposée. Ils offrent ainsi une bonne illustration du désarroi social, et de la confusion de l’autorité confucéenne après 2500 ans d’existence, face à une mutation technologique et culturelle sans précédent. Un tournant de civilisation !

 

 


Rendez-vous : Shanghai, Salon du cosmétique

15-18 janv. Beijing : Salon de la fourrure et du cuir

15-17 janv. Shanghai : Salon des cosmétiques / Cosmoprof

16-18 janv. Beijing : The Water Summit Asia