Le Vent de la Chine Numéro 17

du 18 au 24 mai 2008

Editorial : Le Sichuan, province martyre

Pékin vient de promulguer trois jours de deuil national du 19 au 21/05, et trois minutes de silence lundi 19 mai à 14h28, heure de Beijing

Le séisme de force 8 frappa Wenchuan (Sichuan) le 12/05 à 14:28.

En 150 secondes, il réduisit en miettes des villes telles Beichuan ou Yinxiu. Cinq jours après, moyennant les efforts désespérés de 130.000 soldats et secouristes, moins de 1000 victimes avaient été sauvées. 32.000 cadavres étaient dénombrés, et 220.000 blessés—les emmurés étaient encore 10.600. La pluie battante avait freiné les opérations et laissé les rescapés seuls face au froid nocturne et pic de chaud du jour, la soif, la faim et leurs blessures. Les villages isolés ne furent atteints qu’en trois jours -certains s’étaient vus parachuter des colis de secours. Le 17/05, Beichuan, déjà détruite, était évacuée suite à une crue du lac voisin, et l’épidémie menaçait…

De trop rares équipes étrangères (Japon, Russie, Corée) furent admises après 70h, privant le sauvetage des aides offertes par 142 pays : comme à Tangshan en 1976 (240.000 morts), voire en Birmanie, suite au cyclone Nargis, le réflexe était de ne compter que sur ses propres forces…

A ce détail près, l’action publique fut admirable. Dès 16h le 12/05, le 1er ministre Wen Jiabao s’envolait vers le Sichuan pour consoler et soutenir, rejoint (16/05) par le Président Hu Jintao. Comme tous les medias, la CCTV avait changé sa grille normale pour une émission spéciale, et diffusait en boucle des appels à la solidarité.

L’effort porte ses fruits. La Chine se mobilise, sur internet, via China Mobile, dans les entreprises et universités, engrangeant 860M$ de dons sino-étrangers. Après les décennies (héritage de Révolution Culturelle) de « chacun pour soi », la Chine redécouvre la compassion.

Enfin, cette réaction atypique de l’Etat chinois, a de quoi interpeller. Parmi les forces qui poussent au changement,

[1] Pékin joue la transparence, comme un test politique en temps réel. En laissant travailler (plus) librement la presse, il prépare des milliers de familles angoissées au sort fatal de leurs proches, et aide à lutter contre la rumeur.

[2] Par son action tangible, le pouvoir veut aussi prévenir les critiques, pour ces 8000 écoles aux murs «de tofou» (construites par corruption), et les morts évitables qui s’en sont suivies.

[3] Enfin 2008, l’année du Rat a été fertile en catastrophes, tels le gel-record en février, la sécheresse au Nord (cf p.2), l’accident ferroviaire d’avril, puis ce séisme à «88 jours» des Jeux Olympiques : jour normalement de chance, mais cette fois de malédiction. Il n’en faut pas plus au public, pour s’adonner à la superstition: les Dieux peuvent retirer au prince son «mandat du ciel» (son droit à régner), et le signal de ce retrait, serait justement l’apparition des désastres naturels… Par son action volontariste, le régime veut éviter aux citoyens de tirer de mauvaises conclusions !

 

 

 


Temps fort : Séisme : secousses limitées sur l’économie

Le coeur est lourd, mais Pékin reste conscient de sa «chance»: à 90km près, c’était Chengdu qui était rasé, avec cette fois des millions de victimes. L’épicentre du séisme fut montagnard, ce qui limite les dégâts, selon AIR Worldwide à 20MM$.

Raison d’espérer : le barrage des 3 Gorges a tenu, tout comme (jusqu’à ce jour) 391 autres, quoique endommagés -l’Etat vient de débloquer 7,6M$ pour assurer la maintenance d’urgence.

Côté industriel, c’est autre chose. 8,74GW de centrales électriques (+de 1% du total) sont touchées, tel le barrage de Taipingyi (760MW), du groupe Huaneng : seuls 4GW ont été rétablies.

En gaz, la CNPC coupa sa production de 6Mm3, dont 1/3 seulement a été restauré. Devant ouvrir en 2010, le complexe pétrochimique de Pengzhou (distillation et craquage d’éthylène, à 5MM$), qui venait de causer manifestations et arrestations à la capitale provinciale Chengdu, est remis en cause, le temps d’une nouvelle étude sismique.

Des cimenteries telle Huixing (Lafarge) sont à l’arrêt. Anhui-Conch, 1er cimentier du pays (69Mt de ciment/an) envisage de faire venir le produit par barges, moyennant un surcoût de 15% sur un prix déjà le plus haut du pays. Vu le renforcement des normes et les inspections sévères à attendre à l’avenir, prédit son directeur Guo Jingbin, les besoins seront prodigieux : tout doit être rebâti, le détruit et le rescapé, les écoles, les maisons, les routes, à 400¥/t…Anhui-Conch veut donc rajouter à son parc productif dans l’Ouest, 50Mt de capacité sous 5 ans. A partir de septembre, il veut ouvrir dans 5 provinces. La catastrophe, par ailleurs, donnera peut être quelques années de sursis aux milliers de petites cimenteries indépendantes polluantes, qui assurent toujours 45% de la production nationale…

La province va aussi freiner sa capacité en métaux non ferreux.  Hongda, la fonderie de zinc à Shifang (100.000t/an de capacité), a fermé.  Cette perspective, le 15/05, fait baisser le London Metal Exchange—le cuivre de 130$/t, à 8105$/t, suivi du zinc, du nickel et du plomb.

L’agriculture, aussi, est touchée. Le Sichuan, grâce à sa forte masse paysanne, était gros fournisseur national en céréales (7,3% du riz), légumes et viande (11,6% du porc) : la bourse de Chicago s’attend à un raffermissement de l’effort chinois, déjà net, d’import de grain et d’huile—et donc, à une « exportation » de l’inflation chinoise sur les prix mondiaux.

Face à cela, la bourse joue au ludion, à +2,7% le 14/5 et -1,6% le 15/5. Signe de surchauffe continue, avec+400MM$ investis de janvier à avril dans les villes. La reconstruction ne fera rien pour refroidir ce bouillonnement : la vie continue ! 

 

 


Pol : Défense: Hainan—nouvel arsenal méridional

Défense: Hainan, nouvel arsenal méridional

Annoncée par les services de renseignements occidentaux depuis 2002, son existence est démontrée par photos-satellite juste publiées : la base de sous-marins nucléaires en cours d’achèvement à Sanya, au sud de l’île de Hainan.

Un outil dont l’envergure affiche les ambitions : l’armée, l’APL, ne dispose que de 5 sous-marins nucléaires (et en construit cinq autres), mais a taillé dans la roche des abris pour en abriter 20. La base pourrait recevoir, le jour venu, le porte-avions chinois et sa flotte de soutien. Armés de missiles balistiques nucléaires, ces bâtiments ont une autonomie de 7.000 à 15.000km. La base dispose d’infrastructures inattendues, telle cette rampe de démagnétisation des sous-marins destinée à compliquer leur détection. Elle sert une stratégie qui se résume en un concept, «cap vers le sud», dont elle entend satisfaire quatre volontés :

[1] contrôler le détroit de Malacca et la mer de Chine, passages obligés entre l’Asie et le reste du monde.

[2] protéger le «cordon ombilical» de son or noir importé,

[3] exercer sa souveraineté sur les îles disputées des Spratley et Paracelse,

[4]  contrebalancer la 6ème flotte US et renforcer sa pression militaire sur Taiwan.

Mais inévitablement, cette montée en puissance offensive inquiète. Au nouveau port de profondeur, deux réponses fusent, celle du Pentagone préconisant un effort accru d’ « interopérabilité » (sic) des forces américaines avec tous les riverains, Japon, Corée, Taiwan, Singapour, Indonésie et Malaisie ; et celle de l’Inde qui achète à Moscou son second sous-marin nucléaire, tout en préparant à étape forcée la naissance d’un avatar « made in India » !

 

 


Argent : Tourisme : Ctrip explose ses ventes

Minerai de fer : le grand jeu planétaire…

Le club des affaires publiques chinoises (Sasac, les sidérurgistes, Chalco, la CIC) ose s’attaquer à BHP-Billiton, 1er minéralier mondial. Rassuré par son nouveau rôle de dépanneur d’une finance mondiale affaiblie par ses « subprimes », la Chine n’hésite plus. Triple objectif : [1] placer son argent de manière à créer de la plus-value,

[2] garantir son import de minerai de fer et

[3] empêcher la fusion BHP-Rio Tinto. Chalco tenterait d’acheter 9% de BHP, dont 25% pour un fonds de pension australien et 25% à un groupe non spécifié.

Entre-temps, une seconde bataille se joue, sur ce front des ressources mondiales. La Chine accuse Rio de retenir depuis deux ans 12% du minerai contracté à long terme, pour le lui imposer au marché«spot» à prix double. Par rétorsion, la Chine boycotte le minerai australien, refusant d’émettre les licences d’import. Rio dément, parle de plainte à l’OMC, l’organisation mondiale du commerce. Ce que ce combat-là dévoile, est la tentative par Rio et BHP de maîtriser les tarifs de transport, source de gras profits supplémentaires. Et en attendant, Rio vend sur le marché libre, 15Mt depuis janvier, contre rien les années précédentes… Preuve, à tout le moins, que posséder 9% de Rio, pour la Chine, ne lui permet aucun droit de contrôle !

 

Tourisme : Ctrip explose ses ventes

1er fournisseur chinois de voyages en ligne, Ctrip bat toutes les prévisions, en postant au 1er trimestre +52% de profits et un chiffre d’affaires de 52M$ – ce, en dépit d’un fort gel hivernal et de l’envolée des coûts.

Par rapport à 2006, il a doublé son volume de ventes (100M$), tout en conservant la même marge bénéficiaire (31M$). Il détient 52% de son marché. Ses ventes de billets d’avion ont explosé (+68%), tout comme celles de voyages organisés (+67%).

La clé du succès tient à l’association du tourisme, phénomène sociétal sans précédent (100MM$ /an, 90M d’actifs), et d’un internet aux 221M d’abonnés. Le tout permettant au professionnel comme à l’usager, de gérer son voyage sans quitter son écran. Mais rassembler ces deux formules ne suffit pas. En témoigne l’expérience d’e-Long (filiale d’ Expedia, US) qui demeure n°2 dans la même période, avec seulement 10%, et perd de l’argent ! Avec 3000 hôtels locaux, 2000 étrangers et tous les transporteurs aériens locaux, Ctrip ne cesse d’investir dans de nouveaux produits  tels son site en anglais, ou son partenariat actif depuis octobre 2007 avec Baidu, moteur de recherche pour les hôtels. Dans cette course à l’avenir, Ctrip au 1er trimestre, a augmenté de 36% ses dépenses en recherche et marketing.

Acier: Shougang se refait une réputation

On savait que l’aciériste Shougang accélérait, pour les besoins des JO, le déménagement de sa forêt de hauts fourneaux de Pékin-Mentougou : 70% des capacités ont été transférées sur le site de Caofeidian, port en eau profonde du golfe de Bohai (Hebei), à 220 km de la capitale.

JV à 51/49% avec Tanggang, l’aciérie de Tangshan,  l’invest est de  9,7MM$. Caofeidian veut devenir la plus grande base de production d’acier du pays. Il se veut aussi plus écologique, avec une consommation d’eau d’un tiers de la moyenne nationale, et un filtre anti-poussières au sommet de son haut fourneau parmi les plus grands du monde (5500m3). Ce super-outil aurait dû mettre Shougang à l’abri de tout souci sur son marché, mais des achats agressifs des concurrents Bao-steel et Wugang l’ont forcé à reprendre son bâton d’investisseur.

C’est à Shunyi en banlieue, qu’il ouvre (10/05) une unité de laminage de 916M$ – à froid, dit-il, « plus écologique » —comme pour faire oublier qu’il brûle encore 12% du charbon de la capitale, 1er producteur de CO². Sa nouvelle chaîne se targue d’une capacité annuelle de 800.000t de tôles et 700.000t de tôles galvanisées pour l’automobile, pour seulement 18000t d’émissions de poussières par an. Marché porteur : la Chine qui consommait 28,5Mt de ces tôles revêtues en 2006, en nécessitera 84Mt en 2010.   

NB : c’est avec ce genre de produit sophistiqué que l’indien Mittal pourrait espérer s’imposer sur ce marché, ce qui peut expliquer aussi la raison de ce choix d’investissement ! 

 

 


A la loupe : Aéronautique : préparation au décollage

En février 2007, le Conseil d’Etat relançait un rêve vieux de 40 ans : le développement d’un avion de 150 places ou plus, 100t au décollage et d’une autonomie de 5000km (VdlC n°12/XII).

Quatorze mois plus tard, le 11/05, il concrétise, en présentant à Shanghai la CACC, (Commercial Aircraft Corporation of China), la compagnie de R&D, de fabrication et vente du futur Jumbo. La CACC dispose d’un capital de 2,7MM$, dont 32% versés par la SASAC (tutelle des grands groupes publics), le reste par Guo Sheng (électricien), les avionneurs Avic-I et Avic-II, les fournisseurs Baosteel, Chalco et Sinochem.

La CACC doit fort à la Costind, la commission nationale de technologie militaire, qui lui fournit son Président Jin Zhuanglong et son CEO Zhang Qingwei : la Costind est la meilleure ressource technologique nationale, et la CACC prépare une version militaire du jumbo. En contrepartie du financement public, elle doit fournir l’APL voire peut-être, les armées des pays pauvres d’Asie ou d’Afrique! Le projet est à très long terme : la CACC veut d’abord recruter des talents étrangers, faire former des ingénieurs hors du pays, faire ses armes dans la recherche, au budget pressenti de 5MM². Ce n’est qu’en 2015 que le 1er appareil devrait sortir de sa halle, pour être commercialisé en 2020. Pourtant, c’est dès l’automne (avec 6 mois de retard!) qu’Avic-I s’apprête à tester son ARJ-21 de 70-100 places. Mais par rapport à lui, le jumbo chinois représente un saut technologique, car plus lourd et complexe, nécessitant matériaux composites et moteurs sur les ailes.

Le projet relance donc l’aventure des années 1970, du Y-10, clone du Boeing 707. Deux modèles avaient vu le jour, moins fiables et plus chers que leur original, et vite abandonnés. Ce qui est visé, est l’indépendance technologique, et la reconquête d’une part du marché intérieur estimé sous 20 ans (pour commencer), à 100 gros porteurs par an, d’une valeur de 350MM$. Le projet a aussi pour but de baisser les coûts d’achat des appareils aujourd’hui euro-américains, dont les coûts s’enflamment, grevant déjà de 25% celui du billet d’avion en Chine. Donc, offrir aux chinois, et aux autres, des transports à meilleur prix.

Faisant contre mauvaise fortune bon coeur, les groupes mondiaux de l’aéronautique comme Airbus, Boeing ou Bombardier ont assuré de leur soutien. Car la CACC, comme pour l’ARJ-21, se dit prête, et devra confier à l’étranger 40% de l’appareil.

Il n’empêche : par ce projet, la Chine va franchir une étape-clé dans son escalade de la chaîne de valeur industrielle : dans 12 ans, personne n’en doute, le paysage aéronautique mondial aura changé en profondeur—le marché aura été redistribué. Et l’Empire du Ciel, portant bien son nom, aura réussi un pari que le Japon, tout géant industriel qu’il soit, n’aura pas osé lancer !

 

 


A la loupe : Pour cause de JO: le Nord au pain sec et sans eau

L’ académie des sciences sociales, la CASS, donne l’alarme : la sécheresse de la Plaine du Nord (200M d’habitants) s’aggrave. Au Hebei, c’est la pénurie pour 250.000 habitants.

La solution envisagée est le canal Sud-Nord, rêve de dérivation des eaux du Yangtzé vers le Fleuve Jaune. Lancé en 2002, devant coûter à l’époque 60MM$ (mais bien plus depuis!), il doit, via trois routes distinctes (Est, Centre et Ouest), abreuver le nord de 48MM de m3/an du Yangtzé- 1% du débit.

Le problème est que cette solution technocratique ne peut guérir la sécheresse, symptôme très peu «naturel» dû à un lourd surpeuplement. Le Nord chinois consomme l’eau plus vite qu’elle n’arrive. Faute de pluies, on pompe. La Chine du Nord compte 2M de puits profonds, dont les trois quarts non potables (engrais, minéraux remontés des entrailles de la terre). La croûte terrestre s’effondre par subsidence, comme à Ningbailong où apparut en juin’06 une crevasse de 8km de long, endommageant de nombreuses fermes. Ce qui n’empêche le Hebei de compter déjà 33.000km² de sol aride. En cause : le réchauffement climatique, l’augmentation de la population et de ses exigences de mieux-être, le tournant vers l’agriculture intensive, et le développement d’une industrie lourde imprudemment favorisée en ce milieu impropre.

Or, le tronçon Est, en cours d’ouverture, comporte 2 défauts.

[1] Son débit est trop faible. D’une capacité d’1,6MMm3, les deux réservoirs de Shijiazhuang ne contiennent que 600Mm3, dont un tiers promis à Pékin, JO obligent, notamment pour lui permettre de lessiver ses lacs et canaux. Pour sa part, le paysan du Hebei s’est vu dire que pour son irrigation, il ne devrait compter que sur les précipitations, c’est-à-dire rien, ou presque.

[2] Autre faille du système : le droit de l’eau n’a pas été réformé. Le bénéficiaire ne défraie pas les provinces donatrices, ni celles traversées, qui ont pourtant l’obligation de préserver une ressource pure, parfois au prix de la fermeture de leurs usines riveraines du Fleuve Jaune. Depuis des années, la bataille des compensations financières entre provinces reste un dialogue de sourds —le Shaanxi, spolié, met en garde contre un risque de soulèvement populaire.

On est donc dans une situation explosive :  la Chine du Nord ne peut ni renoncer à sa plaine à blé, ni trouver sa ressource en eaux d’ici 20 ans, date de l’épuisement annoncé de sa nappe phré-atique, accéléré par la disparition des 35000 glaciers du pays. C’est maintenant qu’elle doit réagir, prévient la CASS, et elle n’y est absolument pas prête. Des choix déchirants sont à l’horizon : fermer les usines grosses buveuses d’eau? Passer à l’irrigation high tech (70% d’économie, mais hors de portée des paysans)? Symptôme clair, en tout cas, d’une économie non durable !

 

 


Joint-venture : Commerce : les Etats-Unis peinent à payer leurs notes

Commerce : les Etats-Unis peinent à payer leurs notes

Alors que le commerce extérieur chinois connaît des ratés—le surplus commercial de février avait chuté de 63% à 8,56MM$, et à 58MM$ pour les quatre mois, un phénomène préoccupe le ministère du commerce : la multiplication des défauts de paiements à l’export. Au 30/04, ce sont 100MM$ d’ardoise en souffrance que l’industrie chinoise doit supporter, la plupart des Etats-Unis. Le chiffre augmenterait de 15MM$/an.

En cause, bien sûr, la crise des subprimes qui a fait perdre aux banques, à ce jour, 323MM$. Ainsi, la pénurie de crédit outre-Pacifique pénalise la consommation des ménages. Les secteurs les plus touchés, sont le textile (en cas de disette, on épargne sur le vêtement), et les fournitures de décoration ou d’équipement ménager – plus la peine de viser de tels accessoires, si l’huissier est à la porte. Quoique deux fois plus nombreux que 12 mois plus tôt, ces « chèques en bois » ne devraient pas altérer les échanges entre les deux blocs, vu leur faiblesse dans l’addition générale. On note d’autre part que l’essentiel de l’export d’acier aujourd’hui, va vers l’Asie, et le commerce intérieur de détail, en mai, augmentait de 22%. Ces trois données reflètent une tendance identique : les échanges chinois se rééquilibrent différemment, moins vers l’Amérique voire l’Europe, plus vers l’Asie, et vers l’intérieur.

Libre-échange: la Suisse, éclaireur de l’Europe…

La Chine cultive de front une vingtaine d’accords  de libre-échange (ALE) avec différents pays du monde.

Déjà signés : Chili, Nouvelle Zélande, Australie avec lesquels l’Empire du Milieu s’est engagée au démantèlement partiel, préférentiel des protections douanières, s’accordant mutuellement des avantages qu’ils ne veulent pas encore octroyer au reste du monde.  En Europe, c’est avec la Suisse que Pékin traite, pour un accord global concernant les biens et les services. Pour en parler, la conseillère fédérale à l’Économie Doris Leuthard était 3 jours à Pékin (10-12/05). On en est, en fait, encore aux balbutiements.

Préalable à l’étude conjointe, l’étude de faisabilité de Berne est achevée. Tandis que celle de Pékin traîne : son ministère de l’industrie tarde, préférant donner à ses industries mécaniques, chimiques et de la pharmacie quelques années de sursis pour monter à niveau. Côté helvétique, l’horlogerie de luxe se soucie d’obtenir des garanties de recours contre le piratage de la propriété intellectuelle. Par contre, Mme Leuthard détecte « un potentiel » sur les marchés des deux bords, dans les échanges d’équipements environnementaux – économie d’énergie et recyclage… Enfin, clairement, il reste encore un fort débroussaillage à faire, avant même d’entamer les négociations. Mais cet accord fera date, comme prototype de l’accord ALE avec l’Europe des 27 !

 

 


JO : Jour J- 81

ª Le séisme de Wenchuan change l’atmosphère des Jeux : hors du pays, la critique laisse place à la solidarité, et à l’intérieur, la parade de la torche olympique est “simplifiée” : dotée à chaque étape d’une minute de silence, et amaigrie de quelques discours.

ª A 80 jours des Jeux. Le pouvoir se mobilise toujours plus contre le risque d’attentat. 130.000 médecins et infirmières reçoivent une formation aux soins, suite aux attaques nucléaire, biolo-gique ou chimique contre les visiteurs des Jeux. Le public lui, a d’autres soucis : le panier de la ménagère, les risques de séisme…

ª Suite au désastre, les groupes étrangers donnent : PSA= 1M¥, Carrefour=2M¥, Schneider =3M¥, Texaco, 1,4M$. L’athlète Li Yongbo (badminton) offre100.000¥ et Yao Ming (basketball), 500.000¥. Record, ex-aequo à Sir Run Run Shaw, nabab de HK, et au concert sino-allemand de Chongqing : 10M² !

ª Maître Hongkongais de fengshui, Raymond Lo a expliqué la source des misères de l’avant-JO: un conflit entre le Cheval (signe astral de Wen Jiabao et Hu Jintao) et le Rat, signe des JO. Pour équilibrer les forces, R. Lo offre la solution: que Wen et Hu portent en scapulaire, une figurine de boeuf—l’ami du rat !

 

 


Petit Peuple : Changle – 52 ans de fugue

Le jour de ses noces en automne 1942 à Changle (Sichuan), Xu Chaoqing, 16 ans, frotta de l’index la gencive de Liu Guojiang (6 ans): c’était une de ces croyances paysannes, selon laquelle sous le doigt d’une mariée,les dents des enfants poussaient plus vite. Ce que l’ingénue ne soupçonnait pas, est que son geste ravirait à jamais le coeur du bambin.

Dix ans plus tard, son mari décéda. Pour Xu Chaoxing, l’avenir se présentait sous de bien sombres auspices, car qui voudrait désormais d’une veuve, affligée de surcroît de 4 orphelins. Pour survivre, il ne lui restait que la perspective de souillon – du village. Même les beaux-parents l’avaient laissée tomber : elle était seule, désormais !

En fait, pas tout à fait : Liu était là, qui s’offrit à l’aider. Bientôt, il la seconda à la cueillette de champignons et dans le nettoyage des maisons des voisins. Au risque de voir fuser les quolibets des filles de son âge, déçues de le voir dédaigner leurs oeillades -car Liu était plutôt beau garçon. Comme disait Xu amère, «cela jase  toujours, devant la porte d’une veuve»

Un jour d’août 1956, Liu eut la chance de sauver un des fils de Xu de la noyade : son geste les libéra. Le soir même, il la demanda en mariage. L’affaire était pourtant dangereuse : le village ne bénirait jamais cette union « ridicule ». En morale confucéenne, l’homme se de-vait d’être « un père » pour sa femme – pas un fils !

Mais qu’avaient-ils à perdre,  Liang face à sa passion, Xu face à ses enfants à nourrir? Dans la nuit, ils décampèrent, pour ne plus revenir. Une cabane de haute montagne leur servit de refuge, au milieu d’un bois—le trajet tenait plus de l’escalade que de la marche.

Les 1ères années, la survie fut précaire, basée sur la pêche et la cueillette des baies. Puis ils passèrent à la culture sur brûlis. Liu découvrit des essaims sauvages, dont il alla vendre le miel au marché. Fin des années ’50, ils construisirent  leur maison, aux tuiles et briques de leur fabrication.

Ils devaient toujours rester sur leurs gardes, face aux singes qui volaient leur récolte, aux crues rares mais catastrophiques, ou au tigre gîtant non loin de chez eux -par bonheur, il n’eut jamais l’idée de les attaquer, quoique dérangeant leurs nuits de ses feulements. 

Ils perdirent un enfant, mais en firent quatre autres -c’est Liu qui à chaque naissance, servit de sage-femme. De la sorte, sans s’en rendre compte, ils traversèrent des décennies d’histoire révolutionnaire – pour eux, ni Grand Bond en avant, ni Printemps de Pékin. Ils créèrent même un record digne du Guinness : 52 ans après, leur escapade durait encore.  Pour sécuriser les allers et retours de sa belle, en vingt ans de labeur, Liang avait taillé 6000 marches dans la roche, à la masse et au burin…

En 2006 enfin, leur aventure fut contée dans les journaux, bientôt sacrée «plus belle histoire d’amour de l’année ».

Bonne fille -mais un peu len-te-, la République populaire leur octroya l’électricité. Hélas pour lui, Liu n’eut pas le temps d’en profiter : ce mois de mars, il vient de décéder d’une chute que ni son escalier, ni la lumière publique n’avaient pu prévenir. Aux funérailles, derrière le cercueil, entourée des trois générations nées de leur union, la vieille Xu marmottait « sans toi, comment vivre » ? selon le proverbe 之死靡它   zhi si mi ta, « l’amour jusqu’à la mort » !

 

 


Rendez-vous : Pékin, Salon des hautes technologies

20-25 mai, Pékin : CHITEC, Expo int’l des hautes technologies

20-22 mai, Dalian : Interphex, équipements pharmaceutiques

20-22  mai, Shanghai : China Beauty Expo, sur les cosmétiques

21-23 mais Shanghai : Aquatech, sur le traitement de l’eau

22-25 mai, Qingdao : Salon agro alimentaire et emballages

23-25 mai, Suzhou : Salon PME/PMI