Le Vent de la Chine Numéro 10

du 17 au 23 mars 2008

Editorial : Numéro Spécial Nouveau Gouvernement (pg 4 et 5) / Le col de la surchauffe est franchi…

En résultats conjoncturels, février bat les records à la baisse, sous le jeu croisé de facteurs tels les subprimes, et un hiver séculaire. L’inflation a atteint 8,3%, record en 11 ans. Et encore, dit la Banque de Chine, l’emballement n’a pas encore pris en compte l’effet de la pénurie, suite au gel de dizaines de M hectares de cultures: les petites gens voudront se protéger de la flambée des prix par des achats de panique. Comme le font les grands groupes: à l’heure du pétrole à 111$/ baril, la CNPC, la compagnie nationale pétrolière, négocie fébrilement 1,2MM$ de réserves d’or noir en Irak. Sinopec réserve pour 557M$ de gaz australien en mer de Timor (60% des parts). Or, parallèlement à cette flambée, février accuse une chute des 2/3 du surplus commercial: il n’atteint plus que 8,6 MM$, contre 23,7MM$ en 2007. L’import s’est emballé à +35%, mais l’export a presque stagné, à +6,5%, voire a reculé de 5%, vers les USA. Et le ¥uan à 7,1$ (contre 8,3 en juillet 2005) n’arrangera rien.

Les prix industriels ont monté de 6,6% : record de 3 ans, forcés par la hausse du brut (+37,5%), de l’acier (+29,6%). Imposé en janvier, le gel des prix n’y peut rien -les industriels préfèrent produire moins. Les patrons coréens quittent la Chine : 103 PME rien qu’à Jianzhou (Shandong). Le ministre de l’emploi annonce une année tendue,qui ne créera que 12M de jobs pour 23M de nouveaux demandeurs d’emplois, contre 24,4M en 2009, et 13,3M en 2020, fin de la crise des « enfants de Mao », selon Daniel Xu / Ning Ding, chercheurs à Taiwan.

La bourse ne fait pas mieux : -13% depuis janvier, et China Railways, n’ayant gagné que 26% au 1er jour à Shanghai, et 12% à HK, fait les pires score de l’année. Les experts sont formels : en 2008, la croissance devrait perdre jusqu’à 2 points, atterrissant vers 9,4%.

Ce noroît pourrait bien combler d’aise les autorités. Car rien de tel pour refroidir une fièvre vieille d’années, qui résistait à toutes les médications, sous l’indiscipline des provinces et des industriels. Du coup, avec le retour de l’export au raisonnable, s’éloigne le spectre de la guerre commerciale avec Europe, USA etc. Grosses énergivores-pollueuses mais petites employeuses, les industries lourdes vont reculer au profit d’une industrie et de services destinés aux Chinois. Les surcapacités vieillottes en cimenterie, chimie ou métallurgie vont fermer -libérant des bras pour l’exode vers la ville, un travail à meilleure valeur, une exportation plus chère.

Seule ombre : le ¥ sous-évalué, au taux d’intérêt de 7,47%/an, face aux 3% du US$. Les réserves monétaires ne cessent de gonfler (1590MM$ fin janvier), et l’ex-chef statisticien Li Deshui estime à 500MM$ les fonds étrangers entrés en Chine pour profiter de cette différence de taux et d’une tempête boursière moins grave qu’ailleurs.

Face à cela, la Chine va rehausser encore son taux (rendre l’argent plus cher), et parle d’ouvrir aux investisseurs locaux l’accès direct aux bourses de HK (vieux projet), et d’autres places comme Londres, Tokyo ou Singapour… Pékin doit absolument drainer le marécage de son trop abondant crédit. Sous peine de voir l’investissement forcené redémarrer, comme un incendie mal éteint par un trop bref orage !

 

 


Autres : Un nouveau pas dans la réforme : les super-ministères

Dans l’analyse des leaders, le problème des 28 ministères d’avant la réforme, était l’absence de«gestion scientifique»: une structure obsolète qui leur faisait défendre leurs privilèges plutôt que l’intérêt de la nation. D’où gaspillage de ressources, corruption, immobilisme etc. Après cinq ans passés à tenter de rétablir la justice sociale, Hu Jintao ordonnait au XVII. Congrès de «préparer sans retard le nouveau cadre des super ministères», pour supprimer redondances et tours d’ivoire, et enrayer arrogance et collusion.

Il n’a fallu que six mois pour produire un «draft», présenté (11/03) au Plenum du Parlement (ANP), à entériner lors des votes de fin de session—ce sera la 8ème réforme du Conseil d’Etat depuis sa création.

Mais 6 mois, c’est court : le plan a causé une levée de boucliers et montré la faiblesse du pouvoir central, face à la puissance des «duchés» et «comtés» des provinces, lobbies de l’énergie etc. On croit y lire, au-delà de la défense des privilèges sectoriels, la contradiction entre le besoin aigu de renationaliser des pouvoirs locaux au nom de l’unité nationale (d’une nation grande comme l’Europe des 27), et l’affirmation grandissante d’identités locales … comme dans l’Europe des 27!

Sur l’institutionnel, on voit disparaître une couche d’apparatchiks entre Wen Jiabao et ses ministres-améliorant le flux des échanges entre la base et lui. Aussi, la NDRC, (National Development and Reform Commission), l’ex-tout puissant chef d’orchestre économique, perd son dernier mot sur les contrats ou licences, dont le pouvoir retourne aux provinces et mairies : promesse de plus de réactivité des administrations de base, et de crédibilité pour Pékin. Quatre organes ont été abolis et 15 déplacés.

Cinq superministères apparaissent :

[1] Le ministère de l’industrie et de l’informatisation sera maître du secteur du téléphone cellulaire, des applications dérivées de l’internet et de son contenu. Son 1er patron serait Li Yizhong, ancien pétrolier. Il retrouve le Bureau de l’Information du Conseil d’Etat (perdu des années avant) et hérite du Bureau des sciences & technologies militaires (la Costind, au gras budget), ainsi que du monopole du tabac, autre affaire lucrative. De la sorte, Pékin semble inverser 10 ans d’efforts pour séparer les industries publiques des ministères. Comme s’il s’agissait, pour une industrie du tél. déjà 1ère mondiale, de récolter des crédits nouveaux : les fumeurs étant appelés à subventionner la recherche des clones d’«Iphone» et leurs services, voire des missiles et sous-marins de l’APL (l’armée chinoise). Par contre le risque de redondance demeure : la censure du contenu reste saupoudrée entre 3 à 4 maisons.

[2] Les transports formeront un tout logique, fusionnant Communications (routières, fluviales, maritimes), et aviation civile. Mais ils voient lui échapper la forteresse des chemins de fer, puissante dans les provinces et villes: chacune étant propriétaire d’un parc ferroviaire, objecte à cette renationalisation. Gageons que cette bataille s’est tenue avant le chunjie : avant que ce transport n’immobilise des M de pauvres dans la neige, perdant ainsi la cote.

[3] ressources humaines et sécurité sociales ne seront pas de trop, pour doter tout citoyen, même fermier d’une couverture sociale légère. Avec cette fusion s’achève un des furieux combat de l’administration socialiste : pour la mainmise sur le trésor de guerre du fonds national de pension…

[4] Le ministère de l’environnement est issu de la SEPA, la valeureuse et minuscule « souris qui rugit » – mais qui jusqu’à présent, ne mord que d’une minuscule dent (quelques 100aines de cadres) les colossaux intérêts en collusion (exemple: projet de 17 barrages géants sur la Nu/Salween, par le Yunnan et Huadian, un des 5 gros électriciens nationaux). Le ministère surgit pour faire plus le poids. Mais n’est-ce pas un voeu pieux, quand on sait que ce ministère n’aura aucun pouvoir contraignant sur ses 26 homologues actuels, et n’aura même pas juridiction sur ses propres bureaux locaux -qui pourront obéir à ses directives à la carte. Elle n’aura pas non plus le contrôle de la pollution aquatique -partagé avec l’agriculture, les ressources aquatiques et l’administration des océans!

[5] Le ministère du logement et de la construction urbaine et rurale naît des ruines de la «construction», punie pour avoir été un haut lieu de corruption et du favoritisme envers les villes. Le nouvel ensemble doit assurer une priorité au logis à bas prix au village, réguler les ventes foncières selon la loi et faire respecter les normes d’hygiène (ozone, ammoniaque dans le béton) et d’isolation. C’est ici que se pose le plus nettement la question de l’utilité du plan, face à ces 10ainesde M de cadres ruraux dont la seule chance de fortune réside dans la spoliation du paysan ! Pourtant, le besoin de renforcer cette police de la nature est évident: aujourd’hui, dit Xie Zhenhua, n°2 à la NDRC, la Chine est partie pour rater l’objectif de réduction de consommation d’énergie de 20% entre 2005 et 2010 !

[6] Comme attendu l’administration de l’hygiène alimentaire et des médicaments (FDA) disparaît dans le ministère de la santé (pas un « super-ministère »): victime de ses errements, qui coûtèrent la vie à son patron Zheng Xiaoyu l’été 2007.

Par ailleurs, les ratés de la refonte sont aussi instructifs :

[7] Le ministère de l’énergie fut repoussé par ceux qui avaient le plus à y perdre, Sinopec et CNPC entre autres, les rois du pétrole. L’échec de ce projet passe mal à l’étranger où on lit une absence de volonté de politique stricte. En ersatz d’un ministère, L’Etat a dû transiger pour une Commission chargée d’élaborer la stratégie et un Bu-reau de gestion – l’un et l’autre devant coordonner les libertés de tous ces acteurs.

[8] Pas de super ministère des finances. Le plan n’annonce qu’une coordination entre Banque Centrale, NDRC et min. des finances qui reçoit (lot de consolation) le monopole du budget et de la taxation.

[9] Faux départ enfin pour le grand ministère de la culture, qui devait rassembler les tutelles de la censure, Sarft (audio-visuel) et Gapp (presse et édition) notamment. Ce recul impressionne, car Hu Jintao vise plus de guidance idéologique dans la culture, et d’autre part, écartelée dans sa mosaïque de bureaux régulateurs concurrents, la Chine a bien du mal à soutenir des initiatives d’envergure mondiale (soutenir ses instituts Confucius, l’équivalent des Alliances Françaises, ou l’émergence de groupes ou JV culturelles), ou des produits adaptés aux moyens modernes (concerts, expos, téléenseignement). Or, confrontés à la perspective d’une fusion, ces instances y ont fait obstacle, en partie par souci tactique, pour laisser dans le flou la responsabilité d’une censure impopulaire, en partie pour préserver les recettes que leur assurent le contrôle du film, du livre, de l’internet, de la TV.

Conclusion :

Le but affiché de cette réforme, « faire passer le peuple au 1er plan », au lieu de l’Etat comme depuis 50 ans, ne peut être atteint par cette réforme seule. L’esprit de service d’un ministère (ou son absence de corruption) ne peut être atteint par la course au gigantisme. La question de notre collègue A. Kroeber («Dragonomics»), «qu’est-ce que ça change ?», induit sa réponse : selon Wang Yukai, chercheur à l’Ecole Normale d’Administration chinoise, « sans progrès parallèles en réforme politique, le système des super ministères ne marchera pas » !

 

 

 

 

 


Temps fort : Session de l’ANP—rumeurs et tremblements

Comme la semaine passée au Grand Palais du Peuple, les couloirs servent de bourse d’échange des bruits et des rumeurs des élus de la nation :

♪ On ne parle que de la nouvelle sanction contre Tang Wei, la belle actrice de Lust, Caution, le sulfureux film d’Ang Lee: sa censure est suivie (5/03) d’un interdit à la TV du clip des cosmétiques Pond’s, tourné par la star. Ce ban importait tant à la tutelle Sarft (State Administration of Radio, Film and Television), que l’ordre a été transmis aux chaînes, par téléphone.

♪ L’ANP réalise le coût de la discrimination des femmes, si forte qu’aujourd’hui, la Chine ne compte que 100 femmes pour 120,2 hommes -résultat d’avortements sélectifs. Lin Yihe, sexologue de la CASS (Académie chinoise des Sciences Sociales), rappelle l’écrasante domination mâle au gouvernement et dans les usines. Qu Yajun (Shaanxi) évoque la discrimination à la retraite – la femme, qui part 5 ans plus tôt, reçoit une pension bien moindre.

Jiang Zemin, l’ex-Président, n’est pas présent à l’ANP – le Parlement : il aurait perdu la motricité d’une moitié du visage et souffre de la maladie de Parkinson. Li Peng l’ex-1er min., aussi absent, serait aussi paralysé du visage, suite à un infarctus. A en croire la rumeur, Li Peng aurait souffert d’une critique politique, concernant la défaillance hivernale des groupes électriciens, dont deux sont dirigés par ses enfants.

Liu Zhijun aussi, et son ministère des chemins de fer sont accablés des critiques de Zhong Nanshan, le héros de la crise du SRAS à Canton (2003). Lors du Chunjie, les cheminots n’ont pas su faire rouler leurs trains, et ont fait faussement croire au 1er ministre qu’ils pourraient : suite à quoi Wen Jiabao, au mégaphone, avait promis à 200.000 migrants qu’ils « seraient à temps à temps à la maison pour les fêtes », ce qui attira dans la nasse, des foules supplémentaires !

♪ Durant des années, les négociations de l’Union Européenne -USA/Chine contre la fermeture de son marché de la news financière, avaient été stériles : Pékin campant sur son exigence de monopole pour Xinhua. Mais à peine lancée la plainte à l’OMC (l’organisation mondiale du commerce), le ton vire à 180°. Liu Binjie, directeur de la GAPP, (General Administration of Press & Publications) annonce un règlement prochain et à l’amiable de ce « problème, legs historique dans le système de gestion ».

♪ Dans l’hémicycle, les nouveaux riches s’enhardissent à défendre leurs intérêts corporatistes. 1ère fortune de Chine, selon l’agence Hurun, Zhang Yin, (10MM$), l’impératrice du carton, réclame une baisse d’impôt de 45 à 30% pour ceux déclarant plus de 110.000²/an, et l’exemption des secteurs à fort emploi, pour la loi des contrats (qui empêche le licenciement passé 10 ans). Tandis que la presse, et les députés « des pauvres » trouvent eux aussi l’audace… de s’indigner !

 

 


Pol : Taiwan—bientôt sous étendard KMT?

A quelques jours des présidentielles du 22/03 à Taiwan, Pékin retient son souffle, car «son» candidat, Ma Ying-jeou, l’homme du Kuomintang de l’opposition nationaliste, garde une avance confortable (10% dans les sondages) sur Frank Hsieh, du DPP (Parti démocratique du progrès).

Le KTM semble s’apprêter à interrompre 10 ans de règne sans partage du DPP, et de son leader charismatique (au départ), l’avocat Chen Shui-bian. Chen laisse un bilan médiocre, ayant échoué dans toutes ses tentatives pour accomplir la sécession -ayant au contraire servi de prétexte à un réarmement rapide de la Chine, estimé par le colonel Taiwanais Gong Chien-hua entre 110 et 170MM$ cette année (13 à 22% de plus)… Pékin, il est vrai, n’aimait pas Chen, et ne lui a jamais fait une ouverture.

Ces dix ans ont aussi démontré combien, de plus en plus, les cartes économiques de Taiwan sont sur le continent où elle à investi 100MM$, et où vivent 0,5M de ses 22M de ressortissants. Hsieh et Ma, les deux candidats-présidents, apparaissent honnêtes et compétents, quoique peut-être un peu fades. Face à Pékin, Ma Ying-jeou offre ce programme insipide et abscond, renoncer à une « reconnaissance mutuelle », pour viser « l’abandon du déni mutuel ». Mais la vraie et dure question viendra après: une fois au pouvoir, que négocier avec Pékin, comment ramener vers la « patrie » cette île en pleine « naissance identitaire», et passionnément opposée à l’idée de courber l’échine ? Ma espère parvenir à vendre à Pékin son principe des «trois non»: ni réunification, ni d’indépendance avant des décennies, ni recours à la force, de part et d’autre…

En attendant, la normalisation suit son cours : DPP et KMT acceptent dès juillet le rétablissement de vols «charters directs» avec le continent, ce qui boostera les investissements et le tourisme croisés. Et dès le 12/03, le gouvernement sortait ce gadget électoral, permettant aux banques insulaires de reprendre jusqu’à 20% de leurs soeurs continentales. C’est ainsi qu’entre Pékin et Taipei, ces « frères ennemis de la Chine », « les chameaux (de la politique) aboient, la caravane (de l’économie) passe ».

 


Argent : Les 20 ans de Mengzhu, bébé-éprouvette

Les 20 ans de Mengzhu, bébé-éprouvette

Le 10/03/1988 à Pékin, au 3ème Hôpital de l’université Beida, Zheng Mengzhu, 1er bébé-éprouvette de Chine ouvrait les yeux, dans le service de la professeure Zhang Lizhu -10 ans après la 1ère mondiale à Manchester. Depuis, l’action s’est banalisée.

En 2007 à Pékin, 6000 enfants sont nés sous insémination artificielle (IA) dans les 11 hôpitaux agréés. La Chine dispose de 130 centres, et ses 10.000 naissances réalisées en 2004, ont au moins quintuplé depuis. Au plan sociétal aussi, l’évolution est vive. Les couples ne viennent plus la nuit tombée ni sous un faux nom, et ne craignent plus des enfants retardés -Mengzhu par exemple, étudie l’anglais à l’université de Xi’an. De même, la légalisation se construit : un procès de 2006 à reconnu aux enfants nés sous IA, même de semence extérieure au couple, les mêmes droits qu’aux autres. Enfin, avec le stress qui entre dans la société moderne, 5 à 12,5% de couples chinois sont infertiles: les besoins en IA sont immenses. 500.000 couples seraient en traitement ou attendant leur tour…

Seul risque : capable d’ultra fécondité (triplés ou quadruplés), l’IA attirerait bien du monde, pour contourner la loi de l’enfant unique : les officines clandestines se multiplieraient !

Un « fonds responsable » -naïf, ou osé ?

Cours de la Bourse en berne, fonds de placement dans le rouge depuis 6 mois… Traditionnellement, partout au monde, cette époque de repli est celle où l’on affûte les nouveaux outils financiers tel le « Nasdaq » local à Shenzhen (promis sous 2 mois), ou ce «fonds socialement responsable» annoncé le 11/3 par la China’s Industrial Fund Management, filiale mixte de JP Morgan Flemming (49%) et de Sitico (51%), de la mairie de Shanghai.

Ce fonds est une innovation, encouragée par Pékin pour étoffer un marché qui représente 450MM$. Dûment autorisé, le fonds socialement responsable offrira une palette d’actions de firmes aux résultats « décents » en terme de sécurité et d’hygiène au travail, de paiement des charges patronales etc. L’éventail inclura aussi des firmes de protection de l’environnement, et exclura les valeurs enivrantes du tabac, de l’alcool ou du casino.

A 1ère vue, un fonds aussi militant ou « armée du Salut » devrait avoir du mal à s’imposer sur un marché chinois ne jurant que par le profit brut. Mais c’est compter sans le fait que cette bourse très jeune, entre dans l’ère des ruptures : les auteurs du Fonds responsable, sans doute bien informés, peuvent avoir parié sur une amélioration qualitative de l’offre fiduciaire – et sur une devise du type : « les valeurs de demain seront durables, ou ne seront pas » !

Qiangsheng, les yeux dans les étoiles

En Chine, l’énergie solaire a le vent en poupe. Et ne cesse de se perfectionner, comme le démontre Qiangsheng Photovoltaic de Nantong (Jiangsu), en dévoilant le 11 mars la construction de la 1ère centrale solaire de Chine à cellule de silicium amorphe sur film mince, reliée au réseau.

Construite en la zone municipale de développement technologique, l’unité fournira 1MW/an, moyennant 16.000 de ces cellules photovoltaïques de dernière génération. Contrairement à la cellule photovoltaïque en silicium multi cristallin, ce matériau absorbe mieux le rayon solaire et en tire plus de courant. Moins gourmand en silicium, il coûte moins à la production : 3,94M$ pour cette centrale, 40% du coût d’une unité conventionnelle. Enfin, ce type de cellule permet bien plus de profit que celle en multi cristallin, dépendante de l’étranger. En 2008, Qiangsheng prévoit 10M$ de gain, et le quintuple en 2009. Soutenu par 10 banques étrangères telles Morgan Stanley ou StanChart, Sha Xiaolin, Président de la PME investit 70M$ dans quatre lignes de production, dont la capacité doit atteindre 130MW /an, puis 1000MW/an d’ici 2012, ce qui la placerait dans la botte des cinq premiers producteurs mondiaux d’énergie solaire sous cette technologie.

Villes de Shanghai, Nantong, et la Corée du Sud et l’Espagne s’arrachent ses produits : avec un tel carnet de commandes, l’entrée au Nasdaq de New York pour 250M$ (offre initiale), se prépare cette année, voire début 2009 au plus tard.

 

 


A la loupe : Pouvoir : les nouveaux visages/ et le nouveau gouvernement

Sans surprise, le pouvoir a fait valider par l’Assemblée, durant le week-end, les nominations du nouveau gouvernement, désormais complet, dont voici une esquisse d’organigramme.

Président de la République, et de la Commission militaire centrale (CMC), Hu Jintao, reconduit pour un mandat de 5 ans.

Vice Président : Xi Jinping, également confirmé comme coordinateur des JO, et sur les rails de la succession de Hu en 2013-un successeur que Hu n’avait pas désiré. Ceci reproduit exactement la position de Hu six ans plus tôt, sous Jiang Zemin : contre pouvoir d’un Parti soucieux de ne pas laisser se reproduire la dérive du pouvoir absolu de Mao.

Vice Présidents de la CMC: Guo Boxiong et Xu Caihou

 Premier ministre du Conseil d’Etat : Wen Jiabao, les vice 1ers seront élus à la session de lundi 17 mars.

Rappelons les nominations pressenties aux postes de Vice 1ers, tous également alliés de Hu Jintao :

Li Keqiang : réforme économique : (le dauphin de Hu), probable successeur de Wen Jiabao en 2013.

Wang Qishan, l’ex maire de Pékin, aux Finances

Zhang Dejiang, l’ex-secrétaire à Canton, formé à Pyongyang

et Hui Liangyu

 Conseillers d’Etat :

Liu Yandong (f),  Liang Guanglie, Ma Kai (également secrétaire général), Meng Jianzhu, Dai Bingguo.

 Président de l’ANP : Wu Bangguo, et 13 vice Présidents : Wang Zhaoguo,  Li Tieying, Ismail Amat, He Luli(f), Ding Shisun, Cheng Siwei Xu Jialu, Jiang Zhenghua, Gu Xiulian (f),  Raidi, Sheng Huaren, Lu Yongxiang, Uyunqimg, Han Qide, Fu Tieshan, Secrétaire général: Sheng Huaren

Président de la CPPCC, l’organe « conseiller » du Parlement : Jia Qinglin, l’ex-protégé de Jiang, à la réputation amoindrie sous l’angle de l’intégrité, mais malléable. Nomination de 5 alliés de Hu. 

Vice Prsdt : Wang Gang, que l’on dit également acceptable à Hu et à Jiang, membre du Politbureau et futur n°1 de cet organe honorifique. Comme vice Président, au rang de vice 1er, figurent Sun Jiazheng, ex-ministre de la culture, Qian Yunlun, secrétaire en exercice au Heilongjiang, et Du Qinglin, ex-patron du département du Front Uni, ainsi récompensé pour avoir attiré au pouvoir des non-communistes, tel le ministre de la santé Chen Zhu.

Wang Shengjun, fut élu Président de la Cour Suprême, et

Cao Jianming, procureur général.

On note la nomination de 2 ambassadeurs clé : Kong Quan, à Paris -ancien directeur de la direction de l’information, excellent francophone. Et Song Zhe, chef de la Mission à l’Union européenne à Bruxelles.

COMPOSITION DU NOUVEAU GOUVERNEMENT (17/03/2008)

Yang Jieshi, ministre des affaires étrangères

Liang Guanglie, ministre de la défense nationale

Zhang Ping, ministre de la NDRC, commission nationale de développement et de réforme

Zhou Ji, ministre de l’éducation

Wan Gang, ministre des Sciences et technologies

Li Yizhong, ministre de l’industrie de l’information (super ministère)

Yang Jing, ministre en charge de la commission des affaires des nationalités

Meng Jianzhu, ministre de la sécurité publique

Geng Huichang, ministre de la sûreté d’Etat

Ma Wen (f), ministre de la supervision

Li Xueju, ministre des affaires civiles

Wu Aiying, ministre de la justice

Xie Xuren, ministre des finances

Yin Weimin, ministre des ressources humaines et de la sécurité sociale (super ministère)

Xu Shaoshi, ministre du territoire et des ressources

Jiang Weixin, ministre du logement et de la construction urbaine et rurale(super ministère)

Liu Zhijun, ministre des chemins de fer

Li Shenglin, ministre des transports (super ministère)

Chen Lei, ministre des eaux

Sun Zhengcai, ministre de l’agriculture

Zhou Shengxian, ministre de l’environnement (super ministère)

Chen Deming, ministre du commerce

Cai Wu, ministre de la culture

Chen Zhu, ministre de la santé publique

Li Bin(f), ministre en charge de la population et du planning familial

Zhou Xiaochuan, gouverneur de la Banque populaire de Chine

Liu Jiayi, directeur général du Bureau national d’audit

Wang Shengjun, Président de la Cour Suprême, et

 

Cao Jianming, Procureur général.

 


A la loupe : Xinjiang – Tibet : la sécurité déraille

Au Centre-Ouest, la Chine vit une vague d’incidents. Surtout au Tibet et au Xinjiang -ses traditionnelles zones de turbulence:

[1] Le 5/03 à Xi’an, 12 membres d’un tour operator australien sont kidnappés (cf VdlC n°9), puis le ravisseur abattu sans avoir pu être interrogé.

[2] Le 7/03, à bord du vol CZ 6901 Urumqi-Pékin, une Ouïghoure de 19 ans aurait été maîtrisée avant d’avoir pu incendier l’appareil – dérouté sur Lanzhou : Pékin qualifie la tentative d’acte terroriste.

[3] Le 9/03 à l’ANP, Wang Lequan, secrétaire du Parti au Xinjiang, précise que les 2 séparatistes abattus à Urumqi le 27/01 (et les 15 arrêtés) appartenaient à l’ETIM, groupuscule classé terroriste par l’ONU. Armes, explosifs et pamphlets intégristes auraient été saisis : « ils préparaient un attentat contre les Jeux ». Nul doute, mais nulle preuve non plus. Depuis les USA, l’opposante Rebyia Khadeer dénonce la «fabrication ». Dès le lendemain, le pouvoir se bornait à assurer que «la sécurité des JO est en main. Tandis que Steve Vickers, et la SIA (USA), experts mondiaux de l’antiterrorisme assurent : la Chine ne fait face, pour « ses » Jeux, qu’à un risque faible. Son investissement sécuritaire lourd (300M$, entre autres en équipements high tech importés, scanners, optique à reconnaissance faciale), aurait pour 1er but de museler tout appel de la base à plus de démocratie.

Les incidents au Tibet eux, ne posent hélas aucun doute. Du 10 au 14/03, pour la 1ère fois depuis 1987, des manifs anti-chinoises sont réapparues à Lhassa, puis se sont diffusées comme traînées de poudre à travers le Toit du monde, jusqu’au Gansu et au Qinghai. Immédiatement, l’armée et la police sont apparues dépassées. Le 14/03, quelques milliers de Tibétains ont marché dans Xiahe, brandissant le drapeau tibétain (interdit) du soleil jaune. Tandis qu’à Lhassa, des milliers insurgés ont pris le contrôle du centre, brûlant les boutiques chinoises, frappant ou tuant les habitants Han. Pékin admet 10 morts, mais les insurgés en annoncent « 100 ou plus ». Pékin a lancé un ultimatum, leur donnant jusqu’à lundi pour se rendre. Pékin fait porter l’entière responsabilité du dérapage sur le Dalaï Lama, lequel a appelé les Tibétains à refuser la violence.

NB : Sur le fond, au Xinjiang, comme au Tibet, on assiste à un gâchis d’opportunités. 20 années d’efforts en MM$ pour désenclaver ces régions minoritaires, enrichir et réconcilier, n’ont pu empêcher un réveil des crispations identitaires. Ici, l’imminence des JO et l’influence extérieure jouent évidemment leur rôle. Mais la Chine paie aussi au prix fort le refus de normalisation, et de faire des concessions. Les conséquences de ce dérapage très grave, sont encore incalculables, concernant les Jeux Olympiques – mais il faut reconnaître que face à ce coup imprévu qui l’atteint, la Chine, pour l’heure, fait preuve d’une grande prudence.

 

 


Joint-venture : Wahaha—Danone : nouveau coup de megaphone

Wahaha-Danone -nouveau coup de mégaphone

Rebondissement du feuilleton Danone-Wahaha, qui dure depuis deux ans.

En 2006, Danone dénonçait la création abusive de 39 «vraies-fausses filiales» produisant et vendant pour son compte des yoghourts, eaux et jus de fruits clonés de l’original, causant au groupe français 25M$ de préjudice/mois. En décembre 2007, suite à la médiation de N. Sarkozy, les deux groupes convenaient de geler pour trois mois les poursuites judiciaires réciproques, et de négocier, assistées d’experts-témoins des gouvernements.

Or, voici que durant la session parlementaire, dans le style flamboyant qui lui est propre, Zong Qinghou, le patron de Wahaha (qui est aussi député) dévoile à la presse (9/03) le plan confidentiel offert par Danone : les 39 filiales réintégreraient le groupe, moyennant cession de 40% de leur valeur pour chaque partie, les 20% restants étant cédés en bourse – Danone estimant ces 40% à 7MM$. Zong fait cet aveu, pour déclarer son refus net. Tout en levant un lièvre : dans la perspective d’un tel deal, comment convaincre les milliers d’actionnaires privés (hors-bourse) des filiales illégales, d’accepter la fusion qui lèse leur intérêt?

Médical : le chinois rachète l’américain

Mindray Medical Int’l (Shenzhen), 1er fabricant chinois de matériel médical (3705 employés), vient d’annoncer (11/03) le rachat de la branche « contrôle et diagnostic médical » de Datascope (New Jersey) pour 202M$, soit un peu plus que le chiffre d’affaires de la branche (161,3M$). Datascope est le n°3 mondial de cette industrie-niche, du matériel de chirurgie mobile, d’anesthésie, de monitoring des signes vitaux (électrocardio– /encéphalographes), et d’imagerie médicale, destiné à une clientèle (aux USA) d’hôpitaux de moins de 300 lits. Mais ce chiffre de l’an dernier n’a fait que confirmer un déclin.

La concurrence de firmes émergentes comme Mindray s’avérait toujours plus implacable, ce dernier étant dopé par une main d’oeuvre dix fois moins chère et un marché chinois de la santé en pleine explosion (+61% de dépenses par habitant entre 2000 et 2004, selon Banque Mondiale). Après dix années fastes, Mindray était mur pour investir dans un concurrent, élargir ses parts de marché à l’international. En rachetant l’outil de Datascope, il hérite aussi d’une équipe de R&D (d’un vivier de brevets), d’un réseau de distribution—et d’une image de marque. La vente finale devrait intervenir au 2ème semestre, après accord de l’administration fédérale qui, dans ce cas, ne devrait pas poser de problème : nul risque d’exploitation militaire, et nulle appartenance militaire du repreneur chinois. De plus, Mindray promet de maintenir direction et usine en place.

 

 


JO : Jour J – 144

Après sa prestation en coupe d’Algarve (Portugal), le foot féminin chinois est en crise avec Elisabeth Loisel, l’entraîneuse française. Loisel accuse ses filles de trop d’erreurs, et pas assez d’engagement. Le problème semble tenir aussi à une imparfaite délégation du pouvoir : Zhang, “entraîneur-bis”, du ministère, se mêle de tout, du régime alimentaire à la disposition de l’équipe. La presse prédit l’envol forcé de Loisel – sort que partagea sa prédécesseure Marika Domanski (Suède). Loisel, pour sa part, menace de quitter si Zhang reste. Pot de terre contre pot de fer?

ª Haile Gebrselassie, l’Ethiopien recordman olympique du marathon, déclare forfait cet été, pour cause de pollution—il n’ira aux JO que pour le 10.000m. Cependant, les autorités poursuivent le grand nettoyage des airs : 100km² de chantier de Pékin viennent de se voir imposer une décélération, jusqu’à l’immobilisation pour 2 mois au 21/08. Pour commencer, plus d’excavation.

ª Adidas avait cru bien faire, lançant à Hong Kong (pour commencer, comme ballon d’essai) une tenue chic, qui combinait son logo et l’étendard chinois. Mais des supporters multiplièrent les plaintes contre l’action “illégale”, y compris sur internet où 50% brandirent la menace du boycott : message reçu 5/5 par Adidas qui re-plia ses survêtements et toute honte bue, s’excusa promptement.

 

 


Petit Peuple : Qingshui—la danse macabre

Le 29 février à Qingshui, village montagnard taiwanais, une Hong Mudan légère et court vêtue dansait devant Cai Laoren, allègre vieillard. Son 2 pièces vert-moiré, genre salamandre, mettait en valeur les déhanchements lascifs de ses jambes de sauterelle à hauts talons.

Bonne enfant, l’assistance ne se formalisait pas de l’entorse au contrat : pour toucher les 5000NT$ (106²) de son cachet, Mudan aurait dû se produire dans le simple appareil.

Elle avait ses excuses : la présence inopinée caméras de la presse taiwanaise, avait réveillé chez la courtisane un réflexe de pudeur, dont elle n’avait daigné se départir pour danser, qu’en conservant (selon son terme) « le triangle » du haut et du bas.

On le devine: la scène n’avait rien de routine. La fragrance des lys à profusion, la photo encadrée du vieillard rendait la scène un rien lunaire : Laoren était décédé, et c’est à travers les limbes, dans l’au-delà qu’étaient supposées l’aguicher les pas de Hong Mudan face à ses restes, tandis que proches et amis buvaient des verres, changeaient des blagues un peu forcées, selon les voeux de Ruigong, le fils du défunt et l’ordonnateur de la cérémonie.

La scène, il faut l’admettre, pourrait faire scabreux. Pour comprendre, il faut connaître les circonstances. Jusqu’à sa mort à l’âge canonique de 103 ans, Laoren avait été bon vivant, goulu d’une existence partagée entre un dur labeur, les devoirs et les plaisirs. Plus souvent qu’à son tour, il sortait en boite avec ses copains ou s’envolait pour la Thaïlande, se faire tirer le portrait avec de pulpeuses créatures. D’une santé de fer, ce laboureur avait élevé 6 enfants avec sa femme épousée à 16 ans, à ses côtés jusqu’au bout. Notable à Qingshui, il avait soutenu en octobre un copain candidat au poste de maire. C’est ce qui avait eu raison de sa force herculéenne : suite à une marche de 5 km sous le soleil, il s’était alité, épuisé, pour s’éteindre le 24 février, entouré des 100 membres de son clan, étirés sur 6 générations.

De tous ses fils, Ruigong son petit dernier était le préféré. A la douleur de voir partir son père, s’était greffée chez lui la honte d’une promesse non tenue : au 95ème anniversaire, il lui avait promis, pour rire, de lui amener une troupe de stripteaseuses « s’il franchissait son siècle ». Le vieux avait tenu sa part du marché, mais le fils avait oublié sa parole.

D’où cette décision du clan de porter la fête et non le deuil: la tradition le dit bien (红白喜事 hong bai xi shi) : le mariage est rouge, l’enterrement est blanc. Cette même tradition millénaire des obsèques, qui fait brûler des images de femmes, de voiture, ou d’ordinateur.

Mais au fait, à ce point de la fête, on avait un problème: que valait, pour l’aïeul, à titre de dernier plaisir, une danseuse qui gardait ses nippes ? N’y avait-il pas tromperie sur le service ? En fin de compte, on transigea : on tendit un long et haut calicot, derrière lequel Mudan poursuivit sa danse, enfin nue, selon les rites.

Suite à quoi Ruigong l’héritier, déclara à la cantonade que le patriarche s’était royalement amusé, qu’il lui ferait revenir la belle, pour une autre séance.