Le Vent de la Chine Numéro 9

du 5 au 11 mars 2007

Editorial : ANP – une session parlementaire bien vissée

Les préparatifs de la session du Parlement national (ANP) (5-16/3) sont restés occultés dans un brouillard dense. A 6 mois du XVII ème Congrès, point d’orgue de ses 5 ans de mandat, Hu Jintao doit à la fois contenir la critique interne et externe, et renouveler 100.000 cadres (rajeunis et plus éduqués), base d’un tournant futur dans la vie du pays – malgré la survie d’un dernier carré conservateur dangereusement fort. Aussi, cette session a pour but de :

rassembler, tendre un lien entre marxistes et réformateurs, tous mécontents : les nostalgiques, parce que Mao Zedong est oublié ; les démocrates, parce que l’ultralibéralisme de la réforme, punit les pauvres, voire les suscite;

rassurer Jiang Zemin, l’ex-Président hostile au changement, et promettre stabilité et refus de démocratie – ceci, pour avoir plus vite les mains libres.

Ce plan met Zeng Qinghong le vice Président  dans une position plus ambiguë que jamais. Cet ex bras-droit de Jiang Zemin, qu’on dit rallié à Hu Jintao, désigne les apparatchiks des cinq prochaines années, pour les 33 provinces (c’est déjà chose faite pour 14). La semaine passée, en séminaire national, Zeng enseignait aux plus hauts cadres le nébuleux concept de Jiang, dit des sangedaibiao (三个代表 « trois représentativités»), tout en prétendant « adapter le marxisme au contexte chinois»! Mais Zeng se faisait aussi  l’apôtre d’une «démocratie interne» et prétendait apprendre à ces hauts cadres à échanger, oser s’exprimer…

Au même moment, le 1er ministre Wen Jiabao dit au Quotidien du Peuple que la Chine ne connaîtra pas la démocratie avant « 100 ans », le temps d’atteindre la « maturité socialiste ». En attendant, la priorité restera à l’« équité dans la justice sociale » et à la croissance.

Ces propos contredisent la vieille promesse de Deng Xiaoping qui, dans les années ’80, voyait la démocratie pour dans « 50 ans » : comme un mirage, plus on s’en rapproche, plus elle s’éloigne. Par ses propos, Wen rejetait les appels de deux vieux intellectuels, Zhou Ruijun et Xie Tao, qui réclamaient l’accélération de la réforme politique, voire une longue marche vers la social-démocratie, version suédoise.

Tel est le décor de cette session de l’ANP. On y verra l’adoption de 2 lois essentielles -celle de la propriété, celle de l’impôt des sociétés – dont la 1ère provoque  une pétition de 3000 signatures dénonçant un «aval de fortunes scandaleuses». Mais en même temps, on verra aussi une tentative, très contestée par la gauche (Luo Gan, patron de la police) d’abolir les centres de rééducation par le travail (劳教 laojiao), en place depuis 1957.

Autre fil rouge de la session : l’écologie. En 2006, avec -1,23% d’énergie brûlée par la nation, Pékin n’a rempli qu’un tiers des objectifs d’économies. La Chine est déjà n°1 en émission de dioxyde de soufre (pluies acides), et le sera  dès 2009 en CO² (effet de serre). A ce rythme elle n’atteindra pas d’ici 2010 les -20% promis l’an passé. Pour ce faire, elle devrait réduire à 9% sa croissance, qui frisait 11% en 2006.

D’où  l’urgence de nommer une administration fiable, et de négocier et discuter à tous niveaux, suivant le souhait de Zeng Qinghong !

 

 


A la loupe : APL L’armée – tourner le canon contre le quartier général…

En appelant, à 10 jours de la session du Parlement chinois (ANP) – 26/02, l’Armée Populaire de Libération (APL) à «ne pas oublier l’esprit communiste» et à résister à l’intérêt personnel, le pouvoir tourne le projecteur sur la «nouvelle Grande muraille» (sobriquet de l’armée chinoise). En 2007, elle aligne 2,2M d’ hommes (+ 4M paramilitaires), une marine de 76 bâtiments de surface, 55 sous-marins (y compris nucléaires), une aviation de 2300 chasseurs-bombardiers (dont 238 Su-27 et Su-30), 600 hélicoptères, une infanterie d’1,6M d’hommes et 8000 tanks. Matériel et méthodes sont souvent désuets. 36,6MM$ de budget (voire le triple, +15%/an) alimentent un programme intense d’achats d’armes russes et de R&D au succès variable : bombe « H », satellites, armes laser, missiles, AWACS, télécom digitales…

NB : l’APL tente de trouver un 2d souffle post-révolutionnaire, et d’acquérir la maîtrise des airs et des mers — pour une guerre toujours possible, de reprise de Taiwan.  

La destruction d’un satellite par missile le 11/01 a frappé le monde. Pékin, depuis, a fort à faire pour convaincre Tokyo et les US de la vocation pacifique de son armée. Or, le soupçon circule, que l’APL aurait décidé seule ce coup de force, mettant le pouvoir civil devait le fait accompli :

NB : dans la défense de ses privilèges, ce pilier du régime  fait souvent cavalier seul, face à Pékin et aux provinces!

La critique du leadership, est tout sauf abstraite : le com-mandement est affligé d’une corruption que le Parti communiste (PCC), excédé, commence à avouer. Des montants énormes disparaissent, en contrats discrétionnaries ou vente de matériel déclassé. Ce qui justifie l’actuelle réforme des services logistiques, qui prétend confier au marché, d’ici 2010, jusqu’à 15% des achats. Hu Jintao veut forcer l’empire kaki à céder ses flottes de cargos,bus, avions, taxis, limousines, ses écoles, ses maisons d’éditions, hôtels, théâtres, centrales thermiques ou téléphoniques. Mais la Grande Muette en a vu d’autres, et ne l’entend pas de cette oreille, jouant du reste d’influence de Jiang Zemin. Hu Jintao d’ailleurs, en compensation, offre 20% de hausse de salaire des officiers.

NB : autrement dit, dans les casernes, les deux factions du PCC s’arrachent les votes —et l’armée vote pour elle-même !

 


Joint-venture : Un pied sous l’eau, pour Bouygues, en Chine

Raffineries chinoises, goût saoudien

1ère société pétrochimique au monde par sa valeur marchande, Sabic donne des signes d’impatience, attendant depuis « plus d’un an » le feu vert pour bâtir son projet chinois de complexe de transformation d’or noir, à 5,2MM$, près de Dalian, en partenariat avec Sinopec et Dalian Shide.

Cette lourde unité devrait compter une raffinerie classique et une tour de craquage d’éthylène. Début 2006, après deux ans de palabres, l’accord commercial était signé… Le Président de Sabic, prince de la famille royale, menace d’aller voir ailleurs ! La colère rentrée du prince saoudien est exacerbée par le fait que Pékin vient d’accorder sa licence à la concurrence, Aramco qui signe le 25/2 avec Sinopec et Exxon un double contrat en MM$, donnant naissance au 1er projet pétrolier intégré sino-étranger, permettant raffinage, craquage et distribution en Chine. Le complexe de Quanzhou (Fujian) sera triplé en capacité à 12Mt/an, produisant 2,7Mt de carburants, éthylène et autres. La JV commerciale écoulera le carburant dans 750 stations-service. L’une et l’autre géreront un appontement pour tanker de 300.000TJB, différents terminaux dans la province, et une centrale thermique. Ces JV sont le 1er fruit d’un partenariat stratégique sino-saoudien, visant la création de 10 raffineries saoudiennes en Chine, alimentées au pétrole sulfureux de Ryadh – moins cher, mais nécessitant plus d’équipements. L’incompétence administrative étant impensable sur un dossier à telle priorité, le retard chinois est incompréhensible.

NB : autre feu vert à CNPC le 16/02 pour une raffinerie de 10Mt /an à Qinzhou (Guangxi), pour concurrencer Sinopec. Traditionnellement, CNPC détient la ressource, et Sinopec, le marché !

 

Un pied sous l’eau, en Chine pour Bouygues

Huit jours après l’obtention de la licence, Bouygues Travaux Publics lance les pelleteuses de son 1er chantier chinois : 2 tunnels autoroutiers de trois voies sur 8kms, entre Shanghai et l’île de Changxing. Passer sous l’estuaire du Yangtze ne devrait pas faire peur au bâtisseur du Tunnel sous la Manche, mais Bouygues utilisera un procédé inédit, les tunneliers creusant simulta-nément, tout en posant l’ossature de béton. Ce sera le plus long tunnel sous-marin de Chine, et pour obtenir le gros débit nécessité par le client, BTP battra son propre record mondial de diamètre des tunneliers, à 15,43 m. Dans ce contrat de 185M², la part du lion reviendra au chinois STEC, l’expert local, 74M² revenant au français. Pour cette construction, 20 ingénieurs Bouygues Travaux Publics superviseront une équipe de 400 personnes. Ce chantier emblématique récompense une longue patience : très actif à Hong Kong, avec sa filiale Dragages, Bouygues a du attendre 20 ans, sa réelle entrée en Chine!

 

Ménage à trois sur le marché des coeurs solitaires

Match.com, n°1 mondial des rencontres sur le net (du financier Barry Diller) vient de convoler le 27/02 avec Netclub le n°3 français (4M d’abonnés) et le chinois eDodo (180.000 membres payants,3.000 nouveaux / jour).

Le montant des dots reste secret. Dans 35 pays, en 15 langues, Match.com assemble 15M d’âmes esseulées —il en tirait 311M$ en 2006 (+25%). Avec eDodo, il tire le jackpot, car ce marché où les hommes sont 117 pour 100 filles, ouvre à l’américain un terrain de chasse de 64M de coeurs branchés sur internet, chiffre devant quasi-doubler cette année. Match.com entre avec Meetic (le rival français, leader européen) en concurrence directe : ayant repris depuis 13 mois eFriendsNet, le 1er réseau communautaire mobile du pays (4M d’abonnés), Meetic a lancé au 31/7 son service de rencontres en ligne.

 

 


A la loupe : Aéroports : poussée tous azimuts, et reconquête

Les grands aéroports du pays poursuivent leurs immenses projets d’extension. Profitant de l’explosion de son trafic, passagers comme fret, la Chine essaie plus que jamais de reconquérir la maîtrise de son ciel. Mais la route est longue : si aéroports et compagnies aériennes peuvent investir à leur guise sans trop de problèmes, l’étranger les domine toujours de la tête et des épaules, en fait de services !

A Canton-Baiyun, tout neuf,China Southern veut concurrencer le fret Hong Kongais et mondial: seuls 33 avions-cargos volent sous bannière chinoise, contre 1000 entre UPS et Fedex ! CS va étoffer sa flotte de 2 à 14 appareils, soit six A-300 et six B-777, à livrer d’ici 2011. Shenzhen Airlines, l’autre méridionale prend le même essor, avec Jade Cargo, sa JV avec Lufthansa: de 2 à 6 avions sous 11 mois.

ShanghaiHongqiao va briser par le Nord-Ouest son encerclement urbain, ajoutant à ses 2 terminaux (81.000m²) un 3ème de 250.000m², et une piste de 3,3km, moyennant 1,5MM euros d’invest, qui doubleront d’ici 2010 la capacité à 40 M de passagers/an. Projet bien nécessaire: Hongqiao est saturé, ayant été conçu pour 9,6M/an !

Shanghai-Pudong International poursuit les travaux qui porteront son trafic passagers à 60M/an en 2015. Par ces projets, Shanghai rêve de détrôner Hong Kong, comme plaque tournante asiatique. Mais en attendant, Hong Kong, 1er aéroport du monde vient de battre son propre record : 872 vols dans la journée du 16/02, veille du nouvel an lunaire. Avec ses deux aéroports, d’ici 2015, Shanghai traitera 100M de passagers/an !

Pékin-International s’affranchit de son partenaire Aéroports de Paris (AdP). En 2000 en bourse de Hong Kong, AdP avait pris 35% de Beijing Capital Airport, parts incessibles pour 5 ans. Mais en 2006, la société chinoise avait levé 1MMHK$ supplémentaire, diluant la participation du Français à 16%. Pire : un placement prochain en bourse de Shanghai, quatre fois plus important, aurait laminé la position d’AdP, qui perdait ainsi sa capacité de gestion et sa minorité de blocage. En tirant les conséquences, AdP a vendu ses parts pour 2MMHK$. A un très bon moment, à la veille du choc boursier, doublant ainsi sa plus-value en un an.

 

 

 


Argent : 3C— les sables mouvants de l’électroménager

3C — les sables mouvants de l’électroménager

      Des cinq grands distributeurs d’électroménager en Chine début 2006, trois ont disparu, repris par Gome ou Best Buy (US).

 Sur quoi dès août, Huang Guangyu, patron de Gome (1ère fortune privée du pays) voulait croquer Suning le n°2. Mais la messe est loin d’être dite : Suning a répliqué en multipliant les ouvertures (52 au 1/10) et vient d’afficher un profit annuel de +105%, à 720 M Yuan!

Puis un outsider émerge : le 26/02, 3C déclare l’explosion de son chiffre d’affaires, +673% (à 11,3M$), grâce à sa génération spontanée d’un réseau de 800 magasins. D’acquisitions en accords de coopération, la start-up sans complexe a tapé dans l’oeil des venture-capitalistes new-yorkais. Il faut dire qu’entre-temps, Huang, empêtré dans des projets d’expansion trop ambitieux, perdait l’actionnariat stratégique de Morgan Stanley, et était un instant inquiété par une justice curieuse de l’origine du capital de départ de son empire, 10 ans plus tôt.

Deux conclusions sont envisageables :  [1] immature, ce marché peut encore réserver bien des surprises, [2] en freinant Gome, l’Etat pourrait avoir ainsi prévenu une concentration monopolistique !

Xinhua finance media, un effet boule de neige

Xinhua Finance Media (XFM) entre au Nasdaq de New York le 9/03 tel un météore, devant y ratisser sans efforts 323M$, 2ème cotation chinoise aux USA après Suntech (400M$) 15 mois  auparavant. Filiale de Xinhua Finance Limited, XFM a pour métier l’info financière, et surtout  la publicité.

Il produit 9 programmes comme Fortune China  qu’il vend aux stations et chaînes, atteignant 210M de téléspectateurs et 33M d’auditeurs. Son auditoire est jeune et riche—celui des bobos de Beijing à Shanghai, mais il fournit aussi magazines et journaux financiers, tels Money Journal et l’Economic Observer. Cependant, les trois-quart de ses revenus proviennent de son métier d’agent publicitaire pour 500 média comme Beijing TV. En 2006, son bénéfice net s’est élevé à 3.3M$, sur 59M$ de revenus. En 2007-2008, ses profits nets devraient monter de 60%.

L’avenir est  donc fort rose, avec un marché de la pub en croissance exponentielle (13MM² attendus en 2008 contre 8MM² en 2005) qui fait saliver le boursier américain, entre autres. Car le marché de XFM est captif du fait des lois chinoises, mais aussi de son savoir-faire ésotérique. Quiconque veut investir en ce pays et savoir où, verra en XFM un passage obligé.

NB : Après l’ entrée en boursede sa filiale, Xinhua Finance en conservera 36,7% – bon pour elle !

 

 


Pol : La revanche de la ‘petite reine’?

Réserves en devises—la résistible course au dollar

Trois semaines après sa fin, le sommet national financier présen-te un de ses fruits, qui fait parler de lui : Wen Jiabao veut protéger et mieux utiliser les 1070MM$ de réserves en devises, dont 60% en dollar, qui perdra cette année au bas mot, 5% face au Yuan  (d’où 50MM$ de perte annoncée) !

Pour limiter la casse, la Banque centrale (BPdC) va devoir céder à la Foreign Exchange Invest Co, (FEIC) agence nouvelle, le contrôle de ce pactole,  selon le plan imposé par le Conseil d’Etat lors de cette conférence. Le vice ministre des Finances Lou Jiwei sera le probable boss. La direction sera partagée entre ce ministère, la BPdC et la  NDRC (National Development and Reform Commission). Son pécule de départ sera de 200MM$ (20% du tout), échangés aux firmes détentrices contre des bons en Yuan.  Il devrait grossir vite : les réserves nationales en devises tripleront d’ici 2010. Son mandat : investir en titres boursiers, participations dans des firmes étrangères, banques, firmes d’énergie et ressources minières, R&D. Le maître mot sera aussi diversifier, càd échanger les bons du Trésor américains contre des valeurs équivalentes en monnaie de Singapour, Corée du Sud ou Norvège -l’Euro, avec 30% du panier, étant déjà suffisamment représenté. La FEIC est calquée sur le modèle de Temasek, le bras financier du gouvernement singapourien, et comme elle, interdite de concurrencer les firmes du marché.

NB : la SAFE conservera son rôle de tutelle des réserves, mais si elle perd celui d’investisseur, qui gérera ses 100ainesde MM$ d’invests déjà opérés ? C’est la question à 1 trillion de dollars!

NB 2: la nouvelle inquiète les USA, dont un pôle du billet vert s’affaiblit. Pourtant, Pékin a des raisons de ne pas briser cet axe monétaire qui depuis 20 ans, lui réussit si bien !

 

Tibet—ruées vers différents ors

Outil stratégique à 5MM$, la liaison ferrée Xining-Tibet (1956 km), depuis juillet dernier, désenclave le Tibet et rompt des millénaires d’isolement.

Le tourisme a explosé, 2,5M l’an passé, qui seront 3 à 4M en 2007, puis 10M en 2020, noyant dans leur mas-se les 2,7M d’habitants du Toit du monde.

L’hôtellerie de luxe s’apprête à suivre, encouragée par un Etat soucieux d’éviter le trafic « routards », style Kathmandou. Fin 2008 à Lhassa, Starwood (St Régis) ouvrira 169 chambres dont 50 villas-suites, au coût de 40M$. Banyan Tree (Singapour), Best Western et InterContinental (Crowne Plaza) suivront, non découragés par la fermeture en 1997 de l’Holiday Inn (d’InterContinental), suite à un boycott mondial.

On découvre aussi la probable raison 1ère de l’investissement ferroviaire : depuis l’ouverture, la voie a convoyé 1,16Mt de fret, autant que de passagers. En 8 ans, 1000 géologues ont prospecté la moitié du territoire et y ont trouvé 16 dépôts majeurs de minéraux, 40% des ressources nationales, pour 128 MM$ en valeur actuelle, y compris pétrole/gaz, charbon, uranium, cuivre (pour 40Mt de métal), plomb et zinc (40Mt), fer (+ d’1MMt). 2.6Mkm² restent à explorer. Afin d’accélérer cette mise en perce, Pékin prolonge la liaison ferroviaire et ouvre des routes affluentes: Xigazê, à 280km au sud-ouest, sera atteinte en 2010.

 

La revanche de la petite reine ?

Empire des bicyclettes (470 millions), la Chine est aussi tristement connue par ses voleurs. 4millions de vélos filent par an, nourrissant les dealers marrons.

Situation largement due à la discrimination par l’Etat, depuis 10 ans : invariablement, les mairies préfèrent « recycler » la voierie cycliste héritée de Mao Zedong, pour la voiture, plus lucrative. Mais les choses changent : le pétrole à 60US$/baril fait réfléchir, comme les 200.000 accidentés/an, l’embouteillage permanent et la ruine d’une industrie cycliste boudée par un citadin découragé.

Le 1/03, six ministères lancent une campagne antivol de mars à juillet : c’est un tournant historique. Tous les moyens sont activés : enregistrement du propriétaire à l’achat, numéro de série sur chaque vélo, subvention aux marchés d’occasion, frappe tous azimuts des voleurs par raids sur les marchés gris, décuplement des détectives en civil, prime de délation (100 à 5000¥), y compris par téléphone –le n°«110» ou sur le site du ministère de la sécurité publique (www.mps.gov.cn). Les ronds de cuir verront inspecter, lors des promotions, le travail fourni dans la capture des « il bidone ». Quant aux vélos épaves, dont Pékin ramasse 3000/jour,ils seront offerts, réparés, aux étudiants et nécessiteux.

En avance d’un train, Shanghai annonce la réouverture dans l’année, aux vélos, de 20km de rues bordant le second périphérique : 1ère ville mettant fin au « tout voiture », après 10 ans de mise au ban de la petite reine, qui se prend à rêver à son grand retour !

 

 


Temps fort : Bulle boursière chinoise – un éclatement anticipé, et prémédité !

La bourse gonfle et casse : lundi 26/02, Shanghai passait la barre des 3000 points, épilogue-record d’une chevauchée haletante l’ayant vue monter de 162% sur 14 mois ! Mais le 27/02, baptisé « mardi-noir », la place perdait 8,9%, pire chute en 10 ans. 108MM$ grillaient dans l’aventure, et sans le « garde-fou » limitant l’érosion à 10% par titre, le bilan aurait été bien plus grave: 800 des 1400 valeurs atteignaient le butoir !

Toutes les places boursières dans le monde suivirent : -4% à New Delhi, -2,5% à Hong Kong, -1,8% à Londres, -3,3% à New York, qui brûla 632MM$ dans la journée, bien que la bourse chinoise ne concerne que son marché intérieur, en Yuan non convertible! De l’aventure, le monde de la finance retient deux leçons:

Œ chute chinoise mise à part, la bourse américaine était intrinsèquement fragile, vulnérable à un tel « déclencheur », et

 la bourse chinoise est désormais assez forte et imbriquée dans la finance mondiale pour pouvoir donner le ton.

En fait, dès fin janvier, Chen Xiwei vice-Président du Parelemnt (ANP) avait averti : cette bourse était notoirement surévaluée, sous la ruée des petits porteurs se disputant les émissions des grandes entreprises d’Etat. En janvier, le nombre des traders avait augmenté de 134% ! Des firmes peu scrupuleuses, avides d’avoir leur part de cette manne avaient émis des parts sans permis, qui prospéraient comme les autres, sans que leurs porteurs se préoccupent de la faiblesse de leur gestion. Même l’arrestation pour fraude le 29/12, du PDG de Bailian (Shanghai), valait à son titre un gain de 45%!

C’est pourquoi durant le nouvel an chinois, l’Etat a préparé l’opération « perçage de bulle », selon un scénario éprouvé et avec une impressionnante maîtrise. Le 25/02, suite à une série de messages « douche froide », il annonçait une « force spéciale » contre la spéculation, puis suggérait la taxation à 20% des plus-values. Le 26/02, la Banque centrale ajustait à 10% le taux de réserve des banques (5èmehausse en 8 mois). Peut-être renseignés, des investisseurs stratégiques se retiraient dès le franchissement de la barre des 3000 points, donnant le signal de la retraite.  Puis le lendemain, pour l’enrayer, il a suffit au 1er ministre Wen, le lendemain, d’affirmer à la TV son soutien à la bourse, et de dissiper la rumeur de la taxe de 20% : dès lors, Shanghai et Shenzhen repartaient à la hausse, laissant les autres places du monde lécher leurs blessures, tout en apprenant que désormais, les décisions financières et boursières de Pékin les concernent et atteignent.

 

 


Petit Peuple : Pékin : quand la fiction prend la vie au piège !

En toutes circonstances, un chef de chantier doit garder des nerfs d’acier. Un beau soir de juillet 2004 à Pékin, Chen, chef-maçon de 37 ans, eut bien besoin de cette vertu, quand il reçut son 1er texto d’insultes. Suivit un second, damnant son âme noire et lui promettant une volée inoubliable. Avant que Chen ait compris ce qui lui arrivait, il en avait reçu 17, puis 13 le lendemain, puis au fil des mois, une giboulée de coups de bâton qui le vouait à l’enfer bouddhiste et à ses supplices raffinés, ruinant ses jours et ses nuits.

Homme simple, jamais Chen Bing ne tenta rien pour comprendre le ressort de la machine infernale, ni pour le désarmer. Jusqu’à ce jour d’ août 2006, où une âme charitable lui dévoila le pot-aux- roses: Runshi Rongguang, maison de production TV avait créé une série policière où l’odieux bandit dictait son numéro de GSM, au 22ème épisode. En trois ans, la série avait passé 50 fois (1 fois par chaîne nationale), puis bien sûr vendue sous le manteau, en millions de CD pirates. Durant ces 36 mois, le malheureux plâtrier avait reçu rien moins que 3000 messages assassins !

Haïssant qu’on joue ainsi avec ses pieds, Chen Bing porta plainte en septembre, auprès du tribunal intermédiaire de la capitale. Comme preuve à charge, il produisit ses 3000 textos recopiés de son portable.

Curieusement, la justice chinoise qui d’ordinaire,vote pour la firme contre l’être isolé, vient d’établir les torts de la maison de TV «coupable de négligence, pour n’ avoir point vérifié que le n° de téléphone du film n’était pas occupé en vie réelle». Rongguang devra payer 200² au contremaître, en préjudice – il en réclamait 10.000.

Au demeurant, ce procès ne manque pas de détails cocasses. Ainsi, durant l’audience, le réalisateur avoua avoir choisi comme numéro, la date de naissance d’un des acteurs. Comme on fait au loto – mais en guise de lot, il tira une amende !

De même, les 3000 Chi-nois lambda, auteurs des messages vengeurs, tous comme un seul homme, firent la confusion entre l’acteur, être de chair, et le personnage fictif. En ce sens, le «souci qui tomba du ciel » de Chen Bing (祸从天降 huo cong tian jiang) ne peut être imputé à la malchance, mais bien à un choix conscient de toute une société, de démolir la cloison entre rêve et réalité tangible.

Illogisme flagrant, mais qui lui permet peut-être, à tout prendre, d’affronter mieux (en le travestissant) son décor, parfois trop impi-toyable, ou trop décevant !

 


Rendez-vous : Canton: Salon international de retraitement de l’eau

n  3-4 mars, Beijing / 10-11 mars, Shanghai: Salon chinois international de l’éducation.

n 7-10 mars, Canton : Salon international de l’eau et du retraitement de l’eau / et Salon international des pompes, valves et tuyaux.