Le Vent de la Chine Numéro 2

du 15 au 21 janvier 2007

Editorial : La Chine diplomate malgré elle…

Taiwan publie les chiffres secrets des «petits cadeaux» portés la semaine passée par le ministre Li Zhaoxing à cinq pays d’Afrique : 260M$ ! C’est bien plus que les chiffres cités jusqu’alors, de l’ordre de 50M$ par Etat, pour 2 ou 3 ans – « les prix ont augmenté», commente un expert taiwanais ! Les Africains ne prennent plus  la Chine pour le « frère tiers-mondiste», mais pour un Etat-marchand comme les autres. C’est ce que traduit le kidnapping de 5 techniciens chinois au Nigeria, pour obtenir rançon…quoique Pékin y investisse des MM$ en infrastructures!

Du 8 au 10/01, Ehud Olmert, 1er ministre israélien était en Chine, pour resserrer 15 ans de liens. Israël s’est spécialisé, face à la Chine, dans les fournitures high tech en énergie, agriculture, maîtrise du désert, ou défense (dont les ventes sont alors souvent bloquées par les USA. Les échanges bilatéraux atteignent 3MM$/an -un record, pour ce petit pays…Olmert était surtout venu plaider la fermeté face à l’Iran: que Pékin force son douteux allié à obtempérer à la résolution 1737 du Conseil de sécurité (23/12), et à geler sous deux mois ses programmes d’enrichissement d’uranium. Ceci, dans le sens des intérêts bien compris de Pékin : le Moyen-Orient est le pompiste du monde, Chine en tête.  Or, sans stabilité,  point d’or  noir!

Fait très nouveau, l’avant-veille de l’arrivée d’Olmert, le Président Hu Jintao, avait rabroué Ali Larijani, l’émissaire iranien, adjurant publiquement l’Iran de faire à l’ONU une «réponse sérieuse».  D’ordinaire hostile à toute sanction envers des Etats-« voyoux » (Iran, Corée du Nord, Soudan), la Chine avance dans ce sens, et fait pression —pour éviter le pire, un nouveau front style « Irak »… Les Etats-Unis aussi, d’ailleurs, pressent la Chine de «reconsidérer» sa commande imminente, à long terme, d’hydrocarbures iraniens, pour 16MM$…

Enfin, toujours plus dépendante du monde pour sa croissance (sa soif de compétences, de matières 1ères, de crédits, de marchés), la Chine voit surgir le fantôme des tentations de repli sur soi des US et surtout de l’Europe : elle ne peut plus se passer de leur confiance. Ce qui devrait l’inciter, disent les experts, à s’arracher à son inertie pour relancer la ronde de Doha de l’OMC. La Chine pourrait présenter bientôt des concessions tarifaires nouvelles, afin de contrebalancer l’influence protectionniste de l’Inde et du Brésil, les autres géants. Jusqu’alors, la Chine misait plutôt sur les accords bilatéraux. Doha a seulement jusqu’à l’été pour aboutir. Après, c’est la jungle. Pour Pékin, une course contre la montre semble engagée!

Ainsi, tous les signaux concordent : vis-à-vis du monde extérieur, la Chine, en très peu d’années, doit passer de 60 ans de pratique chauvine et idéologique, à un rapport plus convivial et responsable : nouvelle donne diplomatique, aux conséquences incalculables !

 

 


A la loupe : La Chine bredouille à la chasse au gaspillage

Sujet lié à la pollution et à la corruption, le gaspillage est un des défis où le pouvoir avoue le plus platement son désarroi et son sentiment d’échec, avec plus de sentiment d’urgence qu’en tout autre domaine. C’est que le gâchis fait rage au Céleste Empire, et faute d’être jugulé, il devrait imposer un frein à la croissance, en accélérant l’épuisement des ressources, et des crédits!

Exemple, les déchets urbains: 668 métropoles en produisent 150Mt/an, un tiers de la planète. Le chiffre a presque doublé de 1999 à ’05, alors que la population n’augmentait «que» de 43%. Or, seules 30% de ces ordures sont recyclées, le reste déversé en décharges -une de ces villes fut épinglée avec 7000 de ces dépôts plus ou moins sauvages ! Bilan, prédit le CCICD, institut de recherche économique : en 2020, la montagne d’immondices atteindra 400Mt, les ordures mondiales en 1997 ! Les villes ne pourront alors plus gérer. Ce qui manque : un cadre juridique, de la technologie, des investissements (un marché du recyclage), et beaucoup de contrôles sur le terrain – le respect de la loi !

Autre gaspi célèbre : une tour de 22 étages  à Hangzhou (Zhejiang), construite pour durer « 100 ans », démolie après 13 ans au profit d’un « coup d’accordéon» foncier -20M² de perdus !

La Chine s’est dotée d’un plan ambitieux en développement durable pour 2006 : moins 4% de consommation d’énergie, moins 2% de pollution. Hélas, 25 provinces sur 31 n’ont pas atteint la norme, et au contraire, la consommation d’énergie a augmenté de 0,8%… Aussi la SEPA, l’agence nationale de l’environnement, a pris des mesures drastiques contre les plus choquants transgresseurs : tous les chantiers nouveaux sont bloqués pour quatre compagnies dont Huaneng et Datang, et quatre villes dont Tangshan -cette dernière, pour avoir ouvert 70 mini-aciéries polluantes dans l’année. De même, avec l’appui de la Banque centrale (BPdC), la banque centrale, elle veut que toute firme voie ses emprunts futurs conditionnés à un bilan environnemental satisfaisant… D’ailleurs, Xie Zhenhua, ex-patron de la SEPA, démissionné en décembre 2005, suite à la pollution catastrophique de la rivière Songhua, revient comme n°2 à la toute puissante NDRC, la Commission nationale de développement et de réforme, un des chefs d’orchestre de l’économie chinoise. En principe, c’est un renforcement de l’agence pour l’environnement!

Mais faut-il prendre ces intentions au pied de la lettre ? Ce n’est pas la première fois en Chine, que des décisions courageuses de Pékin sont contournées dans les provinces. La Chine ne vit aujourd’hui, que de son export et de son avantage-prix. Lesquels se paient en pollution…  Et en gaspillage ! 

 

 


Joint-venture : Taxes des sociétés: abolition des privilèges

Taxes: abolition des privilèges

Mesure réclamée à cors et à cris par les firmes locales, l’ANP (l’Assemblée Nationale) devrait abolir en mars le privilège fiscal des entreprises à capitaux étrangers. Selon le projet d’amendement légal, la taxe au chiffre d’affaires sera unifiée à 25%, baissant pour les firmes locales (aujourd’hui à 33%), montant pour les « étrangères » (de 16% en moyenne). Effective au 1er janvier 2008, la mesure sera appliquée par paliers sur cinq ans pour les étrangères.

La base du système fiscal sera sectorielle, et non plus régionale. Banque, télécoms, agroalimentaire (chinois !) profiteront le plus, la banque devant voir son profit net bondir de 10 % au bas mot. Par cette harmonisation exigée aussi par l’OMC, l’assiette de l’impôt des sociétés locales devrait subir une coupe sombre de 16,8 MM$, mais celle des étrangères, notoirement les 1ers contributeurs nationaux, augmenterait de 5,1 MM$. L’Etat serait donc perdant -3% de son revenu fiscal (11,6 MM$). Ce tassement pourrait être compensé par la taxe d’occupation des sols, applicable au 1/01 aux firmes à capitaux mixtes ou 100% étrangers, et dont le taux, inchangé depuis 1988, vient d’être triplé, jusqu’à 30¥/m²/an.

NB : Soucieux de maintenir le robinet des capitaux extérieurs (60MM$ en 2006), le Ministère du commerce s’opposait au ministère des finances, leader du projet, et l’a retardé  de plusieurs années. Les PME « à faible revenu », peuvent postuler pour une taxe allégée à 20%.

Energie alternative: partenariat indonésien record

Dernier avatar mirifique de la course chinoise à l’énergie, le biocarburant chinois s’exporte. Résultat logique d’années de surinvestissements suivis d’un frein étatique tout récemment, forçant le secteur à trouver de nouveaux marchés. Monopole du pétrole offshore  en Chine, la Cnooc (China National Off-shore Oil Corp) convient en Indonésie (9/1) avec Smart, filiale du conglomérat Sinar Mars, du futur plus grand projet mondial de biocarburant.

Après 8 ans, il s’étalera sur 1M d’ha entre les îles de Papouasie (à l’Est) et Kalimantan (au Nord). Il en coûtera 5,5MM$. Une usine produira du biodiesel à partir d’huile de palme, l’autre du bioéthanol à partir de canne à sucre et de manioc. Par cet accord, Cnooc conforte sa position de leader national en carburant d’origine agricole. Deux autres implantations importantes « Cnooc », en sont au stade de l’étude de faisabilité : une raffinerie de 100,000 t/an de biodiesel d’huile de palme à Hainan, en partenariat avec le Malais Bio Sweet, et une usine de même format au Sichuan, raffinant des graines de jatropha – pour un investissement de 300M$.

NB1 : Sinar Mars, le partenaire indonésien, «vaisseau amiral» de la famille patricienne Widjaja, est bien connu en Chine, y ayant déjà investi 8,3MM$, en cellulose et dans l‘immobilier.

NB2 : la production des usines Smart a de grosses chances d’être consommée sur le marché local, très déficitaire.

 

 


A la loupe : Internet -entrechats autour du marché des services

La toile chinoise a grandi de 30% en 2006, rassemblant 132M d’internautes—second réseau mondial. Deux tendances se devinent :

[1] l’intégration de services entre un téléphone mobile désormais proche de sa 3ème génération, et l’internet,

[2] le service payant -nécessité, alors que 60% des firmes du secteurs seront en faillite avant fin de l’année! En 2006, ce marché valait 100M$. Les compagnies américaines sont encore bloquées par l’ombrageuse tutelle,mais leurs années d’avance technologique et d’interaction avec l’univers commercial, pourraient changer les choses. Chaque acteur avance à tâtons, avec plusieurs fers au feu pour trouver la formule magique, entre R&D, marché, protectionnisme et censure.

Empereur local de la recherche en ligne, Baidu (64 % du marché) s’est associé en octobre avec MTV/Viacom pour vendre aux usagers (PC et mobile) son catalogue de musiques et films. MTV/Viacom a des accords similaires avec les groupes téléphoniques Unicom (130M d’abonnés) et China Mobile (300M d’abonnés, dont 1% souscrivent à un des services MTV à 8¥-16¥/ mois). Depuis décembre, Baidu a aussi sa pub sur la messagerie MSN de Microsoft, et est logé à bord des mobiles Nokia.

Google aussi, n°2 (19% du marché), a voté pour China Mobile : il renforcera son portail Mondernet, donnant accès à toutes sortes de musiques et de services. Testé depuis décembre, Mondernet reste gratuit, sauf pour l’accès à la toile. Google vient aussi -surtout- d’acheter une part secrète chez Xunlei, qui offre musiques et films piratés à 50M d’usagers. MPA, le lobby de Hollywood, fronce les sourcils, et attend la faute pour attaquer. Pour le compte de Google, Xunlei pourrait bien héberger la version chinoise de son site mondial Youtube, racheté en novembre pour la coquette somme d’1,65MM$. Et prendre la tête du marché !

Mal en point comme moteur généraliste, avec seulement 9% du marché, Yahoo reprend son souffle derrière Alibaba, sa filiale (à 40%) de commerce virtuel. Alibaba a lancé Alisoft, à destination des 40M de PME chinoises, dont 18M sont clients d’Alibaba et 500.000 d’Alisoft : il leur fournira des logiciels-PME, et gérera leur messagerie- SMS spécialisée. Alibaba garde en plus Taobao, son service de ventes aux enchères.

Etrillé, eBay lèche ses blessures, et crée avec Tom Online (services à 75M d’usagers sur mobiles), une salle de ventes virtuelles en JV : 49% pour eBay moyennant 40 M$ d’apport, 51% au sino-Hongkongaises qui ne paie que 20M$ : prix à payer par les vaincus, pour éviter d’être rayés de la carte!

NB : face à tous ces entrechats, le ministère de la culture compte les points, et avertit : toute oeuvre importée, ne peut être exploitée qu’avec son feu vert, sous peine de sanctions !

 

 


Argent : La Chine fera-t-elle plonger les prix de l’aluminium?

La Chine fera-t-elle plonger les prix de l’aluminium?

 Second producteur mondial d’alumine, Chalco a reçu la licence pour sa prochaine usine à Chongqing (zone de Nanchuan),d’une capacité de 800.000t/an. Il y investira 550M$. Deux unités de débit équivalant se préparent à Zunyi (Guizhou), et au Guangxi. Le groupe espère ainsi porter sa capacité annuelle d’alumine de 8,3Mt l’an dernier, à 14M sous quatre ans, et d’aluminium de 1,5 à 5Mt.

Tout ceci ne convient guère à l’analyste JP Morgan, qui prédit l’aggravation de la surproduction mondiale, et le maintien pour 2 ans au moins, de la déprime des cours, effondrés de 60% depuis mars 2006, suite à la morosité des marchés de l’auto et de la construction. JP Morgan attend une perte de 27% des bénéfices de Chalco en 2007, et 34% en 2008. Mais alors, pourquoi se lancer dans de tels invests ruineux, dont tout groupe global se dispenserait? Deux hypothèses du VdlC :  

[1] Chalco n’est pas un groupe au sens classique du terme, mais un amas d’intérêts provinciaux concurrents et mal coordonnés.   

[2] L’Etat bétonne son indépendance stratégique au niveau des ressources. Dans les deux cas, la Chine se confirme comme force déstabilisatrice du marché mondial des matières premières. 

Brèche Hongkongaise dans la grande muraille de la Télévision d’Etat?

Le monopole public des media reste une des tours d’ivoire les plus jalousement protégées en Chine, sous la férule de la SARFT (State Administration of Radio, Film and Television). Or, une firme étrangère et privée vient de remporter  le contrôle d’une chaîne de Télévision d’Etat, au marché captif de dizaines de M de spectateurs.

Sur appel d’offres, Qin Jia Yuan, maison de production de Hong Kong, obtient pour 8M$ la concession de Hubei TV pour trois ans, renouvelables. Elle gérera la diffusion de dramatiques (18h/j), de la pub (2,5h/j) et des «services de relations publique ». Estimées à 90M$/an, les recettes (c’est l’aspect le plus novateur) iront droit dans la caisse du concessionnaire. Cela dit, ce deal n’était accessible qu’à HK, dans le cadre de l’accord CEPA (Closer Economic Partnership Arrangement) qui déréglemente pour Hong Kong seul certains marchés hier réservés…

En Chine depuis 10 ans, vendant via sa JV de Tianjin films et pub à des 100aines de chaînes provinciales (Jiangsu, Hebei, Hubei, Heilongjiang et Guizhou) ou câblées, Qin Jia Yuan ne s’arrêtera pas en si bon chemin. Elle prétend empocher la gestion d’au moins une ou deux chaînes provinciales cette année.

NB : la Télévision chinoise ne produit pas assez de films, et ses chaînes structurées sur un moule provincial, sont en mal de spécialisation, pour gagner un marché national. Ce qu’offre Qin Jia Yuan!

China Life, sacré n°3 mondial

Premier assureur vie du pays, coté en bourse de Shanghai, China Life vit le 9/01 son titre plus que doubler en valeur (+106%, à 38,93¥ la part), pour son 1er jour de cotation. Quelques jours plus tôt, il avait engrangé 2,8MM², en vente de ses titres.

Ce haut fait lui vaut d’entrer dans la botte des 50 plus grandes capitalisations mondiales : estimé à 141MM$, il est le 3e assureur du globe, derrière AIG (185MM$) et Berkshire Hathaway (165MM$). Il est aussi la 3eme valeur dans la corbeille shanghaienne, derrière ICBC (la banque de l’industrie et du commerce) et BoC (la Banque de Chine). Sa richesse —le succès de tout le secteur- tient à sa jeunesse (il n’a pas eu le temps de faire de mauvaises dettes), et au défaut de couverture sociale, forçant bon nombre à contracter sécurité sociale et retraite privées. China Life a désormais 20 ans pour faire fructifier son pactole avant de devoir commencer à décaisser conformément à ses obligations : il veut s’étendre dans la banque (comme la loi l’autorise depuis quelques mois), et dans l’assurance non-vie

NB : La razzia quasi-irrationnelle sur le titre China Life, fut le fait des fonds de pension, attirés par ses 44% de parts du marché, et les 35% de hausse annuelle du secteur depuis 2002. Les fonds savent aussi que les actifs des assurances doubleront de 2005 à 2010, passant à 100MM². Et le cadre légal en gestation va favoriser l’émergence de groupes financiers assurance-banque-bourse, dont China Life sera un fer de lance.

 

 


Pol : Mort à la peine de mort ?

Mort à la peine de mort ?

Combien d’exécutions en Chine?

2.000 à 10.000/an, selon les sources, et plus de 90% du l’hécatombe mondiale. Sous Hu Jintao, le régime veut y mettre de l’ordre. Le traité d’extradition convenu avec Paris (VdlC n°01) exclut la peine de mort de son champ d’application—C’est une 1ère juridique. Depuis quelques mois, les peines capitales sont du seul ressort de la Cour Suprême, qui casserait jusqu’à un tiers des verdicts, pour vice de forme. L’objectif officieux est d’abolir ce terrible vestige d’ici 2049. Date mythique, qui mérite qu’on s’y arrête. Elle sonnera le 1er siècle anniversaire du régime -c’est son espoir. D’ici là, Pékin veut avoir porté l’APL, son armée, au niveau de puissance technique de l’US Army. Il veut avoir donné au pays une prospérité de pays avancé, et introduit la démocratie électorale. Intention à très long terme, mais néanmoins sérieuse, comme le prouve le traitement de la peine de mort, ou encore, la liberté octroyée au 1/1 à tout journaliste étranger (pour commencer), d’interviewer quiconque, avec le seul accord de l’intéressé : à 18 mois des JO de Pékin, la Chine, selon une « source européenne », veut « changer d’image et affiche sa volonté de se rapprocher des bonnes pratiques démocratiques mondiales » !

Ségolène Royal, conquête de la Chine

A l’invitation du Parti communiste chinois, Ségolène Royal, candidate socialiste au scrutin présidentiel d’avril en France, vient de poursuivre à Pékin (6-9/01) son crash course en affaires du monde. Par la palette d’interlocuteurs qu’il lui a choisis, le pouvoir visa le «juste milieu»: ni trop haut (comme il conviendrait à un Président élu), ni trop bas.

Mme Royal  rencontra Zeng Qinghong le vice Président, Bo Xilai, patron du Ministère du commerce, peut-être le futur n°1 du pays. Jusqu’alors, son image en Chine était au mieux médiocre, reflet des préjugés d’un régime préférant les hommes, la droite et les partis au pouvoir. Tout cela changea par sa campagne-éclair, multipliant les occasions de vanter ses hôtes, tout en s’interdisant toute critique, sauf (parfois) aux «droits humains» (sic).

Résultat : la photogénique visiteuse figura à toutes les « Une », et fut sacrée « rose de France» par la TV. Mais la couverture aborda rarement ses idées, se bornant à évoquer les tenues, la coiffure, touches laudatives et sans profondeur. Hormis la presse française et chinoise, quelques titres britanniques suivirent la visite : ce fut pour épingler un volontarisme pour l’amitié bilatérale, et un amateurisme diplomatique, voire en économie internationale !

La corruption, version kaki

Le chancre de la corruption déploie ses tentacules sur toute la Chine, armée incluse. Mais vu la tradition de discrétion de « notre nouvelle Grande Muraille » (surnom affectueux de l’APL : l’armée), des données sur ce domaine sont rarissimes.

Dernièrement, la presse US cite un rapport de la Commission centrale militaire, fruit de deux ans et demi d’enquête entre 2004 et 2005, sur l’état de cinq grands stocks militaires du pays. Il en ressort que régions militaires, pouvoirs locaux et entreprises ont conspiré pour revendre discrétionnairement les stocks déclassés. Ont disparu sans laisser de trace : 360 copies de MIG 15 (vendus pour l’aluminium, à 1500² l’avion), 1800 clones de chars T48, T50 et vieux halftracks (certains recyclés vers des républiques bananières d’Asie du Sud-Est), 17.000 barils de pétrole, 273.000 armes à feu, faisant les choux gras de la mafia locale et de la contrebande. Il faut dire que les circuits logistiques militaires tournent fort, remplaçant depuis 2000, pour 3,2 voire 6,4MM$ de matériel/an.

NB : si des sanctions furent prises suite à ces cas de gabegie (ce qui n’est pas certain), elles ne furent pas dites!

 

 


Temps fort : Xinjiang – Simoun sur le désert

Au Xinjiang, capricieux territoire aux marges de l’Empire, les années ’90 avaient été émaillées de bouffées de révoltes ouïgoures, étouffées dans le sang. Puis les attentats de New York (11/9/2001) avaient permis un ratissage policier encore plus sévère (2000 arrestations), profitant du consensus planétaire contre l’intégrisme islamiste. Depuis, un lourd silence sur le Xinjiang, avait pu faire espérer une normalisation, fondée sur l’enrichissement et le pétrole.

Cependant l’incident grave qui vient de se produire (5/01), prouve qu’il n’en est rien : Pékin annonce la destruction d’un camp clandestin d’entraînement du MITO (Mouvement islamique du Turkestan oriental), organisation séparatiste, déclarée terroriste par l’ONU en 2002. La frappe se solderait par la mort de 18 combattants (et celle d’un officier de police), l’arrestation de 17 autres. Armes à feu, grenades et explosifs auraient été saisis. C’est la 1ère fois que la Chine annonce une capture de telle importance sur son sol. Le secret plane sur tout autre détail, notamment comment la Chine a eu vent de l’existence de ce centre caché dans le district d’Akto à 200km du Kirghizstan, sur le plateau des Pamirs, en altitude. Le MITO, proche d’Al Qaeda, comptait plus de 1000 combattants avant d’être sévèrement décimé lors de la campagne d’Afghanistan, en 2003. En l’absence de détails, Rebyia Kadeer, dissidente ouïgoure pacifiste en exil en Amérique, et des experts de la région, tel Dru Gladney, manifestent leur scepticisme quant à  l’appartenance de ce groupuscule au MITO. 

Ce qui semble par contre indiscutable, est le retour sur le terrain d’organisations armées résistant à la force publique, possible grâce au soutien de l’étranger, et à une ligne permanente d’approvisionnement avec l’Islam extérieur. Éveil amer : dans ce territoire grand comme trois fois la France, riche en pétrole et en ressources agricoles, les 8,5M de Ouighours, même modérés, ne sont pas à la veille d’un pardon ou d’une intégration. Hormis les tracasseries, ils dénoncent la discrimination  économique, les pressions sur leur église, et leur culture.

Après la découverte du camp, police et armée sont une fois de plus en alerte maximale. Si le cas s’avère isolé, Pékin pourra respirer. Si par contre, d’autres événements similaires devaient intervenir, l’Etat devrait réévaluer sérieusement sa stratégie de paix et de développement autoritaire : changer la donne, en y ajoutant l’élément qui fait défaut—plus de voix au chapitre aux autochtones !

 

 


Petit Peuple : Mariage gigogne sur l’île de Guangzhou

S’enrichissant, la Chine ne veut pas que manger à satiété, ou étaler sa fortune. Elle prétend aussi renouer avec une faculté dont nul aujourd’hui ne la soupçonne : l’excentricité !

A Canton, Liu Xin, 39 ans, voulut faire que sa nouvelle soit colportée partout (que « même sans jambes, elle courre », 不胫而走) : il réussit au-delà de ses plus folles espérances ! 

Le 1/01, Liu se maria sur une île de la rivière des Perles à Guangzhou, hameau  de 2000 âmes qui agonise sous les pelleteuses des bétonneurs. Pour ses noces, sur la grand place, cet ex-patron de revue d’Etat passé décorateur privé avait réuni une 100aine de clients et amis. En vareuse de soie grège, il présenta son épouse en qipao (robe fendue) écarlate à fleurs. Il fit servir les 15 traditionnels mets nuptiaux. Les époux exécutèrent les courbettes au ciel, à l’enfer, aux ancêtres et aux vieillards. A chaque table, ils vinrent trinquer le ganbei

Seul détail discordant : glacée, la mariée ne buvait goutte. Et pour cause : elle était de papier, montage photo : sur un corps féminin anonyme, était emmanché le buste de lui-même ! 

Liu l’admet volontiers : il a voulu provoquer et remettre en cause, nombre de valeurs du jour, les estimant frelatées. Celle de l’argent-roi, qui tue ce charmant village (bientôt accessible par le métro de Canton!), celle du sexe casuel, qui chasse l’émoi des amours enfantines. Celle de l’individu, qui n’aime plus que soi. «Aujourd’hui», professe Liu, « le mariage sert à accumuler du patrimoine, tout en se protégeant à deux». Se défendant de penchant homosexuel, Liu invente ce scénario dérisoire, pour exposer le ridicule de la logique moderne : pour éliminer le seul risque du mariage (se perdre à travers l’autre),quel meilleur moyen que de convoler «en interne», avec soi-même? Par son intransigeance, la démarche rappelle celle des artistes chinois les plus engagés, pourfendant à travers leurs créations toutes les croyances et tous les préjugés.

Par ailleurs : bien plus que l’Occident, la Chine garde conscience de la fusion en chaque être, des principes yin et yang, Dragon et Phoenix, mâle ou femelle. Ce que Liu cherche à faire, est de fusionner les deux genres au point extrême, bien au-delà de ce que la nature permet. La nature, et la loi du mariage ! En vain ces jours-ci, Liu, tente de faire enregistrer par la mairie son mariage bidon !

 

 


Rendez-vous : Harbin : Foire et Festival des glaces

n15-21 janvier, Harbin Fair, et Festival des glaces jusque début février

n18-19 janvier, Tianjin: China Economic Forum 2007