Le Vent de la Chine Numéro 13

du 1 au 7 avril 2007

Editorial : Chronique de la folie printanière…

Partout sur Terre, la débâcle de l’hiver provoque chez l’homme un temps de flottement, d’adaptation biologique qui suscite des actes imprévus, un bouillon chaotique d’initiatives libérées de la logique ordinaire. La Chine n’échappe pas à la règle, et a vu se dérouler sur son sol, la semaine passée, quelques faits divers hors normes !

A Shanghai, M.Ye, monte-en-l’air s’est fait attraper (27/03), pour vol de biens immatériels. «Par curiosité»,  il visitait les villas, et n’y dérobait que des heures de confort bourgeois. Il y prenait des bains, essayait pantalons et chemises, s’endormait dans les lits moelleux. Surpris à 2h du matin par un propriétaire, à regarder sa TV à écran plat 54 », il en prit pour un an !

 Le juge Feng aurait pu être l’auteur de sa sentence, si son tribunal n’avait été situé à Lishi (Shanxi,1100 km plus à l’Est), et si lui-même n’avait été embastillé le même jour. Dans un bordel désaffecté, Feng tenait depuis 2006 son casino clandestin. La police y surprit 122 notables de la ville…

Le mont Shizu (Henan), est en proie à des investisseurs en quête d’un record Guinness d’un goût douteux : ils y bâtissent un dragon de 21km, chiffre qui doit prouver la gloire retrouvée du pays au 21èmesiècle. Avec une tête de 30m de haut, un corps de 9x6m, il sera plaqué de 5,6M d’écailles de bronze et marbre, symbole voulu des 56 groupes ethniques du pays. Le mont est consacré à Huangdi, l’Empereur mythique de l’antiquité chinoise (-2697 à -2598 av. J.-C). Mais ces chiffres cabalistiques et l’inauguration voulue en 2009 pour le 60ème anniversaire du régime, montrent chez ces nouveaux riches, une volonté d’honorer le pouvoir. Mais la réaction des média et du régime est nouvelle : ils ne se privent pas de tourner l’affaire en ridicule – le chantier pourrait être abandonné. Toutefois, ce genre de folie des grandeurs n’a rien d’exceptionnel, en Chine !

Près de Pékin à Daxing, un centre de santé prend de la célébrité en arrachant ses malades à leur vice : l’internet. Y viennent, contraints par leurs parents, des surfeurs compulsifs, lobotomisés par leur station immobile devant le moniteur, jusqu’à 10h /jour en ligne. Moyennant 930²/mois, par un programme de sports, d’électrochocs et l’action de 60 psys et nurses, Daxing parvient à en sauver 70%. De ces épaves de la toile, la Chine compte 2,4M chez les seuls ados. Et ce n’est qu’un début !

Enfin, l’étude juste parue de Robin Munroe (GB) révèle que la Chine comptait 90.000 lits d’hôpitaux psychiatriques en 1993, dont environ 10% sous un  système Ankang, créé sous Mao, pour «soigner» les dissidents. Ankang aurait décliné dans les années ’90, puis connu un regain en 1999 avec l’explosion de la secte Falungong décrétée ennemie du régime. Dernièrement, Pékin donne des signes de vouloir se distancier de cette pratique indéfendable, tout comme la peine de mort et les prélèvements non volontaires d’organes : démontrant par là-même son souci de changer d’image !

 


A la loupe : Semaine de safari mondial pour l’or noir

Partout dans le monde, la Chine fait feu de tous bois pour raffermir sa base d’approvisionnement en pétrole. Contrainte par ses besoins de 2,4MM barils en 2006 (+9,3%), dont 47% étrangers, elle doit importer 2,9M de barils par jour (bpj) !

Mardi 27/03 à Moscou auprès de son homologue Poutine, Hu Jintao espérait  augmenter ses achats d’hydrocarbures. Les résultats furent loin des espoirs : litiges de prix sur le gaz et le coût du transport, méfiance historique…Surtout, on constate une désaffection des producteurs mondiaux envers les oléo – et gazoducs, qui les lient trop à un client unique et les privent des hausses du marché. Aussi le « monstre du Loch Ness », l’oléoduc sibérien d’Angarsk à Daqing imploré depuis 10 ans par la Chine, resta-t-il aux oubliettes.

En compensation, le pétrolier russe Rosneft fit des promesses improbables, telles exporter, par deux gazoducs futurs, 30MMm3/an de l’île Sakhaline et de l’Altai d’ici 2011 (mais créer de tels outils prendrait six ans, ou plus), ou augmenter les livraisons de brut par rail, de 10Mt en 2006 à 15Mt en 2007, voire « 25Mt en 2010 » (mais les voies ferrées existantes affichent déjà « complet »).

Aussi Pékin regarde vers le Venezuela, moins cher et moins regardant. A Caracas, Li Changchun a signé un accord pour un fonds de 6MM$, dont 4 payés par Pékin (28/03). Il financera deux JV d’exploration/exploitation d’or noir de l’Orénoque, et trois raffineries en Chine. L’export vers la Chine doit passer de 150.000 bpj en 2006 à 800.000 bpj en 2012. Ce fonds paiera aussi 2,2MM$ pour le triplement de la flotte de tankers de Petroleos de Venezuela (construits sur place). Il paiera enfin des lignes de chemin de fer, un réseau de télécoms, et autres outils nécessaires à la hausse du débit d’hydrocarbures vers la côte, puis vers la Chine.

D’Iran, la CNPC, la Compagnie Nationale Pétrolière, annonce avoir remis à plat son contrat  d’exploitation en JV du puits de Masjed-i-Suleiman. Zhuhai Zhenrong, qui achète 10% du brut iranien, annonce de son côté qu’elle paie depuis décembre sa note en ² plutôt qu’en US$, signe de l’érosion du billet vert et de la guerre froide Iran/USA.

Enfin, au milieu de ces palabres tendues, la CNPC annonce la découverte d’un « gisement record» pour le pays, dans le bloc Guohai  en mer de Bohai.  Avec 2,2MMbarils de réserves probables, il promet dès 2010 un débit de 200.000 bpj.

NB : Cette excellente nouvelle n’est pas confirmée. Mais elle arrive à point, au milieu de négociations dures, pour suggérer aux partenaires que le besoin chinois n’est pas si pressant !  

 

 


Joint-venture : Crédit Agricole déploie ses voiles chinoises

La Chine fâchée avec ses fast-food américains

Y aurait-il une campagne contre le fast food américain ?

Mi-mars (VdlC n°12), KFC était accusé par la presse, d’avoir un additif potentiellement cancérigène dans son huile de friture. Début mars (VdlC 11), Starbucks était dénoncé pour son café au coeur de la Cité Interdite.

A présent (29/03), le quotidien Kuai Xinbao de Canton fait scandale en accusant McDonald’s, KFC et Pizza Hut de payer leurs marmitons temporaires en dessous de la grille de salaires minima en vigueur depuis janvier.  Deux mois d’enquête sur les salaires des trois enseignes lui permettent d’épingler des émoluments oscillant autour de 5¥/h au lieu des 7,5¥/h réglementaires. Le Kuai Xinbao dénonce aussi le défaut d’assurance contre les accidents du travail et des horaires dépassant les limites légales. Plaidant la bonne foi, McDonald’s et Yum Brands (maison-mère de KFC et Pizza Hut) allèguent que les salaires évoqués concer-nent des emplois « scolaires » ou « universitaires », distincts du «temps partiel» et que la loi n’est pas claire. Pour ces deux groupes représentant 3000 restaurants et 200.000 employés en Chine, l’enjeu est fort : 80% de leurs emplois sont temporaires. Kuai Xinbao évalue l’économie salariale à 400M¥/an, soit « plus que leurs impôts ».

 L’attaque est claire, de type nationaliste, accusant l’étranger d’exploitation du peuple. Le journal peut le faire parce que cet étranger est envié et visible, symbole de l’« American way of life », et donc plus vulnérable à la critique que les nombreux restaurants chinois, lesquels traitent leur personnel avec encore plus de désinvolture vis-à-vis de la loi…

 

Le grand « coup » britannique de Nanjing auto :

Il y a 20 mois, prenant par surprise son concurrent SAIC, Nanjing Auto Corp (NAC) rachetait MG Rover en faillite avec 2MM² de dettes.

Puis d’intenses spéculations circulèrent sur la capacité de NAC, doyen des constructeurs chinois mais de petite taille, à redonner vie à MG. D’autant que SAIC, ayant précédemment acquis les droits de production de 2 modèles Rover, lançait ses berlines Roewe75 et 25, « made in China —ex-British », en octobre 2006. Mais le 27/03, pour son 60e anniversaire, Nanjing MG, filiale de NAC, sortait des chaînes ses propres modèles, la MG TF (roadster) et la MG7 (berline). D’ici 2012, dans son usine neuve (300.000m², 270M²), NAC espère vendre 200.000 voitures par an, de 18.000² à 40.000². NAC va rouvrir l’usine de Longbridge (Birmingham), et y produira 15.000 MG-TF/an pour le marché européen.

Il rêve aussi de produire aux Etats-Unis (d’ici mi-2008, à Ardmore, Oklahoma). Aux USA comme en Europe, cette stratégie coûteuse a pour but de faire percevoir MG comme marque locale et de qualité, validant ainsi sa production chinoise. Seul souci : d’ici 2012, il lui faut 300M², qu’il n’a pas. Début du mois, son PDG Wang Haoliang réclamait en vain à l’ANP son soutien pour un prêt d’Etat. A présent, Nanjing MG chercherait des investisseurs, et serait prêt à leur céder jusqu’à 50% de son capital. Une action dont dépend peut être la survie du projet !

 

Crédit Agricole déploie ses voiles

CITIC East China et Calyon Financial HK (groupe Crédit Agricole) ont signé le 26/03 leur 1ère JV.

Sous réserve d’approbation par la CSRC (China Securities Regulatory Commission), ces groupes financiers français et chinois ouvriront sur ce marché une maison de courtage de contrats à terme, la seconde de ce type en Chine, après celle créée en 2006 entre ABN-Amro et Galaxy, et la 1ère basée à Shanghai. Cette action permet à Calyon de tester un grand partenaire, et de se profiler sur ce marché neuf des « futures », inauguré en septembre 2006 à Shanghai.

En même temps, Credit Agricole Asset Management développe un autre produit, la gestion de fonds, avec un autre allié, l’ABC, la Banque de l’Agriculture. La licence de la JV est déjà accordée par la CBRC (China Banking Regulatory Commission), avec un tiers des parts à CAAM, 51% à la banque agricole chinoise et 15% à Chalco, le fondeur d’aluminium.

NB : le Français déploie ses voiles à un moment favorable, alors que 30% des épargnants vident leurs bas de laine en banque pour acheter des valeurs boursières, aujourd’hui plus lucratives…

 

 


A la loupe : Chine Russie : ‘ je t’aime, moi non plus ! ‘

Du 26 au 28 mars, en visite en Russie, c’était le temps,  pour le Président Hu Jintao et Vladimir Poutine, de faire le point avec sur leur partenariat stratégique. Une relation  basée sur la complémentarité de leurs économies, malgré la crainte ancestrale russe de voir son voisin s’établir dans sa Sibérie désertique et moins développée.

« L’année de la Chine » en Russie, programme d’échanges artistiques, a été lancée en grande pompe. 21 contrats ont été signés, pour un total de 4MM$, portant sur le pétrole (cf article ci-contre), la livraison de 480M$ d’acier russe et d’autres projets miniers. Les deux géants ont réitéré le voeu, pas toujours convaincant, de renforcer la collaboration tous azimuts, des infrastructures à l’écologie, en passant par le sport. Hu Jintao s’est engagé à investir 12MM$ en 12 ans sur les infrastructures russes. Effort relativement peu intense, ventilé sur de longues années, permettant de voir venir. Ceci n’em-pêche pas les échanges de progresser à vive allure, ayant quintuplé depuis 2000 pour atteindre 33,4 MM$ en 2006. Et Hu Jintao d’espérer atteindre 60 à 80MM$ d’ici 2010, tout en soutenant une adhésion rapide de la Russie à l’OMC, l’Organisation mondiale du commerce.

En diplomatie, les deux souhaitent enrayer l’« hégémonisme » des Etats-Unis.

Afin de bloquer la pénétration américaine en Asie centrale et généralement toute velléité de containment américaine, ils tissent leur alliance au sein de l’OCS (Organisation de coopération de Shanghai), outil de lutte contre le terrorisme et le séparatisme islamistes, et renforcent leur collaboration militaire. En présence des deux chefs d’État, les prochaines manoeuvres communes auront lieu du 18 au 25/07 à Tcheliabinsk. Confrontés à la course nucléaire de l’Iran, bien qu’ayant voté la résolution 1747 au Conseil de Sécurité de l’ONU (25/03), ils continuent à user de tout leur poids de membre permanent pour adoucir les sanctions : ici aussi, dans le souci de maintenir comme leur zone d’influence exclusive le régime des Mollahs, qui est aussi une des 1ères sources d’or noir du monde.

Malgré les apparences, la relation sino-russe reste gelée par les méfiances du passé.  Le dernier accord spatial invite un satellite chinois à bord d’un lanceur russe vers Mars et sa « lune » Phobos en 2009. Avec une lourde restriction : interdiction aux experts chinois d’accéder aux ateliers et laboratoires  russes. L’esprit de cette collaboration spatiale résume l’ambiance générale : investissement politique, mais le coeur n’y est pas !

 

 


Argent : China QingQi, étoile filante motorisée

Le retour des dettes triangulaires

Comme en 1997 sous Zhu Rongji, le fantôme des dettes triangulaires revient et menace d’une vague de faillites.

Xavier Farcot, n°2 de la Coface Greater China (l’assurance crédit-export), le déduit d’une étude de 419 firmes locales : 19% voient impayés de 0,5 à 2% de leurs ventes annuelles – elles étaient 13% l’année d’avant.  Pour garder leurs clients, elles acceptent de repousser le paiement des dettes au risque de ne pas pouvoir repayer leur banque, qui finit par leur couper les vivres. Ce sont surtout les firmes d’État qui sont le plus vulnérables (leurs faibles marges les empêchant d’absorber ce déficit pourtant léger) : 23% d’entre elles se voient agonisantes, contre 19% l’an passé.

Trois causes  peuvent expliquer la tempête qui s’annonce :

[1] le désaveu d’un consommateur plus exigent vis-à-vis des produits médiocres (qui restent légion) ;

[2] la surproduction et la guerre des prix, qui em-pêchent l’investissement et la R&D (d’où le refus absurde et désespéré des victimes de voir ces non paiements comme ce qu’ils sont, càd des mauvaises dettes) ;

[3] flèche du Parthe, la restriction du crédit imposée par l’État, qui fait ses choix : moins d’usines (moins de pollution et de gâchis d’énergie), et meilleure qualité pour un grand nettoyage du paysage industriel !

China QingQi, étoile filante motorisée

En décembre, les ex-salariés de China QingQi (CQQ), synonyme de moto en Chine, assiégeaient le siège de la firme de Jinan, dans l’espoir vain de rattraper une miette du fonds de pension de 630M¥ sombré dans le naufrage de la compagnie.

CQQ est l’archétype du groupe d’État ayant connu une ascension irrésistible durant les années d’or ’90 avant de chuter. Grâce à la demande insatiable en biens de consommation, au prospère marché du Shandong et au génie de Zhang Jialing, son patron brouillon et intrépide, CQQ ne cessa de s’agrandir, par rachats de firmes, sans rechercher la profitabilité. De 2M² d’actifs dans les années ’80, CQQ montait à 15MM² en 1997, son empire comprenant Jinan QQ (1er groupe de motos en bourses de Shanghai dès 1993, puis Shenzhen en 1994), Haiyao (pharmacie) et Sundiro (autre moto).

Le vent tourna en 1999. Mauvais placements, amendes pour fraude boursière, détournements et pertes massives ont laissé une « coquille vide » en 2005 (au moins 340M² de dettes), à l’exception de la JV CQQ-Suzuki, mystérieusement florissante (500.000 motos et 200M² de chiffre d’affaires). Auteur du crash pour n’avoir pas consolidé à temps, Zhang est en prison, puni par une tutelle qui ne pardonne plus l’incompétence : une époque s’achève !

 

 


Pol : Le papier chinois fait tourner le vent des USA

10MM² pour le Tibet — pas un cadeau…

     En 12 ans, jusqu’en 2005, la Chine a investi 6,3MM² en infrastructures au Tibet

Or, selon le gouvernement territorial, le pays s’apprête à quintupler l’effort, avec 10MM² d’ici 2010, sur 180 projets en tous genres. Si tous aboutissent, 80% des villages d’un Toit du monde grand comme trois France seront reliés par la route.

Chacun devrait avoir accès à l’eau potable.  Un  4ème aéroport, le plus haut du monde, verra le jour. Et 300km de voies ferrées prolongeront celle ouverte en juillet dernier entre Lhassa et la Chine. D’autres projets concernent l’école gratuite pour tous les enfants, la protection de l’environnement, un embryon de sécurité sociale et de caisse de retraite. Mais ces bienfaits ne sont pas un cadeau.

Le Tibet reste la province la plus pauvre car l’État investit plus volontiers sur la côte que dans ces montagnes. Ce dernier espère un développement du tourisme et le transport plus facile des immenses ressources minières de la région (cuivre, fer, bois, hydrocarbures). Enfin peut-être, il espère obtenir des Tibétains la réconciliation et l’abandon du Dalaï Lama auxquels tous rêvent encore, comme l’a prouvé une manifestation religieuse de 500 participants interdite (et réprimée) le 21/03, près de Lhassa.

 

Haute technologie : sous-traitance et espionnage

La Chine socialiste a toujours maintenu un réseau d’espionnage à l’Ouest, pour combler le retard technologique de ses industries et de son armée.

Parfois, ces agents sont confondus. C’est le cas de Chi Mak, 66 ans, Cantonais d’origine, naturalisé américain en 1985 et ingénieur chez Power Paragon, (filiale de L3-Communications, 6ème industriel US de la défense), le contractant des sous-marins nucléaires d’attaque. A ce poste-clé, Chi a livré à la Chine un arsenal de technologies classées « secret defence», parfois si avancées qu’elles ne sont pas encore actives. Parmi elles, la propulsion électrique silencieuse des sous-marins, les systèmes spatiaux électromagnétiques d’interception, l’électronique des porte-avions, le radar SPY-1 du croiseur Aegeis (le « clou » de la flotte US). Tai Mak, le frère de Chi Mak, faisait la mule. Le procès de Chi Mak et de son frère débuta le 27/03 à Santa Ana (Californie).

Par ailleurs, ITT (International Telephone and Telegraph Corporation), 12ème fournisseur de l’US Army va devoir verser 100M$ d’amende pour avoir transféré à des sous-traitants chinois sa technologie de vision nocturne. Amende « innovante », dont la moitié sera « pardonnée » sous 5 ans, si ITT l’investit en R&D pour que les USA conservent leur avance dans ce domaine.

NB : Ironie du sort, ITT était en 1973 très liée à la CIA, mêlée au coup d’État au Chili, faisant chuter le régime socialiste de Salvador Allende. 

 

Le papier chinois fait tourner le vent des USA

Depuis 23 ans, le Département du Commerce déboutait les plaintes de ses industriels contre Pékin pour dumping : la Chine n’étant pas encore une « économie de marché ».

Mais le 30/03, son Secrétaire Carlos Gutierrez  a été autorisé par le Tribunal de commerce international américain à imposer pour 10 à 20% de droits compensatoires au papier glacé chinois, à l’export subventionné.  L’annonce fera date :  toute l’industrie américaine l’attendait, et s’apprête à lancer une pluie de plaintes sectorielles. Au Sénat, à majorité démocrate, Charles Schumer et Lindsey Graham (à l’origine de la proposition de taxe de 27,5% contre les produits chinois) ont déposé un projet destiné à forcer la Chine à réévaluer le Yuan. Le noeud de la crise tient au déficit commercial US envers la Chine (232MM$ l’an dernier) et au blocage chinois sur ses services et sa finance.  

Un déclencheur de la crise, la semaine passée, a été la reprise groupe Xugong par l’américain Carlyle, dans des condi-tions moins favorable qu’à l’origine, suite à des pressions « hors-marché ». Conscient des risques, Pékin réagissait le jour même par la voix de son ambassadeur, Zhou Wenzhong, pour réitérer sa volonté de négocier. Le 30/03, elle assouplissait les règles d’import sur 338 produits, dont l’acier. Mais la mesure ressemble à l’adage «trop peu, trop tard » : Frank Lavin, sous secrétaire d’État, voit le climat commercial bilatéral « plus sombre que jamais », et estime que Pékin va en payer le prix politique.

 

 


Temps fort : Loi sur la propriété, et ‘clou’ contestataire

Bravant la censure, l’opinion chinoise se passionne pour les héros du jour : Wu Ping et Yang Wu, qui résistent depuis 2005 à l’éviction de leur maison de 200m² au coeur de Chongqing. La justice chinoise a été lente, parce que le couple était volontaire, éduqué et «notable» (Yang Wu champion d’arts martiaux, Wu Ping restauratrice), et les titres de propriété 100% en règle. D’autre part, l’intérêt de la collectivité dans cette expropriation apparaissait contestable : le promoteur ayant obtenu par protection le terrain, pour y implanter un centre commercial. 280 riverains ont accepté une maigre enveloppe (à peu près ce qu’ils avaient payé 20 ans plus tôt, sans tenir compte de l’explosion des prix depuis lors). Wu et  Yang réclament en vain, dans le béton futur, le retour de leurs 200m². Le chantier a donc cet aspect lunaire d’une fosse béante, avec un piton en son centre, et la maison juchée en son faîte. Et quand le juge a imposé la démolition pour le 22/03, suite à quoi Yang Wu a escaladé la falaise pour se barricader chez lui avec un drapeau rouge affichant que « la propriété du citoyen est inaliénable » !

Si l’affaire a causé un tel choc dans l’opinion, c’est qu’elle sert d’exemple aux millions d’expropriés à travers le pays. Ce couple fait ce que les autres rêvent de faire : tenir tête.  

D’autre part, le 16/03, avec 97% de voix, l’ANP (le Parlement) a adopté une loi sur la propriété, stipulant que « la propriété de l’Etat, de la collectivité, de l’individu ou autres… est protégée par la loi… » qui sera appliquée sur un pied d’égalité. L’État fait une exception : le sol, son domaine inaliénable, privant du parapluie de la loi les 200M d’exploitants agricoles. Dans l’article 42, la loi prévoit une indemnité d’expropriation décevante : « compensation pour la démolition… ou pour le relogement… » mais en aucun cas sur la valeur marchande et objective du bien spolié…

Cependant, même avec ses défauts, cette loi est le signe de la volonté publique de protéger les intérêts des citoyens contre ceux des cadres. Aussi, des millions de visiteurs, sur les blogs chinois, suivent ce test de jour en jour pour vérifier à travers la gestion par le pouvoir de cette crise, le poids qu’il accorde à sa propre loi. Aux dernières nouvelles, la mairie de Chongqing proposait une médiation, ajoutant qu’elle rejetterait toute «exigence de compensation exorbitante ». Dialogue de sourds donc, et avenir incertain !

 

 


Petit Peuple : Xinhua, Pengshui, les nouveaux poètes du SMS!

Tout le monde le sait, la fameuse impassibilité chinoise cache en réalité des émotions aussi puissantes qu’ailleurs – amour, jalousie… Plus encore lors des élections du Parti, qui d’ici octobre 2007, promeuvent ou limogent 200.000 caciques à travers l’empire.

 Alors,l’ambition attise les règlements de compte, source de bien des imprudences. Ajoutez à cela, rivée à l’âme chinoise, une tradition millénaire d’écriture littéraire, et la mode du SMS qui déferle sur 460M de portables: vous avez le décor des deux incidents qui suivent, advenus en Chine à des centaines de km de distance entre août et octobre 2006 !

Obscur secrétaire du PCC à Xinhua (banlieue du Henan), rongé d’ambition, Du Xin, mourait d’être promu au poste de secrétaire de Pingdingshan, détrônant Deng Yongjian, le calife en place.

Pour parvenir à ses fins, il ourdit un plan tortueux : il composa une ode satirique contre son rival, qu’il adressa par SMS aux 100 membres de la Commission municipale du Parti.

Mal lui en prit ! Par ses vers de mirliton, l’oeuvrette sonna bancale, et indisposa ses lecteurs. Elle faisait du tort à un homme puissant. Et surtout,manquement im-pardonnable à la discipline du Parti, elle était anonyme – dissidente ! Aux limiers qui connaissaient leur affaire, il ne fallut que quelques jours pour épingler le corbeau.  Hélas pour lui, ils déterrèrent aussi une affaire de vente de charges, pour 1,2M² qu’ avaient palpés 48 membres de ce club habitué à vivre au-dessus des lois… Sur la paille de son achot, Du Xin voit désormais son avenir d’un oeil sombre et amer !

A Pengshui (Chongqing), Qin Zhongfei fut plus chanceux. Petit professeur de lettres tirant le diable par la queue, à 84²/mois, mais fort doué en écriture, il ne put se retenir d’éreinter trois potentats locaux, en une féroce et drolatique ode par SMS.

Le texto dérida la ville, mais Qin lui aussi, atterrit en taule. Alors intervint un fait imprévu : d’aucun de ses proches, les sbires ne parvinrent à obtenir le moindre aveu de motif politique. Toute la ville se mit à plaindre le pauvre Orphée des Lettres et à grommeler contre l’Etat Philistin. Captant le message, la mairie finit par élargir son enfant terrible, l’estimant suffisamment corrigé après 29 jours à l’ombre. Qin fut même indemnisé, et quoiqu’il ne réclamat qu’un Yuan symbolique, il en reçut 2125, plus sept mao, soit 29 salaires moyens quotidiens.

Depuis lors, Qin Zhonfei le croque-lettres se terre, et refuse de répondre aux paparazzi autrement que par téléphone. Les SMS, plus spécialement, le terrorisent. C’est le chat échaudé qui craint l’eau froide : 一朝被蛇咬,十年怕井绳 yi zhao bei she yao, shi nian pa jing sheng, « une fois mordu par le serpent, on craint dix ans la corde du puits ! »