Le Vent de la Chine Numéro 11

du 19 au 25 mars 2007

Editorial : Session du Parlement, un bilan mitigé

Vendredi 16 mars, à Pékin, la session 2007 de l’ANP -Parlement – s’est conclue sous les flonflons militaires, sans se départir de son ambiance pesante de secrets : intrigues des lobbies et notables provinciaux, renouvellement de tous les postes de commande pour le  XVIIème Congrès d’octobre… Pendant ce temps, un conflit social dans le Guangdong et une émeute sanglante à Yongzhou (Hunan, cf p.2) rappelaient la tension sociale extrême.

Plus de 4500 propositions furent déposées sur tous les sujets. Cocardier, Jiang Hongbin, édile du Heilongjiang, a demandé de chasser de la Cité interdite un café Starbucks, estimant dégradante sa présence en ce lieu de conscience nationale. Frivole, un certain Zhao Lirong a souhaité instituer une « Fête des hommes » le 8 août, pendant de la journée des femmes du 8 mars. Tandis que Xu Zhihong, Président de l’université Beida, défendait une improbable halte au festin des ailerons de requins, et que Jiang Deming du Jiangsu, suggérait une taxe canine (déjà appliquée dans les grandes villes), qui financerait l’éradication de la rage en même temps que celle d’excréments de chien sur les trottoirs.

Plus sérieusement, deux lois phares furent votées,  sur la taxe des entreprises et la propriété privée, à une quasi-unanimité : 2826 pour, 37 voix contre, pour cette dernière.

La loi de propriété avait pourtant été très contestée dans le passé, éconduite sept fois au bureau de l’ANP avant d’atteindre le consensus. Elle protège les patrimoines émergés depuis 20 ans dans des conditions souvent obscures, mais non les terres des paysans. Elle réveille donc l’amertume de cette frange, toujours puissante, de Chinois ayant mal vécu le passage de l’égalitarisme aux « fortunes pour quelques uns » !

Cette session a aussi connu des velléités de grogne. Fan Jiheng, du Shanxi a dénoncé la présence de « faux députés », incapables d’assumer leur fonction faute de bagage juridique, et a réclamé que l’initiative des lois revienne à l’ANP, jusqu’alors confinée dans le rôle de tampon des textes concoctés par les ministères. De même, l’opinion dans les media s’indigne, aux photos de ces travées d’élus endormis, digérant en session.

On a même vu, en groupe de travail «développement rural» de la CCPCC (Conférence Consultative Politique du Peuple chinois), un élu lire au 1er ministre Wen Jiabao cette satire sur la corruption en province :

«Village piège canton, canton piège district,

Et ainsi de suite jusqu’au Conseil d’Etat.

Conseil émet un ordre, qui redescend la pyramide :

Chaque niveau lit l’ordre tour à tour,

Et puis s’en va au restaurant,

Laissant sur son bureau, le papier ignoré ! »*

La contestation était en fait bénigne : l’élu chevrotait son poème en sanglotant, et Wen Jiabao en personne avait invité l’audacieux à monter au perchoir, donnant ainsi à la réunion un vernis gentillet de discussion en famille !

*   村骗乡、乡骗县、一直骗到国务院。

       国务院下文件,一层一层往下念,

       念完文件进饭店,文件根本不兑现 !

 

 


A la loupe : Sport : les ex-champions plaident pour leur vie

Au Parlement, une ex-championne fait sensation en défendant une autre…  

Ye Qiaobo, patineuse, 1èremédaille chinoise aux JO d’hiver (Albertville 1992), a eu de la chance : ayant repris ses études, elle est édile à la CPPCC, (Conférence Consultative Politique du Peuple chinois) « l’ANP-bis ». Zou Chunlan, haltérophile a fait moins bonne pioche : à 35 ans, avec 14 médailles dont un or olympique, elle est masseuse misérable, plombée de blessures, d’hormones (qui lui font pousser une barbe), et par son niveau scolaire de 13 ans.

Aussi, Ye Qiaobo tente de faire d’une pierre deux coups : dépanner Zou, et lancer la réforme du système sportif. Dans un projet remis au Comité sportif de la CCPCC, elle propose que les ex-athlètes soient traités comme les soldats en retraite (train 1/2-tarif, soldes de mutilés, impôt allégé). Elle réclame pour ses frères et soeurs les 9 ans d’instruction obligatoire, l’accès aux universités, l’assurance retraite, et des primes aux firmes qui les recrutent.

Zou est une des 279.000 victimes du programme national « Tout pour l’honneur » : des jeunes arrachés à leurs écoles et familles, dressés comme sportifs, puis relâchés vidés de leur sève, dans une société devenue ultra-compétitive. Ils sont 15.000 à prendre leur retraite chaque année, 30 à 70% d’une armée de sportifs professionnels (50.000 nouveaux par an). D’où le rejet, de plus en plus, par les parents, de cette voie littéralement « casse-cou » et sans plan de carrière : Zou l’haltérophile, affirme que si jamais elle est mère, ses enfants ne seront pas athlètes, et Cai Zhenhua, patron du tennis de table chinois le confirme : la source des vocations se tarit !

C’est le système entier qui est sous la loupe. Lourde et idéologique, une Commission nationale des sports régente des athlètes, dépossédés de leur empire, sans autonomie ni même droit de conserver leurs cachets de pub. L’Etat investit sur eux pour sa propre gloire, mesurée en médailles d’or. Dès qu’ils ne produisent plus, il les abandonne, sans assumer la suite. Aux élus, Ye propose donc de remplacer cette approche par « l’esprit olympique » et l’ouverture aux masses.

NB : ce que Ye implique, sans le dire, est le retour de la gestion du sport aux sportifs, par le biais de fédérations autonomes, la fin de la conception stalinienne du contrôle des masses. Un discours très écouté, alors que s’approchent les Jeux Olympiques de Pékin !

 

 


Joint-venture : Regain d’amour pour la médecine chinoise

Regain d’amour pour les TCM

Après 20 ans d’investissements dans les médicaments occidentaux, la pharmacopée chinoise fait un come back remarquable, et voit la naissance entre Chine et France, d’un accord de recherche sur les TCM (1/03) entre six laboratoires dont Servier, Pierre Fabre et Ethypharm. Signataires, les ministres Douste Blazy (affaires étrangères) et Gao Qiang (santé).

Cet accord permettra de définir des normes communes de fabrication, contrôle de qualité et certification, pour ouvrir plus vite les portes de l’Europe aux remèdes made in China. Il s’agit donc d’un instrument opérationnel et novateur en matière de santé, entre Est et Ouest. Établi en Chine depuis 1995, Ethypharm gère à Shanghai son réseau intégré (usine, centre de R&D de 150 chercheurs, distribution), et dispose de 10 médicaments en cours d’enregistrement, pour affections cardio-vasculaires ou res-piratoires entre autres. Sa valeur ajoutée par rapport à la recette originale : une diffusion plus rapide dans l’organisme. Au même moment, 5 consortia se disputent Sanjiu (Shenzhen), n°1 chinois du TCM, affligé de 1MM² de dettes. Parmi  eux, Deutsche Bank qui offre 400M² pour 40%. China Resources, groupe public, propose un peu moins, pour 70%.

Pour Philippe Malecki, directeur d’Ethypharm, le regain d’intérêt pour cette médecine douce vient de sa meilleure rentabilité, en favorisant le soin préventif : peut-être une filière de santé qui permettra aux sécurités sociales d’Europe de combler leur gouffre budgétaire…

Deux contrats pour Alstom

L’accord de principe courait depuis la visite chinoise de J. Chirac d’octobre 2006. Avec le ministère des chemins de fer, Alstom vient d’en signer la traduction commerciale (05/03) : un contrat de construction de 500 locomotives à triple bogie, de 1,1MM² au total, dont 310M² pour Alstom, le reste revenant à Datong Electric Locomotive Co., son partenaire depuis 2005.

En octobre, il était question de 100 trains à confier au site Alstom de Belfort. Depuis, le contrat a évolué,  Belfort n’en assemblant que 10, mais fournissant les pièces pour 190 autres véhicules. Fort du transfert de technologie, Datong montera les 190 motrices, puis construira seule les 300 dernières.

En même temps, Alstom décroche son premier contrat d’équipements en Chine : pour 42M², le Français fournira début 2008 les caténaires des 189 km de la ligne nouvelle Shijiazhuang-Taiyuan, prévus pour une vitesse de 200-250km/h.  Selon Alain Berger, président d’Alstom-Chine, il s’agit d’un contrat-phare, sur une technologie TGV appelée à croître dans le pays, avec en vue,  9800km de lignes-passagers à construire d’ici 2010, et les voies TGV (300km/h) prévues à Wuhan et Canton.

Intel saute le pas chinois, si…

Le 1er facteur de microprocesseurs, Intel préparerait un bond de géant vers la Chine, s’installant à Dalian (Liaoning). 2,5MM$ de cet investissement en feraient un des projets étrangers les plus chers du pays, produisant par mois, 52.000 gaufres de 12 pouces (304mm), aux puces gravées à 90nm, systèmes nerveux pour PC, cameras ou Ipod…

Enigme : le feu vert à ce projet connu depuis des mois (cf VdlC 03 -XII) a été donné le 13/03 sur le site de la NDRC (National Development and Reform Commission), puis gommé 24heures après, tandis qu’Intel se refusait à toute déclaration.

Explication : il manque l’accord du gouvernement américain, toujours frileux sur ce genre de produit utilisable par les militaires, et la NDRC, un peu tard, a voulu éviter d’embarrasser son «client». Cela dit, First Financial News voit Craig Barrett, le Prsdt d’Intel bientôt en Chine (26/3?) pour l’annoncer.  D’autre part, en 2012, date supposée d’ouverture, ses chips de 90nm seront depuis longtemps dépassées par une puce de 45nm, qu’Intel lance cette année. Mais même ainsi, ce projet sera en Chine une première, et permettra d’emblée une synergie à Dalian entre Intel et les Taiwanais TSM et Hynix : effet boule de neige !

 

 


A la loupe : Emeutes à Yongzhou, fausse note à l’ANP !

« Comment une telle émeute a-t-elle pu éclater à Yongzhou ?» demandait stupéfait dans les couloirs du Parlement, Yu Youjun, gouverneur du Shanxi (13/03) : du 9 au 12 mars, un incident dans un village du Hunan a dégénéré en bataille rangée entre 20.000 villageois et 1500 policiers anti-émeutes, durant 4 jours.

Tout a débuté sur une de ces taxes illégales, dont Pékin tente depuis trois ans d’affranchir le monde rural. Mairie, police et Anda, compagnie de bus privatisée depuis 2005, semblent avoir conspiré pour tripler de 5 à 14¥, le prix d’un trajet au départ de Zhushan. Les usagers ont refusé : la hausse trans-gressait une directive officielle du ministère des transports. Ce fut l’épreuve de force : le 9/03, un étudiant qui refusait de payer, fut frappé par le chauffeur, irritant des centaines de villageois à qui le patron d’Anda opposa plus de 100 gros bras (venus en 4 bus), sous les regards de la police. Le 11/03, il y avait déjà une vingtaine de blessés légers, un lycéen mort à l’hôpital (décès nié par les autorités). Dès lors, le district s’est embrasé, la foule s’en prenant aux symboles des apparatchiks et mafieux locaux. Mairie, poste de police furent lapidés, 12 voitures brûlées. Il fallut des milliers d’hommes de la police armée (PAP) du Guangdong pour rétablir le calme : répression vive mais sans armes à feu ni, semble-t-il, d’autre mort. En même temps, d’urgence, Pékin faisait fermer Anda, rétablir l’ancien tarif (sur un service de bus publics), perquisitionner et interroger pour appréhender des dizaines de présumés « casseurs ».

Notre lecture : Au Sichuan et au Henan, l’an passé, des émeutes similaires sont restées dans les mémoires. Le schéma : un incident insignifiant au départ, mal géré par des cadres indisciplinés, embrase tout un district. Mais l’affaire de Yongzhou tombe en pleine session de l’ANP. Au Parlement et dans la presse mondiale, on constate qu’un ordre central de bloquer les prix du bus, a été ignoré. L’incident met en difficulté Zhou Qiang, le gouverneur du Hunan juste nommé, voire Hu Jintao, son protecteur. Le problème n’est pas local, mais national. L’absence de contre-pouvoirs empêche Pékin de se faire obéir, et cela se voit. A quelques mois du XVIIème Congrès, cet incident va renforcer la critique interne, au sommet (par les partisans de Jiang Zemin, Zeng Qinghong) et exacerber les réflexes autoritaires des pouvoirs locaux.

 

 


Argent : Bottes de sept lieues pour Chalco

Bottes de sept lieues pour Chalco

Créé par regroupement en 2001, n°1 chinois de l’aluminium, Chalco poursuit une ascension dopée par la croissance du pays et de son produit :  pour 2006, le Président Xiao Yaqing annonce 67% de profits, à 1,4MM$.

En alumine, dont il est n°2 mondial, il a traité 8,8Mt, +23% qu’en 2005. En 2010, il veut dépasser les 13Mt. Mais c’est en aluminium qu’il progresse le plus : 1,93Mt (+84%) qui seront 3,5Mt dans 3 ans.C’est en chiffre d’affaires que le bât blesse :  bien qu’en progrès constant (8MM$ en 2006, pour 4,8MM$ en 2005), Chalco traîne loin derrière l’Américain Alcoa (30,4MM$) et le Canadien Alcan (23,5MM$). Déterminée à les rattraper, Chalco poursuit ses investissements en 2007 : 2MM$ pour des rachats de fonderies locales comme celles du Shandong  ou de Lanzhou, et 2,3MM$ pour équiper, en trois ans, sa mine d’Aurukun en Australie, et sa fonderie de 2Mt/an. Il faut aussi racheter des usines à sa maison-mère, en vue d’entrer en bourse à Shanghai.

NB : La progression semble démesurée, mais Chalco n’a pas le choix, vu la concentration mondiale du secteur, et les “coups de noroît” en bourse, qui vont laminer ses profits en 2007 : grandir ou mourir—tel est le défi de Chalco !

 

Suntech : pas de nuages à l’horizon

Le 12/03, Shi Zhengrong, patron de Suntech (énergie solaire), présente un bilan éblouissant pour l’année 2006 : 598,9M$ de revenus nets, +165% par rapport à 2005, et 160MW de capacité photovoltaïque produite (+136,5%).

En 5 ans, Suntech, de Wuxi (Jiangsu) s’est hissée au 1er rang national, et a causé la surprise en entrant en décembre 2005 au Nasdaq, la bourse des valeurs à risque de Wall Street, empochant 400M$ -entretemps, la part a monté de 44%.

Montée par un ex-professeur d’université en énergie solaire, soutenue par une politique discrète mais efficace, Suntech est entrée dans la botte des cinq 1èrs groupes mondiaux de cellules photovoltaïques, à 90% tourné vers l’exportation. Shi Zhengrong vient d’être élu par CCTV, la télévision nationale, « homme d’affaires de l’année »,  et compte parmi les cinq premières fortunes du pays. A présent, il s’agit de gagner la course à l’expansion, y compris par rachat de la concurrence, Suntech s’est offert en 2006 le Japonais MSK, et lorgne des parts de SunPower, l’américano-philippin coté au Nasdaq.

Pour suivre la demande mondiale en pleine explosion,  Suntech investit 100M$ pour porter son débit en 2007 à 208MW (+75%, le double de l’an passé). Le cap du Gigawatt sera franchi en 2010, croit Shi Zhengrong, et 16% du marché mondial.

 

 


Pol : Les universités victimes de leur croissance

Défense : une vieille hantise se ravive

Le 13/03, le Japon signe, depuis la 2e guerre mondiale, son 1er accord de défense avec un pays tiers, hormis les USA : avec l’ Australie.

En clair, Tokyo et Canberra intensifieront les échanges d’experts, de technologies militaires et d’infos, et tiendront des manoeuvres conjointes. Shinzo Abe et John Howard, les 1ers ministres n’ont pas perdu une minute pour préciser que l’accord ne visait en rien Pékin. Mais que cette signature intervienne six semaines après la destruction par l’armée chinoise (APL) d’un satellite chinois, laisse peu de chance à une coïncidence. En exprimant ses ambitions militaires, la Chine inquiète la région Asie-Pacifique. De même, nul ne suggère que tel accord porterait la marque de Washington – ce qui est pourtant l’évidence, corroborée par la visite du vice Président D. Cheney dans les deux pays deux semaines plus tôt. Dans les deux capitales, il avait annoncé le renforcement de la trilatérale économique et sécuritaire, tout en accusant l’effort d’armement chinois et son absence de transparence…

NB : cette stratégie de « containment » des Etats-Unis,  est une constante de leur politique asiatique : entourer le rival chinois d’une ceinture d’alliances, qui pourrait englober l’Inde, transformant la  « trilatérale » en « quadrilatérale ». Face à cette résurgence, Pékin ne peut que vivre le réveil de sa hantise de l’encerclement.

Couperet américain sur la Banco Delta

Après 18 mois d’enquête sur le Banco Delta Asia de Macao, Stuart Levey, secrétaire au Trésor américain, conclut que la banque macanaise a joué un rôle de plaque tournante pour l’argent sale nord-coréen, et il intime à tout intérêt américain de couper les ponts avec elle.

Pour Pyongyang, c’est une perte de face, même si paradoxalement, elle satisfera une de ses requêtes en débloquant un tiers à une moitié de ses 24M$ gelés depuis septembre 2005. Ceci arrive à un moment risqué, alors que le petit régime vient (13/02) d’accepter de revenir au tapis vert et de désarmer sous 60 jours son programme de bombe atomique. Est-ce un hasard ? Quand Washington avait produit cette accusation, la Corée venait d’accepter de s’engager dans un processus de paix négocié par Pékin : par protestation, elle avait repris sa course à la bombe, culminant par un test nucléaire du 3/10/2006. On verra ce 19/03, date des prochaines palabres, si ce dernier geste des USA a replongé en glaciation le processus de dénucléarisation. En tout cas, un Pékin désabusé a fait savoir ses « profonds regrets ».

 

Les universités chinoises victimes de leur croissance

On ne quintuple pas impunément l’effectif estudiantin en 8 ans, de 1 à 5 millions : surtout sans accompagner ce prodigieux bouleversement d’un quelconque financement public, si ce n’est, pour les universités, un droit d’endettement bancaire illimité, et à la création de filiales ou de centres nouveaux : depuis 1999, le nombre d’établissements d’enseignement supérieur a doublé, à 2000, et telle université du Jiangsu a gonflé en trois ans de 4000 à  40.000 élèves. Invariablement, dortoirs, réfectoires et amphis ont été financés par l’emprunt à 90% , dont 60% à court terme, tablant sur les rentrées des scolarités—lesquelles souvent, manquent à l’appel.

Résultat : de nombreuses universités sont en faillite technique et ne survivent que des chèques fournis au lance-pierres par les pouvoirs provinciaux, comme ces 300M² récemment alloués par le Jiangsu à ses facultés. Une goutte d’eau dans la mer, puisque avec celui du Shandong, l’enseignement académique de cette province totalise 1MM² de dettes. Une simple université citée à l’ANP par le député Hu Sishe se retrouve avec 30M² d’intérêts à payer par an, comme service de sa dette de 500M². Une telle crise n’a qu’une solution plausible : la réouverture, après un quart de siècle, des cordons de la bourse publique à l’éducation, tout comme à la santé, à la Sécurité Sociale et à d’autres domaines sociaux !

 

 


Temps fort : Surchauffe — l’art de la contenir, sans l’étouffer !

En dépit des voeux pieux de refroidissement, la surchauffe se porte bien. A 23,8MM$, l’excédent commercial de février est décuplé, sustenté par un export colossal (+51,7%, 82MM$), qui repose sur l’acier, l’électronique et l’habillement.

Cette croissance si rapide excite l’inflation : +2,7% depuis février dernier, près de la cote d’alerte. Celle-ci est imputée à l’alimentaire, du fait de la hausse de l’énergie et de celle des salaires urbains. Aussi voit-on exploser le prix des oeufs (+30% sur un an), de la viande (+15,4%), de l’alcool et des loyers… Ce phénomè-ne serait aggravé s’il n’était contenu par la surproduction et la guerre des prix industriels, constatée sur 70% des 600 biens de consommation de l’indice. Face à cette situation volatile, Zhou Xiaochuan, gouverneur de la Banque nationale – la BPdC –, veut maintenir la fluctuation du ¥, dans son carcan des 0,3% maximum par jour.

Pour enrayer la pression à la hausse du ¥uan, l’Etat poursuivra l’usage de ses outils homéopathiques : relève des taux d’intérêts, des réserves bancaires aujourd’hui à 10%. Le but : éponger l’excédent de liquidité, et calmer l’emprunt qui atteignait 98MM² en janvier-février, soit 30% des prêts de tout 2006.  Mais les experts s’inquiètent de la compatibilité du programme « écologique » et « qualitatif » du pouvoir, face à cette surchauffe pas vraiment combattue : quelle chance reste-t-il aux projets d’amélioration de la rentabilité énergétique, de baisse de la pollution?

Echaudés par 232,5MM$ de déficit bilatéral, exigeant une réévaluation sérieuse, comme seul vrai remède, les USA resortent leur épouvantail d’une taxe de 27,5% sur l’import chinois. Pékin se défend : son export, c’est l’étranger, avec 110MM$ d’export « américain » de Chine l’an dernier. Pékin promet aussi de continuer à acheter des bons du Trésor américains, finançant ainsi le déficit US. Cette parole sera d’ailleurs évidemment tenue, puisque ses réserves en devises, de 1070MM$ fin 2006, tripleront d’ici 2010… Enfin (3ème réponse), elle précise l’imminence de Luihui, sa nouvelle agence nationale d’invests au capital de 250MM$, dirigée par Lou Jiwei, qui  appaisera la tension à la réévaluation en ventilera ces fonds sur les marchés mondiaux, sur les autres monnaies et économies !

 Enfin, le ministre du commerce Bo Xilai contre-attaque sur le front de l’OMC et de la ronde de Doha : USA et Union Européenne portent la responsabilité du blocage, par leur incapacité à ouvrir leurs marchés verts et à sacrifier leur agriculture en cessant de le subventionner. Bo rappelle qu’il ne taxe qu’à 15% les imports agricoles, contre 60% dans le reste du monde. Bo rappelle ainsi les immenses ambitions chinoises en export vert – mais pour Doha,  pour l’heure, aucun espoir de sauvetage  !


Petit Peuple : A Chengdu – comment faire ménage à une !

Dans sa série des mariages inattendus, le VdlC présente Lili la sichuanaise, et son action si contraire à la bienséance chinoise.

Il faut l’avouer, Lili ressemble trait pour trait à Xichang, sa ville natale au coeur du bassin du Yangtzé, créée ex nihilo pour construire et exploiter le barrage des Trois Gorges : lucide, créative, et sans temps à perdre. Dès l’âge de deux ans, Lili avait reçu plus que sa ration de malheurs, ayant perdu un bras suite à un accident. Entrée par force au club des gauchers, au lieu de se fermer, amère, sous les quolibets des méchants camarades, elle avait appris à leur rabattre le caquet par le sourire, et par ses bonnes notes.

Toujours forte en thème, elle entrait haut la main en 2001 à l’université du Sichuan (Chengdu). En 2005, elle était avocate – diplôme envié. Puis à la stupéfaction générale, au lieu de se faire recruter par quelque grosse boite, elle créait à la force du poignet son empire commercial -un négoce de vêtements, un d’audiovisuel…

Elle avait 27 ans : il était temps de se préoccuper des hommes: intimidés par son succès de femme,et rebutés par son handicap, ces derniers ne se pressaient pas à sa porte !

Elle réfléchit longtemps et fort, sur la meilleure stratégie, pour attirer un mari, dans sa fortune et en son lit.

Elle eut soudain l’inspiration de ce coup génial, digne d’un Napoléon en jupons : un 4 mars ensoleillé, elle remonta une avenue Chunxi bondée – les Champs Elysées de cette capitale régionale. Quoique seule, elle défilait en robe de mariée, son bouquet en main, les longues mèches bouclées pendant sur son voile et sa traîne derrière elle. Dès qu’un homme la regardait (jeune et beau de préférence), elle se présentait, et déclarait sa quête d’un « empereur de sa vie » (真命天子, zhen ming tian zi). Elle spécifiait ses attentes : beauté ou richesse n’étaient pas requises, tout ce qu’elle espérait était l’audace de répondre à son offre non conformiste. Après 10 minutes,  Zhou Wei, 25 ans, programmateur de logiciel, s’avoua « complètement touché par son courage» – à la chinoise, ils échangèrent leurs cartes.

D’autres beaux suivirent : une heure après, terminant sa promenade matrimoniale, elle invitait au bar sa troupe de prétendants tous frais sortis du four, pour prendre un verre, faire plus ample connaissance – et faire son tri !