Le Vent de la Chine Numéro 38

du 27 novembre au 3 décembre 2006

Editorial : Pakistan : l’alliance retrempée !

En rappelant sa revendication sur la province indienne de l’Arunachal (VdlC n°37), la Chine compromit, sans doute sciemment, la visite de son Président Hu Jintao à New Delhi les 20-23/11. Mis à part 13 accords techniques, cette visite resta sans fruits marquants – investissements, accord de libre échange : tout ce qui fut octroyé à l’étape suivante, au Pakistan (24-27/11) où Hu célébra le 55ème anniversaire de ces relations exceptionnelles. Le n°1 Chinois avait deux raisons de « soigner » son allié :

[1] Isolé dans et hors de son pays, son homologue Pervez Musharaf avait besoin d’un soutien spectaculaire, que Hu était seul à pouvoir lui offrir, et

[2] Suite au réchauffement sino-indien des dernières années, Islamabad devait être rassuré sur le sens et le contenu de son alliance avec Pékin.

En ce sens, Pékin a été aussi loin que possible.

Huit accords politiques ont été signés, prévoyant la réfection de l’autoroute frontalière du Karakorum, la reconstruction d’écoles et d’hôpitaux dans les zones touchées par le récent tremblement de terre, un centre culturel chinois à Islamabad, et l’ouverture de la 1ère phase du port de Gadwar, qui ouvre à la Chine l’accès à l’océan indien (épine au pied de l’Inde) ! Les pays signent un plan quinquennal commercial et économique doté d’ une société mixte d’investissements, cheville ouvrière d’une pénétration future de la république islamique par les groupes chinois.

Surtout, les deux pays signent le 1er accord bilatéral de libre échange de la Chine, en réalité une 1ère étape qui gomme ou allège des centaines de droits de douanes. Les pays en espèrent le triplement des échanges en 5 ans, de 4,26MM$ en 2005, à 15MM$ en 2010.

Au plan des affaires, pour 3MM$ de contrats ont été signés durant la visite, dans des domaines comme l’hôtellerie, l’immobilier, des parcs industriels, le ciment, l’engrais. En exploration pétrolière, Norinco, groupe militaire obtint les blocs de Baska et Bahâwalpur, tout en en revendiquant trois autres, et sa part dans des groupes pétroliers publics en cours de privatisation.

Islamabad et Pékin ambitionnent bien plus, comme la livraison au Pakistan de centrales nucléaires, de fermes solaires ou éoliennes, de technologies de transformation du charbon, d’extension du réseau local GSM, d’industries lourdes…

En conclusion, on constate que Hu  Jintao a fait entre Inde et Pakistan un voyage « trait d’union », appelant discrètement les deux pays à une réconciliation plus rapide. Mais en même temps, les fruits des deux étapes ne peuvent laisser de doute : pour Pékin, pour des raisons qui lui sont propres, priorité va à la consolidation de la petite alliance ancienne, sur celle de la grande et récente ! 

 

 

 

 


A la loupe : Salon de l’auto — un printemps en hiver

Avec 572 modèles de 20 pays, et 500.000 visiteurs chinois venus les admirer, Pékin bat tous ses records pour son 6ème salon de l’auto (18-26/11). Partie de rien il y a 20 ans, en matière automobile, la Chine est passée cet année 3ème producteur et second marché, avec 4,7M de vente (+18%), qui seront 7M sous quatre ans. Pour les 1500 firmes présentes, c’est le bonheur!

Surtout pour les constructeurs étrangers, qui tiennent 75% du marché.

Volkswagen trône, avec 600.000 ventes depuis janvier (17%), avec sa  Neeza coproduction de SAIC (Shanghai Auto Industry Co), et sa filiale tchèque Skoda, qui débarque.

GM prévoit 0,86M ventes (+30%). Ford s’attend à + 36%, et à booster ses ventes, de 20.000 en 2003 à 410.000 en 2007. Avec ses filiales (Mazda, Volvo), il aligne 52 modèles. C’est une tendance: désormais, les étrangers rivalisent sur tous les segments. Par la voix de Claude Satinet, son directeur Asie, Citroën espère remonter des actuels 2,9% à 5%, grâce à sa gamme enfin complète. D’ ici 7 ans, la Chine deviendrait son 1er marché, à 350.000 ventes/an, à égalité avec la France!

De cette montée des étrangers, la Chine ne perdra rien : elle compte sur tous pour faire passer sa part (0,7%) du marché automobile mondial à 10% en 2015, et exporter alors 120MM$ /an de voitures et pièces -aidée par ses barrières tarifaires que Canada, Union Européenne et US mettront des ans à démanteler via l’OMC (organisation mondiale du commerce). Chery montre l’avenir, exportant 50.000 voitures en 2005.

Les constructeurs chinois font mieux que se défendre, très forts en bas de gamme et montant en puissance, ayant déjà 25% de leur marché. Faw (First Auto Works) avec sa Besturn, SAIC avec sa marque Roewe (Rover, avec sa technologie mais sans la marque) dont elle veut vendre 200.000 unités d’ici 2012, localement d’abord.

Enfin, les géants de la pièce détachée se pressent au portillon.

Johnson (US) vient de racheter la branche batteries de Delphi et va d’ici 2007, doubler son usine shanghaienne, à 6M d’unités, sous la marque Varta. Continental (Allemagne) paie 200M$ le droit de produire ses pneus en Chine. Goldmann Sachs paie 113M$, pour 10% de Fuyao, « Mr Pare-brise » au Céleste Empire…

 

 


Joint-venture : Banque – arrive le taureau de Bilbao

Parmi les banques étrangères qui se bousculent au rendez-vous de l’ouverture d’un marché chinois estimé en juin, à 3300MM$, l’une attire l’attention: Banco Bilbao, n°2 au sud de la Bidassoa, offre 989M² pour 5% de Citic Bank et 15% de Citic International Financial Holding. Vu l’entrée tardive, «5 minutes avant le concert», le ticket d’entrée est lourd, 3,3 fois le cours normal pour la banque, 2,6 fois pour la holding.

Moyennant quoi la Banque de Bilbao pourra porter sous 12 mois ces participations à 9,9% et 30-35%.C’est l’entrée de l’Espagne dans la banque chinoise qui se joue ici. Avec à la clé, la dot du continent latino-américain, où la Banque de Bilbao est fort implantée du fait des liens historiques.

Un marché où les seules exportations latino vers la Chine faisaient 25MM$ en 2005. La Banque de Bilbao aura bientôt sa part grâce aux hommes qu’elle placera au sein des 2 Conseils d’Administration et aux 450 agences qui vendront ses produits. Quant à Citic, avec le nouveau partenaire, elle fait un pas de plus vers la bourse de Hong Kong, où elle prépare son entrée pour 2MM$ – mais manque encore, à ce montage audacieux, l’aval de Pékin.    

 

 


A la loupe : Protestantisme — renaissance discrète

A l’issue de sa visite (16-23/11), Samuel Kobia, pasteur kenyan, Président du Conseil oecuménique des églises (protestantes) estime la foi «ancrée dans la terre chinoise», et félicite diplomatiquement le régime pour son « travail remarquable », comme d’avoir, en 20 ans, fait imprimer 42M de bibles.

Visite stratégique ! Le protestantisme chinois rassemble 16M de brebis sous la houlette officielle du «mouvement patriotique des 3 autonomies», mais sans en avoir l’air, elle compte au moins trois fois plus de fidèles clandestins : bilan dû aux semailles d’un XX. siècle plus anglo-saxon que latin, et à des décennies de tracasseries, aussi lourdes que celles subies par l’Eglise de Rome -quoi-que le protestantisme, sans Pape, ne puisse être assimilé à une « puissance étrangère ». Très dynamique, ce protestantisme attire les couches les plus éduquées, et serait la 2ème confession du pays après le bouddhisme, avec autant de membres que le PCC —mais autrement plus motivés.

Telle puissance humble suffit à expliquer les persécutions intermittentes toujours de rigueur, avec (selon China Aid Association), 1958 pasteurs arrêtés depuis mi-2005, tel Cai Zhuohua, condamné à 3 ans pour avoir imprimé 200.000 bibles sans permis.

Et pourtant, le pouvoir n’est pas monolithique dans sa croisade antireligieuse. C’est lui qui a adopté en mars 2005 une loi de protection des religions. Tandis que la répression vient du niveau provincial ou local -pour punir les actions d’une paroisse qui dérange matériellement. Par exemple, une communauté soudée, est plus dure à exproprier.

Aussi S. Kobia, comme en septembre Rowan Williams, archevêque de Canterbury (chef des anglicans) viennent tendre la main à Pékin, offrant implicitement de contribuer à la stabilité des provinces. Mais pour le pouvoir, la hantise demeure : voir ces églises d’Amérique, de Corée épauler leurs soeurs, dans un élan d’évangélisation sans précédent ! 

 

 


Argent : Energie solaire – à Dunhuang, la Chine dans la cour des grands

— Proche de l’oasis de Dunhuang (Gansu), sur 31000m² d’un site parmi les plus ensoleillés du territoire (3362h/an), pour 765M$, la Chine veut monter une ferme solaire de 100MW.

Poussé par la mairie de Dunhuang et Zhonghao, mystérieux fonds pékinois d’investissement en énergies nouvelles, le projet mettra 5 ans à aboutir. Vantée comme le “plus grand projet solaire au monde”, la centrale passe de loin les 12MW du record actuel à Arstein (Allemagne). Mais d’autres projets plus forts sont au four (solaire) : en Australie (154MW, d’ici 2013), aux USA (fermes de 300MW, 500MW en Californie), et en Israël avec une unité de 100MW qui pourrait être portée à 500MW.

NB : pour ce prix, Dunhuang aurait pu s’offrir une centrale thermique 4 fois plus puissante. Mais Dunhuang, site d’un trésor mondial de peintures bouddhistes, mérite d’être protégé. Tout comme l’industrie solaire nationale, filière d’avenir, où la Chine pourra sous 5 ans rivaliser avec les plus avancés : elle s’en donne les moyens !

Nielsen Media Research crédite la publicité en Chine de 9,93MM² de recettes au 3ème trimestre, +21%, dont 9% reviennent aux journaux et 80% à la TV.

Pour cette dernière, aux enchères annuelles des meilleurs créneaux (21/11), CCTV  reçoit 860M$, +15,8%.

Soucieux de refaire son image après le retrait forcé de ses crèmes SKII (VdlC n°31), Procter&Gamble a misé le plus fort : 53M$. Cette année, débutent les pubs TV « spéciales JO » : 84M$ de recettes, où le vainqueur est la Banque de Chine, en s’offrant pour 8,2M$ l’exclusivité sur «My Olympic Show». L’étranger officie hors de la chasse gardée. Carlyle, fonds de placement US, est le plus dynamique. Dès 2004, il entrait dans Focus Media, leader de la publicité sur écrans plats -77.000 écrans dans les lieux publics, qui vient de faire 27M$ de profits au 3ème trimestre, +214%. A présent, Carlyle met 20M$ dans le sichuanais TSM, leader du panneau pub d’extérieur, marché pulvérisé entre 600.000 panneaux et 60.000 petits patrons. Mais TSM les fédère et lease à tour de bras, via ses 36 bureaux régionaux, et sa présence dans 100 villes.  Méthode typique Carlyle : si l’affaire prospère, 30 autres M$ sont déjà promis!

 

 


Pol : Fonds de Sécurité sociale, la SASAC, seule contre tous

—  L’archipel de Tonga (Pacifique Sud) en proie aux spasmes des émeutes – et  la communauté chinoise trinque, avec 30 négoces réduits en cendre le 16/11 à Nuku’alofa, la capitale de ces 108.000 habitants…

Comme toute la Micronésie, Tonga vit à l’écart des circuits mondiaux touristiques, miniers ou industriels. Et comme déjà aux îles Salomon en avril, les troubles prennent vite un ton de pogrom contre les 4000 résidents chinois dont 500 dans la capitale, qui ont trusté le petit commerce et vivent mieux que les autres… A Tonga, quelques dizaines de « Marines » d’Australie et de Nouvelle Zélande ont rétabli l’ordre, et le 23/11 un charter  affrété par la RPC rapatria 300 Chinois vers Xiamen (Fujian), leur terre d’origine. Ils reviendront, sans doute : sur ces îles, les fortunes se défont et se refont au rythme des typhons, hors desquels la vie est douce !

NB : Ce réflexe antichinois se retrouve dans toute l’Asie, au Vietnam (1975), en Indonésie (1998, 2000, 2003, 2004)… Prix à payer pour l’extraordinaire capacité commerciale de ce peuple…

 — La sécurité sociale chinoise perd la partie: rare cri d’alarme par Zhou Xiaochuan, gouverneur de la Banque centrale en marge du sommet du G20 de Melbourne (18/11) : c’est la SASAC (State-Owned Assets Supervision and Administration Commission)  qui est visée, club des grandes entreprises d’Etat (GEE) qui  refuse de donner 10% de leurs parts au Fonds National de Sécurité Sociale (FNSS).

La SASAC se retranche derrière la stabilité sociale: ainsi décapitalisées, les GEE basculeraient au privé, entraînant licenciements, émeutes! Mais le conseil d’Etat et 5 ministères insistent pour ce plan, seule chance de resustenter la Sécurité sociale. Celle-ci aujourd’hui détient 255MM$, dont 87MM$ acquis dans l’année. Selon le dernier audit national (24/11), 900M$ en ont été dilapidés —ils doivent être «intégralement récupérés ».

Face à cela, le Parlement prépare deux lois d’urgence, sur la Sécurité sociale et sur le FNSS, pour empêcher toute gabegie future. Le temps presse : d’ici 2010, tout citoyen doit avoir accès à un embryon de protection sociale, subsides qui couvraient en 2005 quelques 100M de gens et coûtaient au Fonds 3,75MM$. Chaque année, 6M de sexagénaires (+3%) arrivent à la retraite. Or, les fonds de pension, même privés, ne croissent que de 3%/an, contrairement aux salaires, qui croissent de 10%…  

—  3ème forgeron planétaire, Posco (Corée du Sud) inaugure la1ère aciérie intégrée étrangère en Chine.

A Zhangjiagang (Jiangsu), Pohang Stainless Steel aura coûté 1MM$, pour une capacité de 600.000 t/an. Conçue, gérée aux dernières techniques étrangères, outil “sur l’eau”, elle préfigure l’avenir, d’un acier haut de gamme au plus bas coût énergétique et peu polluant. Depuis 1997, Posco détenait sur place un train de laminage à froid d’un débit de 200.000t/an. Désormais, il contrôle le processus intégral.

NB : dans un secteur stratégique, c’est un exploit de Posco, que seule une compagnie coréenne pouvait réaliser, vu les contacts bilatéraux sans nuages, et la coopération industrielle intense. On aurait mal vu un tel résultat  avec le Japon (mauvais rapports), ou avec Mittal-Arcelor,n°1 mondial!

 

— En août ’05, au tribunal de Canton, il fallut un jour pour condamner Ching Cheong, journaliste Hongkongais à 5 ans de prison pour espionnage, assortis de 30.000² d’amende. 16 mois après (24/11), vient l’heure de l’appel :   une demi-heure a suffi à la cour de Pékin pour confirmer le verdict.

Ce correspondant du Straits Times de Singapour, espérait obtenir à Canton, d’un ami de Zhao Ziyang, leader décédé en disgrâce, des lettres posthumes qui auraient été un genre de testament politique : lourde imprudence ! Il tomba dans une souricière  à l’arrivée. Circonstance aggravante, en toute naïveté de pur intellectuel, Ching Cheong écrivait parfois des « papiers » géopolitiques pour une fondation de recherche taïwanaise (cf Vdlc n°26) : cela suffit à la sécurité publique, pour le confondre d’«intelligence avec l’ennemi».

L’arrestation et la peine sérieuse signifie deux rappels en un : aux Hongkongais, qu’ils ne sont pas protégés en cas de litige avec l’Etat. Aux journalistes, que certains dossiers de l’Etat restent  intouchables, sous peine sévère ! Avis spécial à la presse étrangère en mandarin, trop remuante et «comme un poisson dans l’eau chinoise» aux goûts de certains!

 


Temps fort : Chine-Vietnam : mariage de raison

Le sommet de l’APEC (Coopération Economique de la zone Pacifique) à Hanoi a vécu un bouquet final sino-vietnamien : la signature d’une série de contrats puissants dans les infrastructures, pour 3,8MM$.

Enterrant les conflits de 1979 et 1988, le grand et le petit frère socialistes réalisent une synergie rare, offrant au Vietnam des équipements à moindre coût et à la Chine, d’excellents échanges ! 

Chalco et Vinacomin mettent 1.6 MM$ en une JV pour 4Mt/an de bauxite, dont le Vietnam tient les 3èmes réserves au monde, 6 à 8MMt.

China South Power Grid, l’électricien paie 900M$ la 1ère tranche (1,2 GW) de la future 1ère centrale du pays, qu’il exploitera seul, en BOT (Build Operate transfer) durant 25 ans.

Dongfang Electric et le japonais Marubeni construiront une centrale à houille de 600MW à Haiphong, 453M$ (80% sur fonds propres). Shanghai Electric fera celle de Quang Ninh 2 pour 418M$, payés à 80% par l’Eximbank chinoise.

Durant 5 ans, Cnooc (China National Off-shore Oil Corp) explorera avec Petro-Vietnam le large du Golfe du Tonkin, partageant à 50/50% risques et profits. La CNPC (Compagnie Nationale Pétrolière), le grand pétrolier chinois va construire une usine d’engrais, d’une capacité de près d’1Mt par an, pour 432M$.

NB : Sans précédent entre ces voisins, ces projets énormes reflètent un tournant politique opéré des années en arrière, et l’image ambigüe de la Chine auprès du Vietnam. Hanoi craint toujours Pékin, mais reste aussi fascinée par ce géant qui a inventé un modèle de croissance, sur lequel il a calqué le sien, conciliant monopartisme, coquille vide de socialisme et croissance libérale.

Les relations sino-vietnamiennes sont normalisées depuis 1991, avec un commerce bilatéral frisant les 10MM$ cette année -en 2005, 2.8MM$ de déficit vietnamien. La hantise de se retrouver noyé dans la masse de l’économie chinoise est calmée par une intuition : seule une participation active au volcan d’affaires chinois, permettra au Vietnam d’éviter de devenir un simple entrepôt Céleste, doublé d’une réserve à matières premières. Cette stratégie étant complémentaire à, et plus fiable que la quête d’une ASEAN pour l’instant paralytique voire introuvable !

 

 

 

 


Petit Peuple : Pékin – surenchère sur le nu

Depuis neuf ans, Shao Xiaoshan, 26 ans, attendait sa chance. A 17 ans, ne doutant de rien, la jolie fille avait décidé de se faire actrice. Mais une fois sortie de son école ruineuse, et payés les agents escrocs, elle voyait filer le sable du temps, perdant ses années en rôles bouche-trou, sans toujours de quoi subsister… Jusqu’à ce jour de 2006, où elle «changea de cours, au pied du mont» (峰回路转 feng hui lu zhuan) – sa chance vint!

En tournage du  Banquet, long  métrage à gros budget, le réalisateur Feng Xiaogang «tombait sur un os»: pour l’obligatoire scène de nu,  sa vedette Zhang Ziyi déclarait forfait, et n’en démordait pas! Comment trouver la doublure? Parmi 40 filles contactées, aucune ne convenait, ou ne voulait – même une prostituée, tirée de son bouge pour l’occasion, ne put en rien aider! Feng Xiaogang pensa à Shao Xiaoshan, connue comme le loup blanc parmi la piétaille du 7ème art pékinois. Une fois dénudé, son corps s’avéra le clone exact de celui de la diva. Sachant subodorer sa chance quand elle se présentait, l’actrice ratée ferrailla dur pour son cacheton, arrachant de haute lutte 19.000¥  pour trois jours de pose lascive. Sous l’objectif, elle fut très convaincante !

Les Athéniens s’atteignirent, quand Xiaoshan exigea de figurer au générique. Mesquins, les producteurs l’envoyèrent paître -c’était déjà bien assez qu’on lui paie une fortune pour montrer ses…

De rage, elle déposa sa doléance sur un blog branché : alléchés, des journalistes vinrent dénicher cette perle. Les producteurs ratèrent alors une occasion en or de se taire, en l’appelant pour lui offrir argent et insultes à la fois : elle posta leur échange sur internet et depuis lors, elle a son carnet d’interviews plein, des jours à l’avance! Fière d’avoir fait toute seule, mieux que les attachés de presse du film, Melle Shao vient de changer de plan de carrière. Avant le film, elle pensait prendre son chèque, et «se marier, puis filer en Amérique». Plus à l’aise maintenant, elle reste, et s’interroge, sur quoi publier d’abord : le livre de sa vie privée (poivrée), ou le press book de ses admirables hanches ?