Le Vent de la Chine Numéro 36

du 13 au 19 novembre 2006

Editorial : Lutte contre corruption : l’entrée d’un nouvel acteur, la presse !

Depuis l’été, s’exacerbe  la lutte entre la corruption nourrrie par une croissance échevelée, et la loi dont Hu Jintao semble vouloir faire le symbole de son règne.

Après le scandale de Lai Changxing à Xiamen (7MM$ détournés), un haut cadre pouvait prétendre que ces temps étaient dépassés. Mais depuis octobre 2006, l’affaire shanghaïenne de Chen Liangyu (400M$ manquants au fonds local de pension), prouvent combien  ces paroles étaient des voeux pieux !

 A Shanghai, les rafles se succèdent.  Zhu Wenjin, directeur au Bureau du sol et du logement, est arrêté (3/11), puis (le 7/11) Wang Zheng, PDG du groupe Huangpu. La Shanghai Charity Foundation est dans le collimateur : Zhang Rongkun, financier en  prison, était son superviseur et Yu Huiwen, femme du vice 1er Huang Ju, la vice Présidente. Accusé de débauche, He Minxu, vice-gouverneur de l’Anhui est limogé. A Canton, Gu Chujun, ex PDG de Kelon passe en jugement…

Sur le fond, cette campagne dit la volonté du cabinet Wen Jiabao de percer l’abcès : des centaines de limiers lancés à travers le pays épluchent les comptes des provinces pour punir les 200M² d’investissements sans permis, bafouant les consignes centrales de gel des secteurs textile, acier, électricité, charbon et ciment. Pékin a un bon moyen de punir : à l’approche du XVII. Congrès d’octobre 2007, toute la haute administration  est en cours de promotion… ou de passage sur voie de garage ! Dans le même souci de reprise en main, Wen élague à tous les niveaux les bras droits des Secrétaires du Parti, afin de rendre le pouvoir aux Comités du Parti, et réduire le pouvoir personnel, ainsi que les tentations de prélever bakchichs et taxes illégales.

En outre, Pékin renforce la sécurité à la campagne, y créant depuis 3 ans 30.000 postes de police.

Dernier acteur inattendu : la presse, dont on voit se poursuivre (s’exacerber) la prise de liberté, malgré 18 mois de renforcement de la censure.

Au Quotidien de la jeunesse, Xiao Yuhen -pseudo transparent, signifiant «qui hait la corruption»- dénonce avec une surprenante audace les tours de passe-droits des lobbies et des cadres, privilégiant leurs intérêts personnels sur le collectif, vidant de tout sens le concept de société harmonieuse. Même son de cloche dans Oriental Outlook, voire même l’ultra officiel Xinhua : explosion d’indignation contre l’injustice, mais peut-être aussi un exutoire éphémère, toléré par le régime, « le temps d’un printemps en automne » !

 

               

 

 


A la loupe : Union Européenne-Chine : Mandelson un ton plus haut

Jamais on ne vit à Pékin commissaire européen parler si vivement que le britannique Peter Mandelson la semaine passée (07-11/11).

Les faux produits chinois, plus de 50% des saisies en douanes des 25 Etats membres, sont un «boulet au pied» de l’industrie locale. L’échec du pays à ouvrir ses marchés (financiers, des services) et «à jouer selon les mêmes règles » compromettrait les échanges – il nourrirait en Europe un protectionnisme latent d’Etats manufacturiers comme Italie, Espagne et Pologne. Mandelson exigeait des actes, contre les  barrières chinoises non tarifaires,  les subventions aux exportations, la pression au transfert de technologie. Il réclamait l’indexation du yuan à un panier monétaire plus représentatif face à l’Euro, l’ouverture des marchés du bâtiment, de la banque, des télécoms.

Surpris par la vivacité des reproches, Bo Xilai, le ministre du commerce, dut manier la panoplie classique d’arguments chinois :

[1] ses succès commerciaux seraient dus à son travail – il faut laisser parler la loi du marché,

[2] pays aux 100 à 200M de pauvres, la Chine ne peut pas faire de concessions,

[3] l’Union Européenne est «protectionniste» en taxant ses exports de chaussures. 

Dialogue de sourds, donc? Pas tout à fait, car Pékin s’attendait bien à un raidissement européen et américain.

Il sait ce que ces partenaires attendent de lui, à l’issue de sa phase transitoire d’accès à l’OMC, de jouer désormais dans «la cour des grands». D’autre part, l’enjeu avec l’Europe, réside dans un nouveau cadre de partenariat, en négociation! Face à cela, la Chine et la Chambre de commerce européenne signèrent un mémorandum d’assistance technique aux 50 centres anti-piratage annoncés par Pékin, et Mandelson rassura Bo : l’Union ne suivrait pas les USA sur le terrain d’une plainte sur ce sujet devant l’OMC.

Autrement dit, le ton devient vif sans se faire acerbe. L’exigence de l’UE de régler des problèmes comme le piratage, reflète une impatience de ne plus perdre son temps  sur des « enfantillages », pour passer à une coopération plus ample, d’intérêt commun, hors USA, sur des sujets plus sérieux comme pollution, satellites ou la santé !

 

 

 

 

 

 

 

         

 

 


Joint-venture : La vie douce-noire de Callebaut

La Chine qui s’enrichit est mure pour du chocolat de qualité. Tel est l’avis doux-amer du suisse Barry Callebaut, premier chocolatier de luxe, traitant 15% des fèves de cacao de l’univers.

Un avis récent, puisque le dernier bureau de vente de Callebaut à Shanghai date d’octobre, et que son projet d’usine de Suzhou vient d’être déposé. Sauf retard de licence, elle tournera d’ici 2008. Pour le Suisse, ce continent “vierge” (marché actuel de 385M$, en croissance de 10-15%/ an) vient à point pour relayer les marchés gourmets d’Europe et d’Amérique, saturés. Callebaut apportera en Chine son savoir-faire, encouragé par la législation nouvelle, applicable au 1/12, imposant au chocolat une teneur de plus de 95% en beurre de cacao. Toute teneur inférieure, soit 90% du marché actuel, devra renoncer à l’appellation. Des groupes tel le Shanghaien Jinsihou ont pris la menace au sérieux, et se sont conformés! 

NB : on remarque l’écart entre la capacité de cette usine Callebaut encore modeste (25.000t /an), et un marché évalué 10 ans plus tard, à 2.4MM$ et 800000 tonnes pour 400M de consommateurs.

  

 

 


A la loupe : Ouverture financière : Jour J – 50

A 50 jours de l’ouverture promise à l’OMC des marchés financiers, les acteurs peaufinent leurs stratégies.

L’Etat publie sa règle : les banques étrangères, bridées aujourd’hui à 2% du marché, devront choisir : se faire chinoises, ou rester branches de firmes internationales. 

Les 1ères obtiendront le droit d’agences à volonté et le marché des comptes individuels (en RMB) : elles sont déjà 7, dont Standard Chartered. Elles espèrent faire mieux que les locales, en offrant aux clients des produits nouveaux, comme ces actions étrangères  en QDII (Qualified Foreign Institutional Investors), pour 75MM$ autorisés d’ici 2 ans. 

Les 2des, comme HSBC, resteront supposément compagnies de prêts aux firmes, et gestion de fortunes, mais auront « quand même » accès aux comptoirs de leurs partenaires locaux – comme Royal Bank of Scotland avec ses 10% de la Banque de Chine (3,1MM$). Cela explique pourquoi la banque ANZ achète 20% de Shanghai Rural Commercial Bank pour 500M$, et Citibank, 20% de Pudong Development Bank (dont il a déjà 4,2%).

L’Etat prépare la 1ère zone industrielle (expérimentale), sous yuan librement convertible: Binhai (Tianjin), où des banques étrangères sont sur les rangs pour s’établir, comme Mizuho (Japon). Il octroie aussi à l’IFC, (Int’l Finance Corp), le bras financier de la Banque mondiale, la 1ère émission de bons, pour 870M¥, à 7 ans.

Ces banques étrangères révisent leurs investissements, pour en vérifier la rentabilité : la BNP céderait ses 33% dans Changjiang, maison de courtage de Wuhan sur la bourse de Shanghai.

A l’inverse, de nouveaux types d’investissements sont explorés, comme l’immobilierDeutsche Bank place 225M$ à Zhuhai, en JV de 50% (2.000 appartements).

Reste la grande inconnue, celle de la reprise de la Guangdong Development Bank par Citibank ou bien Société Générale. D’avis courant, cette affaire a duré beaucoup plus que de normal.

L’autorité centrale semble dépassée par trop de pressions, dans l’incapacité de satisfaire tout le monde, France ou Amérique. Chaque jour qui passe désormais, renforce l’hypothèse d’un tranchement du noeud gordien, au profit d’un outsider… chinois !

 

 


Argent : La banque ABC, recalée

— Assainir la Agricultural Bank of China (ABC), c’est la quadrature du cercle, contrainte qu’elle est («société harmonieuse» oblige) de prêter aux paysans ou à leurs villages en faillite… En déc. 2005, son taux officiel de prêts perdus (90MM²) était de « 26% » (d’autres sources parlent de 50%). En sept.2006, il avait baissé de 2,7%, moins par meilleure gestion que par la fuite en avant dans d’autres prêts pour 28,6MM² (+43%).

A cela s’ajoute un réseau désuets de 31.000 agences aux armées de guichetiers, mangeant les profits. Après avoir envisagé de fermer l’ABC, quitte à en sauver les actifs les moins ruinés (ceux non obligés de prêter), l’Etat décidait de renflouer, et l’invitait à soumettre son plan de passage à une firme à capitaux mixtes. Le 19/10, Zhou Xiaochuan, le gouverneur de la BPdC, la banque centrale, annonçait un feu vert imminent, et jusqu’à 78MM² d’injection pour éponger les mauvaises dettes, suite à quoi l’ABC, comme ses 3 soeurs publiques, achèverait sa convalescence au sanatorium de la bourse de Hong Kong. Puis finalement (6/11), il se ravise: trop cher, et surtout, le problème de fond n’est pas réglé – le rebouchage du tonneau des Danaïdes, la restructuration, l’éducation au vrai métier bancaire, et aux profits. Et pourtant, sans argent aux paysans, pas de paix sociale…

— Parlant d’émeutes, le Conseil d’Etat présente un  bilan en progrès aux trois 1ers trimestres avec 19.700 cas seulement, et moins 22%. Pourtant, pour l’an dernier, deux chiffres officiels circulaient, bien plus grands : 76.000; voire  87.000… De toute manière, cette semaine, d’autres manifestations apparaissent, d’un genre nouveau et inquiétant.

[1] A Lhassa, des 100aines d’étudiants tibétains manifestent fin octobre, puis le 11/11, contre une discrimination ethnique dans le recrutement au gouvernement local. Sur 100 postes offerts, 98 sont revenus aux jeunes Han, rompant une promesse d’égalité des chances. Quoique pacifiques, ces manifs sont tenues secrètes : c’est le 1er cas connu, depuis des soulèvements sanglants au Toit du monde, en déc. 1987.

[2] A Sanzhou (Guangdong), le 8/11, pour dénoncer la mainmise sur leur terres,  4000 villageois encerclent un silo lors de son inauguration et retiennent 300 dignitaires locaux et clients thaïs, allemands, anglais, Hongkongais. Les terres avaient été indemnisées à un tiers du prix de vente à l’étranger, 1300²/ «mou»…L’action se termine 18 heures plus tard, par l’intervention de 1000 hommes des forces anti-émeutes.

NB : Très dissemblables dans leur forme, ces 2 manifs portent en commun le recul de la peur, le retour de la désobéissance civile.

 

 


Pol : Russie-Chine, le déblocage de la synergie

— C’est un fructueux 11ème meeting qui s’est tenu à Pékin entre Wen Jiabao et son collègue russe M. Fradkov, bilan d’années de maturation.

Ces entretiens (9-10/11) se tenaient en marge d’une conférence d’investissements par la NDRC (National Development and Reform Commission) et le ministère russe du commerce et du développement.

Les Etats ont signé 7 accords politiques de protection des investissements, de coopé bancaire et d’assurances, de gestion des frontières, de rapatriement des criminels, d’utilisation du nucléaire civil. La Chine va investir en Russie pour un total d’1MM$, dans une chaîne de montage auto, une usine de verre flotté, une scierie et usine de la filière-bois.

Mais le gros des ententes se trouve dans l’énergie.

Dès 2008, 4 MMKW/h d’électricité venus du barrage de Bureisk seront fournis par le russe SEU au chinois State Grid. Ils passeront à 38MMKW/h en 2015, grâce à une série de centrales au fuel ou à charbon. Avant d’arriver à 60MMKW/h. Rosneft le géant pétrolier russe, se lie par des participations croisées avec CNPC (la compagnie nationale pétrolière) et Sinopec. Il réalise avec celle ci à 200km de Pékin une raffinerie à 70M barils/an,  pour alimenter 300 stations services.

Pour Sinopec, il signe le projet d’oléoduc vers Daqing, qui va presque tripler les 11Mt/an de livraisons présentes. Stratégiquement, la Russie accepte enfin de laisser la Chine coopérer sur son sol : les échanges de 29MM$ cette année, passeront entre 60 et 80MM$ d’ici 2010(à comparer aux 100MM$ attendus avec l’Afrique à même époque), tandis que les fonds chinois placés au nord de l’Amour, seront 12MM$. C’est peut-être le vrai début de la synergie entre ces géants condamnés à s’entendre

—  Sinopec, le 1er raffineur chinois vient d’obtenir en concession 10M de barils de pétrole, un tiers de la première réserve stratégique, en cours de constitution à Zhenhai (Jiangsu).

Le pétrolier en guigne le double, et donc les deux tiers. Les traders ne s’y trompent pas : le geste préfigure une rupture conceptuelle. Non sur la gestion des stocks – en Occident, les réserves sont à la charge des pétroliers – mais sur leur droit de tirage. Dans les pays de l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement économique) en effet, ce privilège est aux mains de l’IEA, (l’Agence int’l de l’énergie) qui en use de façon conservatrice, sur les 1.5MM de baril de réserves du Japon, de l’Europe et des US, n’ayant permis en 32 ans que deux déstockages (généralisés). S’il se confirme que Pékin permet à Sinopec de jouer avec ses stocks, il lui offrira un levier mondial sur la fixation des prix, mais au risque de la sécurité d’approvisionnement nationale…

Comme le remarque la NDRC (National Development and Reform Commission), ce choix n’est pas pour tout de suite : avec ses réserves minimes (30M de barils, soit 11 jours de besoins importés, et 100M barils d’ici 2008), la Chine reste incapable d’influencer les cours. Mais l’enjeu de la démarche est la remise en cause d’un dogme des stocks, comme celui de l’or des banques centrales il y a 50 ans, garant de la valeur de la monnaie !   

—  Victoire pour Pékin, qui place (8/11) la Hongkongaise Margaret Chan (ex-boss de la santé sur le Rocher) à la tête de l’OMS (organisation mondiale de la santé).

La vice 1er ministre Wu Yi et Hu Jintao avaient fait  pression à Genève : par 24 voix sur 34, ils obtiennent l’accession de 1ère personnalité chinoise à la tête d’un organe de l’ONU.

Cette nomination arrive à un moment critique, alors que Pékin essuie l’accusation d’avoir laissé se développer une mutation du virus H5N1 de la grippe aviaire, non dangereuse, mais résistante au vaccin des oiseaux, et de n’en avoir pas averti l’OMS en partageant avec elle ses souches contaminées. Pékin réfute vivement, mais n’en envoie pas moins 20 échantillons par avion à Washington, satisfaisant ainsi, à contrecoeur, cette très vieille demande mondiale en souffrance.

NB : autre maladie de retour—la rage, profitant de la mode des 150M chiens de compagnie, dont 3% seulement vaccinés. La rage a tué 1817 Chinois en 9 mois (+30%). Pékin réagit : au 1/11, un seul chien par foyer, les grands chiens interdits, ceux pas en règle, taxés (5000¥) voire abattus.

 


Temps fort : Taiwan: Chen Shui-bian, ‘responsable mais pas coupable’

Wu Shu-chen, épouse du Président taiwanais Chen Shui-bian, inculpée (3/11, cf VdlC n°35) pour abus sur 450.000$ de fonds publics. Ce coup de théâtre fait éclater une affaire qui couvait depuis des ans. Pour le DPP, le Parti séparatiste, au pouvoir depuis 2000 (le parti de Chen), c’est  la pire crise depuis sa fondation en 1986.

Le 5/11, Chen assume le détournement, « responsable mais pas coupable », invoquant un usage des fonds dans une mission secrète… Le 8/11, 50 caciques du DPP votent son soutien au nom de la «stabilité sociale», et menacent de sanctions les francs-tireurs.

L’enjeu, c’est la motion de censure au Yuan Législatif (Parlement),  la 3ème depuis juin, programmée le 24/11. Comme les deux  précédentes, elle a peu de chance d’aboutir à la destitution de Chen Shui-bian.

Le problème, est l’avenir: la capacité à gouverner d’un DPP arc-bouté dans la défense d’un Président «au-dessus des lois», voire corrompu, et qui n’est plus cru que par 13% des gens— 54% souhaitent son départ. Chen sauve sa place provisoirement, mais est paralysé. En face, l’opposition tire à boulet rouge, Ma Ying-jeou, leader du Kuomintang étant le moins virulent. Par expérience personnelle, Pékin se garde d’interférer -il est presque curieux de voir à quel point il reste extérieur, «étranger» à ce débat qui reste très insulaire.

Mais la bataille ne fait que commencer : deux ex-alliés prestigieux et fidèles du Président, lui conseillent de partir dignement, tant qu’il le peut encore : Lee Yuan-tse, Prix Nobel, et Kao Chih-ming, patron du groupe alimentaire I-Mei. La base de soutien ne peut que s’effriter…

 

 


Petit Peuple : Shenzhen – le routier puni des Dieux

Chauffeur routier en Chine, c’est un bon métier, sur ces 30.000 km d’autoroutes neuves, entre ports, usines et hypermarchés surgis dans la nuit. L’avenir est radieux pour Peng Yong, 28 ans dont 7 au volant de son camion. Sans soucis, notre homme se présenta donc chez un transporteur de Shenzhen, aux 100aines de poids lourds. Mais surprise, «avec le nom que tu portes, tu n’y penses pas ! », lui objecta-t-on. Yong signifiait «force» ou «courage», ce qui portait la guigne… Ebahi, le routier retenta sa chance des mois après, sans avoir changé d’état-civil : il fut recalé derechef, «pas sur la liste»(榜上无名bang shang wu ming)!

Yong voulut en savoir plus: la firme de Shenzhen avait subi en 2002 un accident grave, avec un chauffeur du nom de Yong. Or, par de mystérieux moyens, les géomanciens consultés avaient établi que les conducteurs portant ce patronyme avaient plus que leur compte de collisions : avec leur «courage», exclusivité divine, ils offensaient le ciel, qui les remettait à leur juste place -sous terre!

L’incident frappe, en dévoilant la coexistence d’un tissu économique le plus moderne, et de croyances médiévales. En Chine, on voit aussi des firmes d’électronique congédier une cadre universitaire pour «mauvais qi» (souffle vital). Tandis que dans les années sous signe astrologique défavorable, comme celles du poulet ou de la chèvre, les couples (même diplômés d’études supérieures) refusent de procréer, causant un déficit national en millions de naissances.

Contradiction entre culture ancestrale et technique occidentale, le socle de conscience demeure immuable, stabilisé par un régime conservateur. La suite de l’histoire résume bien la pesanteur de l’héritage. Contre la firme, Yong porta plainte, réclamant 100.000¥ de dommages. Mais la cour, démentant l’idéologie scientiste et antiféodale du régime, vient de donner raison à  l’employeur superstitieux : Yong, débouté, est puni 2 fois, par les Dieux et les hommes !