Le Vent de la Chine Numéro 24
Les 400 M de jeunes Chinois ont l’incroyable chance historique, d’être la 1ère génération en paix, après des siècles de guerres civiles, d’invasion et de violences. Ils peuvent enfin s’éduquer, s’enrichir, et espérer voir le pays reprendre sous 20 ans, le 1er rang commercial qu’il avait deux siècles avant. Mais ces succès se paient.
En matière de santé, au sortir des études, à force de s’être tués au travail, ces jeunes sont au monde les plus stressés (51%) et déprimés (32%). L’autoritarisme n’est pas bon climat pour l’échange et l’épanouissement : sous toutes ces tendances, la jeunesse conformiste et matérialiste cherche sa synthèse, l’image du pays demain !
On se souvient des émeutes des 15-20 juin à Shenda, école de commerce de Zhengzhou (Henan). Elles exprimaient avant tout l’angoisse de trouver du travail, alors qu’en 2006, 60% des diplômés peinent à être embauchés. Avec une croissance de 10% par an, la société ne devrait normalement pas avoir de mal à employer ces jeunes éduqués. Le problème tient à l’accélération folle des créations de places en universités, quadruplées à 4M/an depuis 2000. Un tel effort n’a pas permis de moderniser la pédagogie, réviser les matières, suivre le marché.
C’est pourquoi cette année, sur ordre du gouvernement, les places furent ramenées à 2,6M. C’est aussi pourquoi tant de jeunes poursuivent leurs études : sur 3M de diplômés par an, 500.000 restent en doctorat!
Par contre, les 115M de jeunes de 16 à 24 ans sans diplôme, n’ont eux, aucun mal à travailler (17% de la population active). Mais leur moral est bas. Ils sont employés en deçà de leurs compétences, mal payés, sans sécurité sociale ni retraite : le patron privé, employeur de 70% de cette jeunesse, ne paie pas les charges et contourne la loi.
Presque tous rêvent d’une place dans le secteur public. Mais les administrations dégraissent, et les 300.000 Entreprises d’Etat stagnent ou régressent. Aussi pour un emploi offert, 100 postulent : l’Etat n’emploie plus !
Une catégorie à part est celle des 10 à 20M/an de jeunes paysans qui montent en ville.
Rares parmi eux y ont des relations (famille, PCC) et sont recrutés en restaurants ou magasins, à 80²/mois. Le bas de l’échelle, est le groupe des paysans venus sans aide, avec leur baluchon. Ils s’y font maçons pour 50²/mois – quand ils les touchent, car les retards de paiement sont notoires, voire les fuites du patron avec la caisse. Sans permis de résidence, ces jeunes ne peuvent se marier ni s’établir Ils sont plus mal traités dans leur pays que leurs collègues envoyés en Europe, et sont les sacrifiés de cette richesse réservée aux riches, à la côte, et aux villes !
Au 2/2, 13 vieux censeurs/journalistes du plus haut niveau, tel Hu Jiwei, ex-chef du Quotidien du Peuple prenaient une mesure rare, pour soulager leur conscience peut-être. Ils avertissaient le département de la publicité des risques de l’actuelle recrudescence de la censure, «sur la stabilité de la société, en l’étape critique de son passage d’un système totalitaire vers un constitutionnel».
Depuis, sanctions et verdicts contre journalistes et titres, blogueurs et sites internet s’intensifient.
Le 24/6, le Conseil d’Etat annonce le dépôt devant l’ANP – le Parlement chinois- d’un projet de loi de punition de l’information sur les catastrophes: toute nouvelle illicite sera passible de 5.000 à 10.000² d’amende, dissuasive pour la plupart des medias.
La raison du projet se devine : la Chine voit s’accélérer les catastrophes, dues à une montée en puissance industrielle, minière ou avicole non précédée de prévention écologique. Elle assiste aussi à la montée en courage des medias et citoyens, illustrée par l’aveu de huit médecins (23/6) devant une revue médicale US : une victime déclarée du SRAS en 2003, l’était en fait du virus H5N1 !
Pour l’heure, la Chine ne peut pas éviter l’effet des dérèglements -elle sait au contraire qu’ils vont s’intensifier. En attendant de maîtriser la situation, elle n’a qu’une alternative, réflexe du passé : couper le haut-parleur !
La vraie question est : peut-elle réaliser ce plan? Déjà Zhan Jiang, professeur de journalisme, « espère » que l’ANP bloquera le projet. En 48h, des voix s’élèvent, de l’ANP, de la presse et de l’université : levée de boucliers qui n’existait pas 5 ans plus tôt. L’Etat veut assumer seul la sécurité. Les temps changent, l’aiguillent malgré lui vers un dialogue, voire un partage avec les corps constitués !
— Chen Shui-bian, Président taiwanais a survécu (27/6) à la motion de censure de l’opposition (KMT + First Party) : avec 119 voix sur 221, il en a manqué 30.
Que le DPP (le parti séparatiste, le parti de Chen) boycotte le scrutin, n’a rien changé au résultat. Mais en tentant d’entraver le processus constitutionnel, il n’améliorera ni son image, ni celle de son chef Chen, en panne de charisme -contrairement à MaYing-jeou, désormais leader incontesté de cette droite d’affaires, et le dernier «homme aux mains propres», ce qu’était aussi Chen en 2000 – sic transit gloria mundi. Ma n’avait pas voulu cette motion qu’il savait ingagnable. Il l’assume pourtant, décrivant son échec comme «victoire de la corruption».
Rendez-vous désormais aux présidentielles de 2008 – à moins qu’une autre «affaire» ne vienne d’ici là secouer davantage le bateau à la dérive !
— Le projet du Conseil d’Etat était pavé de bonnes intentions. Il voulait éradiquer l’avortement sélectif qui creuse le déficit en filles (119 garçons en moyenne pour 100 filles), et dès maintenant, prive de mariage 50M de gars.
En 2005, Pékin avait déposé à l’ANP, le Parlement chinois, son amendement à la loi criminelle (tenant lieu de code pénal), qui criminaliserait l’avortement -déjà interdit- et interdirait la révélation du sexe du foetus. Mais Zhou Kunren, vice-Président de la commission législative, annonce (26/6), le rejet du texte, faute de consensus : “les femmes enceintes, dit-il, ont le droit de connaître le sexe de leur enfant”. Exercice encore atypique d’indépendance parlementaire! Mais pour l’Etat, le problème demeure: que faire d’autre, pour empêcher les paysans d’éliminer les filles?
NB : le Hebei qui compte 134 garçons pour 100 filles, vient de fermer 200 cliniques pour avortement sélectif, et d’en taxer 374 autres. Mais comme aux temps de la prohibition, la réaction est pire que la mesure: l’écographie passe en clandestinité, dans des coffres de voiture, offrant le service en quelques minutes sur le trottoir !
— Du 30/6 au 2/7 à Genève, se tient pour l’OMC – l’Organisation mondiale du commerce- le rendez vous de la dernière chance sur la levée des barrières commerciales. Sous la houlette du Secrétaire Général Pascal Lamy, ministres et cadres notaient les offres des 149 Etats de l’OMC. Les chances d’aboutir sont minces. Le Round attend surtout des pays riches qu’ils démantèlent leur forteresse agricole pour laisser entrer les produits moins chers des pays pauvres, et obtiennent en retour l’ouverture du secteur des services des pays émergents. De la Chine, aucune concession n’est attendue – elle pense «avoir déjà donné» lors de son entrée en 2002.
L’aspect intéressant, réside dans ces grands pays d‘Amérique latine (Mexique, Brésil, voire Chili) qui, tout en ayant vu la Chine devenir en 5 ans leur 2d partenaire commercial, avouent redouter plus la frappe chinoise que celle de l’Europe ou des US…
En matière textile comme d’artisanat, le Cône Sud a souffert de lourdes pertes, du fait d’une monnaie sous-évaluée -d’un pouvoir d’achat bien supérieur à son PIB nominal, arme de soutien d’une politique d’exportation agressive. Exemple de cette peur : le marché textile latino-américain aux Etats-Unis est protégé pour trois ans, par l’accord sino-US d’autolimitation sur 34 types de vêtements, signé en novembre 2005. Mais après, c’est l’inconnue.
NB : la relation avec la Chine est complexe, car le Cône Sud qui bascule à gauche, cher-che un contrepoids commercial aux US, et admire Pékin pour son succès commercial et son indépendance. Le bilan d’image pourrait donc rester positif – comme en Afrique !
— C’est un des secrets sur lesquels la censure est la plus vigilante: sur 71M de membres du PCC qui fêtait le 29/6 son 85. anniversaire, combien le quittent?
La carte du Parti est l’apanage d’élites, souvent reçue après des années d’attente. Bien des privilèges s’y rattachent (carrière, pouvoir). Son abandon devrait pénaliser qui ose sauter le pas. Pourtant, selon QSD, site internet californien, les défections en 18 mois (décembre 2004 – juin 2006) atteindraient 10% de l’effectif. 4,2M auraient aussi démissionné d’organes tels que la ligue des Pionniers ou celle de la Jeunesse.
NB : Que valent ces chiffres? Comment 20 à 30.000 défections par jour franchissent-elles la frontière par internet ? Le site n’est pas neutre, animé par des exilés soutenus par des intérêts publics ou privés américains non transparents. Mais la question est pertinente : des départs en masse signifieraient un désenchantement interne, une demande de renouveau du colosse aux pieds d’argile.
— “Small is beautiful”! R&F Property, de Canton, relève le défi d’un Etat inquiet de l’ébullition d’un immobilier axé sur le luxe, qui cause invendus, chute des prix et frustration des de candidats à la propriété, empêchés d’acheter.
En juin Pékin exigeait que 70% de toute résidence soit bâtie en moins de 90m² au lieu des 180m² usuels. Il durcissait aussi les conditions de crédit bancaire et de revente pour limiter spéculation et manipulation des cours. R&F obtempère : c’est que lui, a atteint la masse critique lui permettant de compenser le surcoût de plus d’équipements pour une même surface : 80% de ses projets pour ’05-06 sont vendus sur plans. Sûr de faire ses 1,2MM² de chiffre, le groupe poursuit ses achats de sites entre Guangzhou, Chongqing, Beijing et Tianjin- 440M² en 5 mois. Discipline aussi respectée (pour les mêmes raisons) par Henderson, du magnat hongkongais Li Ka-shing qui annonce 3,86MM$ d’investissement sur 5 ans dans cet immobilier de moyenne gamme.
En fait, le resserrage de vis par le conseil d’Etat arrive à point pour ces grands. Pas pour les moyens ou petits, qui à ’90m², ne pourront s’en tirer, et tentent par leur lobby d’obtenir une hausse de la barre gouvernementale à 110-120m² : dernière chance peut-être pour éviter leur élagage d’un marché en surcapacité—au profit des géants…
— La surcapacité des transports maritimes, suite à la course des armements asiatiques au marché chinois, n’empêche pas Cosco de parier sur une reprise de la croissance d’ici 2010. Le n°2 chinois commande 8 bâtiments de 5.100 TJB chacun, qui coûteront 517M$ à 80% empruntés. Ces achats lui permettront de compléter sa flotte, aujourd’hui de 136 navires et d’une capacité de 370.000 TJB. Les deux 1ers bateaux sont attendus pour juin 2009, les autres pour 2010.
— Floues et lucratives, les affaires de Beijing Enterprises Holdings (BEH), bras commercial de la capitale!
Il possède 96% de l’autoroute de l’aéroport, saturée à 126.000 véhicules par jour et 46M en 2005 (+7,7%). Une seconde autoroute est en construction, JO de 2008 obligent. Partant du sud, avec 8 ponts et 27 km, elle coûtera 675M$, dont une part non dite sera fournie par BEH. D’autre part, dès septembre, une jonction- Nord de 11km ouvre : BEH prend son contrôle et 60% des parts pour 37,5M$, investissement miraculeux, alors que le coût global est de 162M$. Coté en bourse de Hong Kong, BEH s’apprête aussi à céder à sa maison-mère ses 50,13% de parts du Baihuodalou, le grand magasin de Wangfujin (le « Faubourd St Honoré » de Pékin) pour 120M$: les actionnaires minoritaires grognent, car ce prix très amical plonge 62% sous la valeur réelle.
NB : Bijing Entreprises Holdings n’est pas Beijing Capital, d’immobilier, au Président Liu Xiaoguang suspendu pour irrégularités «olympiques». Ne pas confondre : c’est une autre affaire de la mairie.
Le 1er train Pékin-Lhassa s’est élancé (1/7),1.100km de voies dont 900km au-dessus des 4.000m, détrônant le record péruvien d’altitude, par son passage au col de Tanggula (5.072m).
L’altitude exige des prouesses techniques, tant pour réguler la demande en oxygène, que pour éviter un réchauffement des 550km de permafrost qui entrainerait le déraillement. Faites à Qingdao, signées Bombardier (Canada), les 224 voitures sont parmi les plus technologiques au monde, et ce joujou très politique, ancrant à la patrie le Toit du Monde, y apportera 300.000 touristes/an, pour un investissement de 4MM$ !
Par ailleurs, le tourisme devient une source majeure de revenus nationaux, progressant de 11%/an depuis 10 ans (8,7%/an à l’avenir, selon le Bureau Mondial du tourisme) : en 2005, il générait en Chine 40MM² de chiffre et employait 44,5M de gens, pour une clientèle surtout locale. En incluant voyages et investissements, il devrait drainer cette année 354MM$, +14% dont 75MM$ laissés sur place par les voyageurs étrangers. Ce qui fera de la Chine la 2de destination asiatique, devant la Thaïlande, derrière l’Australie.
La nouvelle ici, est le décollage du touriste chinois à la conquête du monde. Ils étaient 31M à franchir les frontières l’an passé. Ils seront 100M en 2020. Ces candidats au dépaysement cherchent leurs marques : 21M ne dépassent pas HK ou Macao, 5M vont en Russie, au Vietnam ou au Laos, 5M en Thaïlande et Malaisie. L’Europe n’attire que les fortunes—1M. Quant aux audacieux poussant jusqu’à l’Amérique/ Nord, ils se comptent sur « les doigts d’une main » !
La technique de voyage dévoile une stratégie: se loger mal, pour rapporter les cadeaux chers, et gagner ainsi les faveurs du patron, du cadre à séduire. A travers l’Europe, le groupe Accor a su décliner ses services pour ce marché ultra précis: 56 hôtels offrent fang mianmian (nouilles instantanées) au petit déjeuner, TV chinoise et traducteurs. Ils seront bientôt 100. Ajoutons à ces chiffres, les 200M de touristes intérieurs, trois semaine par an (7MM²) : dès aujourd’hui, la Chine « pèse » 11% du marché mondial —et ce n’est pas fini – elle en pèsera 24% dès 2009!
Et en 2015, qui sera le n°2 mondial, tourisme et voyage ? La Chine, derrière les Etats-Unis !
Les visites de cardinaux se multiplient ces dernières années, celle de l’Américain Theodore Mac Carrick en 2003, celle du Belge Godfried Dannels en 2005. Elles étaient informelles.
Celle qui foule le sol pékinois depuis le 25/6 reste secrète – les noms des deux émissaires du Vatican sont inconnus-, mais elle négocie officiellement la reprise des relations. Vu la prudence proverbiale des parties, venir en ces conditions, traduit une probabilité de succès. Le concordat est imminent, après 44 ans de gel !
Les derniers mois furent parsemés de signes contradictoires. A peine l’espoir donné par Rome via Hong Kong (le nouveau cardinal Mgr Joseph Zen), l’Association Patriotique Catholique (APC, la structure officielle) avait tenté de torpiller la démarche, en nommant trois évêques sans consulter la Curie. Mais cette fois, Pékin ne soutenait que mollement Liu Bainian, vice Président de l’APC, et Benoît XVI menaçait de rupture : l’affaire tournait court !
Les négociations qui viennent de reprendre, suivent une technique originale en duplex : des hauts cadres communistes, également anonymes, discutent en même temps depuis Rome, et depuis Pékin.
L’architecture du deal est connue, sinon sa teneur.
Taiwan sera sacrifiée et sa nonciature (vide depuis des années) fermée. Une ambassade apostolique ouvrira à Pékin. Benoît XVI recevra un droit limité à des lettres pastorales, lues en chaire.
L’influence directe sur les séminaires catholiques sera rétablie. Seule la nomination des évêques bloque encore : ce pouvoir devrait être partagé entre Rome et APC, par exemple par sélection des chefs de diocèse par un bord, à partir d’une liste soumise par l’autre.
En attendant, les persécutions demeurent, quoiqu’à rythme ralenti. De mai 2005 à mai 2006, 1958 catholiques et protestants furent arrêtés voire malmenés par des fonctionnaires traumatisés par le retour de la religion sur leur fief. Au Henan, 11 frappes avaient permis l’arrestation de 823 pasteurs et fidèles, 40% du bilan national. Nul doute que le dialogue qui se rouvre, le retour de la présence vaticane va réduire la liberté des cadres, de pratiquer leur arbitraire.
— Leader du café en Chine, (US) voit poindre la concurrence british. Whitbread veut à son tour imposer sa marque Costa, en plein empire du thé. Fort de 550 coffee shops dans 15 pays dont l’Inde, il s’allie au groupe Yueda pour investir d’abord 2,9M², en 10 bars-tests. Le premier ouvrira début 2007, à Shanghai. Pas de mystère: les fèves seront torréfiées à Londres, et comme chez Starbucks, d’autres drinks et des snacks (croissants, sandwich) seront à la carte. En 5 ans, il veut ouvrir 300 autres sur la côte, si tout va bien. Mais attention, bien des distributeurs font des effets d’annonce —et il y a loin de la tasse aux lèvres…
NB : plusieurs petites chaînes locales, coréennes, taiwanaises ou Hongkongaises sont sur la place. Une récente étude démontre, un besoin de 10.000 barmen et serveurs qualifiés pour les besoins de Pékin et Shanghai.
— En sidérurgie globale, la réussite de l’assaut de Mittal (n°1) sur Arcelor (n°2) vibre jusqu’en Chine.
Pour 349M$, l’Indien avait repris 30% de Valin (Hunan) en 2005, le Luxembourgeois s’était offert 38% de Laiwu (Shandong) à 250M$ (deal non encore approuvé) -en plus de ses 10 JV d’aciers spéciaux à 70M$. Le nouveau Goliath n’en restera pas là : Mittal déclare qu’une fois Arcelor digéré, les prochaines cibles seront Inde et Chine. Peut-être Baotou et Baiyi au nord de la Chine, avec qui il était déjà en pourparlers. Des stratèges tels Li Xinchuang, d’un institut de recherche sidérurgique avouent un sentiment d’urgence: il faut fusionner les meilleurs, en groupes de 15-20Mt de capacité/an, pour résister à la vague.
L’acier chinois avait déjà deux raisons conjoncturelles de se restructurer – la hausse mondiale de 19% du minerai, la surcapacité et l’excédent menaçant les cours. Voici une 3éme raison, plus impérieuse encore !
Chine et Australie— réconciliées !
N°2 mondial et n°1 national de l’alumine, Chalco dame le pion (28/06) à 10 concurrents, en remportant pour 2,2MM$ la mine de bauxite d’Aurukun – dans l’Etat du Queensland (Australie). Palabres en cours depuis des ans, pour s’assurer ces réserves d’une valeur présente de 18,2 MM$. Le 1er ministre du Queensland Peter Battie doit encore donner son feu vert, suite à quoi en deux ans, les parties fixeront le site de la raffinerie sur l’eau, les créations d’emplois et de recyclage écologique. Le Queensland mettra 200M$ en investissements communs, 10% de ce qu’ajoutera Chalco en équipements. Le géant chinois se cherche un partenaire en technologie minière – peut-être le russe Rusal !
Au même moment, comme pour souligner la santé des échanges en hausse de 33% en 2005, à 27MM$, le 1er ministre australien John Howard était venu inaugurer à Shenzhen (27-29/6) avec son collègue Wen Jiabao, le 1er terminal GNL du pays, de la Cnooc, la compagnie nationale d’offshore, qui recevra 3,3Mt/an de gaz australien durant 10 ans. En filigrane se posait une question classique – la même que pour le contrat GNL avec l’Indonésie : que faire d’un engagement à long terme signé il y a trois ans, alors que le cours mondial a triplé depuis lors? Grand seigneur, Howard a tranché : le contrat sera honoré -bonne affaire pour la Chine!
NB : Howard pouvait se permettre sa générosité, après les hausses successives imposées au minerai de fer par les fournisseurs globaux, y compris l’australien BHP-Billiton. Histoire de démontrer «pédagogiquement » aux partenaires qu’en affaires, ce ne sont pas toujours les mêmes qui gagnent !
Ce mois de juin, la capitale chinoise a raté de 11 jours, son objectif de « ciel bleu ».
La mairie s’est donné cette unité de mesure, dans l’espoir d’obtenir le beau temps pour ses Jeux Olympiques de 2008. Aussi la Chine entière s’inquiète de ce bilan négatif, causé en partie par ces millions de petits paysans, tout autour de la ville, qui brûlent les chaumes de leurs champs avant les semailles d’été : c’est le pire juin, pour Pékin, depuis six ans !
D’autant que cette pollution n’est pas la seule: en 2006, Pékin n’aura pas 200 jours de ciel dégagé -il en espérait pourtant 236. Il y a les échappements des 2,6 M de voitures (mille de plus par jour), désormais responsables de 79% de la pollution aérienne chinoise. Il y a les milliers de chantiers poussiéreux, et les blizzards sibériens de mars qui déposèrent un matin sur Pékin, 300.000 tonnes de sable du désert du Gobi. Le phénomène est naturel, mais aggravé par la surpopulation rurale et le désastre d’un élevage excessif de moutons qui détruisent la prairie mongole….
Contre cette poussière, la Chine a un truc : les pluies artificielles.
Depuis 1958, où Pékin fit ses premières expériences, inspirées d’un programme similaire aux Etats-Unis, la Chine s’est dotée d’un parc couvrant l’ensemble du territoire – 23 des 24 provinces ont leur « bureau de modification climatique ». Leurs 3.000 petits soldats de pluie manient 7.000 canons de DCA et 4.687 mortiers, et disposent de quelques dizaines de vieux coucous, biplans entoilés cédés par l’armée. Par cette technique, l’office météo affirme avoir éteint, fin mai, deux incendies de forêt qui faisaient rage dans le Nord-Est. Il dit aussi avoir fait pleuvoir, de 2001 à 2004, 210 milliards de m3 sur 3 millions de m² (un tiers du territoire), « assez », précise t’il, « pour alimenter quatre Fleuve Jaune ». Le problème, ici, est que la plupart de l’eau de ces pluies trop fines ne touche jamais le sol des villes, étant évaporée en l’air par la réflexion des rayonnements solaires sur le béton. Ces pluies artificielles ne peuvent améliorer que de 10 à 15% au maximum la donne naturelle, selon les savants chinois. Pire, depuis que Pékin s’est lancé dans cette insémination pluviale à étape forcée, le Hebei, tout autour d’elle, se plaint d’avoir encore moins de pluie qu’elle : ses pluies ont reculé de 68% cette année, contre 63% à la capitale! Pour tout dire, les experts chinois et mondiaux en sont toujours à se demander si l’insémination sert – si ces maigres pluies ne seraient pas tombées de toute manière. C’est pour cela que les USA ont abandonné leur propre programme, 50 ans en arrière…
N’empêche : Le pouvoir socialiste, avec ses ambitions scientifiques et techniques inassouvies, rêve de vaincre la nature. Et il n’a rien à perdre – la Chine du Nord dispose de huit fois moins d’eau que le reste du monde, en moyenne. Sous cet angle, quelle belle démonstration de volontarisme ! La Chine détient ici un record mondial supplémentaire, celui de la pluie artificielle. Et pour les Jeux Olympiques de Pékin en 2008, elle nous réserve une ultime surprise : en dosant plus légèrement ses pétards et fusées, elle dissipe les nuages au lieu de les crever. Pour l’an 2008, son but est d’obtenir 292 jours de ciel d’azur sur Pékin : il y a du pain sur la planche !
Piratage : le compte à rebours enclenché!
En 2003 la MPA, l’association US du 7ème art, estimait ses pertes en Chine à 178M$.
En 2005, elle révise le préjudice à 2,7MM$ : 93% des films n’y paient pas les droits! Ce n’est pas Hollywood qui perd le plus mais les maisons de production locales, alors que les entrées en salle n’ont augmenté que de 30% en 2005, contre 48% en 2004! Le piratage se répartit entre téléchargement (1MM$) et disques (1,7MM$).
D’autre part, on le sait, la copie en Chine n’a pas de limite. Sur 111 plaintes en 2005 aux USA, 42 accusent la Chine, et 69% des biens piratés saisis aux frontières sont chinois (contre 60% en Europe). On copie bien sûr les sacs Vuitton, mais aussi les pièces auto et la voiture entière, mais aussi les médicaments -cf l’affaire Viagra- ou les nouvelles semences, blé, maïs ou coton transgénique. Avant même de s’implanter en Chine, la marque de cosmétiques l‘Occitane était plusieurs fois contrefaite! Comme dans l’audiovisuel, le piratage industriel a pour 1ères victimes les firmes chinoises aux produits de qualité, ayant investi dans la recherche, et qui voient s’échapper la chance d’imposer leur image.
Cependant la pression de et sur Pékin s’accroît. Début mai, 21 marques (Vuitton, Pumas …) recrutaient un cabinet d’avocats américain pour les défendre en Chine ! Le pouvoir multiplie les actions: exposition nationale de produits contrefaits et « mur de la honte » frappent les firmes coupables et les cadres complaisants.
3.567 procès se tinrent l’an passé (5530 verdicts), +29%! Pour l’instant, les résultats restent peu probants : pour 2005, 41% des firmes US estiment que le piratage chinois a empiré et 55% rapportent un préjudice. Mais la tendance ne laisse aucun doute : les autorités américaines et européennes expriment une « tolérance zéro » depuis la fin de la phase de transition de l’entrée à l’OMC. « La pression internationale est arrivée 5 à 10 ans plus tôt que prévu », reconnaît un haut cadre chinois, inquiet.
NB : Autant dire que deux locomotives folles font vapeur l’une vers l’autre, le piratage qui monte en puissance, tout comme la résistance des légitimes propriétaires. « Si la Chine, dit l’universitaire Wu Handong, n’adopte pas de nouveaux standards de lutte, elle s’exclura elle-même de la communauté internationale ! »
La revanche de la petite reine !
Depuis les années 1980, le vélo chinois descend en enfer. En 1976, le pays abritait 500M de deux-roues, et toutes les artères comptaient une piste cyclable. Or, en quelques années, beaucoup de ces pistes furent recyclées au profit des autos. Aujourd’hui, les vélos ne seraient plus que 350M.
La mutation était voulue des Chinois eux-mêmes, pour qui la voiture symbolise la réussite. Les vélos disparaissaient aussi volés – délit peu poursuivi- et surtout, à cause du danger. Faute d’investissements spécifiques par les mairies (signalisation, ponts et tunnels), 220.000 piétons et cyclistes meurent chaque année sous des pare-chocs. Enfin la modernisation était découragée : les mairies tentaient d’interdire le vélo électrique, pourtant aussi bénéfique que populaire (7M et 20% des ventes en 2005)! Cette évolution se produisait, sans que le pouvoir ne communique -avec son aval.
Or le 14/6, ce silence vient d’être rompu par Qiu Baoxing, Ministre de la construction : lors de la 1ère conférence nationale de l’urbanisme, il annonçait que le vélo serait de nouveau protégé, et son usage encouragé, et qu’ordres ont été donnés aux villes pour rétablir les pistes cyclables. Raisons :
[1] d’ici 2020, le parc auto aura quintuplé à 130M. Le seuil de l’intolérable approche, sous l’angle des embouteillages et de la pollution.
[2] Le vélo est le support de nombreux petits métiers,
[3] il ne consomme pas de pétrole, mais
[4] tient une vitesse moyenne supérieure à la voiture (15km/h contre 8km/h).
[5] Il entretient la santé.
NB : la Chine redécouvre un patrimoine lé-gué par Mao, que le monde lui enviait mais qu’elle a détruit : les phénomènes d’environnement, de santé physique et mentale commencent à être pris en compte. L’avertissement de Qiu Baoxing est un tournant. Les mairies ne suivront pas tout de suite, mais un signal est donné !
C’eût été une belle histoire, si le ciel ne s’en était mêlé. Depuis 2004 à Nanchang (Jiangxi), Tujin, à 72 ans, vivait mal le deuil de son épouse, après 50 ans. Ses enfants eurent une idée classique, surtout dans le Sud : sous prétexte de l’aider aux tâches de ménage, lui donner une « a-yi » pour lui changer les idées. Ils la choisirent au village natal.
Mais quand il vit Hehua, ce fut le miracle. Ils pâlirent, rougirent, restèrent cois : jeunes, ils avaient connu leur 1er amour, avant que ne les sépare le service militaire. Signe du ciel, elle aussi était veuve ! Toutefois ils avaient tous deux assez vécu pour deviner les embûches invisibles : impassible, elle prit son service de cuisinière, à 350¥/mois!
Tout alla bien jusqu’à janvier 2005, quand Tujin annonça leur mariage. Ses enfants objectèrent : il ne fallait pas confondre torchons villageois et serviettes citadines. Tujin et Hehua passèrent outre, se marièrent et pour échapper au clan, déménagèrent dans sa seconde maisonnette qu’il possédait. Toutefois, Hehua restait blessée, s’étant découverte acceptée à la vaisselle, mais non dans la famille. L’orage éclata en avril le jour du Qingming (lumière pure), l’équivalent de notre Toussaint : Tujin demanda à Hehua d’acheter un paquet de «monnaie de l’enfer» à brûler sur la tombe de sa défunte. Elle refusa et comme il insistait, elle retourna chez elle, honorer la mémoire de son propre mari. De retour un mois plus tard, la blessure restait béante et les mots aigres fusaient. Alors, c’est Tujin qui fit sa valise, Hehua refusant de quitter la maison… Le juge vient d’accorder à Tujin le divorce, en offrant à Hehua la maison et un petit chèque de 4000¥.
Elle gagne peu de chose, au vu de ce que tous deux perdent, le rêve du vieux cheval qui reconnaît l’étape (老马恋栈 lao ma lian zhan), les retrouvailles de l’amour d’enfance dans toute sa force et pureté. Il n’avait aucune chance, ayant trouvé contre lui les morts et les enfants, ligués. Il leur fallait rappeler aux vieillards ce pauvre truisme : avant d’être à soi-même, en Chine, on est au clan !
Spectacle bizarre à Changchun (Jilin) le 20/6 : 2 heures durant, 20 vieillards des deux sexes, attelés à des cordes, dos cassés, perclus de rhumatismes, traînèrent dans la ville une des voitures les plus chères au monde.
Tout avait débuté en ’05. L’ex-employeur d’Etat, la CCMIF(matériel météorologiques) était cédée au privé qui devait verser 120.000² de primes de départ (1000 mises à pied) et 50.000 de retraites- avant mai 2006. En garantie aux vieux, une Mercedes 600 était hypothéquée. On devine la suite : à vingt -dix aux cordages, dix en soutien, de leurs égrotantes forces morales et physiques, les vieux tractèrent l’automobile jusqu’au centre de contrôle technique chargé de l’expertiser et de l’évaluer.
Incrédules, les mécanos s’enquirent de la raison pour laquelle ces ancêtres s’étaient imposés 2h de calvaire par 30°C, au lieu de s’offrir une course luxueuse et plaisante de 5 minutes. Ingénument, ils répliquèrent que le réservoir était vide, et qu’ils n’avaient pas le permis.
Nonobstant sa douce simplicité, le groupe démontra qu’il n’était pas si bête, mais pratiquait une forme efficace de résistance.
Ils avaient le bonheur de lutter collectivement pour leur mieux-être, comme en leur jeunesse : en révolution, la pratique est aussi importante que le but !
Sur un dazibao à la fenêtre, ils révélaient qu’il s’agissait d’une saisie pour dette : tout en rondeur, ils dénonçaient l’égoïsme des planqués du Parti qui un an plus tôt, roulaient carrosse, sans se soucier des misères des prolos à leur charge. Et nul cadre n’avait à objecter : ils étaient inoffensifs, et dans leur droit !
Enfin, proposant à gauche et à droite leur question aux gens, s’ils voulaient acheter la Mercedes, leurs chances d’aboutir étaient infinitésimales, mais un autre résultat était recherché : apitoyer les foules, faire venir les journalistes – comme il advint !
5-8/07, Dalian : Foire commerciale
6-9/07, Canton : Foire int’ de la construction & de la décoration
7-9/07, Canton: “Interwine China” Foire aux vins, bières & spiritueux
20-23/07, Pékin: China Int’ Beauty Expo