Le Vent de la Chine Numéro 13

du 9 au 15 avril 2006

Editorial : L’Australie franchit un nouvel Equateur – vers la Chine

Entre janvier et mars, la montagne mondiale des cours du minerai de fer a accouché d’une souris : quatre rondes de palabres sino-brésiliens connurent l’échec. Le fournisseur brésilien CVRD veut une hausse de 24% du cours de référence. Menées par Baosteel, les aciéries chinoises espèrent la limiter  à 10%, tablant sur ce qu’elles croient être leur position dominante, leurs 44% du marché mondial par bateau en 2005.

Pékin l’affirme : en 2006, sa demande (+ 120Mt en 2005) «baissera», du fait des fermetures de 60Mt de capacité de bas niveau tandis que l’offre «augmentera», suite à l’entrée d’un 3ème fournisseur, l’Inde. Mais les vendeurs n’y croient pas : pour eux la demande chinoise continuera à monter en 2006, de 10%, à 390Mt!

Après des mois de silence, forcé par sa visite en Australie, le 1er Ministre Wen Jiabao jette l’éponge, découvrant à Canberra (3/04) que «la fixation du prix est l’affaire du marché». Pour sauver la face, il réclame aux Etats vendeurs d’imposer au marché un «mécanisme de stabilisation».

NB : la crise révèle l’immaturité de la Chine face aux rouages du marché mondial, dont elle croyait pouvoir altérer la tendance défavorable par ses leviers étatiques. Elle vient d’apprendre que c’est impossible !

La Chine perd un point, mais en gagne un autre, de taille : ce même jour, Wen Jiabao signe un accord bilatéral  garantissant l’usage civil de l’uranium que la Chine veut acheter pour nourrir ses 30 centrales de l’an 2020. Aussi, de discrètes garanties sont prises, sur les contrats à longue durée. A terme, la Chine achètera 20.000t d’uranium. Avec trois mines, l’Australie n’en produit que 10.000t à présent. BHP-Billiton, le géant national des minerais va investir 3MM² pour développer le gisement d’Olympic Dam, qui détient un tiers des réserves mondiales.

Or justement, Yuan Chen, gouverneur de la CDB (la Banque du développement) a visité le site : exprimant des rêves de participation que l’Australie est évidemment à 1000 lieues de partager !

Par contre, ces 2 pays ont d’autres projets :

[1] Canberra entamera, vers 2008, les négociations pour un accord de libre échange.

[2] Les 1ers ministres se verront une fois l’an, pour renforcer les échanges politiques, d’éducation, de tourisme…

[3]Sinochem rachète aujourd’hui Qenos, détenteur de 70% du marché local du plastique…Entre ces deux là, la complémentarité semble infinie. Et si ce n’est un basculement d’alliance (la Chine s’en défend), c’est le passage par l’Australie d’une nouvelle ligne australe – celle de la zone d’influence de l’Empire du Milieu !

 

 


A la loupe : Wen Jiabao dans les mers du sud

Sous l’angle des marchés comme des ressources, les Etats insulaires du Pacifique ne sont pas une  affaire. Ce qui n’empêche pas Wen Jiabao d’y passer 8 jours, en plus de l’Australie (édito), de la Nelle Zélande et du Cambodge. Voyage stratégique: il s’agit de créer un glacis pro-chinois à l’ONU, et d’enrayer la progression de Taiwan dans la zone, qui y détient 6 alliés, comme Kiribati ou Tuvalu…

Aussi Wen Jiabao ouvrait-il le 4/04 à Nadi (Fidji) un Forum sino-pacifique, en présence de sept 1ers ministres et de 600 notables, pour distribuer les cadeaux. Tels la remise des dettes, l’entrée de leurs produits à tarif «0». Ou encore, un prêt de 300M² pour l’achat de biens chinois, un port de pêche flottant au Vanuatu, le leasing d’avions Y12IV aux Fidji, et autres projets agricoles, forestiers et touristiques. Dans cette fédération pacifique, les investissements chinois augmenteront en 2006 de 40% à 176M$, et le commerce bilatéral, de 58%, à 838M$. La Chine promet aussi de former 2000 fonctionnaires et de livrer des stocks d’artémisine, son remède-miracle contre le paludisme.

En Papouasie Nouvelle Guinée (PNG), la Chine rachète la mine de Ramu (cobalt, nickel), 651M$ pour 85% des actifs, sans compter l’investissement d’équipement—les travaux débutent cette année. Huawei signe un pré-accord de réseau CDMA. Ainsi, c’est plus d’1MM$ que la Chine a déversé en PNG. Entre ce Pacifique pauvre et la Chine, les rapports se calquent sur ceux avec l’Afrique—et tout pays pauvre : Pékin offre une palette d’aides à bas prix, contre des ressources et des votes à l’ONU. Ces pays en voie de développement jouent parfois, entre Chine et Taiwan, de l’ambassade ambulante et du chantage au chèque : manière de récupérer les miettes du festin asiatique.

A Wellington (Nouvelle Zélande), le 6/04, on passe aux choses sérieuses : renforcer le commerce (5,4MM$ de janvier à sept 2005), et surtout signer, sous deux ans peut-être, le 1er accord de libre échange avec un pays « occidental ». Il supprimerait les 14% de droits douaniers (moyenne). Les négociations suivent une « piste étincelante », dit Wen Jiabao. Mais de hauts obstacles restent à franchir : ceux des laitiers chinois et des industriels néozélandais, légitimement inquiets !

 


Joint-venture : ABB : le cerveau des robots vole sur Shanghai

— Joueur, le hongkongais Tomson: sur un marché foncier shanghaien effrité de 30%, ce promoteur parie sur la reprise, et vend 220 appartements de luxe à 143.000¥/m² pour 600m², soit 8,5M² l’unité.

Pourtant, la 1ère tranche à 110.000¥/m² (record national) attend depuis octobre son 1er acheteur ! Ce prix extravagant est dû au site, en « riviera » au bord du Huangpu, avec vue imprenable sur le «Bund» en face (le Peace Hotel…).

Bravement, Tomson explique le retard des commandes par des palabres avec des fonds de pension, intéressés à emporter tout ou partie de la résidence. Le groupe qui a investi à Shanghai, en 14 ans, pour 1,6MM$ dans le béton haut de gamme, croit à une remontée des cours de 70 à 80% d’ici 2014, poussée par l’Exposition universelle de 2010. Mais il prend des risques : le fisc chinois attend les 1ers acheteurs avec son «fusil à lunettes», et ce sont 300M² qui sont immobilisés dans son chantier !

 

ABB, le groupe helvéto-suédois d’ingénierie saute le pas, et transfère (4/04) son quartier général “Robotique” de Detroit à Shanghai.

C’est la plus petite de ses 5 divisions, employant 4600 hommes au monde, ayant généré l’an dernier 1,7MM$ de chiffre sur les 22,4MM$ du groupe. C’est qu’ABB, groupe de tradition très mobile, suit le marché. Depuis 2002, l’Asie a vu passer sa part dans son chiffre d’affaires, de 15 à 23%.

 La Chine est son 2d marché et sera n°1 dans 2 ans. Entre toutes ses divisions, ABB y compte déjà 8.500 employés, sur 25 filiales et 30 points de ventes. Il y a investi 700M$, et réalisait en 2005 des ventes de 2,4MM$. Il n’y a fourni que 3000robots (3 ans de sa production locale), mais le potentiel y est le plus fort du monde, grâce à l’automobile, qui va y recevoir 25MM$ d’investissements et une capacité de 15M voitures/an -condamnées, pour trouver preneur, à l’export et à un niveau de qualité internationale.

En somme, ABB l’avoue, imposer l’expatriation chinoise à ses créateurs de robots, c’est aussi pour les forcer à “penser asiatique” : les mettre le nez dans leur marché !

 

 


A la loupe : Investissements : la Chine à l’apprentissage

En matière d’investissements – de l’étranger et vers l’étranger-, la Chine fait ses armes, s’initie à la dure, au jeu mondial (voir aussi : édito)!

Vers l’intérieur, se pose avec urgence la question des Entreprises d’Etat malades, mais encore guérissables par une forte médication étrangère de fonds, technologie et management. Trois cas sont sur la table, tous bloqués :

l Depuis octobre, Carlysle offre de reprendre Xugong, l’usine de mécanique de Xuzhou. Pour 85% de l’Entreprise d’Etat, il paierait 385M$ – financés par crédit hypothécaire. Mais le Ministère du commerce (MoC) lui refuse de revendre la firme une fois assainie – or, c’est le seul but de l’opération.

l Même blocage chez Caterpillar qui vise Xiagong, usine d’engins de levage de Xiamen. Là, le Ministère gèle le transfert de la gestion et de la marque.

l Le 5/04, la CSRC (China Securities Regulatory Commission) interdit à la banque suisse UBS de racheter 20% de Beijing Securities, maison de courtage, pour 212M$ assortis du transfert du management.

Dans les 3 cas, Pékin n’a pas toujours dit “Non”! Le recul s’est produit après la campagne de l’ANP (le Parlement chinois), accusant le pouvoir de brader à l’étranger les actifs chinois.

Mais pour l’avenir, tout reste ouvert : ces plans de sauvetage n’ont pas d’alternative! Selon Andy Xie (Morgan Stanley), la vraie question est  “l’absence de firmes chinoises de dimension internationale, ce qui chagrine une minorité de politiciens cocardiers”.

Justement, une étude conjointe IBM-Fudan (Université de Shanghai) confirme ce propos, concernant les investissements  chinois hors du pays. Des 100aines de firmes sont intéressées à l’aventure, et certaines ont atteint un volume suffisant, telles Galanz (30% du micro-ondes mondial) ou Wangxiang (pièces auto, qui veut racheter l’américain Delphi).

Mais elles manquent quasi toutes de crédit, de gestion et marques, faute d’avoir investi dans leur image, et dans la R&D. Bilan de l’étude : ces candidates à l’expansion font des fautes, comme la CNOOC l’été dernier, avec son impossible rachat d’Unocal -ou comme le lobby aciéries et le ministère du commerce (cf édito).

Si l’on ajoute que leurs tailles sont encore modestes (14 Grandes Entreprises d’Etat dépassent 15MM$ de chiffre, contre plus de 140 aux USA), elles apparaissent mal armées sur les marchés adultes de l’Union Européenne et des US: il y  aura de la casse!

 

 


Argent : A Dalian, l’huile de palme, bientôt à terme!

— Après avoir mangé son pain blanc, China Merchants (CM), l’opérateur portuaire (propriété du ministère des communications) mange son pain noir.

A 304M$ soit +15,1%, ses profits pour l’an 2005 sont brillants, avec + 34% de chiffre, à 1,82MM$. Mais le bonheur était surtout au 1er semestre, et les nuages sont venus obscurcir le second, au profit stagnant (154M$). Deux tendances jouent en sa défaveur -deux activités ayant dépassé le col de la croissance. La vente de conteneurs déprime: CIMC (China Int’l Marine containers), leader mondial, dont China Merchants est actionnaire à 22%, a perdu 97% de ses profits au 4ème trimestre. Et Modern Terminal, de Hong Kong (dont China Merchants détient 27%) voit son trafic stagner sous la concurrence des ports chinois. Ses profits, China Merchants les a faits chez ces derniers avec +58% et un quasi-doublement du trafic avec 24,5M de «boîtes» (de 20 pieds). Il espère maintenir ce rendement, et voir les ports augmenter leurs charges cette année.

C’est le contraire de ce que voudrait l’Etat, soucieux de stimuler ainsi le trafic… Enfin, pour assurer l’avenir, China Merchants s’apprête à investir 374M$ dans l’équipe qui gagne— les ports chinois, Qingdao, voire Shenzhen et Zhangzhou, c’est-à-dire à peu près le même montant que l’an passé.

  

— Les récoltes-record d’huile de palme de 2005 en Malaisie et Indonésie (85% de la production mondiale) donnent à la bourse de Dalian (Liaoning) le moment favorable pour inscrire ce produit au tableau de ses denrées cotées : les cours bas actuels permettent d’acheter sans risques. Spécialisée dans les marchés à terme agricoles, elle lance (5/04) une coopé avec Bursa Malaysia (Kuala Lumpur). Il y a de quoi faire: sur les 28Mt de production mondiale,4,2t sont consommées en Chine (friture, savon), dont 4Mt importées.

L’ambition est de créer un marché nouveau, avec plus de produits, R&D, et aider à réinventer cette huile vieux jeu, trop produite et mal aimée, soupçonnée de cholestérol. Quant à Dalian, elle conforte ainsi sa position de championne nationale du marché à terme agricole. Elle a déjà  le maïs et le soja (et tous ses dérivés); elle prépare l’admission du riz et de la viande de porc!

 


Pol : La SEPA, sauvée par la Songhua

— En février l’Angola a livré à la Chine 2,12Mt de pétrole (+42%) : il devient 1er fournisseur chinois, dépassant l’Arabie Saoudite, leader en janvier devant Angola et Iran ex aequo (1,55Mt chacun).

Entre Angola et Chine, bien des choses se passent, tels ce prêt en 2004, de 2MM$ par l’Eximbank chinoise, telle la création d’une Chambre de commerce chinoise à Luanda (23/3), ou ce projet entre Sonangol et Sinopec, de raffinerie de 31000t/j à Lobito, approuvé semaine passée. Le prêt Eximbank permet au régime corrompu d’éviter les contrôles du FMIle fonds monétaire international : ce dernier exigeant une l’utilisation «sociale ».

La Chine y trouve son compte, car le prêt est garanti sur le pétrole,  et d’autre part, elle doit penser à se constituer des sources pour remplir ses réserves stratégiques —la rumeur lui prête l’intention de se doter d’une réserve de 14Mt d’ici 2011!  

— En décembre 2005, la catastrophe de la Songhua a fourni à la SEPA, l’agence nat’le de l’environnement, les arguments pour rappeler au pouvoir la vulnérabilité du pays à un parc pétrochimique précaire, installé sur les hauts cours des fleuves et rivières.

Depuis ce déversement de 100t de benzène dans la rivière sino-russe, la SEPA a constaté 76 autres cas de pollution fluviale grave, « plus que pour toute l’année 2005 »… Aussi a-t-elle immédiatement réagi, et Pan Yue son jeune vice directeur publie (5/04) les résultats : sur 127 centrales, usines ou raffineries-«clés» en bord de rivière inspectées en février, 20 ont été trouvées porteuses de risques  nécessitant une intervention immédiate – dont 11 sur le Yangtzé, une sur le Fleuve Jaune, deux à Daya Bay. 202M$ ont été débloqués pour les travaux de remise aux normes. En outre, 44 licences de nouveaux projets ont été suspendues, 16 autres révoquées, pour des investissements de 23,6MM$.

La SEPA reste donc fidèle à son image de « la souris qui rugit ». Mais attention : l’an dernier à la même époque, la SEPA avait publié une autre liste noire de projets. Quelques mois après, la rumeur disait la SEPA en difficulté, et Pan Yue menacé de «promotion» ailleurs, tandis que la plupart de ces projets redémarraient. Aujourd’hui, la tendance repart dans l’autre sens…Pour combien de temps?

 

— Exemplaire, l’histoire de Hao Jinsong désigné par la presse «héros consumériste de l’an 2005»  pour sa victoire à la David contre Goliath sur un ministère, et pas n’importe lequel, celui des chemins de fer, aux rigides traditions militaires. Contre l’argent payé au wagon-restaurant, Hao voulait une facture (发票 fapiao), qu’on lui refusait. Il porta plainte, laquelle fut enterrée par une «cour du rail», avec juge et greffiers à la solde du ministère. A la 3ème plainte, toujours plus haut, il s’adressa aussi à l’Administration Nationale des taxes, à l’ANP (Parlement) et d’autres, accusant les uns de conflit d’intérêt, les autres d’immobilisme…

Il découvrit le pot aux roses du défaut de facture : les chemins de fer ne payaient pas leurs taxes! Puis finalement, miracle, au 1/03 : le ministère, sans broncher, commence à émettre  des «fapiao». La plaisanterie lui coûtera pas moins de 10M² /an. Que cet argent demeure à l’Etat, dans les coffres d’une autre administration, n’adoucira pas beaucoup l’amertume du calice.

NB : Pas un expert en son bon sens ne peut voir dans cette victoire le fruit de la seule opiniâtreté d’un homme : le soutien de l’Etat -celui du ministère des finances, par exemple, a pu jouer aussi, pour épingler ce dinosaure de fer, Etat dans l’Etat ayant su  se tenir à l’écart de toute tentative de réforme jusqu’à présent!  

 


Temps fort : PSA en surmultipliée

En 2004, DPCA (Dongfeng Peugeot Citroën Automobile, la JV de PSA avec Dongfeng souffrait de n’avoir anticipé la sortie du tunnel.

Le retour de Peugeot avec sa 307 n’avait empêché le groupe de reculer relativement, à 89.000 ventes, perdant 37M². La leçon fut tirée: dès 2005, les ventes remontaient de 57,5%, plus que les 24% atteints par le secteur: DPCA renouait avec «le rouge».

Cette année, trois modèles sont au four —la 206 (sortie en mars), la C-Triomphe (version locale de la C4), et un compact Citroën.

D’ici 2009, sous ses 2 griffes, DPCA offrira  neuf modèles, y-compris les hts de gamme 407 (Peugeot), C5 et C6 (Citroën). Le lion de Sochaux ouvre même, avant l’été, sa filiale d’import direct. DPCA profite de sa baisse des coûts, par l’usage des « plateformes » utilisables pour les 2 marques, et des pièces communes : 65% de composants mixtes entre 307 et  C-Triomphe, baissent les coûts de 32%. 

Ce redémarrage est aidé par un marché très vif, indifférent aux restrictions du crédit. Pour 2006, la production nationale frisera les 4M d’unités, 0,8M de plus qu’en 2005. Pour cette année, DPCA espère 60.000 ventes nouvelles, franchir la barre des 200.000, puis celle des 300.000 en 2008.

Ce qui impose aux partenaires une usine neuve, à 180M², celle de Wuhan étant saturée. Avant l’été, les partenaires choisiront leur stratégie – bâtir, ou racheter à la concurrence, pour faire plus vite. La capacité sera de 100.000 « dans un 1er temps ».  Par cette politique ambitieuse, DPCA vise les 8% d’immatriculation d’ici 2010 contre 5,7% aujourd’hui, soit 3,5% à Citroën, 2,2% à Peugeot. Elle se prend même, pour la 1ère fois, à penser à l’exportation —bien dans l’air du temps !

 

 


Petit Peuple : Wuhan, vie et mort d’un tigre de papier de loterie

Chimiste chez Gehua à Wuhan (Hubei), Zhang Wushun vient d’avoir la peur de sa vie.

Comme les copains du labo, pour agrémenter sa vie casanière, il s’accordait l’humble plaisir  d’un billet  chaque semaine à la loterie des sports. Le 17/3, pour une raison privée mais sans la moindre importance, il fut 15 min. en retard: détail infime, mais qui ruina quelques jours sa chère routine. Hilares, les collègues l’acclamèrent : Zhang avait la meilleure excuse au monde pour ce contretemps, ayant dû passer par la loterie toucher les 10.000² de son lot! C’était un canular.

Mais avant qu’il ait pu démentir, voilà que la rumeur fumait à travers Wuhan, par SMS et appels sur les portables. Trois heures après, son magot s’était mué en 1M¥. La procession débuta, composée des jolies filles cherchant maris, des importuns, des solliciteurs, du club de foot, du cousin (pour s’acheter un appart), en passant par l’ami oublié (pour monter sa start-up, rendement garanti), etc.etc. Même sa belle-mère ne craignit point de taxer le gendre, prétendant l’associer à la rénovation de la maison -qui  par hasard, débuta le jour même. A la meute, il jura ses grands dieux être victime d’une conspiration. Tous souriaient, l’air entendu, n’en croyaient mot, et puis offensés par l’ingrat personnage, lui tournaient les talons pour ne plus jamais lui adresser la parole… C’était l’illustration de l’adage, « trois hommes font courir un tigre dans la rue » : une fois reprise par trois voix, la rumeur la plus folle s’incrustait!

Finalement, sous la pression, Zhang eut un éclat de génie. Sur son portable, comme message d’attente, il enregistra un refrain qui clamait son innocence. Le truc marcha par effet de bande -à la chinoise. Personne n’y crut, mais l’idée frappa par son innovation, et atterrit au journal local, qui publia toute l’affaire, ridiculisant les colporteurs du ragot—qui se turent enfin. Cette fois, ça y était, le tigre était mort. Mais comme passe-temps hebdomadaire, Zhang, vacciné, a lâché la loterie!

 

 


Rendez-vous : Ile de Zhoushan: 1er Forum mondial du bouddhisme

11-13 avril, Beijing: Agri-China

 11-14 avril, Beijing: China Medical Instruments  

 13-16 avril, île de Zhoushan: Forum mondial du Bouddhisme

 15-20avril : Foire de Canton