Le Vent de la Chine Numéro 23

du 10 au 16 juillet 2005

Editorial : CHINE OU JAPON? MOSCOU FAIT SON CHOIX!

Au chapitre de l’or noir, face au corps à corps de ses deux candidats clients chinois et nippon, Vadimir Poutine vient probablement de faire son choix -par un faux jugement de Salomon donnant la préférence à Pékin!

A Hu Jintao (en visite à Moscou, les 29-6/2-7), il a promis la construction en sept ans du pipeline Taishet-Daqing via Skovorodino. La CNPC (la compagnie nationale pétrolière) a obtenu le passage des livraisons par Rosneft, de 4 à 9Mt cette année, tandis que Sinopec reçoit un contrat d’exploration sur le prometteur site de Venin, dans la zone de SakhalineIII.

Face à telles largesses, le Japonais Koizumi (au G8 de Gleneagles, 8/7), n’obtient que le prolongement de l’oléoduc jusqu’à Nakhodka, dont Poutine lui avait offert jusqu’alors l’exclusivité. A présent, peu rassurant, il précise qu’il lui fournira « dans les limites des disponibilités ».  

Envers Pékin, Rosneft pousse même l’amabilité jusqu’à promettre d’utiliser tout autant, dans ses livraisons vers la Chine, son propre pipeline de Taishet, que l’ouvrage kazakh de Atasu-Alashan de 962km, en cours de finition pour un investissement chinois de 2MM$.  

Le président Kazakh N. Nazerbaiev vient d’ailleurs de signer avec Hu un préaccord pour prolonger cet ouvrage vers l’Ouest jusqu’à la Caspienne. Ainsi, grâce à Moscou, Pékin parachève son réseau de pompage dans tous les grands champs d’hydrocarbures d’Asie Centrale.

La Russie semble donc faire son choix. Sortant de sa peur séculaire d’un squat chinois de sa Sibérie (d’une « revanche des berceaux » célestes), elle vote pour Pékin. A cela, plusieurs raisons plausibles.

Maintenir la chaise vide face à la Chine, violait les principes d’alliance stratégique proclamés depuis dix ans, et bloquait toute politique commune. En cas de mésentente sino-russe, comment bloquer l’intégrisme islamique rampant de part et d’autre, les velléités de fronde des quatre républiques caucasiennes, et de forcer le départ des troupes US en Ouzbékistan et au Kirghizstan?

Ce que Hu et Poutine ont commencé à faire, en demandant à l’allié américain une date…

Enfin, Poutine a dû faire face à l’exaspération de ses provinces maritimes : le 4/7, à Moscou, V. Ishaev, gouverneur de Khabarovsk dénonçait le risque de conflit transfrontalier « sous 10 à 15 ans », faute d’une stratégie claire de bon voisinage !

Message entendu par Poutine, non par esprit démocratique, mais par réalisme !

 


A la loupe : Fret aérien: Guangzhou prend son envol

On ne devient pas impunément 3e puissance commerciale mondiale.

Au chapitre des transports aériens de marchandises, s’ensuit une noria d’investissements lourds et d’augmentation  des rotations, appareils et volumes.

Depuis 2000, le fret des compagnies étrangères en Chine a progressé de 30%/an en moyenne.

Sur la seule ligne Shanghai-Paris par exemple, Air France est passé dans l’intervalle de 1 à 6 Boeing 747 cargo par semaine, d’une capacité de 110t chacun. Avec son partenaire KLM, il y totalise 47% du marché des transporteurs européens. Chez Air France Chine, le trafic-fret génère un chiffre comparable à celui passagers, estimé à 110M² pour l’année.

N°1 mondial du fret, FedEx prépare sa «grosse Bertha» : son hub à Canton, pour lequel le contrat sera signé en août, et qui ouvrira en octobre 2008.

Tout y est record, tel l’invest de 182M$, ou la création d’une piste exclusive, privilège que les aéroports d’habitude se réservent jalousement. FedEx emploie déjà 2600 personnes en Chine et fait partir 23 vols cargo/semaine – y compris, depuis mars, vers l’Europe!

L’investissement vise à contrecarrer le rival UPS qui vient d’acheter 100M$ les 23 centres de tri de son partenaire Sinotrans, ébauche d’un réseau national complet, et prépare pour 2007 son propre hub à Shanghai.

UPS et FedEx seront donc dominant sur le marché intérieur, et celui asiatique – trans pacifique. Leurs investissements de titans interviennent 6 mois après la signature d’un accord sino-US libéralisant  l’espace aérien entre les deux pays.

Enfin, dans cette foire d’empoigne des colis, une firme fait mieux que se défendre: China Airlines, depuis Taiwan, passée n°5 mondial en 2004 avec un fret de 5.7MM de FTK (fret – tonne – kilomètre), + 19,6% – évidemment due à  l’appel d’air du géant cousin chinois !

 

 


Joint-venture : Wuhan – Skaugen lance son escadre

— Avec son partenaire Dongjiang Environnement, Onyx, la branche Veolia du retraitement des ordures signe un contrat pour créer un centre moderne de recyclage des déchets dangereux à Huizhou (Guangdong).

Avantageux, car le groupe reçoit ainsi le temps nécessaire pour démontrer son savoir faire, sur un marché très compétitif de cinq villes du delta des Perles, dont Huizhou, Foshan, Dongguan.

Un, puis deux incinérateurs sont prévus, ainsi qu’un centre d’enfouissement de classe I pour déchets acides, alcalins, de métaux lourds et organiques. Le projet est financé selon la technique BOT—les coûts de développement, construction et maintenance sont à charge des partenaires, à 50/50%, qui se remboursent en 30 ans d’exploitation. Chiffre d’affaires évalué des vingt 1ères années : 255M². Il s’agit d’un des 31 projets précurseurs sur ce marché du recyclage, programmés par la SEPA, (l’agence nationale de protection de l’environnement), à travers le pays.

NB: Vu ses coûts, ce type de centre ne peut encore prospérer qu’à la côte, entre Tianjin et Canton!

— A l’âge canonique de 100 ans, l’armateur norvégien Skaugen montre sa forme en créant à Wuhan, à 1500km de l’embouchure du Yangtzé un parc d’équipement maritime et un chantier naval -en JV avec Yangtze River Shipping. Annoncé par son Président Moritz Skaugen (Jr), ce projet va avec une  JV de transport et trading de GPL et produits chimiques. Synergie idéale, et niche de rêve !

A la tête de 46 navires (transport LPG) à travers le monde, Skaugen est à Wuhan depuis 1998. En JV avec l’université technologique locale, son école navale y a formé 4000 marins et officiers, dont 25% aujourd’hui sous pavillon étranger—à commencer par celui de Skaugen. Tian En, son autre JV de transport de LPG fondée en 1996, est leader sur le Yangtzé. Son chantier naval de Wuhan disposera d’une main d’oeuvre qualifiée, de bureaux d’études et d’acier au meilleur prix chinois. Assez pour pouvoir offrir en Chine et ailleurs, des bâtiments petits et moyens, à haute vitesse et fonctions spéciales, à haut pourcentage de high-tech: tout ce que la côte ne sait pas faire, en qualité norvégienne et à prix local!

Jeu et set pour General Motors, qui détrône Volkswagen de 20  ans d’empire chinois incontesté.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : en hausse de 19% au 1er semestre, GM vendait 308.722 voitures et VW 262.198 seulement. GM touche les dividendes de ses 9 ans d’investissements ininterrompus depuis son entrée en Chine, ayant payé 2MMS et en ayant réservé 3 autres pour l’avenir, afin d’établir un réseau de production d’autos à tous les prix, modernes et proches du marché.

Ce semestre vit naître trois modèles: Chevrolet, Cadillac et Buick, dont se vendirent 135.381, assurant au groupe de Detroit 10,2% du marché chinois. A VW de rebondir, mais tout ce qu’il annonce pour l’instant, est un plan de coupes sombres des dépenses, et le renvoi du PDG local Bernt Leissner, remplacé par Vinfried Vahland – bonne chance!

— Un curieux hasard voit l’entrée en force de deux maisons occidentales dans un secteur dont on parle peu, l’optique. Pour 26M$, le hollandais Hal Invest’BV s’offre(02/07) Hongxin, la «branche» lunetière des supermarchés shanghaïens Yinmin.

Si les espoirs du batave se réalisent, Hongxin, aujourd’hui parmi les plus grands lunetiers chinois (2.17M$ de profits en 2004), entrera dans la botte des géants mondiaux. Selon les professionnels, la Chine optique a fait en 2004 pour 1,9MM$ de chiffre (+10%), dont près de 50% à l’export (+18%).

Pendant ce temps, le New Yorkais Bausch &Lomb s’adjugeait (05/7) 55% de Chia Tai Freda, du Shandong, le n°1 national du produit de rinçage oculaire. Achat stratégique, payé 200M$ cash, agrémenté d’une entrée pour 54,5M$ dans Chia Tai la maison mère, auteur de collyres pour tous malheurs de l’oeil, conjonctivite et glaucome inclus.

Chia Tai Freda servira à Bausch & Lomb, déjà industriel chinois, de tremplin commercial, profitant de son réseau de distribution auprès d’une clientèle locale qui redécouvre la joie de voir!

 

 

 


A la loupe : Santé: du sel iodé pour les montagnes

L’IDD, désordre de déficience en iode (substance naturellement contenue dans le sel marin) est un mal trop connu en Chine.

Dès 1993, le gouvernement se lançait dans un ambitieux programme pour éradiquer ce fléau, responsable à l’époque de 80% des 10M de débiles mentaux du pays, sans compter des nombres imposants de goitres, fausses couches et défauts de naissance.

En 1999, le groupe chimique néerlandais Akzo Nobel et l’Unido (branche de l’ONU) se joignaient à la campagne avec 455.000$, normalement suffisants pour renforcer la production nationale de sel iodé -la consommation nécessaire ne coûte que 0,05$/habitant! Suite à quoi en 2000, un sondage avait permis de constater le recul voire la disparition du mal, en bien des points du territoire.

Aujourd’hui, cependant, une nouvelle enquête du ministère de la santé révèle une marche arrière.

700M de gens vivent de nouveau dans un environnement déficient en iode, engendrant 6M/an d’enfants à risque. Au Tibet, par exemple, 39% du sel consommé ne contient pas l’iode obligatoire. A Pékin, le chiffre atteint 16% et à Canton 12% – scores en retrait par rapport à 2000.

Ainsi, malgré tous ces efforts, le chiffre national de demeurés mentaux est resté stable, à 10M d’individus, annihilant 12 ans d’efforts. Que s’est-il passé? La réponse tient à l’absence d’éducation, et – encore- à la corruption.

En sourdine, la presse admet que le monopole public du sel a été violé, et que les producteurs privés ont omis d’ajouter la dose légale d’iode, tout en conservant frauduleusement l’étiquetage de « sel iodé ». La mauvaise coordination entre services d’hygiène, de police et de transport a aussi joué, tout comme l’ignorance des gens préférant payer leur sel moins cher…

Résultat, 12 ans après, le ministère l’admet, tout est à recommencer. Avec peut-être cette leçon ignorée au départ, à présent apprise : la santé n’est pas l’affaire du seul Etat, à coups de règlements, mais celle de la population entière, y compris celles d’initiatives privées et des ONG (organisations non gouvernementales).

Et imposer la pratique du sel iodé exige un contrôle de terrain permanent – pas seulement 1an, 3 ans, ou 5 ans de peur du gendarme !

 


Argent : Shenyang enfin – un métro ça m’suffit

15 ans de saga s’achèvent par le démarrage des travaux du métro de Shenyang en décembre 2005, prochain.

Les 22km de la ligne n°1 relieront Zhangshi à l’Est (Zone Eco Technologique), Liming à l’Ouest, 22km pour 18 stations.

A 66M$ du km, il en coûtera 1,15M$, pour le forage et les 32 rames de 4 voitures.

Depuis lors, la mairie peaufinait les études de faisabilité et de financement. L’Etat attendait la preuve d’une autonomie de financement. De graves affaires mafieuses, frappant le gouvernement local en 2001, n’avaient rien arrangé. Finalement, le projet aboutit par financement indirect : 10 ans d’aides pour la réhabilitation du Dongbei (Nord-Est) ont renforcé l’économie locale, permettant à cette métropole de 7,2M d’habitants de réunir la moitié du budget, laissant à la CCB, la banque de la construction et la CDB, la banque du développement, le soin d’avancer le reste, sans préjudice d’interventions de banques internationales telle la Banque Mondiale ou la banque asiatique du développement.  

NB : friche industrielle, Shenyang avait besoin d’un métro pour son image (pour attirer les invests), sans en avoir les moyens. Aussi l’ouvrage sera de réalisation locale, sans apport de technologie étrangère..

 

 


Pol : Pékin à Londres- haro sur le SPAM

— C’est un tournant dans la lutte contre le spam : les webmasters célestes viennent de signer (4/7) le London Action Plan on Spam, pacte d’éradication de milliards d’e-mails indésirables.

Jusqu’alors, les censeurs chinois investissaient dans

[1] le cloisonnement de l’internet, le blocage de jusqu’à 12% de sites mondiaux tels la BBC ou VOA,

[2] le filtrage de moteurs de recherche tels Google ou Yahoo!, contraints en Chine à l’autocensure, et dernièrement,

[3] la répression de sites pornographiques ou suicidaires.

De facto, la Chine réagissait comme si ces messages venus de, et destinés à l’étranger (et en anglais!), n’étaient pas son problème : elle en était devenue plaque tournante, n°2 mondial, détrônant la Corée avec plus de 15% du volume.

Puis Pékin a changé de vision du spam, produit criminel, vecteur de virus et moyen d’usurper les identités.

Les 20-21/2 à Londres, il participait à une rencontre Asie-Europe, avant d’adhérer aujourd’hui au pacte qui permettra aux pays signataires de limiter pour les émetteurs de spam, les sanctuaires de repli!

— Les 5-9/07 à Pékin, 95 PME de l’habitat tentaient leur sortie chinoise, au salon des Maisons à vivre sous l’égide d’Ubifrance, et l’ombrelle bienveillante et vive de Christine Lagarde, la Ministre déléguée au Commerce extérieur, dont c’était la 1ère mission.

L’artisanat hexagonal était présent à ce salon très «tendance», des couverts Christofle, aux cuisines Schmidt, en passant par les canapés Ligne Roset. La clientèle était jeune, intéressée, mais guère dense. Une 1ère découverte pour beaucoup d’exposants – mais au final, peu de commandes : du fait du spectre parfois étriqué des collections exposées !

 


Temps fort : Conflits sociaux, à la ville et aux champs – le pouvoir change de lorgnons !

Ces derniers temps ont vu en Chine la multiplication des conflits sociaux.

La semaine passée, trois cas furent recensés, dont

[1] l’affaire de Chizhou (Anhui), accident de la route dégénéré en vandalisme (cf VdlC n°22),

[2] une prise d’assaut par 600 villageois de Tianxia (Zhejiang, 30/6), d’une usine de batteries qui plombait le sang de leurs enfants, et

[3] le 04/07 à Sanshangang (Canton), la manifestation de 200 paysans contre 600 policiers anti-émeute, aux slogans de « rendez-nous nos terres » – 670ha avaient été volés!

Ruraux et urbains, ces dérapages sont anciens et fréquents -74.000 l’an passé.

L’aspect nouveau est que cette semaine, le pouvoir en parle, et le fait sans langue de bois. Dans une rare interview de presse, Chen Xiwen, vice-ministre (agricole), voit dans ces émeutes l’émergence d’une conscience des droits chez les paysans qui apprennent à se défendre. Au même instant, dans un meeting public, Zhou Yongkang, Ministre de la sécurité publique reconnaît l’origine de ces conflits : à savoir l’expropriation abusive, la fraude des cadres et la justice défaillante. Il a aussi exonéré leurs auteurs de la vieille accusation de rébellion antisocialiste : preuve d’une nouvelle approche, et d’une disponibilité à rouvrir le dialogue !

Un autre outil se met en place : la future loi de propriété privée, débattue semaine passée à l’ANP, le Parlement national.

Celle-ci prévoit de rendre aux acheteurs de logements résidentiels la propriété collective des gazons, voirie, clubs et parkings. La loi entend protéger la propriété paysanne, et fixe une procédure immuable aux expropriations, voire des compensations, amendes et instances de recours en cas de dépossession illégale.

Autant de signes tardifs de printemps social. Il y a du retard, et du chemin à faire. Sur le métier depuis 1998,  la loi piétine : sociétés publiques de syndic et leurs parents hauts placés entravent son adoption !

 

 


Petit Peuple : Yue Suxian, entre chien et chats…

Traînant en pantoufles dans leurs hutongs (les ruelles pékinoises),  les pépé chinois pourraient faire croire qu’ils s’ennuient.

Rien n’est plus faux: après une existence insipide «pour le peuple», ils exigent de passer l’automne de leur vie selon leurs rêves, dans un monde jalousement exclusif!

A Liaoyang (Liaoning), suivant une manie contractée 17 ans avant, Yue Suxian, cheffe du comité de quartier, recueillait les chats du quartier. Dans les terrains vagues, Yue leur bâtissait des homes dont le confort et la sophistication faisaient sa fierté. Les 500¥ de sa pension y passaient, comme tout volume libre au frigidaire, squatté par la pâtée. C’est d’ailleurs cette intransigeance au service félin qui causa sa perte.

Ayant vu que ses 80 greffiers adoraient se repaître dans l’obscur, elle enfourchait son biclou chaque nuit pour aller les nourrir. Jusqu’au jour où elle fut écharpée par un conducteur qui prit la fuite. Ajoutant l’insulte au crime, un passant dépouilla la morte de son vélo. Face à l’effondrement de 50 ans de vie partagée, Jia Guihai, le mari eut alors 3 réactions successives. Le désir de vengeance lui fit insérer un appel de 10.000¥ à la délation du chauffard et du larron, gens sans foi ni loi, 良心被狗吃了(liang xin bei gou chi le, «dont la conscience a été mangée par le chien»). Puis par respect de l’oeuvre de l’épouse, il voulut nourrir les chats, qui fuirent son approche.

Enfin, les voyant dépérir, il orchestra sur internet la plus géante adoption féline de l’histoire du pays. Faisant placer les chats l’un après l’autre, il restaure la sérénité du couple, chez la défunte comme chez le veuf!

 

 

 

 


Rendez-vous : Conférence Logistique à Shanghai

12-13 juillet 2005, Shanghai : Conférence Logistique 2005   

13-16, Shanghai: Expo Plastique et Caoutchouc

13-16, Shanghai: Expo Pompes & Systèmes