Le Vent de la Chine Numéro 22

du 13 au 19 juin 2004

Editorial : Gaokao, ciel ou enfer!

Les 7 et 8 juin 2004, 7,23M de jeunes tentaient le gaokao 高考, bac chinois : record historique (+18%). Depuis 1999, le chiffre a plus que doublé tandis que les places d’études passaient de 1 à 3,5M.

Bonne nouvelle : les candidats ruraux prennent la majorité (55%), et leurs parents devront s’endetter en cas de succès : la place d’étude revient à 600/an, trois fois le revenu paysan moyen.

L’examen compte 2 versions, lettres et sciences, à choix multiples. Pour 7M de familles, il est la porte étroite, soit vers l’enfer, soit le paradis : ce succès est la seule chance de promotion sociale, pour le jeune !

D’où une tension inévitable, et son corollaire, la fraude. Cette année pour la 1ère fois, les jeunes ont dû signer une promesse d’honnêteté, sous peine de poursuites judiciaires. Le vice-min. Yuan Guiren a promis de punir sans faiblesse les 3 grandes techniques de triche, en croissance constante: le mulet  (étudiant pauvre qui se substitue au cancre riche), l’électronique (réponses livrées via SMS), et la «pompe collective».

Cette année se caractérise aussi par une formidable incertitude. Parmi les jeunes en fin de cycle,  à trois semaines du diplôme, 50% n’ont pas réussi à se faire recruter d’avance. Le chômage urbain est bien plus haut que les 4,3% officiels : se battant toujours plus sur le marché des 110M de migrants, les jeunes cerveaux doivent passer par le chômage ou salaires de misère, auxquels leurs études ne les ont pas préparés!

Seul moyen de se prémunir : avoir les meilleurs notes au gaokao, qui ouvrent la porte des meilleures facs. Erga : les cours privés d’été pour lycéens sont complets un mois à l’avance – dans leur concurrence effrénée, les ados chinois n’hésitent pas à sacrifier leurs congés estivaux !

Dernière touche au tableau : Beida, Tsinghua, parmi les plus belles universités du pays, offrent 100 places aux meilleurs impétrants de HK  – sans gaokao. Toutefois, rien sans rien : sourcilleusement, on attend d’eux qu’ils montrent patte blanche, promettent de respecter la loi fondamentale— de ne pas voter pour les démocrates.

C’est une question d’enjeu. «On » investit en eux, prochaine génération  de cadres politiques de HK, fidèles au régime et pourtant représentatifs, l’esprit de HK et son contraire. C’est ce qu’a su comprendre le candidat Chiu Kin Hong,  répondant aux journalistes insulaires: « aucun problème, c’est approprié !» Manière de rassurer, pour intégrer!

 


A la loupe : Montée irrésistible de violence sans visage

Le ministre de la Sécurité publique s’inquiète: en 2003, 58000 incidents de masse agitèrent le pays (+14%), menés par 3M de mécontents, +6,6%.

La violence sans visage gagne du terrain : 5ans de campagne 严打 yanda, «frapper fort» n’ont pas permis d’inverser cette courbe. Il ne s’agit pas de dissidence, mais d’actes aveugles, guerres de villages ou de clan: jusqu’à 70 % des meurtres proviennent de tels conflits, simples disputes au départ.

Peut-être la Chine vit-elle une course de vitesse, entre l’avènement de la loi et de l’Etat – remplaçant l’arbitraire, et ces explosions de rage et prise de pouvoir par des groupes – faute d’un arbitrage plausible par la justice et la police.

Sources essentielles de cette violence:

1. la dépossession des paysans par les petits cadres en mal de spéculation.

2. celle des petits propriétaires urbains (même raison).

3. le mauvais traitement des acheteurs d’appart par le promoteur ou par la «société de services» (eau, gaz, électricité etc).

4. le crash d’un titre boursier manipulé par les courtiers, mettant sur la paille des dizaines de milliers d’actionnaires.

5. ou encore le paysan du Henan, séropositif pour avoir vendu son sang, et ne trouvant aucun soutien pour se faire soigner, et qui entre dans la délinquance, pratiquant sur son prochain le chantage à la contamination (par seringue).

Ce dernier problème est si grave que Canton entame (7/6) la construction de prisons spéciales pour ce type de clients. La Chine n’en est pas encore à concevoir des structures de canalisation à la base pour cette violence : par une justice autonome, et une médecine de l’âme!

 


Joint-venture : Harbin, une boîte de bière en or massif

La guerre couvait depuis avril en bourse de HK entre SABMiller et Anheuser-Busch, pour le con trôle d’Hapi (Harbin pijiu), 4ème brasseur chinois.

Le yankee a fini par l’emporter : c’est une 1ère boursière, cette OPA sur une “boîte” chinoise gagnée par un étranger.

Ce qui frappe, est le prix payé pour ces 13 usines (7500 jobs) : les 37,4% de parts coûtent 720M$ (588M€), face aux 555M$ alignés par un rival sud-africain plus proche du marché. Sans compter les 8M$ du fonds de développement créé par Anheuser, au ravissement du pouvoir local. Anheuser s’impose donc “à la poigne”. Mais à ce prix, SAB ne se plaint pas, revendant ses 29% pour 211M$, avec un tiers de profit.

Anheuser passe n°1 national devant SAB, avec 3,4% d’un marché de 6MM$ (23,5MMl), en comptant ses 9% de Tsingtao. Parmi les 4 leaders d’antan, seul Yanjing a résisté à la furia étrangère: riche en cash, proche du pouvoir, le Pékinois veut acheter plutôt que d’être acheté, pour 200M€ en 6 ans, pour augmenter sa capacité de 2/3, à 5MM litres.

NB: les 10 plus grandes brasseries combinent 50% des capacités, face à 500 PME : la concentration a encore de belles années devant elle!

 

 


A la loupe : Surchauffe météo + surchauffe éco = ?

« Soyez patriote -tombez la veste! »: nouvelle consigne aux citadins, priés de s’habiller léger et bloquer les climatiseurs à 23°C (+1°C que la norme). Avant même cet été qui s’annonce torride, le pays manque de « jus ».

Les 15,8% de croissance des centrales depuis janvier, sont battus par les 16,1% de la demande. Le déficit annuel est de 3%,  60Gw (x3 «le barrage des 3Gorges ») dont 1/2 au 3ème trimestre, sous l’effet des climatiseurs, 40% de la consommation.

Sans compter les risques de pannes des centrales non entretenues : 24 provinces sur 31, vivent des coupures.

Assurant 2/3 de l’électricité chinoise, le charbon se fait rare : des 148Mtep supplémentaires de houille brûlée en 2003 sur terre, 80% le furent en Chine, où son prix monta de 3,9%. Dès le 1er trimestre 2004, il « flambe » à +8,9%!

Cette tendance est inquiétante, car reflétée mondialement, elle promet pour ce siècle un réchauffement entre 3,5°C et 8,7°C!

Le pétrole bien sûr, manque aussi : PetroChina loue au Japon (7/6) 2% des raffineries de Nippon Oil, «pour 9 mois», tout en ajoutant que cette disette est là pour «2 à 3 ans»! Les prix valsent à l’avenant : de +60 à +100¥/t de diesel ou de carburant, à l’usine!

Le cuivre suit, pour une curieuse raison : le contrôle des crédits sabre l’import et favorise l’export, en faisant chuter le cours intérieur !

Depuis février, l’acier offre un rare contre-exemple : le cours a chuté de 420€/t, à 250€ le 21/5.

Le frein au crédit joue, cumulé aux investissements spéculatifs : le stock passe à 4Mt au 1er trimestre, sous l’action du pouvoir, pour éliminer les petites unités. Mais la presse n’y croit pas, et voit les prix remonter, la pénurie revenir, pour les aciers de qualité

Le déficit touche même des produits agricoles : le riz, dont la récolte à 85Mt (-27%), atteindra en 2004 son plus bas niveau en 12 ans: là aussi, la Chine fait flamber les cours «verts », à 205€/t en mai, record depuis 1997: Asie et US stockent, en prévision d’importations chinoises! Le seul domaine connaissant une embellie, est celui du blé – fruit d’années d’efforts et de soutien public.

A +3%, la récolte d’été atteindrait 98,7Mt, inversant des années de recul, signe d’une convalescence encore fragile.

 


Argent : Avions, le printemps et l’automne en l’air

— S’il est un domaine où le terme d’usine du monde s’applique à la Chine, c’est bien celui de la chaussure: ce pays assure 53% de la production mondiale, plus de 6MM de paires!

De janvier à avril, ses exports de 4,5MM$ gagnaient 15,5%!

A Dongguan (Guangdong), la seule usine Pou Chen, avec 110.000 jobs (si!), sort chaque année 2,7MM de paires de brodequins pour le compte de Nike, Adidas, et autres Reebok ! Pou Chen toutefois fait figure d’exception, dans un univers de PME atomisé en 20.000 ateliers pour 1,6M de colleuses et cousettes, vulnérable aux fluctuations. La délocalisation s’impose, vers l’Ouest, moins cher.

Capitale du soulier, Wenzhou (Zhejiang), tremble devant Chongqing, et sa future zone spécialisée : en cours d’aménagement, les 173 ha du Parc attireront 100M€ d’investissement et 500 firmes, dont 100 assembleurs (20 déjà présents) qui produiront 100M de paires/an.

— 2 Cies aériennes privées, ont reçu leur licence de la tutelle CAAC (26/5) : Chunqiu-Air à Shanghai (Groupe touristique Spring Int’l), et Aokai-Air (Tianjin, JV à 3 partenaires).

Les nouveaux pavillons ont 2 ans pour effectuer 11 formalités de certification et maintenance des appareils. Ils ont 4 mois de retard sur Yinglian-Air, fondé en fév. à Chengdu (Sichuan) par E&N, dotcom de l’internet.

Chunqiu (“printemps /automne”) est un nom prédestiné, rappel d’une ère (722-481 AD) de conflits permanents, entre une myriade de petits Etats.

Printemps, parce que la CAAC ouvre une brèche dans le pré carré d’Eastern, Southern, Northern et Air China, qui trustent 80% d’un marché de 10,8MM€ l’an passé.

L’automne viendra plus tard, pour les grands, lorsque ces pavillons seront assez forts pour créer des lignes régulières, sortant du trafic charter local, profil bas qu’ils annoncent aujourd’hui! Pour l’Etat, cette rupture prudente du monopole est une tentative de vaccination contre l’étranger à la porte, et une réponse à l’explosion du marché qui se profile : 103,8M de passagers en 2004, 140M en 2010!

 


Pol : Afghanistan, des Chinois paient le prix du sang

— Le ban du Ministère de la Sécurité publique (MSP) en 1993, n’a pas endigué le tsunami des détectives privés sur la Chine : ils sont 100.000, en 20.000 agences, enregistrés comme consultants, traquant mauvais payeurs, maris volages ou enfants fugueurs.

 Les 6-7/6, pensant le temps venu pour se doter d’une charte, une 100aine de ces limiers convergeaient sur Shenyang (Liaoning). C’était compter sans  la police, toujours à l’affût de réunions au statut indéfini : le séminaire fut dispersé. Selon un participant, ce conservatisme tient à une crainte fondée : “l’action du détective comporte un risque pour la stabilité, dans un pays à la légalité faible, en dévoilant des affaires qui sèment la zizanie”!

Pour autant, le MSP a reçu le message, et lance une enquête à travers 10 villes, sur ce “complément commercial (sic) à la gestion gouvernementale” : prélude possible à une légalisation non annoncée !

— Au bouquet des affaires du jour, figure

1. l’épilogue du scandale du lait maternisé qui tue, à Fuyang, Anhui (VdlC n°16) : 9 cadres blâmés, renvoyés ou chassés du PCC ;

2. A Xi’an, celle du lotto fraudeur (n°18) cause 6 arrestations de semi-dignitaires, tandis que le jeune gagnant lésé récupère son gros lot (une BMW et 120.000¥) ;

3. A Pékin, une tentative pour déloger le Zoo comme terre à bâtir, suscite dans la presse une levée de parapluies ;

4. Comme par jeu de vases communicants, à Shenzhen, une usine de pépins est fermée pour en avoir exporté 3000 vers HK, portant au calicot le slogan démocratie directe, commandés par l’opposition démocrate pour sa prochaine manif;

5. Si l’on ne doit retenir qu’une seule carambouille, débute à Hainan (8/6) le procès de She Yue et 25 complices. Cet ex-Président de Dalian Securities, répond de la disparition de 2,6MM$ : nouveau record de fraude en Chine! 

— En Afghanistan, enfiévré par son scrutin de septembre, 11 cantonniers du Jiangxi, sur place depuis une semaine seulement, tombent sous les balles du plus meurtrier attentat, depuis la chute des Taliban (9/6). Leur camp n’était gardé que par deux gardes afghans, dont un armé. Pékin s’interroge : déjà en Irak, sept ressortissants avaient été brièvement enlevés. Le drapeau rouge aux 5 étoiles n’est plus un gage de neutralité ni de soleil des peuples—le terrorisme frappe en aveugle! Pour autant, la Chine ne retirera pas ses hommes : pour elle, l’avenir, c’est prendre sa place sur le terrain onusien, pas l’abandonner!

— Le planning familial chinois sillonne des routes opposées selon les régions.

Ayant déjà atteint la pente de la dénatalité, Shanghai (VdlC n°15) fait dans la dérégulation.

Le Yunnan lui, expérimente l’aide financière. A la campagne, tout couple jouant le jeu de l’enfant unique aura une prime de 100€, une pension de 75€/an à la retraite, un bonus de points au bac pour l’enfant. Le Yunnan bloque 23M€ pour ce plan ancêtre des allocations familiales.

Il faut dire que son solde démographique net, à 0,5M/an, est de 5/1000 supérieur à la moyenne nationale, et que 90% de ses enfants naissent au village, dont plus de 1/2 en zone pauvre. D’ici 2020, par cette incitation, cette province de 44M d’âmes espère économiser 5,5M de naissances !

Dernière minute: A Paris, Zeng Peiyan, vice 1er, confirme l’intention d’achat de 20 Airbus A330 (2MM$) pour Eastern Air, +10 en option. Cinq firmes chinoises livreront pour 100M€ de pièces à Airbus.

Zeng signe aussi un accord de transfert de technologie du TGV, d’Alstom à Datong Electric Loco Co, un contrat de livraison par Alcatel d’un satelllite de télécom à 120M$ (pour retransmission des J0 de Pékin en 2008), un autre avec EDF et Framatome (Areva) pour le doublement de la centrale nucléaire à Ling’Ao (Canton).

 


Temps fort : Salon de l’auto à Pékin – marche ou crève, sur le marché des rêves !

Pris d’assaut par des hordes de passants médusés, ce roadster aux lance-missiles et canons-laser dans la calandre, mitrailleuses escamotables au capot, est un des  joyaux du Salon de Pékin (10-16/6).

Aston Martin (filiale Ford), l’auteur du concept-car, annonce ainsi son arrivée en Chine «dès 2005», suivi d’autres monstres sacrés comme Ferrari ou Maserati. Le Salon 2004 marque ainsi les sentiments de l’année : gigantisme (1600 exposants, 400.000 visiteurs, 600 modèles, 120.000m², +50%), et rêve !

Des petits poucets locaux (BYD, Polarsun…) agacent des géants, tel Ford, étalé sur 5000m² avec 40 modèles. Avec sa filiale Mazda et le partenaire Chang’an, Ford veut passer de 65.000 à 600.000 voitures/an dès 2006 –si l’usine de Nankin est approuvée : même stratégie que Peugeot-Citroën à Wuhan (Hubei), voire à celle que l’on prête à Renault (le grand absent au salon) avec Nissan.

Le salon voit fuser les plans sur la comète, ceux des étrangers à grands renforts de MM$, et ceux des locaux qui prétendent porter leur part de marché de 10% actuels à 50% en 2008, moyennant un triplement de capacité (1,5M d’unités pour Chang’an) voire quadruplement (1,7M pour Dongfeng).

A noter, parmi eux, Chery, l’audacieux copieur de Wuhu (Anhui), avec sa QQ, clone de la Spark GM (4000€ /pièce, record de bas prix).

PSA n’attend « que » +20% de croissance en 2004, et 140.000 ventes dont 15.000 à Peugeot, avec sa 307 à 148.800¥…  Stratégie prudente : une capacité globale triplée à 6M en 2008, combinée à des signes d’essoufflement du marché en avril et à un surinvestissement manifeste, sont annonciateurs de casse, «et pas que pour les petits ! », prédisent certains!

 


Petit Peuple : Déboires d’une beauté retendue

Très populaires en Chine, mais sans pitié pour les postulantes, les concours de beauté!

Pour sélectionner la candidate chinoise au (33ème) Miss Intercontinental, dès février, chaque province choisit 80, puis 30, puis 3 filles. Miss Chine sera connue en juin à Shanghai. Ce n’est qu’en juillet à Hohot (Mongolie intérieure) que la Miss Chine 2004 pourra affronter les belles de toute la terre!

A Pékin, en mai, l’époustouflante Yuan Yang (18 ans, taille de guêpe) venait de franchir 2 tours lorsque tout à trac,les dirigeants lui notifièrent son exclusion: on l’avait vue sur une pub TV de chirurgie esthétique. Dès lors, la situation fut hors contrôle, 吹灯 拔蜡 chui deng ba la (littéralement “chandelle éteinte et même disparue”). Yang arguait que rien au réglement n’interdisait le recours au silicone ni au bistouri. Le jury restait obstinément sur sa position: admettre des beautés retouchées, revenait à “tromper le monde sur la  marchandise”.

Cependant, la polémique levait comme du bon pain,  la presse s’en mêlait : mauvaise pub pour le concours, que cette Melle Yang déchirant mélodramatiquement sa révocation devant les caméras, et réclamant au juge les 11.000€ investis dans ses 11 opérations ! Dans l’espoir de se tirer de ce mauvais pas, les organisateurs eurent une idée dont l’insolite le dispute au créatif : ils annoncent la tenue en août, du 1er concours mondial, réservé aux beautés retendues.

Un débouché de plus, pour les 10.000 cliniques offrant ce type de services. Seuls sont bannis les transexuels –sous réserve d’inventaire!

 

 

 


Rendez-vous : Yantai, Foire e-commerce de l’APEC

15-17/6, Shanghai: Expo ingrédients pharmaceutiques

15-18/6, Canton: Expo industrie de la céramique

15-19/6, Harbin: Foire commerciale

15-19/6, Yantai: Foire e-commerce de l’APEC

19-21/6, Dalian: Salon de l’électricité