Le Vent de la Chine Numéro 15
La Fête du Travail (1/05) a été cette année en Chine l’occasion d’une grande première : au prix d’un rattrapage du Week-end, les masses laborieuses ont eu leur semaine fériée. Depuis des mois, les stratégies se montent, dans les chaumières, pour occuper ces jours. Au plan sociologique, c’est la révolution : 40% des shanghaïens sont partis, 1,8M de Pékinois, plus de 50% des cantonais. Ils ont préféré, signe des temps, le voyage privé (avec famille ou amis) à celui, moins cher, de l’entreprise. De même, ils ont pris le train plutôt que l’avion, soumis depuis mars au carcan du contrôle des prix, donc non compétitif.
Au total : cela donne des dizaines de millions de visiteurs aux temples de Qufu, aux monts Wutaishan, aux plages (Beidaihe), aux Pains de sucre de Yangshuo, aux rizières de Longsheng, etc. Des milliards de repas et de nuitées consommées – pour une relance espérée par l’État, afin de briser deux ans et demi de morosité!
Pendant ce temps, les métropoles étaient pleines des provinciaux, et des citadins pauvres -ou bien de garde. Hôtels, restaurants et grands magasins ont affiché complet : les affaires ont gonflé à Canton (ailleurs sans doute de même)- 30 à 40% de mieux qu’au Chunjie (Nouvel An Lunaire, la semaine de fête par excellence)! Là encore, on constate un coup de fouet à la consommation – bienvenu pour réduire les stocks d’invendus (automobile = 4000 sur 132000 au 1er trimestre). La Chine, au-delà des discours sur l’unicité de sa voie socialiste, se conforme à la pratique occidentale des loisirs de masse.
Ces vacances nouvelles visent aussi la création de nouveaux emplois, par réduction du temps de travail, afin d’accueillir, entre autres, les 7M de chômeurs publics attendus en 2000. Elles vont de paire avec le samedi férié et la retraite à 50 ans (femmes) et 55 ans (hommes), depuis cinq ans. A noter enfin, la double limite de cet effort: [1]comme ailleurs au monde, le paysan (69%) est exclu de la fête;[2] Shanghai veut renoncer à la pension précoce: à un enfant par couple, qui, dans 20 ans, paiera? La Chine, au coup par coup, s’octroie le bien-être qu’elle peut!
Aux confins du Hebei et du Liaoning, Shanhaiguan doit son existence à sa position entre mer et montagne, entre le vaste Nord et la capitale. C’est pour cela qu’on y avait placé à l’époque Qin, la Grande Muraille, déroulant depuis la mer ses anneaux sur 5000 km vers l’Ouest : sur ce ruban littoral, route, autoroute et chemin de fer se disputent le passage obligé.
Tout comme Qinhuangdao sa voisine (3M d’â-mes), Shanhaiguan vit sous la pression démographique. Le déclin économique renforce l’arriération. D’infâmes cheminées déversent partout leurs fumées soufrées. Le chantier naval est la seule industrie visible. En toute indigence et diligence, le reste de la ville vit de petits artisanats.
Une catastrophe écologique menace : la désertification, les vents de sable, très violents cette année, et le pompage des nappes et lacs pour l’irrigation. Aux portes de Shanhaiguan, le lac Yansai, en peu d’années, a baissé de 15 m.
La seule bonne nouvelle, dans cette friche industrielle, est la série d’investissements lourds opérés avec le soutien public, pour doter la région d’outils du futur : autoroute, écoles flambant neuves, voirie, égouts. Et surtout, les travaux, rares en Chine, de réhabilitation de la ville ancienne, des ruelles d’époque Ming, des splendides remparts, des maisons au style très typique, aux courbes douces de la yourte mongole : à trois heures de Pékin par l’autoroute, cette ville moyenne chargée de siècles prépare son avenir, comme destination privilégiée de week-end, pour tourisme culturel de masse.
à Shanghai, Société Générale et CCB ont déposé une demande de licence pour con-vertir leur JV financière (la SAFC) en ban-que à part entière. Ce faisant SG pénètre un créneau déjà occupé, côté étranger, par la BNP (JV bancaire avec l’ICBC). Le feu vert à cette JV, attendu "avant la visite du Psdt. J. Chirac" (oct.), signera la fin de la société financière.NB: ’99 a été une mauvaise année pour le secteur bancaire en Chine : 10 des 49 banques étrangères à Shanghai étaient
A Shanghai, Société Générale et CCB ont déposé une demande de licence pour convertir leur JV financière (la SAFC) en banque à part entière. Ce faisant SG pénètre un créneau déjà occupé, côté étranger, par la BNP (JV bancaire avec l’ICBC). Le feu vert à cette JV, attendu "avant la visite du Président Jacques Chirac" (oct.), signera la fin de la société financière.NB : 1999 a été une mauvaise année pour le secteur bancaire en Chine : 10 des 49 banques étrangères à Shanghai étaient dans le rouge, leurs profits (42MUSD) ont chuté de 17% en moyenne, et les capitaux (15MM USD) de 3%. Le plus gros perdant est le néerlandais ABN-AMRO, n°3 en capitalisation (montant de la perte, non publié).
Jusqu’au 31 mars, les 430000 employés chinois de firmes étrangère rapportaient à Pékin 12MY /mois, par le biais d’une taxe de 30Y/pers. Elle vient d’être supprimée, marquant l’inquiétude de la mairie face à l’érosion des investissements étrangers directs, sensible l’an dernier.
Un des derniers arrivés sur le marché chinois de l‘électroménager (après asiatiques et européens), Whirlpool a mis les bouchées doubles et a vu exploser en 1999 ses ventes de machines à laver (+150%) et de micro-ondes (+33%), pour un chiffre d’affaires de 200MUSD, équivalent à son investissment depuis 1995 – c’est à dire 2% de son exercice mondial. Mais le chiffre montera, notamment du fait de sa stratégie de délocalisation en Chine. Ses deux JV (Pékin/compresseurs de climatiseurs et Shanghai/machines à laver) et sa société à 100% (Canton/micro-ondes), exportent 40% de leur production. Le groupe du Michigan construit une nouvelle chaîne de machines à laver (5MUSD), et prépare un centre de R&D.
Après l’Australie (cf VdlC n° V/12), Exxon/ Mobil, Total/Fina/Elf et Royal Dutch/Shell, c’est au tour du Japon d’entrer en lice pour le terminal GNL (3Mt/an) de Huizhou (Guang-dong) d’un coût estimé à 600MUSD. Pas moins de trois consortiums nippons se présentent: Nissho Iwai /Chubu, Marubeni/Osaka Gas, et Itochu /Tokyo Gas/Cheung Kong, (ce dernier appartient au magnat hkgais Li Ka-shing, ami personnel du Psdt. Jiang, ce qui est un atout). 1er marché gazier mondial, le Japon est également leader de technologies attractives. NB : Shell se rappelle au bon souvenir chinois, en signant avec CNOOC son dixième contrat de prospection en deux ans – en mer de Chine, pas très loin de Huizhou.
Pour le Barrage des trois Gorges, projet phare du régime,l es nouvelles noires se succèdent. Par une lettre ouverte (3/05), 53 experts, scientifiques et édiles nationaux sous la houlette de Li Qinkan, hydraulicien coauteur de l’étude de faisabilité, réclament une révision. Il faudrait selon eux, s’en tenir au plan original, tel que voté par l’ANP en 1992 (prévoyant une hauteur d’eau de 156m en 2009), et ne pas monter à 175 m, comme décidé en 1997.
La raison de l’objection est ancienne: le risque d’envasement, qui causerait la perte du port fluvial de Chongqing et l’exil de 300000 riverains supplémentaires (1M doivent déjà être relogés). L’opposition dans les instances constitutionnelles, reste donc très ferme, même après onze ans (en ‘mars ’89, l’ANP avait trouvé 300 députés, soit 10% pour opposer au projet un tir "de barrage" – du jamais vu dans l’histoire du pays).
Autre nuage: Jin Wenchao, tête de la Three Gorges Economic Developpment Corporation, grosse Entreprise d’Etat contractante, manque à l’appel avec, dit-on, plus de 120MUSD détournés. Le personnel n’a pas été payé en 11 mois.
Depuis janvier, c’est au moins le 3ème cas de fraude découvert sur ce projet, pour des montants analogues. Depuis lors, le financement du chantier se fait par bons d’État, levés aux deux tiers par la China Developpment Bank (cf vdlc n°13), à des taux élevés: Zhu Rongji l’a ôté de la liste des projets éligibles à la manne publique. Estimé à 11MMUSD en ’92, le coût des Trois Gorges est aujourd’hui révisé à 24MMUSD – gabegie et prévarication n’étant pas étrangers à la contre-performance.
Cette affaire impose une réflexion sur les investissements publics et privés, chinois et étrangers qui se déversent à l’Ouest, dans une stratégie destinée à l’aider à combler son retard sur la Côte. Racket, spoliation de biens, refus des autorités locales d’appliquer la loi…La presse de la Côte, le pense unanimement : l’effort généreux ne marche pas – pas plus que ceux de Milan envers Palerme, ou de Francfort envers Leipzig.
Quasi neufs(moins de 10 ans), 60MMUSD d’équipements high-tech importés, dorment dans les entrepôts des Grandes Entreprises d’Etat, inutilisés. Il y en aurait pour 8% des actifs industriels publics. Même à Shanghai, ville mieux gérée que d’autres, la valeur du parc immobilier atteint 2,4MMUSD. Des investissements en partie dus à l’exigence des provinces ou GEE, de disposer d’outils de niveau mondial, sans considération pour le marché national. La fermeture/ fusion de 6400 GEE en trois ans n’a rien arrangé. Une association s’est créée dès 1991, pour tenter d’écouler ce patrimoine, avec foire annuelle, publicité spécialisée et site internet, sans grand succès, par manque de suivi technique (installation, formation, pièces), et en raison des 17% de taxes : un problème insoluble pour l’instant !
Des 9000 firmes de B2B ou de e-business ayant bourgeonné en Chine, 70% auront rendu l’âme d’ici déc. (fusion ou faillite). Tel est l’avis de la Conférence Internet qui s’achève à Pékin. Pour des raisons évidentes : mis à part une image plus ou moins aguichante, dans laquelle elles placent 60 à 80% de leur budget (marketing, pub), elles n’ont rien à offrir au marché. Les sites survivant au grand nettoyage, seront ceux comme Sohu, Sina, ou Netease, ayant su occuper un créneau porteur, ceux offrant un service améliorant la vie de l’économie classique, et ceux soutenus par les groupes étrangers.
Au rythme de 15 à 20km/an, Shanghai va s’équiper d’un réseau de métro lourd et léger de 570km (21 lignes) d’ici 30 ans – contre 65km à présent. Très ambitieux, le projet qui fera d’elle une des premières "villes-métro" du monde, aura coûté 36,3MMUSD. Pour le mener à bien, la mairie vient de restructurer l’empire industriel responsable : quatre sociétés autonomes sont en place. Shentong, pour la levée des capitaux, SMC pour la construction, et deux groupes d’exploitation (Metro Operation et Modern Light Rail), pour faire jouer la concurrence. Dernière née, la ligne "Pearl", circulaire (d’un coût total de 9 MMUSD), verra d’ici décembre les premiers tests de sa section ouest (25km).
Deux ventes aux enchères groupées à HK (Christie’s, 30/4 et Sotheby’s, 1/5) ont causé des remous dans la Special Administration Region. Et pour cause: quatre pièces antiques provenant du sac du Palais d’Eté (en 1860 par la soldatesque franco-britannique), dont Pékin réclamait la restitution, y étaient vendues aux enchères. Pour les promoteurs, il s’agissait d’une simple transaction commerciale, mais pour la majorité chinoise voire hongkongaise, même 140 ans plus tard, cette vente s’apparentait à un "second sac du Palais", par un étranger (occidental) n’ayant rien retenu de l’Histoire. Ironie du sort, c’est un groupe d’armement chinois, Poly (proche de la famille de Deng Xiaoping), enrichi par ses ventes au Tiers Monde, qui s’est porté acquéreur de trois bronzes (cf. notre photo) pour 4,2MUSD, tandis qu’un vase Ming était racheté par la mairie de Pékin.
A trois semaines du vote du Congrès US quant à l’attribution à la Chine des Relations Commerciales Permanentes, Pékin libère deux "contre-révolutionnaires", Chen Lantao et Zhang Jingsheng, lourdement condamnés après juin 1989, et commue la perpétuité d’un troisième, Chen Gang, ce qui le rend techniquement libérable. Mais cette action "sourire" est contrariée par le début de la campagne "yanda" (coup de poing) contre la pègre, et surtout contre la nouvelle dissidence, Falungong et fondateurs du Parti de la Démocratie – dont Zhu Zhenming, condamné à 10 ans (30/4).
Les grandes crues de l’été 1998(4035 morts officiels) et les tempêtes de sable du printemps, sonnent à Pékin le prix à payer pour 50 ans de coupe des forêts et prairies. Dès 1997, le désert occupait un tiers du territoire. Rien qu’en Mongolie, un quart de la France (135.000 km²) est perdu, son revêtement herbeux arraché pour son nom, Facai, homophone du mot fortune! Si rien n’était fait, le reste de forêt (800000 km²) disparaîtrait sous 10 ans! Tout ceci a incité Pékin, après avoir interdit dès ’98 les coupes forestières, à lancer un nouveau plan national de reboisement.
Les plans ambitieux des années ’80, (on parlait à l’époque de "Grande Muraille verte", d’Urumqi à la mer"), ont permis de définir un objectif plus réaliste. En ‘2000, l’Admin. des Forêts replantera, entre 13 provinces du Haut Yangtzé, du Haut et Moyen Fleuve Jaune, 3430 km² de bois. Comparés aux 2460km2/an de la désertification, ils préludent à une re-conquête assistée des technologies modernes telle la sélection d’essences résistantes à l’aridité, la plantation par avion, et l’utilisation d’accélérateurs de flore intermédiaire. D’autre part, semences et moyens seront fournis à des M de paysans pour régénérer, en forêt et prairie, 7800km² supplémentaires (en 2000).
Enfin, la plus vaste réserve de prairie du monde sera constituée avant décembre sur cette même zone (Qinghai).
Cette campagne suppose l’abandon de la culture céréalière – nuisible et inutile. Dans le Ningxia, d’ici 2010, des centaines de milliers de paysans, sur 10000km², se feront sylviculteurs. Parmi les problèmes à affronter, le financement. D’ici à 2010, il en coûtera 1,2MM USD au Ningxia, investissement nécessaire pour soutenir le tissu rural durant sa reconversion historique. Or pour 2000, le budget national de replantation est de 26M USD – le reste sera à charge des provinces et de fonds sociaux. Au risque de rencontrer la corruption de la nomenklatura, et les résistances de la base.
Dans la course des années 90 à la croissance industrielle, les provinces de l’intérieur partaient handicapées face à celles de la Côte. Il a fallu faire des choix difficiles. Chaohu (Anhui) avait cru utile de se doter d’une mini City financière, d’un centre culturel, de pelouses, faisant l’impasse sur le retraitement des ordures. 10 ans plus tard, les décharges "naturelles" fleurissent en couronne – à moins de finir directement « à la rivière ». Voisins de Wanshan, le principal centre de déchets, les paysans de la "ceinture verte" de Chaohu avaient reçu de quoi les faire taire – 150Y, prix de la pestilence et des maladies (humaine et du bétail). Sauf deux villages irréductibles, qui ont proclamé leur espace « condamné », et exigent un nouveau terroir. Déterminés, 200 d’entre eux bloquent, depuis six semaines, la route de la décharge. C’est l’impasse. Consciente de l’urgence, la mairie a osé voter, initiative très exceptionnelle, de nommer une sous-commission d’évaluation : c’est que sous le soleil et les noirs escadrons de mouches, les bennes de déchets attendent!
En matière de sécurité routière méridionale, on connaissait déjà, à Guangzhou, les radars mouchards, contrés par les chauffards, par la publication clandestine d’un plan de leurs emplacements. Shenzhen, la voisine, croyait mieux faire en installant d’invisibles dianmu (« yeux électroniques ») filmant les véhicules en train de griller les feux nocturnes. Mais la riposte a été instantanée : le diangou «chien électro-nique», accessoire pirate à bord du véhicule, dé-tecte la caméra radar 200m en amont du feu "piégé". La police exprime une joie mitigée : certes, les feux « voyeurs » ne sont plus brûlés. Mais pas une seule contredanse ne rentre pour amortir le coûteux matériel. Tandis qu’à tous les carrefours non équipés, les souris dansent…
8-12 mai Pékin : Salon Industrie de High-Tech.
9-12 Pékin : Salon Matériel Construction
10-11 Shanghai : (CLSA) China Forum 2000
10-12 Shanghai : Colloque Dow Jones /Asia Society (Charlene Barshefsky, Zhu Rongji)
10-14 Pékin: Salon Matériel Médical