Le Vent de la Chine Numéro 29

du 14 au 20 septembre 2003

Editorial : Foire de Xiamen – le phare de la Chine, post SRAS!

Créée en 1996 pour élargir les sites d’échanges jusqu’alors confinés entre Canton et Shanghai), la CIFIT, Foire de Xiamen (Fujian) revêtait cette  année une importance exceptionnelle, se trouvant être le 1er  grand RV d’après l’épidémie de SRAS/SARS.

Aussi le monde industriel se ruait vers elle, histoire de rattraper le temps perdu dans la course à l’usine du monde. En moyenne, la CIFIT traite, en 4 jours, pour 12MM$ de contrats. Pour cette 7. édition, elle en a fait 17.623MM$, 50% de plus. Autres records, ceux des étrangers présents, 11.781, des pays participants (101), et des délégations 240. Et comme le thème de la foire était « Exportez-vous » (à l’attention des  dizaines de milliers de firmes chinoises matures pour le faire), les nations se faisaient la concurrence pour la manne de l’investissement chinois expatrié qui atteint, avant Xiamen, 10 MM$ dans le non financier (7178 firmes), et 88MM$ dans le financier.

Parmi ces pays figuraient les valeurs sures européennes, le Royaume-Uni (hôte de 150 firmes chinoises dont 100 en ce siècle), et la Suède (son agence « Invest in Sweden »). L’on remarquait  les pays émergents, tels Mexique, Inde, Afrique du Sud, ou la délégation mixte de l’ASEAN.

Parmi d’autres visiteurs moins typiques, figuraient les pays de la Cnuced club d’affaires onusien des PVD, ou bien les 60 délégués de la minuscule île de Kinmen, à 5 km au large de Xiamen, toujours bardée de ligne Maginot contre la Chine « communiste! », mais qui n’en commence pas moins à sortir de sa coquille, pour tenter d’attirer les touristes du riche Fujian voisin (tous comptes faits, sa terre natale), tout en y exportant son alcool de sorgho…

En face, pas moins de 40.000 délégués de toute la Chine, provinces, vil-les, groupes industriels et commerciaux étaient venus défendre leur cause. Au total, 40 forums d’invest furent tenus, tel celui de Jiaxing (Zhejiang, delta du Yangtzé), ou encore celui de la petite Jamaïque qui offrait son port franc et sa zone industrielle, « hub vers les Amériques » : 150 participants, et 10 contrats signés.

En présence du ministère du Commerce au complet et de Mme Wu Yi, vice 1er Min., on parla aussi de politique. Alors que la Chine comptait en août un excédent commercial de 2,8MM$, et des exports de 37,4MM$ (+27% par rapport à août 2002), le Congrès US menace le pays d’une taxe de 27,5%, faute de réévaluer son Yuan (¥) sous 180 jours…

Mais avant de penser à recourir à telles mesures dramatiques, depuis Xiamen, sort la rumeur que l’Etat s’apprêterait à jeter de l’eau froide sur son économie en menace de surchauffe. Il peut se le permettre : la Chine, déjà, se targue d’un nouveau taux de croissance pour 2003, plus haut que jamais : 8,3% – plus que l’an dernier, malgré le SRAS

 

 


A la loupe : L’automne de la terre, et de la vie !

Cette année en Chine, le 中秋 Zhongqiu, fête de mi-automne tombe le 11/9. Sous la chaleur trompeuse de l’été indien, l’hiver est aux portes : les champs et le paysan, attendent le printemps. Les silos sont pleins et les saloirs débordent. L’on s’offre alors les 月饼 yuebing, galettes de lune dorées fourrées de pâte de lotus : c’est la pleine Lune, et l’on festoie!

Parmi les légendes associées au zhongqiu, ce jour serait le seul où Houyi, l’archer peut revoir Chang’er son épouse prisonnière de la Lune. De son arc, Hou Yi avait tué 9 des 10 soleils. Pour avoir épargné le dernier,il avait reçu un élixir de vie, mais sa trop belle femme l’avait bu : elle fut bannie sur l’astre, dans un palais de glace où elle attend sa délivrance avec pour seul ami un lapin de jade (symbole d’immortalité), et pour seule visite, son mari -une fois l’an!

D’autre part, la mi-automne est un moment de tolérance, où l’Etat cultive la gentillesse plus qu’à tout autre moment.

Le 5/09, la mairie de Pékin abrogea son règlement canin qui imposait aux maîtres une taxe de 5000¥. L’enjeu pour Pékin était de pénaliser le chien de compagnie—pratique décadente aux yeux des leaders. Elle échoua : en 8 ans, les chiens quintuplèrent dans la capitale (60.000).

A présent,  la taxe est ramenée à 1000¥ la 1ère année, 500 la 2de- les aveugles sont exemptés. C’est un virage à 180°. Pékin réalise que les chiens, de plus en plus, sont les seuls compagnons des vieux, toujours plus nombreux – la Chine s’apprête à suivre l’Europe dans le vieillissement de la population!

Ainsi, au Zhongqiu, la ville se calfeutre. Pour ses habitants, la morte-saison ne se limite pas à la morte saison, comme pour les paysans : le chien leur tient chaud dans l’hiver de leur vie!

 


Joint-venture : Le plastique, cheval de Troie des exports

— Trop petit pour survivre à l’actuel tsunami de fusions-acquisitions dans le secteur, le brasseur malais Lion vend à Interbrew : sous réserve du feu vert des actionnaires de Lion, pour 131M$, le groupe belge prend la gestion de ses usines au Hubei, Hunan et Shandong, 50% des parts et droit au rachat du reste (au même prix) sous 12 mois. L’opération rend Interbrew n°3 chinois, dépassant le pékinois Yanjing, doublant sa production à 21 Mhl/an et 9% du marché.  Le N°1 demeure Anheuser-Bush (US, allié à Tsingtao), le n°2 SabMiller, associé à China Resources (HK) : en juin, il absorbait le n°4 Harbin Brewery.

NB : atomisé en 100aines de Cies, le secteur verra sa concentration se poursuivre, sous la pression de l’étranger : les marchés US et de l’UE sont en panne, seul le chinois progresse encore!

— Les contrats d’épuration des eaux s’en viennent dans les villes, poussées par le besoin et (à Pékin), l’échéance des JO de 2008. Veolia (ex-Vivendi) poursuit sa percée en signant (10/9) le contrat pour une usine à Pékin-Lugouqiao.

Associé à Kerry (HK), Veolia verse 5M$ des 40M de l’investissement, le reste venant de la Banque Mondiale et de la mairie. Il en obtient une concession, qui rapportera 50M$ sur 20 ans. Ce contrat en suit d’autres à Shanghai (retraitement des eaux de Michelin), Tianjin, Chengdu, Zhuhai. A Shanghai, Onyx, sa filiale “déchets”, obtient la concession de l’incinérateur de Jiangqiao (la plus grosse de Chine, 1000t/j), d’une valeur de 80M$ sur 20 ans!

NB: Veolia veut doubler son chiffre d’affaires chinois tous les deux ans!

— Un aspect peu connu de la success story chinoise à l’export est le plastique, sous mille formes. Dès 2001 se vendaient hors du pays la moitié des 41M de téléphones, 210M ventilateurs et 41M TV made in China, ainsi que 40 % des 13,5M de réfrigérateurs, 84M d’aspirateurs et 80M d’écrans PC. En 2002, les exports plastiques atteignaient 6MM$. Un des articles de pointe est le sac d’emballage, dont l’UE et les US commandaient alors 40MM chacun. L’administration US ITC tente d’endiguer le flot, en menaçant d’un droit compensatoire! Mais Shell Chemicals ne voit pas du tout la fin de cette chevauchée fantastique du cheval plastique : d’ici 2006, selon ses prévisions, la production pétrochimique chinoise devrait doubler—grâce aux livraisons de polyéthylène du Moyen-Orient, nouveau fournisseur au détriment de la Corée/Sud.

  

 


A la loupe : Zhou Zhenyi – le retour des « affaires »

Le scandale de Lai Changxing en 1999 avait porté un coup sévère à la crédibilité du régime, ayant causé 1,5MM$ de pertes au fisc. Sa fuite au Canada avait été suivie de 17 exécutions d’édiles à Xiamen (Fujian).Après ce châtiment exemplaire, les experts officiels croyaient à « la fin de la vague des grandes affaires »… Mais deux nouvelles récentes prouvent qu’il n’en est rien :

!!

Argent : Les banques étrangères divisent leurs prêts

— L’accession chinoise à l’OMC en déc. 2001 n’ a pas été faste aux banques étrangères opérant dans le pays. Selon un groupe de banquiers de l’ UE, leurs prêts y ont depuis lors fondu de 50%, passant de 15% du total à 7,4% en 2002. Leur capitalisation ne pèse plus que 1,1% de celle des locales. Trois de leurs filiales sur 214 se sont retirées. A ce recul concourent les protections nationales obtenues de l’OMC jusqu’en 2006 (tel le ticket d’entrée prohibitif pour l’ouverture de toute filiale). Mais le recul est surtout dû aux étrangers eux-mêmes, qui refusent de prêter à n’importe quel prix. Les banques chinoises sont en concurrence folle, ayant le monopole de facto de l’épargne la plus forte du monde. Elles prêtent à tout-va : on cite des prêts d’infrastructures sur 12 ans à 1% d’intérêts. A ces conditions, pour l’étranger, mieux vaut attendre. Mais pour la banque chinoise, une telle pratique est-elle compatible avec sa prétention d’éviter les banqueroutes des clients, la perte de capital, et la surchauffe?

— En croissance estimée à 15% pour 2003, la demande chinoise en cuivre atteindrait 2,7Mt, et les imports atteindraient 1Mt. De tels chiffres assurent à la Chine de devenir premier consommateur et importateur mondial, avec ses 18% du marché et assurant seule l’essentiel de sa croissance, comme pour d’autres métaux non ferreux (cf n°27), c’est elle qui fait remonter les cours. Au 1er semestre, Jiangxi Copper tripla ses profits (25M$), et annonce une production de 340.000t en 2003 et 400.000t en 2004.  D’ici 2005, moyennant un invest de 81M$ dont 1/4 déjà réalisé, sa mine de Fujiawu sera opérationnelle. Tout ceci portant Jiangxi Copper dans la botte des 10 1ers producteurs mondiaux : résultat d’années d’efforts et d’investissements en équipements importés.

 

 

 


Pol : eau, électricité – investissements forcés!

— En 2002, l’aéroport de Pékin, avec son seul terminal 2, traita 880.000t de fret et 27,5M passagers. Il saturera en 2005, à 35M passagers. Dans la perspective des Jeux Olympiques de 2008, où le trafic plafonnera à 5,6M de passagers (atteignant avec 7 ans d’avance le trafic de 2015), des grands changements sont dans l’air.

– En oct. 2004, le vieux terminal n°1 fermé depuis 1999 rouvrira, rénové pour le trafic intérieur.

– D’ici 2007 auront été construits un terminal 3 (350.000m²), une 3ème piste, une ligne de chemin de fer, une autoroute, le tout pour un budget de 2MM$. Pour l’édifice, trois projets (US, RU/NL, et le 3. inconnu mais non français).

L’après-JO se conçoit dès maintenant : 2010 lancera les travaux du second aéroport. A Pékin ou dans le Hebei? Nul ne le sait encore !

— Cet été en Chine, le déficit chronique en eau s’est vu aggravé par une canicule historique. Aussi des investissements forts pointent à l’horizon, certains programmés depuis des années, d’autres en urgence.

Moyennant 1,5MM$, Pékin lance en octobre son canal de diversion de 225km, jusqu’à Shijiazhuang (Hebei).

Dès 2006, en cas de pénurie, l’ouvrage portera à Pékin l’eau des monts Taihang. Le projet s’intègre dans le plan gigantesque de canal destiné à détourner, à terme, 1 à 2% du Yangtzé vers le nord du pays.

Toujours à Pékin, ce sont 3MM$ que Datang l’électricien va sortir, en achats et construction de centrales, pour éviter le grand disjoncteur.

Shanghai pour sa part, obligée comme 19 provinces à couper la production aux heures de pointe dans 1000 usines, va dépenser 1,44MM$ en réfection de son réseau.

— Ordres de Hu Jintao, transcrits en règlements du Ministère de la Sécurité Publique : à compter de l’an prochain, torture et traitements dégradants seront proscrits pour tous suspects de délits hors crimes (violents).

La détention préventive sera illégale pour les jeunes (- de 16 ans), les vieillards (+ de 70 ans), les femmes enceintes ou allaitantes, les gens atteints de maladie infectieuse grave (plus de bastonnades aux sidéens, comme en vit récemment le Henan).

Pour les étrangers en interrogatoire, un interprète sera de rigueur. Les prostituées ne seront plus taxables. Les biens ne seront plus confisqués plus de 15 jours.

Autant de dispositions (et bien d’autres encore) inspirées d’incidents récemment divulgués par la presse, qui admettent l’existence de dérapages au sein de la police -c’est un grand progrès- et qui jettent les bases pour réprimer des manquements futurs.

 


Temps fort : Hong Kong,Taiwan redressent la tête!

Le Gouvernement (Xu Kuangdi, Vice-Président du CCPPC) se dit « le plus soucieux à propos de Hong Kong, depuis son retour à la patrie (1997) ». On le comprend : le 1/07, 0,5M d’insulaires marchaient contre Tung Chee Hwa, le gouverneur, et une loi de sécurité qui écornait les libertés des citoyens. Du coup, Tung a retiré son projet (8/9) et le Legco, parlement local se prend à revendiquer l’avènement de la démocratie complète : audace inédite depuis le transfert de la souveraineté!

Pékin peut joindre, à sa liste de soucis, Taiwan,  dont 100.000 citoyens viennent, aussi pour la 1ère fois depuis 1997(date de la crise asiatique), d’exiger de troquer le nom de « Rép. de Chine» pour celui de «Taiwan» : offense à Pékin, qui attend le retour de sa  «province rebelle». Même si le geste fut à demi compensé (7/9) par la marche de 7.000 pro-chinois dans Taipei.

Qu’est-ce qui peut expliquer ce  retour d’audace, chez ces deux marges de la Chine depuis cinq ans subjuguées par elle? L’échec du tour de vis de Tung Chee Hwa n’explique pas tout. A HK comme à Taiwan, les citoyens ont pu constater que leur obédience n’avait pas été récompensée par un maintien de leur prospérité. Au contraire, par son dynamisme, le marché chinois a exercé une attraction irrésistible, causant fuite des emplois et capitaux, réduisant leur autonomie économique. Sans rejeter cette intégration rapide (car elle sert leurs intérêts et limite les dégâts de la récession mondiale), les insulaires ne voient plus aucun sens à garder le silence!

Autre raison : en 2004, les 2 îles voteront. Les Hong Kongais désigneront 30 des 60 élus (contre 24 hier). A Taiwan, le Président Chen Shui-bian briguera un 2d mandat. En pré-campagnes, les citoyens redécouvrent les charmes de la  démocratie!

Quant à la Chine, en tendant la main à HK, en offrant de «rechercher ensemble des solutions», et en évitant de hausser le ton avec Taiwan, elle révèle un pragmatisme et une ouverture neuves : style de Hu Jintao, et indice de changement notable, qui augure bien de l’avenir !

 


Petit Peuple : Deux Steeple vers l’université

Septembre, vendanges des études : pour les élus au Gaokao (le Bac) c’est l’heure d’intégrer à leur université. Mais gare à qui perd sa convocation! Gloire de Jinsi (Sichuan), Liu faillit rater son entrée en fac à Jinan, à l’autre bout du pays (Shandong). Le 1/09, dans le train vers sa nouvelle vie, il fut braqué et dépouillé du fameux papier, ainsi que des 10.000¥ requis pour l’inscription… Mais le destin veillait, sous la forme de Lu le cheminot, qui retrouva le tout (sauf l’argent) sur la voie, et le renvoya par EMS à l’adresse des parents. Non content du beau geste, il contacta un journal du Sichuan, qui prévint l’université du contretemps : vu les faits, elle accorda à Liu 15 jours pour se mettre en règle !

Au même moment, à bord du bus Dunhuang-Lanzhou (Gansu), Weng, menait son frère cadet vers sa future Ecole des Beaux Arts. Ils se réveillèrent dans l’angoisse: envolée, la valise – et le certificat ! Un passager se rappela que deux drôles de types étaient descendus 80km plus tôt avec un bagage similaire: vibrant à l’unisson, les deux chauffeurs et les passagers votèrent le demi-tour – la destinée d’un jeune se jouait entre leurs mains ! Après 45 minutes, miracle, ils rattrapèrent les malfrats, leur tombèrent dessus, rendant à Weng l’inestimable valise sous les vivats des voyageurs éblouis par le happy end! Après tant de tracas, la journée était sauvée, hăoshì duōmó 好事多磨 (pas de rose sans épines). Mais pour être honnête, il faut se demander, pour ces deux étudiants miraculés, combien furent détroussés sans espoir de retour ?

 

 

 


Rendez-vous : à Pékin, le Salon de l’aviation

17-20/09 Shanghai Expo Pétrochimie (IPPE)

17-20/09 Pékin                  Salon de l’aviation

17-21/09 Pékin                   Foire int’l du livre