Le Vent de la Chine Numéro 2
Moins de 2 mois après sa promotion comme futur 1er ministre, Wen Jiabao épaulé par son mentor Zhu Rongji, esquisse un chamboulement du service public, le 3ème en 20 ans, succédant à ceux orchestrés par Zhao Ziyang et Zhu lui-même.
Semant la tempête au sein des administrations, l’ambitieux objectif est de remplacer les pléthoriques et omnipotents ministères, par de plus légères tutelles régulatrices des grands secteurs.
Ainsi, ¶ le Moftec serait scindé en un Représentant (à la mode US), compétent pour renforcer et coordonner l’import-export, et un ministère du commerce intérieur et extérieur – qui reprendra une partie des attributions de la SETC.
· Une Commission des Communications remplacerait MII et SARTF, pour gérer sous un même chapeau Radio-TV, internet, cinéma, câble et satellite.
· Une instance unique supervisera les ventes des actifs publics.
· Les transports auraient leur tutelle, mettant sur la touche les vénérables administrations de l’aviation civile, des chemins de fer, routes et navigation.
· la BPdC n’aurait plus que la monnaie à défendre : une tutelle spécifique (dirigée par Liu Mingkang) piloterait l’assainissement des banques, talon d’Achille de l’économie.
Autre cauchemar pour les « bonnets de gaze noire » (ronds-de-cuir): les 1,3M d’entités publiques auront 5 ans pour briser le «bol de riz d’acier» des 30M de cadres, qui seront alors recrutés sur base d’un test (scientifique, notamment), et dont le contrat sera renouvelable. Les privilèges seront écrémés : c’est le bras de fer contre la corruption, le népotisme et l’abus de pouvoir, et le 1er travail d’Hercule pour tout gouvernement néophyte en ce pays. Toutes tentatives en ce sens (l’ultime, en 1992), ont été balayées par ce corps étatique plus puissant que jamais- 1 cadre par 25 chinois, contre 1/90 en 1949… Ce qui n’empêche Wen Jiabao, crânement, de saisir par les cornes le taureau de la réforme administrative!
NB : Si la réforme politique reste tabou, Li Rui, ex-bras droit de Mao (85 ans), prêche pour elle dans une revue influente. Hu Jintao lui-même, après 2 tournées au Hebei et en Mongolie Intérieure, veut redresser les injustices sociales – créer des emplois, défendre le monde rural (un new deal de l’agriculture est en gestation). Même si le propos est court, le projet est clair : celui d’un tournant – faire autre chose !
Depuis mi-décembre 2002, le monde compte un 2d foyer de tension, en Corée/Nord, suite à sa décision de rouvrir le réacteur nucléaire de Yongbyon (5 Mw), et reprendre un stock d’uranium suffisant pour produire plusieurs bombes. De multiples rencontres ont suivi depuis, entre sud-coréens (1ers menacés), nippons, US, AIEA : tous les pays intéressés, sauf les nord-coréens, dont l’armée, la 4ème du monde (1M d’hommes) est en alerte maximale!
Le min. français des Affaires étrangères D. de Villepin était à Pékin le 9/1, après étape à Moscou, et avant de repartir pour Shanghai et Séoul. D. de Villepin venait comme (depuis 1er janvier 2002) Président du Conseil de Sécurité. Avec son collègue Tang Jiaxuan,il affirmait le souhait de négociations directes entre US et Pyongyang. Appel qui reflétait aussi l’avis de la Russie, de l’UE et de l’Asie, et qui fut entendu : dès jeudi, des émissaires nord coréens rencontraient un ex-gouverneur US à Santa Fe (USA), et vendredi 10, Bush et Jiang se coordonnaient par téléphone. Enfin, samedi 11, depuis Pékin, la Corée du Nord haussait les enchères,en se déclarant"affranchie du moratoire sur les tirs de missiles", conclu en ’94 !
NB : Entre de Villepin et ses hôtes, la coalition a tenu: il n’y a pas eu de désaveu des US, l’émissaire français a soutenu l’exigence US d’un «respect strict des règles du monde». Ce qui n’empêche derrière cette fermeté, la possibilité d’accommodements. Au-delà d’une inquiétude pour ses frontières, le problème de la Corée du Nord est la conjonction tragique de l’hiver le plus froid depuis 16 ans, d’un déficit en grain d’1Mt, et de l’émergence d’un autre «client prioritaire» pour l’aide alimentaire mondiale – l’Afghanistan…
· La crise des média est sans doute cause de cette étrange restructuration, dont pourrait naître un poids lourd de l’info économique chinoise. Filiale déficitaire de l’AFP, AFX news, agence d’info par abonnement pour groupes financiers, a cédé (8/1) AFX-Asia à Xinhua Financial Network, sa concurrente. Le coût de la transaction est secret, mais pourrait consister en un échange gratuit contre des parts de XFN. XFN est un groupe international (anglo-US-Japon), dont Xinhua est actionnaire principal mais non majoritaire. Une intégration va s’amorcer entre AFX-Asia (12 bureaux asiatiques, 50 journalistes) et XFN (120 salariés). Le groupe démarre avec une spécialité -l’info financière chinoise -, et un atout – le parrainage de Xinhua, réseau dense de contacts et influences. Pour réussir, il lui faudra gagner un pari: casser les prix des géants comme Reuters…
· Pour la présentation (08/1) de sa collection 2003 de téléphones portables avec caméra, écran couleur et internet, Motorola a dévoilé sa stratégie en Chine d’ici 2006. L’effort n°1 va sur la recherche, autour de son institut pékinois aux 18 centres de R&D:le géant de l’Illinois va y quintupler crédits (à 1,3MM$), et chercheurs (à 5000). Motorola annonce son incroyable objectif des «trois 10»: d’ici fin 2006, avoir en Chine 10MM$ investis (contre 3,9MM$ aujourd’hui), 10MM$/an de valeur produite, et sur 5 ans, 10MM$ d’achats chinois d‘outils et services.N°1 chinois depuis 2002 (7,9M portables vendus au 1er semestre), Motorola y fait 20% de son chiffre mondial (27,5 MM$), dans ses 8 JV couvrant tous les segments du marché.
Envers de la médaille: cet effort intense de Motorola est le prix à payer pour conserver sa place, talonné par la concurrence, surtout celle du nouveau n°3 surgi dans la nuit, Samsung (Corée). Avec les prix qui chutent et les 550 modèles présents sur le marché, s’endormir sur ses lauriers serait l’erreur fatale, témoin Ericsson, ex-n°1 aujourd’hui sorti du secteur.
"l’âge d’or des taux de croissance de 30 à 40%/an est révolu", dit Mike Zafirovski le PDG. 15% sont attendu en 2003 (70M de portables) : toujours mieux qu’ailleurs!
· Mitsubishi est handicapé, en Chine, par l’absence d’infrastructure propre. Ce qui ne l’empêche de revendiquer des ventes de 300.000 voitures d’ici 2007, triples de celles présentes, ce qui équivaudrait à 14% du marché chinois. L’atout caché de N°4 automobile nippon, réside dans les JV de ses partenaires DaimlerChrysler (qui détient 37% de Mitsubishi), et du taiwanais China Motor (dont il contrôle 15%). D’ici 2004, South-East Motor, JV de China Motor, au Fujian, sortira 100.000 Mitsubishi–Lancer et autant de Freeca et Delica (vans). Tandis qu’à Pékin, Beijing Jeep construira ses 4×4 Montero et Outlander.
NB : à l’horizon 2007, le marché chinois atteindrait 2,4M voitures/an. Les capacités annoncées par les groupes devraient déjà dépasser ce chiffre -50% ?- sans parler des groupes encore à venir.
· Banques, assurances et courtages asiatiques arrivent en Chine, contraintes à y suivre leurs clients. Parmi celles-ci :
[1] 1ère banque de Singapour, UOB, United Overseas Bank, cherche à racheter des parts de Fujian Bank (n°12). Son créneau, pour percer en Chine, serait la carte de crédit, que UOB maîtrise bien, à partir de sa base Hong Kongaise (30.000 usagers).
[2] 2 banques du groupe Mizuho stockent 1,67 MM$, pour prêter aux PME nippones en Chine. En tout autre secteur et vers tout autre pays, Mizuho réduit ses activités.
[3] Après avoir créé en sept.’02 la 1ère JV chinoise de consulting en investissements (09/02), Daiwa, N°2 du courtage au Japon, et Shanghai International (Entreprise d’Etat) négocient une JV de gestion de capital, dotée d’une 60aine de M$ (dont 1/3 à Daiwa).
[4] HSBC, Hang Seng et Bank of East Asia reçoivent le 1er feu vert (6/1) pour leurs e-bank – vecteur de 12 à 20% de leur chiffre global.
NB : 53 banques étrangères ont reçu la licence pour travailler en yuan. Fin oct 2002, les 181 étrangères établies en Chine, avaient 38MM$ de capital dont 34 prêtés, et 16% libellés en yuan.
En 1993, R. Murdoch, le magnat britannique de la presse irrita Pékin en affichant sa foi en la «liberté de la presse par satellite, contre le totalitarisme».Suivit un an d’affrontement feutré,avant que le magnat n’amène pavillon, s’efforçant d’être agréable: BBC-TV ne fut plus diffusée par son satellite sur la Chine, et un livre par Chris Patten, bête noire du régime, fut rayé du programme de sa maison d’édition en Angleterre. Murdoch fut aussi bon hôte (à Sydney, à NY) pour les enfants de Deng Xiaoping.
Neuf ans après, ces efforts paient: sur les 3 TV étrangères qui viennent d’être agréées, 2 sont du groupe Star-TV de Murdoch, dont une du groupe Phoenix (filiale Star TV à 37,6%). La troisième agréée, étant Bloomberg–TV.
Même assorti d’une muselière (la diffusion n est autorisée que dans le demi-M de chambres d’hôtel de 3 étoiles), ce feu vert national constitue une ouverture historique : Xinkong Weishi et surtout Infonews, chaîne d’info permanente, seront regardées par 40M de gens, sans compter les M de foyers équipés de soucoupe pirate. C’est la 1ère fois que la Chine accepte de confier à l’étranger un média «politique», qui plus est, 24h sur 24 ! -cette copie chinoise de CNN aurait donc reçu sa licence avant l’original de AOL, pour l’instant confiné à Canton.
[1] 3e chaîne de Phoenix, basée à HK, rodée à Canton depuis mars 2001, Infonews a 9 bureaux mondiaux et 100 journalistes. Cet outil d’info de qualité vise un public en col blanc, et un pactole publicitaire – comme celui de Chinese Channel, l’aînée de Murdoch-Chine, qui amasse 660M$ et +53%/an.
[2] Xingkong Weishi a vocation de divertissement. StarTV y investira 100M$ d’ici 2007, pour faire, à bon prix, des clones chinois des jeux et reality shows à succès d’outre-Pacifique.
Assez pour lui faire sa place sur le marché mirifique de 700M de chinois s’ennuyant soirs et Week end devant leur poste.
· Pour un pays de 22% de la planète, le chiffre des «plus lourd que l’air» privés est infime – une dizaine d’avions, 70 hélicoptères: résultat d’une quasi-interdiction. Mais la roue tourne: les industriels -privés visionnaires ou usines militaires – attendent en ’03, la restitution par l’armée de l’espace aérien sous un plafond de 1800 pieds, et d’une vingtaine de routes aériennes (contre 3 aujourd’hui) : on en attend 500 commandes d’aéronefs/an, et 10 ans après, 18.000 hélicoptères privés: de quoi alimenter bien des appétits. Shenyang Aviation (militaire) va sortir en 2003 un petit appareil, au prix de 60 à 72000$. Début ’04, Nanjing-Light Aircaft sortira son AC-500 (5 places), et affiche 30 commandes fermes. En Chine comme ailleurs, les projets fourmillent !
· Après le monopole de l’électricité (VdlC n°1), tombe celui des services municipaux : eau, gaz, chauffage, transports urbains et déchets (collecte et retraitement) seront bientôt ouverts au privé, local ou étranger – sans limitation de secteurs ni de lieux. Le ministre de la Construction prépare une grille de services et tarifs, et formera les mairies à cette gestion rompant avec leurs habitudes.
Précurseur, Xinao Gas vient d’obtenir en franchise la distribution du gaz à Shijiazhuang (Hebei), ville de 2,1M d’âmes. Le groupe Hongkongais l’obtient pour 30 ans, en JV (70% / 30%) avec la mairie, pour un investissement de 26,5M$ payé au pro rata. La ville apporte ses 200.000 abonnements existants, et le gaz de son usine à coke. 50.000 raccordements sont attendus dès 2003 – le triple en 2005. La JV est "rentable, dès le 1er jour"!
· Voici, depuis le 7/1, Hainan, l’île méridionale, reliée au continent par chemin de fer. Faute des 2,5MM$ nécessaires au tunnel, le ferry a prévalu, pour 542M$, de Zhangjiang (Canton) à Haikou, sur les 23km du détroit de Qiongzhou.2 bâtiments se relaient, d’une taille de 164,5m et d’une capacité de 40 wagons de fret ou 18 de passagers, sous un vent de force 4.
Le but: ouvrir à des M de touristes chinois à petit budget un tourisme bon marché en cette Chine tropicale; et ancrer à la patrie cette île d’ethnies minoritaires, au passé voire au présent pas trop légal…
· Au moment où les US ont le plus besoin de la Chine pour les aider à tenir la Corée, leur administration lance 3 initiatives acides pour Pékin:
[1] une vieille affaire ressort contre Hughes, le groupe de satellites aujourd’hui filiale Boeing, accusé d’avoir fourni à la Chine dans les années ’90 des technologies sensibles.
[2] Washington prie Israël de renoncer à toutes ventes d’armes à la Chine – trop dangereuses pour Taïwan.
[3] Taibei annonce la participation d’officiers US, à sa semaine d’exercices militaires…
Curieusement, tout en démentant et protestant contre ces actions, la Chine garde une attitude composée, coopère normalement à propos de la Corée, et instruit ses média de ne pas «diaboliser les US», mais de s’en tenir à une couverture «correcte et mesurée».
Cette même Chine, en même temps, félicite Chen Shui-bian, le Président taiwanais pour son attitude ouverte lors de ses voeux de Nouvel An, et débloque 8 vols entre Shanghai et Taibei, à partir du 26/1 pour les fêtes du Chunjie.
Fort remarquée dans les ambassades, cette évolution du style fait mystère : est-ce l’influence de la nouvelle équipe politique qui se fait sentir avant même son intronisation ou la maturation du pays dans son nouveau rôle de puissance ?
La Commission d’Etat à l’Economie et au Commerce, la SETC, avertit: la croissance du PIB baissera en 2003 – et selon Morgan Stanley, elle n’atteindra pas 7% contre 8% en 2002 : après 10 ans de course échevelée, la Chine a besoin de produire moins, mieux, et reprendre son souffle. Fin de cycle, que confirment tous les paramètres !
/ matières 1ères: selon la CASS, suite à l’exploitation effrénée,toutes les réserves stratégiques ont baissé d’⅓ à ½, et ne tiendront pas 10 ans. En 2020, on importera 500Mt pétrole/an, et d’ici là, 3 MM t de fer, 600Mt de cuivre, 100Mt d’alu… Dès cet hiver, Hubei et Henan (150M hts) manquent d’électricité. En céréales en 2002, un lourd invest public n’a permis que +1%, avec une récolte de 457Mt (l’Etat en espérait 500).
/investissement public: en 2003, Pékin réduira son emprunt de 7%, réduisant ainsi les grands travaux et les primes à l’export. Le déficit budgétaire admis atteint 3,5% du PNB (seuil critique), et la dette globale, 139% du PNB.
NB : l’investissement public est moins utile que 10 ans avant : sur 143 aéroports (neufs), 127 sont en déficit.
/ Bourse : la capitalisation a baissé de 12% à 463MM$. Estimés 68M par l’Etat, les actionnaires ne seraient en fait que 10M : la bulle éclate !
/ marchés : 86% des produits sont en surcapacité, causant déflation et invendus. A +15 à 20% /an, la hausse des investissements est insoutenable.
/ salaires : Shanghai (-ville) dépasse désormais Thaïlande, Philippines, Indonésie et frise le niveau de la Malaisie.
/ Monnaie : Sous-évaluée de 15%. Ne bougera pas (les réserves/devises atteignent 280MM$), mais suite à la pression US, le Yuan s’échange à Hong Kong à 8,13/1$, contre 8,27 en Chine.
/ chômage : il toucherait 14M,et 10% de la population active urbaine et 150-200M en monde rural. Le FMI voit le chômage urbain doubler d’ici 5 ans.
/ profits: en 2001, 54% des firmes ont déclaré des faux profits, selon le ministère des finances. Et Taibei affirme que sur les 58MM$ taiwanais investis en Chine (suivis par 0,5M d’expatriés insulaires), seuls 40% sont rentables!
· Voici le temps des friandises hivernales,savourées sur les lacs gelés,dans les ruelles,sous le soleil et le vent glacé. Mais ces délices s’adaptent mal aux temps modernes. La yangrou chuan’r, brochette d’agneau à la braise est bannie depuis des ans, sacrifiée sur l’autel de la propreté de l’air -elle survit en catimini dans des kiosques munis de simulacres de hotte aspirante. Le tanghulu, brochette d’azeroles (pommes d’amour) caramélisée fait gronder le législateur, fâché des poussières sur le vernis de leur sucre candi : le camelot est supposé cacher d’un sac, l’arbre de Noël écarlate sur son porte-bagages… Dernier sur la liste des cibles à abattre : le baishu , patate douce sous la cendre, se voit reprocher par les services d’hygiène, son brasero fait d’un baril recyclé- et s’il avait contenu goudron ou pesticide?
Ce rejet de tous les mets hivernaux de rue, n’est pas un hasard. Il exprime le recul du goût du risque – et avec lui, du goût tout court : la Chine moderne refuse l’adage xiang chi re baozi, bie ba tang, «pas de pain-vapeur, sans brûlure». Enfin riche, le citadin tire un trait sur son passé trop humble- il jette ses jouets, ses saveurs d’enfance ! Enfin, cette rupture dit aussi que wu fei tu zou, « le corbeau vole et le lièvre court »: les temps changent !
18-19 jan Beijing, Foire aux emplois