Le Vent de la Chine Numéro 18
Hu Jintao quitte la Chine (26/5—5/6), pour un périple à travers Russie, France, Mongolie, Kazakhstan. Il le fait après des précautions médico-politiques extrêmes, afin de garantir à ses hôtes une délégation indemne du SRAS / SARS.
Ce 1er voyage présidentiel vise trois buts:
[1] relancer les relations avec des pays importants pour Pékin,
[2] se positionner face au Club du G8, et
[3] redorer l’image de la Chine, à son point le plus bas depuis des années, suite au SRAS.
Moscou verra la signature (probable) du projet d’oléoduc Angarsk-Daqing, 2,9MM$ et 2400km, chèrement acquis face aux japonais également demandeurs.
Avec le 1er min. Vladimir Poutine, Hu envisagera d’autres mesures de relance des échanges, que Hu croit pouvoir porter de 12MM$ (en 2002) à 20MM$. Il sera aussi forcément question de Corée du Nord, et d’Irak, les 2 pays espérant placer sa reconstruction (dans laquelle la Chine a de grandes ambitions) sous l’égide de l’ONU!
Les leaders du monde seront au tricentenaire de St Petersburg (31/5), répétition générale du Sommet G8 d’Evian (1-3/6). Hu Jintao y verra G. W. Bush en tête-à-tête, avec un lourd agenda: négocier (à deux) une stratégie pour la Corée du Nord, assurer à la Chine sa part des chantiers irakiens, et OMC : dans le bras de fer planétaire sur les taxes et subventions agricoles, US et Chine pourraient se retrouver ensemble contre l’Union Européenne.
NB : Dans ce duo entre le géant établi et l’émergent, s’entend une fausse note : la sanction US contre Norinco, le consortium militaire puni pour avoir livré des armes balistiques à l’Iran. Gros fournisseur (entre autres) de Wal-Mart aux US, Norinco perd un marché de 100M$!
A St Petersburg, Hu Jintao verra aussi le 1er Ministre nippon J. Koizumi. L’échéance est mure, et tous deux sont d’accord pour renforcer les liens. Jiang Zemin et Koizumi, notoirement, ne se comprenaient pas. Tokyo sait que ses échanges avec la Chine dépasseront sous 5 ans ceux avec les US : il faut s’attendre à une étape nouvelle, et des conséquences industrielles, financières fortes pour les deux pays.
La surprise viendra du G8 – même si Hu n’assistera qu’au sommet “off” des PVD invités. Cette participation à l’initiative de J. Chirac constitue un tournant: en 2000, la Chine de Jiang avait décliné une invitation allemande à ce G8, qualifié alors de “club de riches”. A présent, Pékin voit que le Conseil de Sécurité n’est plus l’endroit où se prennent les décisions mondiales. Joue aussi l’évolution des sensibilités : selon cet analyste chinois, “aujourd’hui la Chine n’a plus besoin de se sentir la victime humiliée par l’action des pays impérialistes du début du XX. siècle” : Pékin sait que son sort est lié à celui des pays riches!
3 semaines de « déluge » se sont déversées sur 6 provinces du Centre/Sud, causant plus de 180M$ de dégâts rien que dans celle de Canton. Comme l’an passé, ces premières inondations arrivent des mois plus tôt qu’à l’accoutumée.
Toutes les digues tinrent, sauf celle d’un village de 410 habitants près de Changsha (Hunan). A Chongqing, Yangtzé et rivière Jialing menacent, comme le Xiangjiang, Hunan qui atteignit (19/5), la cote de 39m, + 4m que le seuil critique. Provin-ce la plus touchée, le Hunan déplore 47 des 73 noyés recensés, sans compter les 29 portés disparus.
Le Guangdong a aussi souffert, avec 25 morts, la plupart à Meizhou, où les coulées de boue forcèrent l’évacuation de 406.000 habitants -1000 maisons emportées. Des glissements de terrains eurent lieu au Yunnan au sous-sol fragilisé par une longue sécheresse – qui sévit toujours à Hainan, ayant brûlé 20% des récoltes au 15/5.
Enfin, la sécheresse sévit aussi dans le Nord, malgré des poches de précipitations inhabituelles sur Pékin, remplaçant heureusement les tempêtes de sable des ans précédents : cette sécheresse paradoxale serait une des plus importantes des 50 dernières années—le Fleuve Jaune est déjà à son plus bas depuis 1953 : l’Etat annonce une perte «importante» des récoltes du Qinghai, Gansu, Ningxia, Shanxi, Shaanxi, Henan, Shandong et de la Mongolie Intérieure.
NB : Les pluies sur le Sud ont cessé -mais elles reviendront! D’autre part, l’OMS prévient : les crues risquent de donner une seconde vie au SARS, tout en réduisant les capacités de contre-attaque de l’homme!
— Yao Ming, le colossal basketteur chinois des Rockets (Houston, Texas), connaît la valeur médiatique de son image : 7M$, pour 2003, entre les royalties d’Apple, Unicom, Pepsi (et autres). On peut comprendre son agacement et ce-lui de Pepsi, découvrant un Shanghai inondé de canettes de Coca à l’effigie d’un Yao avec deux collègues en tenue de l’équipe nationale : dans ces conditions, à quoi bon négocier des droits mondiaux, pour les voir foulés dans son pays?
Coca avait joué au plus fin, en empochant pour 3 ans le sponsoring de l’équipe nationale, et avec lui le droit d’utiliser l’image de 3 joueurs (dont YaoMing), sans verser un 分 fen à ce dernier ni lui demander son avis! Perplexes, les avocats s’interrogent sur cette mauvaise cause, voulant éviter un procès où tout le monde perdrait :
Coca avec une image douteuse, Pepsi et Yao, comme plaideurs hargneux, loin de l’image de pureté et force que l’on cherchait à vendre!
NB: en 2002, les deux géants de la limonade noire se partageaient le mécénat du football : Coke commanditait l’Equipe nationale, et Pepsi la Ligue.
— En sept 2003 depuis la base de Taiyuan (Shanxi), Brésil et Chine lanceront de concert leur 2d satellite géosynchrone reliant les 2 pôles en 12 heures. Assemblé au Brésil à partir de pièces issues des 2 pays, le CBERS 2 prendra le relais de l’actuel n°1, au terme de 4 ans de mission de collecte de données météo et écologiques.
Financé aux 2/3 par Pékin, le projet de 600M$ fait partie intégrante d’un pacte de coopé spatiale signé par les 2 pays en 1988. Renouvelée en 2002, l’entente prévoit d’ici 2010 deux autres satellites à frais conjoints, dont la production sera graduellement transférée au Brésil,voire la mise en orbite depuis la base d’Alcantara, à bord d’ un porteur brésilien – si Brasilia réussit à mettre au point ce dernier cette année comme il espère.
NB: L’intérêt de cette formule, à longue échéance, est la proximité de la base à l’Equateur, réduisant les coûts en ergol-carburant. L’Agence spatiale européenne, elle aussi, a offert à la Chine une coopération avec lancement depuis sa base équatorienne de Kourou (Guyane).
Le SRAS /SARS s’en va : 22 cas seuleulement pour Chine +HK, le 22/5. Son origine serait retrouvée: dans la civette, chat sauvage, prisé à Canton pour sa chair.
La vie reprend ses droits : les embouteillages, les retours aux bureaux/usines -même si à Pékin, Matsushita a fermé 2 chaînes de montage, suite à la découverte de 5 cas. Après un mois de panne, c’est la reprise des écoles pékinoises, étalée jusqu’au 14/7. Priorité aux « grands» (qui bachotent pour l’exam du 7juin, d’entrée aux collèges et en université), et aux quartiers les plus sûrs.
Pékin prépare le retour de 600.000 migrants, vérifient leur état de santé, l’hygiène des dortoirs. Des masses de sacs à crachat sont distribués gratuitement dans les rues. L’Etat projette un nouveau centre épidémiologique d’1MM$, avant 2008 – clin d’oeil pour les JO de Pékin! L’OMS pour sa part annonce un fonds multinational du SRAS, de 200M$ (source public et privée) pour un centre de recherche et des actions de terrain.
Les groupes étrangers font leurs comptes. Les 300 membres de la Chambre de commerce européenne auraient perdu 40% de leurs profits.
Hôtels, Cies aériennes ont souffert les plus grosses pertes (2,4M$ de pertes par jour pour China Eastern). Mais cette annonce de l’OMS aidera peut-être à inverser la courbe : seuls 16 passagers ont été infectés en vol, contre 8000 cas mondiaux.
Sans délai, vient l’heure des questions. Elle vient par la presse, montée en maturité – c’est une 1ère !
Pris à partie, le gouverneur cantonais Huang Huahua a renvoyé la balle sur Pékin: « nous avions averti Pékin dès le 7/2». En direct TV, un journaliste coupa la parole à Liu Zhenhua, gouverneur du Shanxi, qui esquivait une question. Le docteur Jiang Yanyong, l’auteur des révélations ayant coûté sa place au min. de la santé Zhang Wenkang, est encensé par la presse -mais aussi, interdit de parole publique : la solidarité au sommet tiendra t’elle? C’est la question des prochains jours : les 2 solutions extrêmes – silence, et grand déballage- seraient intenables!
— Les 4 grandes banques ne reverront pas lourd des 2,4MM$ prêtés depuis 20 ans à 21 grandes entreprises d’Etat (GEE) de Shenyang, au coeur du bassin industriel ruiné du Nord-Est. Ces firmes malades ont toutes placé leurs avoirs encore sains dans des“JV”, avec la complicité de la mairie qui émit la licence.
Dès 1998, Shenyang Textile, 85M$ de dettes, échangea 118.000m2 de terrain contre 40% d’une JV avec Yintai, promoteur pékinois. Même scénario chez Shenyang Battery, qui déplaça sa production, avec le Hong kongais Guangyu, vers une JV enregistrée aux Bermudes: à la JV, les profits et privilèges fiscaux pour “étrangers”, à la maison mère, les 1.400 retraites et 24M$ de dettes!
— La Chine progresse vite dans la désalinisation. L’objection bien connue, du coût de production non rentable, est en train d’être surmontée, grâce à deux atouts : une base industrielle à bas prix, et la soif inextinguible de 300 villes parmi les plus peuplées du monde, notamment entre Shandong et Corée, solvables et aux réserves à sec. L’Institut de désalinisation de Tianjin affirme désormais maîtriser une technologie mi- importée, mi-locale, et d’avoir réduit les coûts de production au prix du marché, 5Y/t (contre 20Y/t en 1980). La production. a monté en flèche, atteignant 60.000t/j dans sa nouvelle usine de Huangdao à Qingdao (Shandong). L’Institut, pour l’instant, embouteille et commercialise directement. Un marché infini miroite, à l’intérieur (estimé à 12M$/an jusqu’à 2007), et dans des pays tel le Pakistan, qui vient de commander deux usines (1er export de ce type, depuis la Chine).
— Le coût du SRAS en avril apparaît. Suite aux achats de panique ayant vidé les rayons des supermarchés, l’index des prix à la consommation s’est envolé de 1% durant le mois, plus forte hausse depuis ’01. Certains prix ont plus monté que d’autres : ceux de santé (+9,1%), remèdes traditionnels (+5,7%), aliments (+3,2%), légumes frais (+44%). Bridé par la guerre des prix, le coût d’achat des automobiles n’augmenta pas – mais bien celui de leur entretien, avec la hausse de 14,3% des pièces et du carburant.
Par contre téléphones et outils de télécom baissèrent de 18,3%, justifiant le report sine die de la naissance de Jiuzhou Online, réseau à large bande à 25M$, en JV entre Netcom (40%), International Data et Softbank. Pour aider à tourner la page, Pékin commence à dévoiler des mesures exceptionnelles. Ainsi la CAAC avait exempté de mai à sept ses Cies aériennes (chinoises) des taxes à l’infrastructure. Au 19/5, elle baisse de 20% les taxes aéroportuaires aux transporteurs étrangers – de mai à juillet!
— D’ici 2007, le Tibet aura sa nouvelle centrale hydro-électrique—le chantier vient d’être lancé. (18/5). Quoique modeste en soi, Sa puissance de 100Mw en fait la plus importante jamais installée au Toit du monde. Estimés à 162M$, les travaux comprennent, en plus de la centrale, la construction du barrage de Zhigung, au réservoir de 225Mm3. Situé dans le district de MaizhoKunggar sur la rivière Lhasa, l’ouvrage éclairera à partir de décembre 2006 la capitale et d’autres villes du centre du Tibet. Avec la construction du chemin de fer Golmud-Lhassa, ce projet s’intègre dans le plan de développement des infrastructures,et de l’économie de la province, et de tout le grand-Ouest : moyen d’arrimer le Tibet à la nation par la prospérité.
— Empêché par l’explosion du SRAS, le gouvernement de Hu Jintao revient à peine le danger jugulé, à sa priorité : la pauvreté. En 2002, selon les chiffres officiels, 20M de citadins déshérités touchaient chacun 65$ d’aide. Mais selon Mo Rong, chercheur, 20,5 M autres citadins non aidés étaient encore plus à plaindre. A la campagne 28M des paysans parmi les 3% de ruraux les plus pauvres vivent dans l’indigence la plus complète, avec moins de 75$/an, tandis que 58M d’autres ruraux végétaient à 95$/an, au seuil officiel de la pauvreté.
Ces groupes sont la cible du nouveau Conseil d’Etat sous la direction de Wen Jiabao. A ce stade, le pouvoir est plus dissert en exposé du défi, qu’en mesures concrètes.
Sur les programmes en cours, 602M$ vont être investis dans un nouveau cadre de vie pour 5 des 7M de paysans vivant en zone inhabitable.
Par ailleurs, des projets de modernisation nécessaires, mais aujourd’hui trop risqués pour ces catégories vulnérables, sont ajournés. Telle la dissolution du Monopole public du tabac (cf VdlC n°14) : secteur en surproduction, mais dont dépendent des M de fermiers, pour la vente de leurs feuilles de l’“herbe de Nicot”!
Exclus semaine passée du Consortium de la Caspienne, CNPC et CNOOC signent d’autres contrats ailleurs dans le monde:
[1] la CNPC renforce sa JV à 50/50% dans 3 champs soudanais, pour porter leur capacité à 500.000 barils par jour d’ici 2005 (+50%). 300M$ iraient au doublement (à 90.000 barils par jour) de la raffinerie de Khartoum,et 700M$ sur un pipe-line de 750 km entre le champ de Kordofan, la raffinerie et la mer Rouge (Port Soudan). Cet investissement- malgré les risques politiques !
[2] En Australie, CNOOC rachète 5,3% du projet GNL du North West Shelf, moyennant 348M$ à verser aux 6 partenaires actuels du consortium. Une option est prise pour porter cette part à 5,8%, pour 38M$ de plus – si Canton accepte d’acheter 3,7Mt de GNL. Le n°3 chinois de l’or noir reprendra aussi 25% de la future JV- “Chine” au sein du consortium.
Négociés depuis des ans,ces projets importants n’aboutissent qu’à présent pour 2 raisons :
– CNOOC dispose des 630M$ d’investissements prévus pour le projet “Caspienne”(VdlC n°17), et de lourds projets démarrent en Asie, tel Sakhaline II, plus gros projet pétro gazier du monde, (9,6Mt GNL/an dès 2007), 10MM$ pour l’exploitation et le terminal GNL, avec Shell pour partenaire majoritaire (55%).Entre Sakhaline, Sibérie (cf édito)et Kazakhstan, si la Chine restait “out”, elle perdrait toute chance de devenir acteur du pétrole dans sa région!
– Par contre, une TVA de 13% remplaçant l’ancienne de 3%, va grever la taxe de raccordement au gazoduc Urumqi – Shanghai (1800Y /foyer). Les 1ers affectés seront les distributeurs Hong kongais, mais surtout le gazoduc, dont le prix supportera mal la concurrence d’autres énergies (électricité/charbon, gaz importé). Cette taxe contraire à la recommandation de l’AIE (cf Vdlc n°40 /VII) ne soutiendra pas l’objectif de quadrupler, à 8%, la part du gaz dans le “panier” de l’énergie chinoise d’ici 2010!
Quand la patrouille intima à Liu Zhujiang de garer son taxi sur le bas côté le 27/2 à Youlan (Jiangxi), il se sut en de mauvais draps. Pas d’erreur : peu après, il était brutalisé, menotté à un banc du commissariat, 25heures durant, sans personne pour l’entendre. Accusé de crimes vieux de 2 ans, Liu était pourtant bel et bien innocent. Le hasard s’était complu à placer le vrai coupable dans son Youlan natal, sous les mêmes nom prénom et date de naissance. Mal coordonnées, aux rouages aveugles, les polices de Xihu (lieu des crimes imputés) et de Youlan (lieu de naissance) avaient émis une fiche au sommier national, qui rendait Liu Zhujiang coupable comme l’enfer. D’ailleurs, Liu avait déjà vu le film quatre mois avant : on l’avait arrêté à Xihu, puis relâché avec excuses, après vérification.
Cette fois ci, la déveine ne le lâcha plus : pour couvrir leur négligence, les 2 commissaires, fort classiquement, déclinèrent la requête d’effacer son fichier, préférant 张冠李戴 Zhangguan Lidai, “faire porter à Li le chapeau de Zhang”. Trois mois plus tard, toujours sous le coup de sa procédure de recherche, Liu a vendu sa voiture et cherche du boulot dans une autre ville. Le vrai gangster coule des jours heureux dans le village voisin où il a déménagé par mesure de prudence- on ne se protège jamais assez!
29 mai, Kathmandu: 50naire de la 1ère ascension de l’Everest (sino-népalais) – 8848m.