Le Vent de la Chine Numéro 9

du 20 au 26 mars 2000

Editorial : ‘A-BIAN’, Président – pour Taiwan, un point de non retour

Le verdict des urnes est tombé, installant au pouvoir, avec 39% des voix, Chen Shui-bian, l’avocat de 49 ans (de l’indépendantiste DPP).

A-bian devient maître des destinées de cette île de 22M d’habitants, 19ième puissance commerciale, sans existence diplomatique.

Pour Taiwan, c’est une étape de croissance, et un cap houleux à franchir! L’île cesse de s’assimiler au parti au pouvoir depuis 1949 par Chiang Kai-chek. Tout devra être redéfini, à commencer par l’identité insulaire, qui ne pourra plus être celle de «province nationaliste».

Pékin était assez conscient des enjeux du scrutin, pour l’avoir suivi en direct ce Week-end, en session du Bureau Politique.

Pour le socialisme chinois, la chute du compagnon de lutte (rival et frère jumeau, depuis les années 1920) ne peut être que bouleversante. Sa réaction, sur le fond sera partagée entre la volonté de maintenir la pression, et celle de laisser ses chances à la nouvelle donne.

Un dialogue est offert, par Chen, avec ouverture réelle, puisque l’ex- turbulent activiste se dit prêt aux plus grandes concessions: ne parle plus de revendication d’indépendance (mais celle d’une «souveraineté autonome»), ni (pour l’instant) de référendum de sécession, et offre un dialogue immédiat au sommet, voire de renoncer formellement à un Etat taiwanais, «si le peuple l’accepte en référendum».

Seule concession hors de portée: la reddition sans condition, par la reconnaissance de l’appartenance de l’île à «une seule Chine»…

En politique intérieure, les choses sont plus claires: pas de bouleversement.

La privatisation de l’Etat KMT se poursuivra, selon les lois du marché – une fois la bourse guérie de ses fièvres. Au nouveau cabinet, Chen devrait reprendre une poignée de portefeuilles-clés, ET dans lesquels il a des «têtes»: économie, affaires étrangères, intérieur. Les autres, comme la défense, resteraient à leurs titulaires (si compétents!), qui mettront une sourdine à leur carte du KMT -voire, se rallieront!

 


A la loupe : Un syndrome inédit: l’angoisse du scrutin

Durant un mois, cet expert comptable de Kaohsiung n’est plus rentré chez lui, que tous les deux ou trois jours, le temps d’une douche, un bol de nouilles ou quelques heures de sommeil pâle, puis repartir à ses meetings et manifs.

Mardi 14 mars, il s’est effondré en sanglotant -on l’a amené au service psychiatrique de l’hôpital voisin où, après le premier sédatif, il recommençait à haranguer médecin et infirmières…

A Taibei, cette laborantine, souffre d’insomnie depuis la même période, et vit des angoisses si fortes qu’elle a abandonné provisoirement son mari, puis échoué elle aussi à l’hôpital de son quartier. Lequel en est à son 238ième patient de ce syndrome inconnu jusqu’alors.

D’autres se présentent avec des symptômes de déshydratation (quand, à force de crier ou de marcher, on en oublie de boire), d’hypertension, voire de «douleurs dans la poitrine».

Miraculeusement (où peut-être, grâce à une bonne structure de soins), aucun décès pour crise cardiaque n’est signalé, pour l’instant.

«Les angoisses», dit ce psychiatre, « se classent en deux catégories. Celles liées à la peur de l’échec pour son candidat, à l’image d’une sorte de fin du monde s’il ne gagne pas. Mais aussi, celles liées à l’incertitude du choix: pour qui voter ?»

Ils étaient, il y a une semaine, encore 20% des adultes de l’île, à se sentir dépassés par l’enjeu, écrasés par  la responsabilité historique et le trou blanc du futur.

 


Joint-venture : Les ambitions chinoises de Philips

• Pour permettre aux 10 provinces de l’Ouest d’atteindre en 2000 les 600 MMUSD d’ investissements annoncés (cf. VdlC n°08/V), malgré une baisse des investissement directs étrangers (IDE) (-12% en jan-fév., à 3,86MM USD pour l’ensemble du pays), le MOFTEC déploie de nouvelles incitations:

[1] avec un minimum de 25% de capital étranger, et dans certains secteurs (liste encore à publier), les JV jouiront de 2 ans de grâce d’impôts, suivies d’un taux max. de 15% (au lieu des 33% normaux),

[2] tandis que les Zones Industrielles régionales accéderont au statut «national» -au moment où celles de la côte, OMC aidant, perdront leurs privilèges. Tout ceci ressemblant fort à une quasi détaxe industrielle de l’Ouest.

 

• A quoi ressemblera le «deal» sino-européen dans l’OMC en matière d’assurances?

Denis Kessler, Président de la Fédération française des Sociétés d’Assurance, en visite à Pékin (8-12/3), a soulevé le coin du voile, en présentant sa «shopping list», pour laquelle il affirme que Pékin et Bruxelles «s’entendront sans peine».

Parmi ces points :

[1] une égalité complète de traitement (au niveau des licences, dont 14 sont déjà octroyées, le problème étant un groupe US, «proche de Jiang Zemin», qui en a déjà reçu deux);

[2] l’extension des «marché» des assureurs non chinois, à toutes les villes ouvertes aux étrangers;

[3] la possibilité de rachat des groupes chinois jusqu’à 25% (contre 5% actuellement).

Par ailleurs le CIRC, pour étoffer les revenus des groupes locaux, dans une perspective de préparation à l’OMC, vient de leur permettre de porter en Bourse 10% de leurs actifs combinés et non plus 5%.

 

• Avec 25000 employés dans 28 sociétés (JV et 100%) entre Chine, Macao et HK, Philips annonce ses fortes ambitions dans la région, en installant à HK son Bureau régional.

On parle aussi d’une ambitieuse négociation avec Changhong, géant de la TV Chengdu, Sichuan), pour une reprise de 40% de ses avoirs. Bruit extraordinaire, s’agissant d’un leader national, mais non à exclure (Changhong n’est pas «secteur stratégique»). La EE sichuanaise dément à ce stade!


A la loupe : Scrutin : Zhu Rongji entre en lice

Avec sa conférence de presse du 15 mars, le 1er ministre chinois Zhu Rongji a clos le Plénum comme il l’avait ouvert: par un avertissement sévère à l’électorat taiwanais.

La différence entre les deux dates, tenant à une montée en puissance : "savoir qui l’emportera ne nous regarde pas. Mais quelque soit l’élu, Taiwan ne sera jamais autorisée à choisir l’indépendance…

" L’intervention intégrait une main tendue : "à qui se réclame d’une seule Chine, nous pouvons faire des concessions… Celui allant dans l’autre voie, l’affaire ne finira pas bien".

Une allusion allait plus loin encore : "des manoeuvres ont lieu à Taiwan depuis quelques jours

(Ndlr: la chute de la Bourse de 7%, lundi 13 mars, due aux ventes des petits porteurs en prévision du changement de pouvoir; tendance que Zhu semble interpréter comme initiée par le DPP), pour faire sortir vainqueur l’homme en faveur de l’indépendance. Le résultat du scrutin sera lourd de conséquences. Ecoutez notre conseil : ne votez pas sur une impulsion, ou vous n’aurez pas d’autre chance, sauf pour regretter"…

Les choses sont donc claires, Pékin a déclaré son choix, contre m. Chen Shui-bian et le DPP! Comme pour entretenir le doute, à la question sur le risque, lors du scrutin, d’exercices militaires chinois autour de l’île, Zhu a lancé cette boutade sombre: "prenez patience -vous verrez bien -d’ici 48 heures".

La raison de cette intervention spectaculaire, à trois jours du vote, était transparente:

Chen Shui-bian était donné devançant ses adversaires, Lien Chan, le vice-Président sortant, homme du Kuo Min Tang, et James Soong, le candidat «hors parti», en faveur d’une normalisation rapide – deux hommes avec qui la Chine eût préféré discuter l’avenir!


Argent : Canton pèse un tiers de la publicité dans la presse

• En pleine émergence, les groupes privés tentant l’aventure boursière, courent le risque d’une prise de contrôle par des EE séduites par les perspectives de profit, et de ramener dans le giron public une firme profitable. Minsheng, seule banque privée en Chine, tente de s’en prémunir par le rachat d’une part de ses actifs par deux autres pri-vés déjà en bourse. Sous réserve d’accord de la BPdC, Orient et New Hope détiendront ensemble 20% de Minsheng.

 

• La Commission de développement et de planification (SDPC) vient d’annoncer qu’aucun projet nucléaire ne figurera au 10.Plan (2001-2005).

On attendait celle du projet GNP3 (à terme, 6 tranches de 1000Mw à Yangjiang, Guangdong).

Son commentaire: "le nucléaire est un complément à l’hydroélectrique et au charbon".

Toutefois, ce projet et d’autres, peuvent être repris « hors plan » -comme c’est le cas de la plupart des projets nucléaires en ce pays.

 

• Après deux ans de préparation, parrainée par la BPdC, l’Association pour le secteur bancaire en Chine est dans les langes, sous la paternité des 4 grandes banques d’Etat et de 10 petits établissements. Son objectif, à terme (le secteur précise son inaccessibilité dans l’immédiat): auto-discipliner les taux d’intérêt commerciaux, condition sine qua non du retour des instituts de crédit à la profitabilité.

Son Président est déjà nommé : Jiang Jianqing, directeur de l’ICBC. L’intégration des banques étrangères en Chine, est pour plus tard, après l’entrée à l’OMC.

 

• 1,36MMUSD : c’est le montant de la recette de publicité des 2020 titres de presse en Chine en 1999.

La répartition de la manne n’a pas été égale, et met à cru les écarts de dynamisme: les 10 meilleurs ont attiré 42% du tout. Le champion, Guangzhou Ribao, en a obtenu 9%, tandis que trois autres organes méridionaux touchaient ensemble 20% (278MUSD). Les autres bons élèves de la pub étant pékinois (Journal de la jeunesse) et shanghaiens (Xinmin Wanbao).

 


Pol : 40.000 Chinois nourrissent Belgrade

• Le silence public, jusqu’à ce jour, sur l’enquête de corruption de Xiamen (10MMUSD!) commence à peser.

Au sommet, sans attendre les conclusions des limiers de la Jilüjiancha, la Commission de vérification de la discipline du Parti, les autorités ont disculpé Jia Qinglin, le maire de Pékin.

A la mairie cependant, des services entiers contesteraient les ordres de Jia. C’est le blocage : le maire ne pouvant plus, ni «régner», ni se démettre.

 

• Le Vatican annonce (11/3) le début d’une procédure de canonisation de 120 catholiques, chinois et européens, martyrisés pendant la révolte des Boxers (1900).

Procédure qui devrait indisposer Pékin, en renforçant le prestige du Saint Siège en Chine, au profit de l’Eglise de l’ombre. A noter que les négociations Pékin-Vatican pour une normalisation se poursuivent, et que Rome s’est gardée de parler de béatification de martyrs chinois de périodes postérieures à ’49.

 

• Au faîte de sa gloire, Rebiya Kadeer était une figure éminente de la communauté musulmane du Xinjiang : femme d’affaires millionnaire, elle était à la tête du projet « Mères de 1000 Familles« , d’aide aux musulmanes, et avait participé à la Conférence mondiale des Femmes (1995, Huairou), comme conseillère du gouvernement (comme membre de la CCPPC de 1993 à 1998).

Le 10/03, elle a été condamnée à huit ans de prison pour avoir « divulgué des secrets d’Etat, menacé l’unité ethnique et porté atteinte à la sécurité nationale » : elle aurait adressé des coupures de presse à son mari, ex-prisonnier politique, en exil aux USA.

 

• La Chine insuffle un peu de vie commerciale à la Yougoslavie ruinée et isolée après la guerre du Kosovo : près de 40000 chinois se seraient installés à Belgrade et ailleurs, écoulant leurs stocks de « fangbianmian » (nouilles instantanées) et de fausses « Nike », ouvrant les portes de leurs cantines à une population manquant de tout.

Seule vague inquiétude de la police : comment contrôler ce flux de ressortissants chinois dont 4000 seulement, en situation régulière -les mesures viendront plus tard


Temps fort : Une veillée d’armes haute en couleurs

Camions sonorisés, défilés, écrans de TV géants, orchestres ambulants, pétards et chandelles romaines…

Autant le mois de campagne, sous le l’oeil de Pékin avait été timide et compassé, autant la veillée d’armes (vendredi 17 mars) a été celle du défoulement à travers l’île: pour les trois candidats, il s’agissait de convaincre les près de 20% d’indécis (cf col. droite).

Les trois états-majors en course avaient réservé d’immenses espaces au centre ville, stade, terrain de football ou Mémorial de Chiang Kai-chek, pour s’y faire applaudir, toute la nuit durant, par le gros de ses troupes -acheminées par bus spéciaux de toute la ville et des banlieues.

Recettes identiques en apparence, mais pas besoin de trop «fouiller» pour voir les différences.

Chez James Soong, transfuge du KMT, indépendant, les 150.000 militants étaient des fonctionnaires et du monde rural : anciens combattants et mairies des villages, reconnaissantes des largesses d’hier -la route, le téléphone, le collège octroyés par l’ex-gouverneur et Secrétaire Général du KMT.

Soong, le lendemain, a fait 36%.

Pour Lien Chan, devant 80000 supporters (des administrations, bénéficiaires de l’Etat KMT, ou même, mercenaires-payés), c’était la fin du règne, le dernier discours, sans y croire – Lien invoquait les noirs nuages sur l’île, en cas d’échec de sa campagne. Les urnes lui ont confirmé sa débâcle : 25% des voix

Dans son stade comble jusqu’à loin dans les rues voisines (400.000 militants), Chen Shui-bian caracolait devant la jeunesse, présentait son 1er Ministre pressenti (le prof. Lee Yuan Tseh, Prix Nobel de Chimie) tout en multipliant les propos conciliants vis-à-vis de Pékin.

Par diplomatie, mais aussi pour suivre l’opinion: seuls 1,5% de la base réclame à titre immédiat le rattachement à la Chine et 2,5% l’indépendance: les autres trouvent urgent de ne rien faire, sauf orchestrer un «réchauffement négocié», le plus long possible!

 


Petit Peuple : 11 nuits bleues pour Haikou

• Le directeur de cette école privée de Qiaotou (Zhejiang) avait concrétisé dans la vie courante de l’établissement, son message pédagogique: les frais d’inscription prohibitifs, étaient complétés par ces «classes d’élite» dont la supériorité tenait au pouvoir d’achat des parents, ainsi que par ces multiples «cours de rattrapage» à but fort lucratif.

Durant les récréations, les élèves avaient ample loisir de s’entraîner, dans le salon de jeux électroniques du directeur – ils y laissaient 20Y par jour en moyenne.

Ce que l’industrieux patron n’avait pas prévu, est que Xiao Yang et Xiao Dan, un jour, manqueraient d’argent pour assouvir leur besoin. Ni qu’ils prépareraient alors, à froid l’enlèvement d’un camarade, son rançonnement, et son assassinat pour couvrir leur acte. Le 3 décembre 1999, ils sont passés à l’acte, tuant le jeune Zhaojing de 70 coups de surin. Pour eux, l’école est finie, la vie s’achève, et la ville reste à son cauchemar.

 

• D’avril 1999 à février 2000, à Haikou (Hainan), pas un mois ne se passait, sans qu’un commissariat de quartier n’explose, victime d’une machine infernale. Au 11ième attentat, le 4 février, le coupable fut pris sur le fait et abattu à bout portant.

Surprise: il ne s’agissait ni d’un dissident, ni d’un fanatique religieux, ni d’un membre d’une triade tentant quelque chantage : mais d’un chauffeur irascible -par quatre fois, M. Yang avait été verbalisé – indûment, estimait il!

 


Rendez-vous : Salon de la radio / TV par câble

•22-24 mars Pékin : Salon Radio/TV/cable

 20-23 mars Pékin : Salon des équipements et technologies de supermarchés

 20-24 mars Pékin : Expo Industries nucléaires