Le Vent de la Chine Numéro 7

du 6 au 12 mars 2000

Editorial : ANP – un Plenum feutré, et civil

Devant 3000 élus, la 3ième session du IX. Plenum de l’Assemblée Nationale Populaire (ANP) débutait dimanche 5 à Pékin, sur fond de marasme (donc, de tensions sociales) et d’embarrassantes affaires (le Falungong qui ne désarme pas, les scandales retentissants de Xiamen, du chantier « Trois Gorges »)…

Ce RV annuel entre État et Nation, est l’occasion de nettoyage et d’autocritique, version locale de la démocratie: au jour « J-4 », Zhou Yongkang, Ministre du Sol, est limogé sans commentaire.

Deux mairies sont sous enquête pour avoir démis des journalistes ayant osé dévoiler leur corruption.

Le corps des magistrats, tant décrié, troque son uniforme kaki pour une nouvelle tenue civile.

Sun Jiazheng, Ministre de la Culture, déplore que les CD pirates, à 2,4MMUSD/an, se vendent 15 fois plus que les légaux.

Ordre moral : tandis que la censure balaie la presse, Pékin est récurée (de sa boue de ses migrant, dissidents, sectaires), quelques corrompus «taille moyenne» sont épinglés, pour l’ex., et la pub « sexuellement agressive » (sic) est bannie: tout « photo-modèle » devra être vêtu de 15cm sous le cou, à 15 cm au dessus du genou.

  

[1] En discours d’ouverture, Zhu Rongji devait fixer les objectifs:

croissance de 7%, autour d’un plan de rattrapage pour l’Ouest, en15 ans et 3 phases (grands chantiers, synergies Est-Ouest chinois, capitaux étrangers)

– lutte contre les tigres corrompus;

– aux grandes entreprises d’Etat (EE) comme à Taiwan, Zhu tenait le même langage : « le sablier se vide« !

 

[2] L’ANP va voter une loi de supervision du Conseil d’État: pour rappeler qu’elle est la seule source des lois,et pour brider les ministères « techniques », qui confondent trop souvent leurs privilèges et l’intérêt commun.

L’ANP veut même partager avec le CE la rédaction du budget et non seulement « l’approuver ».

Cette instance civile veut « chapeauter » des organes du PCC: concurrence nouvelle, historique, livrée par Li Peng, le Président de l’ANP fraîchement converti à cette foi parlementariste, par Qiao Shi son prédécesseur, par Tian Tiyun – et d’autres.

 

[3] Très en cour auprès de Jiang, pour lui avoir redonné le contrôle de sa turbulente province, Li Changchun, Secrétaire du Parti à Canton, sera t’il nommé vice 1er ministre?. La montée en puissance de l’ANP, et celle des « hommes du Président« , préludent à la succession de Jiang Zemin.

 

[4] Il ne faudrait pas s’attendre à un Plenum remuant:

si les élus de l’Est ferrailleront avec ceux de l’Ouest sur le montant du chèque au bénéfice des 11 provinces occidentales, l’ANP ne devrait pas faire de vagues, notamment sur les « affaires »: en période de restructuration administrative, les emplois des députés provinciaux sont rares et fragiles!


Joint-venture : Lafarge / Boral, n°1 du plâtre en Asie

• Comme bien d’autres multinationales depuis 1998, (Rhodia, Alcatel, GM…) Unilever complète son pôle shanghaïen par un laboratoire de R&D.

Son objectif, auquel travailleront 150 chercheurs locaux : "formuler" les produits phares de sa gamme mondiale (hygiène, alimentaire, produits de beauté, détergents), aux goûts spécifiques du consommateur chinois.

Pour le groupe anglo-hollandais, qui dépense en R&D 1MMUSD/an, c’est la 6 ieme unité de ce type dans le monde.

Il s’agit d’un investissement typique "de temps de crise": Unilever, en 1999, a perdu dans le monde, mais gagné en Asie (+23%).

D’ici 2005, 10% des 250 000 emplois du groupe disparaîtront partout au monde -mais pas en Chine.

 

• 6ième mondial du plâtre, Lafarge s’associe à l’australien Boral, en une JV (70/30%) à travers l’Asie.

Avec une capacité dès 2000 de 200M2 de plaques de plâtre, et de 150000t de composites pour des ventes de 130 MUSD, la JV sera leader des marchés chinois coréen, malais, indonésien et philippin. La synergie répondre à une situation particulière: le secteur n’attend aucune expansion significative dans le secteur, et il est, pour Lafarge, une activité « marginale ».

 

• les groupes bancaires étrangers disposant en Chine de plusieurs licences sont désormais censés effectuer un bilan comptable annuel unique. Dix neuf banques ont déjà obtempéré en désignant Shanghai comme leur "head office". Ce que cela signifie : le contrôle des banques étrangères est rapatrié, des centres régionaux de la BPdC, vers Shanghai ou Pékin.

 


A la loupe : Pétrole — branle-bas avant tempête

[1] La flambée des prix du pétrole (triplé en un an, à 30USD/baril) se fait sentir en Chine, qui a importé 38Mt en 1999, et compte en rentrer 42M en 2000. D’où une remontée des prix industriels en janvier 2000, la première après 31 mois.

Pourtant, rappelle l’Office Statistique, "ceci ne reflète aucune embellie des performances des entreprises, ni de la consommation…."

[2] Cette hausse mondiale est peu répercutée sur le marché chinois des produits raffinés (+30% en janvier): les raffineries (la CNPC) produisent à perte – épongée par leurs profits de 1999.

Si, le 27 mars, les pays de l’OPEP reconduisaient leur quota tronqué depuis un an de 2,1Mb/jour, la Chine n’aurait d’autre choix que d’imposer une hausse bien plus sévère, au détriment de sa reprise,voire de sa stabilité sociale:les signaux d’alarme résonnent, et de vieux projets ressortent, tels celui de la réserve nationale, dont personne ne veut, car "stocker", en ce pays socialiste, rime avec "accaparer" et "spéculer".

[3]La pénurie mondiale est conjoncturelle: l’OPEP,comme ses clients, a besoin de stabilité, et la ressource est abondante. Il en va autrement en Chine, avec ses bassins déclinants à l’Est (Daqing), insuffisants et inaccessibles à l’Ouest (Tarim), faute d’oléoducs. Sa production de 160Mt/an va donc baisser, alors que sa stratégie énergétique, d’ici 2050, prévoit une demande de…3 à 3,75MMt/an (!!!) en pétrole ou équivalent en GNL, sur la base d’une dépendance pétrolière de 50% contre 23% en 1999, et d’un bond  en arrière du charbon, de 75% à 35%, dans un souci écologique. Objectif audacieux, qui n’est réalisable que par l’ouverture rapide, des frontières- la fin des monopoles!

[4] C’est dans cette optique qu’il faut voir la restructurationjuste achevée, guère convaincante– des deux grands pétroliers Sinopec et CNPC.

 

Sous leurs filiales, Petrochemical, et Petrochina, l’un prépare l’entrée imminente en Bourse de New York, l’autre vient d’y déposer son offre initiale de souscription pour 7MMUSD. Ils le font pour trois raisons :

a)        Par opportunisme: dans l’espoir (incertain) d’avoir leur part de la "bonanza"spéculatrice mondiale. Quoique même les valeurs sures pétrolières, synonymes d’expertise et de saine gestion, s’effritent en Bourse face aux valeurs "émergentes" du type «start-up», (cf. col de gauche): Royal Dutch Shell, n°2 mondial a vu en 2000 ses parts s’effriter de 13%.

b)       Il leur faut cet argent et celui des banques (tel ces 1,2MMUSD prêtés par la CCB à CNPC), pour rembourser leurs dettes, pour investir dans les nouveaux gisements/ équipements (tel ce gazoduc Lunnan (Xinjiang) –Shanghai, 4200km), pour mettre à pied leurs M d’employés excédentaires, pour moderniser la vente au détail. En somme, pour occuper sur base concurrentielle tous les créneaux de leur marché, dans une perspective "OMC".

c)        Ce qu’ils ont de meilleur à vendre en Bour-se étrangère, est le partage de ce marché!


Argent : Auto, le privéé dans ses Beaux jours

• Parmi les nouveaux projets qui se présentent sur le marché automobile, liés à l’entrée chinoise à l’OMC, celui du groupe Jili (Ningbo, Zhejiang), comporte deux originalités:

[1] la mini-berline Meiri"Beaux Jours"(1,3l., 16 soupapes) qui sortira de ses chaînes en mai (investissement = 120MUSD; production prévue 100. 000/an) sera la première voiture à 100% privée.

[2] Son prix, 58000Y (7000USD), est de 30 à 40% inférieur à tout autre de cette classe.

Créé en 1980, Jili est un des grands du marché de la motocyclette (500000/an). Pour le moteur, il fait appel à Toyota-Tianjin, ce qui pourrait lui valoir des problèmes de livraison.

En effet, Toyota s’apprête à sortir son propre modèle, dans le même segment de marché – concurrence directe!

 

• Inconnus il y a 10 ans, les encombrements font aujourd’hui partie du décor, causant des MMUSD de pertes en travail non presté, retards de livraison ou arrêts maladie (troubles respiratoires).

Les Ministres de la Sécurité et de la Construction annoncent un plan: "Trafic Fluide", à travers 36 villes, bardé d’ordinateurs, de campagnes de sensibilisation, et introduisant le permis à points.

D’autre part, les Ministre des Communications et des Sciences et Techniques lancent leur propre "Transport Futé", pour fluidifier le trafic urbain et routier par divers services d’information.

NB1: deux plans partiellement redondants, par quatre ministères, comportent le risque de cafouillage et gaspillage.

NB2: inspirés par l’Occident, ces plans visent la recherche d’une discipline du trafic, et un de leurs ingrédients est une sévérité accrue de la police: contre qui l’usager est déjà «vacciné»: ainsi à Canton, depuis novembre, le plan de secteur des 100 radars de contrôle de vitesse, se vend, sous le manteau, 10Y/unité.

 

• L’épargne en banque, vient d’atteindre 725 MMUSD.

Cause de cet immobilisme : la rareté des invests "grand public" attractifs et fiables. Ceci explique l’engouement pour la 1ère tranche de Bons du Trésor (6MM USD) émise le 1.mars.

Trois formules étaient offertes à 2, 3 ou 5 ans. A la surprise générale, c’est le plus long terme qui a le plus séduit (à 3,14%) : signe que pour l’homme de la rue la reprise n’est pas pour demain.

 

• Une page est sur le point de se tourner à Shanghai: la mairie s’apprête à supprimer la distinction entre propriétés pour étrangers et pour chinois. Tout sera disponible à tout le monde, au même prix.

C’est, pour le marché, un stimulant certain, et, sous l’angle historique, c’est la deuxième mort des légations, clé de voûte du système de la ségrégation immobilière.

 


Pol : USA, la Chine souffle le blé et le froid

• A Pékin, la 2ième rencontre militaire sino-US à haut niveau (28-29/02) s’est fraîchement déroulée :

l’Amiral Dennis Blair, Commandant en Chef de la Flotte Pacifique, et le Ministre de la Défense Chi Haotian, échangent des avertissements face à l’éventualité d’une attaque chinoise sur Taiwan.

C’était prévisible, après la publication du Livre Blanc chinois au ton comminatoire (cf VdlC n°V/06).

Cependant, démentant cette rhétorique, la Chine prouve dans les actes son souci de réchauffement, en annulant son boycott de 20 ans aux imports des blés de la Côte Pacifique, vecteur d’un champignon inoffensif. 50.000t viennent d’être commandées (6MUSD), qui pourraient devenir 3Mt dès 2001 :"carotte" tendue au Congrès US, à quelques semaines de son vote pour l’attribution à la Chine du statut de Relation Commerciale Normale Permanente – étape obligatoire pour son entrée à l’OMC.

 

• Depuis le 1er Octobre 1997, la collecte du sang à titre "vénal" est interdite : aux mains de la mafia, elle fournissait des stocks contaminés de 30 à 90% à l’hépatite B – ou pire.

Ce qui ne l’empêchait pas de combler 40% des besoins des hôpitaux. Mais, le chancre n’est détruit que sur papier: 18 trafiquants viennent d’être arrêtés (28/2) dans le Shanxi, avec 3t de plasma clandestin, partiellement infecté (prélevé sur 10 à 15000 vendeurs).

 

• Par diverses mesures, le MII poursuit son action protectionniste sur le marché des télécom:.

[1] Tout financement étranger dans des JV de TV câblée est suspendue "en attendant… une nouvelle politique".

La mesure concerne moins le contenu (la censure est déjà bien en place), que l’extension du réseau, déjà 2,5 M km de câble -, et 100M d’abonnés – record mondial.

[2] Fin février 2000, Pékin différait sine die l’accord Qualcomm (US) / Unicom pour l’équipement d’un réseau national de téléphonie de pointe CDMA.

Le 29 février 2000, le MII suspend en principe le projet de réseau CDMA national d’Unicom. La raison serait l’espoir de voir homologuées au plan mondial, les normes "chinoises" TD-SCDMA.

En attendant, Nanjing Putian Telecom, doit reporter son projet de JV (12MUSD) avec un groupe HK et Toshiba, de production de téléphones CDMA. Tout ceci ayant pour effet de barrer à Unicom son accès à la bourse internationale, qui était prévu pour mai -de préserver le monopole de facto de China Telecom, 95% du marché


Temps fort : Li Kashing – fils, Hong Kong, Incorporated

Hong Kong vibre encore de ces semaines de bataille acharnée, pour HK-Telecom, dont C&W lâchait le contrôle après 129 ans.

Au départ, tout indiquait une victoire de la régie d’État singapourienne Singtel, sur PCCW, compagnie virtuelle née en mai 1999, sans moyens ni profits. C’est pourtant PCCW qui coiffe sa rivale, reprenant 37% de HKT pour 38MMUSD.

Suivant le "désir" de Li Kashing, tycoon le plus riche d’Asie continentale, très écouté à Pékin, les capitaux ont été collectés par les banques locales (HSBC…) ET chinoises, (BdC).

Richard Li, 33 ans, PDG de PCCW, se trouve être fils de Li Kashing. HK redoutait la prise de contrôle de son groupe emblématique. Pékin était du même sentiment: l’amitié sino-singapourienne ne va pas jusque là!

C’était, pour le clan Li, l’occasion de ramifier ses forces (jusqu’alors, dans l’immobilier et le génie civil). Désormais, il détient dans HK 3,6 M de lignes téléphones fixes (les 2/3), 1,4 M de mobiles (100%) et 1/2M d’abonnements Internet. Mais surtout, PCCW vaut 70MM USD, géant asiatique du multimédia à large bande.

Autres gagnants: C&W qui empoche, sur 37% des parts, une plus-value de 38%, tout en conservant 20% de l’affaire; China Telecom (qui tient 10% de HKT), et le pékinois Legend avec qui PCCW n’a pas perdu de temps pour signer un accord de partage du marché chinois.

Autre perdant: Robert Murdoch, qui soutenait Singtel et voulait devenir le roi de la TV digitale interactive en Asie. Ayant repris Star-TV en 1993 à Li Kashing, il passait pour son rival sur ce créneau. 

D’ici l’été, PCCW, dont Li-junior rêve de faire un nouveau Sony, annoncera sa stratégie- le temps de « matérialiser le concept »!


Petit Peuple : La moitié de tout homme est une femme

De surprise, le chef du service "endocrinologie" de l’hôpital n°1 de Harbin, s’en fourragea la crinière, venant d’examiner les Wang, père et fils.

Le quadragénaire et l’adolescent vivaient une mutation «irrésistible» de leur anatomie, leurs hanches se creusant, leur poitrine saillant, et leur pilosité se faisant coquine. Les analyses accusaient un taux hormonal 10% supérieur à la normale -pour leur sexe. Soumis à interrogatoire, le père susurra d’une voix flûtée le récit de leur dérive organique, qui coïncidait avec ses retrouvailles avec Chen, copain de lycée, deux ans plus tôt.

Leur croissance mammaire avait évolué de pair avec les visites de l’ami, qui, par ailleurs, n’avait cessé de poursuivre de ses assiduités sa sémillante épouse. Passé un certain stade, lassée par le désert qu’était devenu leur lit conjugal, celle-ci s’était envolée avec le Casanova du Heilongjiang…

Flairant le traquenard, le médecin testa alors le garde-manger des Wang, et bairi jiangui, tout s’éclaira ("le démon apparut au grand jour"): à chaque visite, Chen additionnait discrètement un oestrogène à la farine dont ils roulaient leurs  jiaozi (raviolis). Par ce stratagème, l’inventif amant était parvenu à ses fins : voler la femme de Wang.

Epilogue : Chen est en aveux. Les Wang en cure, voient poindre fièrement leur barbe d’antan. Sur le sort réservé à l’infidèle, la presse maintien un voile sibyllin

 


Rendez-vous : Exposition Equipement Auto

•7-10 mars, Pékin: Salon Matériel Construction

•9 mars, Pékin :        Expo Equipement Auto