Le Vent de la Chine Numéro 30

du 17 au 23 septembre 2000

Editorial : La Chine tente de maîtriser sa pieuvre

En octobre 1999, Lai Changxing, de Xiamen (Fujian) devenait l’homme le plus recherché de Chine (VDLC n°04/V) : en sept ans, son Groupe, Yuanhua, avait importé pour  à 10MM$ de GSM, de PC, de voitures et de pétrole « hors taxe ».

Parti de rien, (comme bien d’autres en ce pays), Lai avait ramifié son réseau. De Xiamen à Pékin, des pans entiers de la police, des douanes, du Parti de l’administration.

Collaboraient, jusqu’à l’Armée Populaire de Libération (APL), qui informait Lai, et dont des casernes et navires abritaient ce trafic. 500 hauts cadres sont impliqués, dont Lan Fu, l’ex-maire adjoint, rentré  » de son plein gré «  d’Australie, Cao Xinhai, ex-patron d’une Entreprise d’Etat, Ji Shengde (ex-Directeur de la Sécurité militaire), Xu Ganlu (ex-Boss national des visas) et Li Jizhou (ex-vice Ministre de la Sécurité Publique).

Mais ce nettoyage exigé par Zhu Rongji, était freiné au sommet, qui craignait une déstabilisation de la machine de pouvoir. En tête de la liste ne figurait-il pas Lin Youfang, ex-Présidente de Fujian-Imp-Exp., et surtout épouse du Secrétaire du Parti à Pékin?

Le 13/09, suite à une décision pré estivale d’évacuer ce brûlot avant le Plenum du Comité Central en octobre, le procès s’ouvrait en multiplex, dans cinq tribunaux locaux, mené tambour battant (48 h!), avec 12 accusés, portant sur 5MM$ (les preuves, pour les 5MM$ restants, ont été détruites).

Au moins un des  « ténors », Li Jizhou devrait recevoir la peine de mort, après avoir confessé le détournement de dizaines de MY. Pour ne laisser aucune ambiguïté à cette (nouvelle) guerre contre la corruption, Cheng Kejie, ex-vice Président de l’Assemblée Nationale Populaire, condamné à mort en juillet pour avoir empoché 5M$ durant ses années de gouverneur du Guangxi, était sommairement exécuté (14/09). C’est ce qu’on nomme  sha ji xiahou, « tuer le poule, pour faire peur au singe ».

NB : dans le même temps, plusieurs autres affaires sont relatées semaine passée y compris, dans le Yunnan, celle de ces deux courtiers en bourse, poursuivis pour avoir détourné 240 M$. On le voit, la gabegie est le problème n°1 du régime, et la solution jusqu’à présent retenue, la terreur ponctuelle sur des comparses, n’est pas efficace!


Joint-venture : L’industriel étranger taxé, et choyé

Envers les 10.000 compagnies étrangères le percepteur pékinois a été âpre cette année, leur ponctionnant (janvier – août) 446M$, +14%. Pour renforcer cette corne d’abondance, trois actions voyaient le jour la semaine passée :

[1] Cinda met en vente (12/09) 38 Grandes Entreprises d’Etat ruinées, de l’aluminium à l’électricité, du médicament au papier.

[2] L’étranger peut désormais contrôler (65%) des chaînes de commerces de détail (plafond de 3 magasins par grande ville).

[3] Le Ministre des industries de l’Information (MII) fait savoir que tous comptes faits, les télécoms étrangers peuvent investir dans ceux chinois, sans limitation de leur propre volume d’affaires.


A la loupe : Avant les J0 de Sydney, Pékin boit le calice!

Sydney a débuté (15/9) de manière choquante pour l’équipe chinoise, amputée d’1/10 de ses athlètes – dont presque toute l’équipe de Ma Junren, le fantasque entraîneur de demi-fond féminin. Les tests, voire la connaissance préalable de ce cas, ont convaincu Pékin de réagir – il n’y avait pas que du sang de tortue, dans la potion un peu trop magique de m.Ma!   

A Sydney, en dernière minute, les sélectionneurs chinois ont encore retiré deux haltérophiles (sur huit), dont Cui Wenhua, champion du monde, le meilleur aux qualifications trois semaines plus tôt…Cette hâte à nettoyer le sport chinois a été expliquée par le fait qu’à Sydney, le Comité Olympique International (COI) venait d’approuver un test révolutionnaire, détectant la substance dopante n°1, l’Erythropoiétine. Peut-être.

Une autre explication, non exclusive de la première, tient à la candidature de Pékin pour l’an 2008 : arriver avec une équipe "plombée", aurait compromis ses chances. A l’inverse, en lavant devant sa porte, la Chine peut clamer que d’autres pays qu’elle "savent que certains de leurs athlètes se dopent, Etats-Unis, Australie, Allemagne, Royaume Uni, France"… Ce dernier pays incriminé, étant par ailleurs étant un des concurrents (avec Paris) de Pékin pour les Jeux Olympiques 2008.

Enfin, la nouvelle image "propre", renforce les chances d’expansion internationale des jeunes firmes chinoises liés au monde du sport : tel Li Ning, le groupe de tenues et chaussures de sport (700MY de chiffre en 2000), fournisseur de l’équipe de Chine mais aussi, pour quatre ans, de l’équipe française de gymnastique, laquelle abandonne Adidas!


Argent : Le secteur privé, priorité nationale

• En 1999, le pouvoir inversait 50 ans d’histoire, en modifiant la Constitution pour mettre au pied d’égalité de droits le secteur privé et le public. En 2000, peaufinant son 10ème Plan (2001-2005), il va plus loin, classant le secteur privé priorité nationale.

Dès janvier, toute l’économie (hormis secteurs" stratégiques ") lui sera ouverte – des télécoms à l’industrie du spectacle en passant par santé, transports ou mines. Disparaîtront aussi les restrictions d’accès aux métiers financiers (banque, bourse, assurance), et les discriminations à l’emprunt.

Le privé est vécu comme seul capable de soutenir les créations d’emplois, face à la lame de fond de débauchages (depuis leur création en1999, les Structures de Défaisance, ou SDD ont brisé 200000 emplois), et la croissance à l’Ouest, autre priorité. Voire, d’enrayer la misère qui frappe (selon les derniers chiffres de la Banque Mondiale), 106M de chinois, soit 11% de la population.

• Les indices conjoncturels d’août confirment la solidité de la reprise : la production industrielle frôlait les 13% – la moyenne annuelle devrait être de 11%, et le PIB de 8%, dépassant le plan (7%).

Ce résultat est facilité en août par un gain de consommation (+9,3%) et des exports (+24,7%). Porté par la flambée des cours du pétrole, et de l’acier, l’indice des prix à la consommation remonte : + 0,2 %/ janvier – août : c’est la fin de la déflation.

En juin, le capital des quatre banques publiques atteignait 1290MM$ après la reprise par les SDD de 11% de leurs mauvaises dettes, soit 156MM$.

NB : en 1999 le pourcentage de prêts bancaires irrécupérables était évalué par certains experts à 25% – ou du double des dettes déjà éliminées.

 


Pol : Hong Kong – des élections boudées

• Le 9/08, une déflagration secouait Urumqi (Xinjiang), tuant 60 personnes et blessant 173 autres. Quatre jours plus tard, les autorités concluaient : l’explosion était accidentelle. Transportée par camion, la dynamite aurait sauté à cause des cahots.

NB1 : selon un témoin, le camion était militaire.

NB2 : l’incident coïncidait avec une visite de Zhu Rongji à Urumqi, pour y rencontrer l’ex-Secrétaire d’Etat américain au Trésor Robert Rubin.

NB3 : Bien que Pékin exclut la thèse d’un attentat (la Chine conteste, chaque fois que possible, tout acte terroriste sur son territoire), de retour d’Urumqi, Zhu appelait à l’emploi d’un "poing d’acier" contre la mouvance fondamentaliste à l’Ouest, tandis que le vice-Président Hu Jintao, à Ankara, demandait l’aide turque contre le séparatisme.

NB4 : l’Islam progresse vite dans la région. Depuis 1980, le Ningxia, (5M d’âmes) a chaque année construit 60 mosquées (il en a 3000). En 1999 il ordonnait 150 imams (+3%).

• Dans la guerre sans pitié pour l’audimat et le juteux marché de la publicité des ondes, chaînes de télévision et stations radio poursuivent depuis 10 ans leur révolution tranquille et multiplient les productions déléguées.

A la veille de l’OMC et de l’ouverture inéluctable qu’elle entraînera, le pouvoir (Département de la Propagande) resserre les vis : "production, diffusion et retransmission sont indivisibles, et sous monopole incessible". Ce qui n’empêche pas les chaînes de confier la production d’une partie de leurs programmes à des groupes "agréés". Nuance !

• Pour le cinquantenaire des relations sino-helvétiques, le Président de la Confédération, Adolph Ogi était à Pékin et Shanghai (12-15/09), en une visite "officielle mais non d’Etat" (sic).

Tout en voulant recevoir correctement un vieux partenaire, Pékin entendait exprimer une discrète insatisfaction suite à plusieurs incidents en mars, en Suisse, de type "droits de l’homme ", et suite au retard des négociations bilatérales pour l’OMC – qui reprennent (18/09) à Genève, et devraient se conclure fin du mois, au plan technique.

NB : Suisse et Mexique sont les deux derniers pays à n’avoir pas conclu, avec la Chine!

• A Hong Kong, le second scrutin législatif (11/09) depuis le retour à la Chine en 1997, n’a pas ému les foules. Seuls 43% des électeurs se sont déplacés (-10% depuis 1998). Le bilan est une surprise amère pour le Parti Démocratique (PD), en tête des suffrages depuis 15 ans, sous la houlette de l’avocat Martin Lee : à 34,7% des votes il perd 8% et un siège.

Le PD conserve la majorité élue (12 sièges) face au Democratic Alliance for Betterment (DAB), le parti pro-Pékin de la finance, qui gagne un siège, à 11. Cette situation reflète les trois années de récession sèche dont Hong Kong sort à peine, et la désillusion d’une population face à l’impuissance de son Parlement : 36 membres sur 60 au Legco ne sont pas issus des urnes.


Temps fort : La bourse de Shanghai brûle les étapes

Avec son audacieuse voilure de verre alourdie par un corset d’acier, la Bourse de Shanghai, après 10 ans d’existence, montre ce qu’ elle veut être – un melting pot de techniques importées, pour retrouver son rang d’avant 1949, comblant en quinze ans l’abyssal retard d’un demi-siècle de socialisme.

Handicaps : dans la vaste crypte silencieuse, les 300 courtiers en gilet orange, qui ont coûté chacun à leur firme 72.000$, ne servent à presque rien. Transmises par satellite depuis 3000 points de ventes, les"vraies" transactions, sont traités par ordinateur, avec effet au lendemain.

Seul 30% du capital des Entreprises d’Etat est libellé en parts, firmes encore souvent déficitaires, qui pèsent 80% du marché. Jusqu’à 10 types de valeurs sont présents à la Bourse, – la plupart, hors-commerce, y compris les parts "A" (pour chinois) et "B" (pour étrangers), à fort écart de rendements et prix.

Une autre série de freins tient aux nombreuses fraudes (cf. notre édito), et au droit de timbre de 0,5%, (1,7MM$ engrangés de janvier à mars, cinq fois plus qu’en 1999) qui entrave la croissance de cette bourse…

Résultats : malgré ces douleurs de croissance, Shanghai est championne du monde du rendement : +69% de jan à août sur les parts A, et un indice passé de 1300 à 2100. Au point que Pékin a préféré la refroidir (04/09) en démentant par State Development Planning Commission (SDPC) interposée, la rumeur qu’il avait lui-même lancée, d’une fusion d’ici 2002 des marchés "A" et "B". Shanghai gère 277 MM$ de titres, et 542MM$ avec Shenzhen, pour 1047 firmes cotées et 50M de porteurs (70% étant détenu par un petit nombre d’institutionnels).

Projets : [1] d’ici 2005, selon Wu Yalun, son vice Président, Shanghai dépassera Hong Kong en volume d’ affaires, et figurera en 2010 parmi les grands. D’ici là, il s’agit d’homogénéiser un marché morcelé, tout en suivant pas à pas le remodelage de la bourse mondiale. Concrètement, il s’agit bien de  fusionner les parts A et B, (suite Bourse…) c’est à dire rapprocher leurs niveaux de prix, préparer le cadre légal, rendre le RMB (renminbi) convertible; il faut aussi prendre les dividendes de l’OMC : en permettant l’entrée massive des assurances (aujourd’hui plafonnées à 5% en moyenne), celle des capitaux étrangers, tout en permettant la cotation de valeurs étrangères, élargissant ainsi l’éventail des produits.

[2] Un autre défi imminent, est l’entrée en bourse de 30% du capital des Entreprise d’Etat (l’Etat se contentera du rôle d’ actionnaire principal). Pékin n’est pas pressé: espérant un prix supérieur au marché réel, il est aussi conscient du risque d’effondrement des cours, en cas de déstockage subit et massif.

[3] Une autre action consiste en la sécurisation : concentration des maisons de courtage (+ ou – 300 aujourd’hui), meilleure transparence (obligation de publication d’infos des firmes, surtout les infos exceptionnelles)…

Marché secondaire : mais la décision la plus forte va consister, avant décembre, à redéfinir les rôles entre Shanghai et Shenzhen : bourse primaire pour celle-ci, secondaire pour celle là. La bourse secondaire étant le Nasdaq chinois, pour les 1,3M de firmes high tech et privées en Chine – le marché d’avenir, face au secteur public déclinant!

Shenzhen veut ce marché, mais craint de "lâcher la pastèque pour le grain de millet » – ce type de bourse, marchera t’il ? Pékin toutefois semble avoir pris sa décision, en interdisant à Shenzhen toute nouvelle cotation. Par contre, une série de règles strictes pour le secondaire, assurera les intérêts de l’acheteur, comme ceux de la bourse. Ainsi, ce marché 2daire débuterait par 50 firmes, offrant un choix à l’acheteur (le Growth Enterprise Market ou GEM, à Hong Kong a pâti d’être trop étriqué).

D’autre part, Shenzhen n’abandonnera sa bourse primaire, qu’une fois le secondaire bien établi. Enfin, Pékin dispose d’un levier puissant pour convaincre la métropole sudiste : cinq autres villes (Xi’an, Chengdu, Tianjin, Wuhan et Pékin) sont candidates à cette bourse technologique privée : trop attendre, ne ferait qu’affaiblir son dossier!

 

 


Petit Peuple : Vol au-dessus d’un nid de rapaces

• Souffrant de décennies d’oubli, de salaires ridicules et d’un système socialiste dépassé, les hôpitaux chinois n’ont ni le moral ni la confiance des gens, qui leur reprochent les heures d’attente dans les couloirs, les diagnostics peu sûrs, et la corruption obligatoire pour parvenir au "saint des saints"- la table d’opération.

A Pékin, l’hôpital n°4 a cru conjurer le destin et améliorer son image en reprenant (08/09) son nom prérévolutionnaire, d’ "Hôpital de la Bienveillance Universelle". En effet, par homophonie, son matricule pouvait se prononcer (et ses patients les plus morbides ne s’en privaient pas) comme celui d’"hôpital de la mort".

Face aux filières bancales de la santé publique, l’homme de la rue se laisse tenter par des voies parallèles. A Baotou (Mongolie) Li Hongguang, vient d’en prendre pour 11 ans pour exercice illégal de la médecine. Pour de gras honoraires, il guérissait (par des moyens interlopes) et prédisait l’avenir en même temps.

Fruit de sa pratique, 670.000Y en cash et en bijoux, furent recouvrés par la police, ainsi que 21 voitures. Son arrestation causa presque l’émeute des 70 malades qui faisaient la queue dans sa salle d’attente.

• La vente d’aigles, espèce menacée, est interdite en République Populaire de Chine. Tombé nez à nez, au "Marché aux oiseaux" (Pékin), sur un des ces rapaces – en piteux état un quidam appela le Quotidien de la Jeunesse, qui y dépêcha une équipe. Mais la puce à l’oreille, les revendeurs avaient été plus rapides : pas une plume, pas un duvet aquilin.

Par contre, s’alignait à longueur d’étals un inventaire à la Prévert, pilules, toniques, onguents de corne de rhinocéros, de pénis de tigre ou de bile de serpent, tous produits interdits à la vente, au service des amoureux en panne. Sur ce, nos enquêteurs s’en furent trouver la direction du marché, dans l’espoir – vite avorté – d’en tirer de bons " arguments " pour classer l’enquête.

Lorsqu’ils revinrent, 2 jours plus tard, toute trace des remèdes exotiques s’était volatilisée. Mais leur commando ne devait pas être en vain : sur son perchoir, oublié des braconniers, royal, trônait l’aigle!

 


Rendez-vous : Shenyang : Salon international de l’agriculture

• 19-22 septembre Pékin : Foire des Industries chimiques

• 19-22, Pékin : Salon du Traitement de l’Eau

• 19-22, Pékin : Salon du Verre

• 20-25, Shenyang : Exposition Internationale d’Agriculture

• 22-25, Pékin : Forum de l’Information et des Medias