Le Vent de la Chine Numéro 24

du 9 au 15 juillet 2000

Editorial : Les maoeuvres prudentes de la SAFE

En juin, plusieurs correspondants de presse à Pékin se sont vus offrir les services (de 1000 RMB à 5000USD) de 70 cabinets d’audit locaux – leur audit étant devenu « obligatoire avant le 10 juillet« , sous peine de clôture de leur compte en devises.

Suite aux remous, la tentative (outil potentiel de censure de la presse) fut abandonnée.

Les auditeurs se tournent aujourd’hui vers les firmes étrangères, dont la plupart attendent pour obtempérer, notification de la SAFE (Administration d’Etat des devises étrangères), autorité du contrôle des changes.

Que signifie cette démarche, alors que l’Etat tente d’alléger formalités et taxes pour relancer les investissements étrangers ?

Elle traduit deux approches contradictoires – deux tendances du pouvoir.

Une 1ère, politique, exprime l’inquiétude d’une frange de l’appareil face à l’entrée à l’OMC : voir des firmes étrangères évincer des chinoises de pans entiers de l’économie. D’où le souhait de contrôler tels groupes par leurs finances, et par le syndicat, voire la cellule du Parti (qu’on tente d’y introduire).

Plus technocratique, la 2de tendance, vise à débusquer les fausses Joint Ventures, à 100% chinoises, émanations de provinces ou de Grandes Entreprises d’Etat, qui spéculent avec leurs caisses noires de part et d’autre des frontières.

A ce niveau, le but est d’optimiser la collecte d’impôt, tout en éradiquant la base financière des contre pouvoirs claniques et mafieux, surtout à la Côte. Enfin, ce « fichage en temps réel » des mouvements des devises, permettra aussi de réagir plus vite et fort aux attaques monétaires globales comme celle d’automne 1998.

En somme, cette mesure préluderait à la flottaison du RMB, dont Zhu Rongji teste actuellement l’impact près des milieux politiques et financiers. Si Pékin amplifiait les marges de fluctuation début 2001, il pourrait compter sur une hausse du RMB, due aux 34MMUSD d’excédents commerciaux attendus en 2000. Dès à présent, discrètement, les banques tolèrent la spéculation privée sur les comptes en devises – dont les taux ont monté au 29 mai.

Par ailleurs, après une baisse en 1999 de 25% des pertes des Entreprises d’Etat (7,5 MMUSD), des experts attendent cette année le retour  du secteur à la profitabilité d’ici décembre 2000.

Sous réserve d’inventaire, ces deux progrès (monétaire, industriel), conditions sine qua non de l’entrée à l’OMC, sont à mettre à l’actif de l’homme qui en a imposé la décision : Zhu Rongji.


A la loupe : Le foot européen, jardin secret chinois

L’administration  n’y avait apporté aucun soin particulier : il s’agissait d’une affaire européenne sans rapport avec la Chine. Ce qui n’a empêché le pays, trois semaines durant, de connaître un des plus forts taux d’absentéisme depuis le "Mundial" de football en 1998 : des dizaines de millions de travailleurs passant leurs nuits à regarder les 31 matches de football de l’Euro2000.

En ville, la publicité a affiché des placards géants de soda ou autres, aux visages de footballeurs blancs, confirmant l’engouement non démenti depuis 10 ans des Chinois pour le ballon rond.

La police a eu fort à faire pour contenir la vague déferlante des paris clandestins, entre les salons de thé, les bars, voire les sulfureux salons de karaoké et de massage. Une campagne nationale a été menée de main de fer, aux rafles dignes de la prohibition yankee, avec arrestations de bookmakers et saisies, la nuit dans les fumées bleues du tabac et les relents d’alcool, de MY en liasses de billets.

Mais qui gagnerait? Bien des gens penchaient pour l’équipe yougoslave, la petite soeur d’Europe de l’Est.

Par son panache, la portugaise a emporté bien des sympathies. En finale, l’Italie était favorite (comme souvent en Chine, en matière de sport). Mais quand la France a gagné, les posters de Zidane ou de "te-lei-zi-gai" (Trézéguet, le "bourreau" de l’équipe azzurra) ont du doubler leur prix, vu la demande insatiable.

Tant la Chine reste fidèle à sa pratique, indépendante des saisons et des idéologies, de voter pour ceux qui gagnent.


Joint-venture : La bourse fait peau neuve

• La CSRC prépare le remodelage du paysage boursier : Shanghai et Shenzhen ne feront plus qu’une bourse, rassemblant à Pudong les 1000 firmes cotées.

Shenzhen en "compensation" recevra le marché secondaire des valeurs technologique, de type PME, à haute croissance, marché calqué sur le Growth Entreprise Market (GEM) hongkongais.

Convertie en compagnie, Shanghai new look sera alors cotée sur la bourse de Hong Kong.

Quelques mois plus tôt, le Hong Kong Stock Exchange (HKSE) s’était inscrit (chez lui même!), après avoir séparé son entité commerciale de sa gestion réglementaire. Ce "lifting" de la bourse chinoise ambitionne de propulser Shanghai comme place internationale.

Avant d’y parvenir, l’Etat aura dû revendre au privé une majorité des parts d’Entreprises d’Etat – surtout par le biais de fonds d’investissement style SICAV ou "Tracker fund", et fusionner les deux actuels marchés de parts A pour chinois (15,4MM USD)et parts B pour étrangers (4MMUSD).

• Titulaire de 800MUSD d’investissements entre son pôle shanghaien et ses 14 Joint Ventures, Unilever est un des groupes ayant le plus poussé son intégration chinoise, à travers la formulation et les noms de ses produits, et son encadrement très localisé.

Unilever ambitionne de devenir le 1er groupe étranger à pouvoir entrer en bourse en parts "A" – c’est à dire à s’appuyer pour son développement local sur l’épargne locale.

Ce feu vert placerait le groupe en position de force en bourse de Shanghai, disposant à priori d’une bonne image de marque après du petit épargnant, qui est également acheteur de ses produits. Toutefois, un tel feu vert, de l’avis des experts chinois, est indissociable d’un échéancier pour la fusion des marchés "A" et "B". Autrement dit, ce n’est pas pour demain.

• La visite à Pékin du Président iranien Khatami (22-27/06) a permis la signature par la NORINCO (China North Industrial Corporation), d’un contrat de construction et d’équipement complet de la ligne 4 du métro de Téhéran : 20km de métro (21 stations) + 26km d’extension d’une ligne "fer".

Le tout pour 650MUSD, assortis de 85% de crédit: un prix "amical" entre ces deux régimes aux relations privilégiées.

NB : à 20000 passagers/h, ce métro est « bas de gamme : la norme internationale est de 70.000 !

 


A la loupe : Etudiants: trois jours, pour une vie!

Les 7-9 juillet, 3,9M de lycéens ont affronté le plus dur moment de leur vie : le  dakao, concours national, qui leur ouvrait 1,3M de places en universités.

Aux lauréats, la carrière sera toute tracée, vue la vive demande en matière grise diplômée. Les autres, les deux tiers n’auront le choix qu’entre entrer en fac privée – à prix d’or et sans diplômes reconnus – ou bien rejoindre la piétaille du marché de l’emploi non qualifié.

La tension des derniers jours fut à son comble, et le thermomètre entre 30 et 40°C n’arrangea rien.

Tout Pékin, durant le dakao, vécut "sous silence" : tangos, gymnastiques et tambourins de plein air étant interdits sous peine d’amende. Les pharmacies épuisèrent leur stock de vitamines, toniques et stimulants. Les climatiseurs virent fuser leurs ventes.

A l’extérieur des centres d’examens (qui selon la règle, offraient au moins 4 ventilateurs par salle), 17 bus accueillirent chacun 90 potaches par demi-heure et leur désembuèrent le cerveau, dépolluèrent les bronches par inhalation d’oxygène (même service dans les hôpitaux, à 42Y/h), cependant que des psys réconfortaient les désespérés, à la sortie.

La nouveauté, tint au fort soutien offert par les sites internet, devenus compagnons virtuels de bachotage : Eetoday, Sohu et autres présentèrent des questions types d’examen (avec corrigés), l’inventaire des places dans telle fac, au bénéfice quotidien de milliers de « pianoteurs » nerveux.

La veille du concours, on vit les parents faire la seule chose encore en leur pouvoir : visiter, qui temple bouddhiste, qui église chrétienne (ou les deux, c’est plus sûr), pour y prier, brûler l’encens, et lire l’avenir!

NB : A Shanghai, les places, à 63.000, augmentent de 15%. A Pékin, les 270.000 places de l’an 2000, seront 480.000 en 2005. L’université, goulet d’étranglement du système, commence à recevoir les moyens de faire face à la demande !

 


Argent : Energie – l’avenir aux micro-barrages

• Conçu dès 1998 comme l’atout N°1 de la relance, le logis privé a vu monter ses ventes, de janvier à mai, de 42,5% (27Mm2), tandis que ses investissements progressaient de 21%, atteignant 14MMUSD.

Une ombre au tableau freine les ardeurs des candidats propriétaires : la qualité du produit : les plaintes pour publicité mensongère, contrats abusif, surfaces surévaluées et violation du droit de propriété, à 21200, ont augmenté de 20%.

• En attendant le terminal GNL (Gaz Naturel Liquéfié) de Huizhou (Shenzhen) et le réseau de gazoducs au sud du pays, la China National Offshore Oil Corporation (CNOOC) a trouvé une valorisation de son gisement offshore de Nanhai-Dongfang1-1, (mise en activité: septembre 2003) : la plus grande usine nationale d’engrais chimique ouvrira alors à Dongfang (Hainan), moyennant 966MUSD d’investissement dont 40% en crédits propres.

L’usine d’une capacité de 450.000t/an d’ammoniac et de 800.000t/an d’urée, disposera en outre de sa propre capacité de raffinage du gaz naturel.

• Le prochain grand projet en matière de production électrique ne sera pas issu du charbon, ni du GNL, ni du nucléaire, mais des barrages hydroélectriques petits ou moyens.

Leur potentiel est estimé à 100MKw (27% du potentiel global), répartis à travers 1500 cantons montagneux du pays.

La Chine compte déjà plus de 4300 micro-barrages, d’une capacité de 23MKw, ayant introduit la fée électricité dans un tiers des cantons, au bénéfice de 300M de paysans.

Le projet est d’équiper 800 cantons d’ici 2010, triplant le parc de mini-barrages. Il devrait permettre à une fraction des 75M de paysans non encore raccordés, de le faire. Il devrait aussi accélérer la mécanisation des semailles, de la démoustication, du hachage de la paille. D’un coût annuel de 1,6MMUSD depuis 1994, ce programme apporte une alternative à la consommation du bois, du charbon et de la paille, fauteuse de déforestation et de pollution.

 


Pol : Un TGV allemand, à Shanghai?

• Il semblait mal parti, il y a quelques mois, le Maglev, TGV à suspension magnétique de Thyssen-Krupp (cf VdlC n°12/V).

Ce qui n’a pas empêché Zhu Rongji, en Allemagne (29/06-2/07), d’emprunter le prototype, puis de signer une étude de faisabilité pour l’implantation du monorail ultrarapide (500km/h) sur 42km, entre l’aéroport et la "City" de Pudong.

Ce "coup" industriel replace l’Allemagne comme candidat plausible pour la fourniture du TGV Pékin-Shanghai (1300km) inscrit au 10ème Plan.

NB : possiblement inauguré en 2005, ce chantier coûtera 723MUSD, dont 500 offerts par le chancelier Schroeder : la Chine prend un risque limité, tout en rehaussant à coup sûr la concurrence (la baisse des prétentions financières) entre les deux autres groupes en lice (France/Allemagne, et Japon).

• Le 4/07, la 1ere crête d’inondation du Yangtsé est passée (50.000m3/s) à Wuhan (Hubei). Le front de crues, au pic attendu fin juillet, prépare son offensive sur tous les cours.

Déjà plus de 400 morts, 110000 maisons balayées et 35000 hectares de récoltes détruites.

• Le 5e Sommet de Shanghai a réuni à Dushanbe (4-5/07, Tadjikistan) les Présidents Russe, Chinois, Tadjik, Kirghize et Kazakh.

Un meeting peu axé sur l’économie (la relance en Asie Centrale n’est pas encore à l’ordre du jour).

On est resté sur des thèmes politiques : lutte contre "séparatisme", "extrémisme religieux", drogue et trafic d’armes, et "dénonciation de l’hégémonisme américaine.


Temps fort : Une semaine ‘législative’, et ‘OMC’

Le Bureau de l’Assemblée Nationale Populaire (ANP) siégeait (3-8/07) pour une 16ème session "législative", placée sous le signe de l’OMC : s’attelant à la révision, voire l’abolition de milliers de lois d’inspiration socialiste, frappées d’obsolescence par l’entrée imminente au club marchand du monde. Parmi les textes remodelés pour les conformer à la pratique globale, figurent :

brevets/droits de marque : la révision a pour but de rehausser confiance, transparence et recours contre le piratage, une des plaies du pays;

NB : bien des plaintes anti-dumping sont "inspirées", sans le dire, par le copiage (la vente du produit à bas prix, étant financée par l’économie sur la recherche, en sorte que la firme piratée est deux fois lésée),

qualité des produits ;

douanes : accusées de corruption par un élu (l’ex vice ministre de la police), elles verront à l’avenir leurs comptes annuels épluchés par l’auditeur. La loi fixe aussi un cadre de rémunération pour les  honorables informateurs.

pêcheries : il s’agit de gérer la déplétion des stocks, instituer un cadre formel des zones, périodes et quotas régionaux – le travail qu’a dû faire l’Europe bleue, quinze ans plus tôt ;

magistrature (juges/procureurs) : formation, contrôle des compétences, révocation… La marche à petit pas vers les droits civiques.

En outre, 3 lois ont été "étudiées": celle des semences agricoles, celle anti-trust (visant à renforcer la prévention de la collusion des firmes d’Etat en cartels, avec fixation abusive des prix) et celle renforçant la primauté du  putonghua (mandarin) sur les dialectes et parlers (ou caractères écrits) locaux.

NB : tout ce travail vise le renforcement voulu par le régime du système judiciaire, en l’attente de la réforme politique. Le principe étant que sans "chambre de compensation" juridique, aucune croissance économique ni stabilité sociale n’est possible.

 


Petit Peuple : L’impossible vert montagnard

• Le 28/06, à Tongzhou, le ciel lourd de midi pesait sur les potagers de la ceinture verte pékinoise.

Sur la route poussiéreuse, une "Xiali" rouge tomate s’approcha en cahotant, s’immobilisa en rase campagne. Lorsqu’elle redémarra, restait à sa place une forme en robe noire, qui rehaussait son rare cheveu blanc. Courbé sur sa houe, le paysan, d’emblée, n’y prit point garde. Quand l’orage éclata, il continua à ahaner sur sa glèbe ocre. Quand il releva les yeux, une demi-heure plus tard sous la pluie battante, la petite vieille, toujours là, s’était mise à coudre pour se donner une contenance. Dix minutes plus tard, tout le village était autour d’elle, avec parapluies, pastèques, biscuits, gobelets de thé, et mille questions, sans réponse. Elle finit par déclarer être paraplégique – ce qui expliquait son immobilité – avoir 80 ans, et pour toute famille, un fils unique.

Rien d’autre ne sortit de ses lèvres, pas même à la police, qui la confia à l’hospice local, avant de reprendre l’interrogatoire les jours suivants. Sans illusion. La mère étant d’accord avec le fils, pour exécuter le plan de son propre abandon.

• A la tête de la Cie immobilière "Eternelle Floraison" à Shiyan (Hubei), Wang Yuming avait acquis et fait raser un hectare de montagne (décembre 1999), pour bâtir sa résidence "Les Jardins de Lotus" (vue imprenable). Mais en même temps que les pentes dénudées, apparurent les faiblesses légales du projet : Bureau des Forêts, Division du Bâtiment, Administration du Plan fondirent sur Mr Wang, exigeant la reforestation immédiate. Peu contrariant, il accepta.

La mairie aurait dû se méfier de la vitesse fulgurante à laquelle l’ordre fut exécuté : quelques semaines plus tard, arbres, buissons et clairières étaient de nouveau en place. Aux environs, il y avait bien des racontars qui traînaient… L’un d’eux finit par arriver aux oreilles d’un reporter cantonais qui monta à Shiyan, découvrant le pot aux roses : le "reboisage" était un trompe-l’oeil, en béton de 5cm d’épaisseur, peint couleur forêt, agrémenté de quelques arbrisseaux artificiels.

Fou de rage d’avoir été mantianguohai, (mené en bateau), et d’avoir dû apprendre toute l’affaire par la presse, le Secrétaire du parti de Shiyan promet les plus sévères foudres judiciaires !

 


Rendez-vous : Salon de l’équipement ferroviaire

•12-18 juillet, Qingdao : Foire Internationale

•12-15, Pékin: Exposition  Internationale du E-commerce et des Réseaux Electroniques

•12-16, Pékin: Salon International du Logement Privé

•13-16, Pékin : Salon de l’équipement ferroviaire