Le Vent de la Chine Numéro 21
Avant son départ (13/06) pour Pyongang, Kim Dae-jung, le Président de Corée du Sud avait solennellement remis les pouvoirs à son 1er Ministre – signe ostentatoire de l’aventure qu’il assumait.
A son arrivée, il était accueilli par une parade militaire furieuse et impeccable autour de Kim Jong-il, son homologue qui s’avérait pour l’occasion, moins austère et menaçant que jovial et bedonnant. En route vers la ville, 600.000 citoyens, fleurs de papier en main, hurlaient leur fidélité au « cher leader« .
A la télévision, la visite de Dae-jung avait été annoncée comme « à sa demande » : l’adversaire sudiste arrivait, implorant, dans un pays uni autour de son leader et de sa Juche, le marxisme au cru local!
Ce tableau falsifié à la mode stalinienne, avec l’accord tacite de Séoul, était nécessaire pour satisfaire la fierté nationale : la condition pour donner aux damnés le courage d’un regard au delà du mur de leur enfer. Ainsi, Kim Jong-il a pu signer (14/06) un pacte en quatre points non publié, aux mesures plus symboliques que réelles, mais qui change toutes les données entre ces régimes techniquement toujours en guerre :
1. tensions : échanges de téléphones rouges entre leaders, de quasi ambassades (?), de procédures en cas de crise aiguë; libération (au 15/08, date de la libération de l’invasion nippone) d’espions des deux camps;
2. réunification : mesures symboliques, telle une équipe « réunie » aux championnats du monde de ping pong, bannière unique aux JO de Sydney;
3. familles : quelques visas des deux bords, au 15/08; NB : 7 M de vieillards sont séparés. Comme hier la RDA, Pyongyang pourrait laisser partir les siens « refaire leur vie » (à charge de la Corée du Sud);
4. économie : incitations aux firmes du sud à investir au Nord, aide spéciale, à voter au Parlement à Séoul, de 450MUSD, livraison d’urgence de 200.000t d’engrais avant les prochaines semailles.
Et la Chine, dans tout cela?
Elle « applaudit et soutient » ce qui, sans son entremise aussi discrète qu’efficace, n’aurait pas vu le jour.
Le Président Jiang Zemin, en mai, a reçu Kim Jong-il (cf VdlC n°19/V) – sa première visite étrangère en 17 ans.
De cette réconciliation historique, Pékin a plus à gagner qu’à perdre.
A court terme disparaîtra la tension, raison n°1 des Etats-Unis, pour déployer leur parapluie spatial anti-missiles TMD (Theater Missile Defense) au-dessus du Japon, de la Corée du Sud et de Taiwan.
La paix coréenne sera aussi l’occasion d’une renaissance pour le Nord-Est chinois, aujourd’hui ruiné par la restructuration des Entreprises d’Etat, où le désordre gronde, aggravé par les coupures d’eau de la sécheresse. En 1999, deux villes frontières,
Changbai (Jilin) et Kuandian (Liaoning), échangeaient avec Pyongyang pour 5,1 et 2,5 MUSD : une misère, au vu des besoins, et de l’offre potentielle! Dès à présent, un programme chinois est en route pour revigorer agriculture, petite industrie privée et commerce à toutes les frontières de l’empire, y compris celle de Corée, afin de tirer l’effet maximal de la reprise des affaires, sensible dans toute la région asiatique.
Face à ces graines qui se sèment, les risques d’une paix coréenne définitive, sont mineurs et surtout idéologiques. Pékin n’exprime plus sa crainte des années 1990, de voir une « grande » Corée puissante et arrogante, utiliser ses capitaux et la minorité coréenne de Chine pour pénétrer sauvagement l’économie de son voisin.
Par contre, la Chine exprime haut et fort son souci présent, de voir ce modèle de réunification nationale si bien réussir, que le monde lui suggère de l’adopter vis-à-vis de Taiwan. Avec l’île nationaliste, réconciliation, oui. Mais dans l’égalité, pas pour l’instant!
A la veille du lancement de son Offre Publique de Vente, Unicom rehausse de 15% sa fourchette de prix, entre 1,77 et 2,05USD la part. Dès lors, son objectif de recettes, entre les bourses de New York (21/06) et de Hong Kong (22/06) monte aussi de 15%, à 5,8MMUSD.
S’il se réalise, ce sera un nouveau record pour une firme chinoise à l’étranger : le précédent, de China Telecom (Hong Kong), avait été de 4,2MMUSD en 1997.
Cette audace de dernière minute pourrait être liée à la bonne tenue des titres de Petrochina, qui, après des débuts difficiles en avril à Hong Kong/New York, ont remonté de 30% (9/06).
NB : China Telecom (Chine) à son tour, croit le moment mur pour aller en bourse étrangère.
Shanghai Cable TV, le plus gros réseau câblé au monde (3M d’abonnés), connaît un développement fulgurant, notamment grâce à Hi-TV, filiale de DVB (équipement internet), qui fournit depuis une semaine, ainsi qu’à Shanghai Cable Network, un service pilote de "vidéo différée à la carte", Near Video On Demand (NVOD).
Déjà, 100.000 foyers sont équipés d’un terminal leur permettant de sélectionner parmi 2800 heures de programmes et 500 pages d’information quotidienne, qu’ils peuvent visionner 5mn plus tard. Moyennant 160MUSD d’investissement, Hi-TV compte connecter 500.000 abonnés d’ici deux à trois ans et raccorder les cinq provinces avoisinantes. Lancement commercial prévu pour septembre : Hi-TV attend 200 à 300MY de chiffre après 12 mois.
Afin de remédier à son sérieux problème de contrefaçon de billets de banque, la Banque Populaire de Chine a fait appel à SICPA, vieux partenaire suisse, leader mondial des encres à billets, notamment de l’encre optiquement variable (OVI).
Les nouvelles coupures de 100Y comportent un médaillon frappé dans cette encre permettant une détection immédiate (grand public) de tout faux.
Par ailleurs, une Joint venture de production de l’OVI vient d’être lancée, pour 9,5MUSD (SICPA majoritaire à 55%). Mise en route prévue en décembre 2000.
En écoutant le professeur Zeng Yi évoquer les progrès du SIDA en Chine, la 10ème Conférence de la CASS (Académie Chinoise des Sciences Sociales) blêmit et se tut : selon lui, "les chances de contrôler le fléau s’amenuisent. Nous atteignons le point critique: sauf action immédiate, l’épidémie est inévitable".
Ce franc-parler était rendu possible par une décision, un peu plus tôt, de décharger du dossier les ministères de la Sécurité, au profit du seul ministère de la Santé.
En 10 ans, malgré une aide financière et technique respectable (UNDP – United Nations Development Program, OMS – Organisation Mondiale de la Santé, Union Européenne), les séropositifs ont augmenté de 30% /an. Nombre officiel : 10.000. Réalité estimée: 600.000, issus de groupes sociaux bien plus larges que les traditionnels groupes à risques (résidents du Yunnan/Sichuan, routiers, prostituées).
D’ici 2010, l’État espère contenir le nombre des porteurs à 1,5M : Zeng Yi avance un pronostic de 10M qui placerait la Chine au 1er rang mondial. Elle n’est pas seule : l’Asie (y compris centrale et russe) perd la bataille, face à l’héroïne de Birmanie.
Le problème tient à une sous-estimation de la vitesse de diffusion, du danger, et à un sous investissement qui ont freiné l’éducation préventive, la recherche et la mise en place de mesures actives, telles les distributions de préservatifs, de seringues jetables et de méthadone, le substitut de l’héroïne.
Aujourd’hui, la désertification industrielle de régions tel le Nord-Est et le désoeuvrement de millions d’ouvriers xiagan (payés 1USD /jour pour rester chez soi), crée un nouveau foyer de diffusion de drogue et de prostitution. Zeng Yi cite le cas d’un chercheur du SIDA, congédié par une ville qui croyait plus à son image qu’en sa santé.
Idem, le 22/05 à Wuhan (Hubei), une affiche vantant la sécurité du condom a été arrachée (sur ordres municipaux) en moins d’un jour…
Décidément, l’intervention du professeur et la réaction des provinces prouvent la difficulté, en Chine comme en Asie, à s’éveiller au combat, et à mettre en sourdine les préventions morales!
En une tentative d’enterrement de la guerre des prix dans leur secteur (qui leur a déjà coûté au moins 5,4MMY), neuf producteurs de téléviseurs, dont Konka et TCL, contrôlant ensemble 70% du marché, ont annoncé un cartel (9/06) visant à relever les prix de 10 à 20%, et imposant une baisse de 10% à leur fournisseur de tubes cathodiques.
Leur démarche illustre peut-être l’inexpérience des industries chinoises en ce domaine, car ce type de monopole est prohibé par la Loi des Prix, et par un décret de 1999 spécifiant les sanctions (pouvant atteindre le quintuple du profit illégal voire la fermeture pure et simple).
NB : Changhong, l’initiateur du conflit en coupant ses prix de 10% il y a 12 mois, n’est pas membre du cartel.
La China Sugar Manufacturing Industry Association (CSMIA), lobby des producteurs sucriers a peut-être tort, mais elle se dit "heureuse": après trois ans dans le rouge, (pertes de 240 à 445MUSD/an), ses membres font des profits grâce à l’envolée du cours, à 386USD/t (+62%).
Les producteurs expliquent leur bonne fortune par la fermeture administrative de neuf usines à saccharine et la fusion de cent petites raffineries. A 80% endettés, ils réclament la fin des restructurations, spéculent sur une poursuite de la hausse des prix, et croient pouvoir rembourser leurs emprunts sur trois ans.
C’est oublier, avertit leur bureau de tutelle, la cause réelle de la montée des cours: la gelée blanche de cet hiver en province du Guangxi, premier producteur, qui a détruit 1Mt de canne à sucre, la moitié de la récolte nationale.
Propulsé par les cours mondiaux, le prix de l’essence a augmenté au 1er juin, de 25% à la pompe (2,9Y/l), mettant en difficulté les taxis – certains parlent de grève.
En effet, avec l’indexation partielle mensuelle aux cours mondiaux, d’autres hausses vont suivre : on parle de 3,5Y/l voire 3,8l. Pourtant, l’approvisionnement semble suffisant : plusieurs fois reportés, les derniers quotas d’importation pour cette année devraient atteindre 4Mt, au lieu des 5Mt attendus.
Bien symbolique compensation, Sinopec et deux banques (Banque de Chine, China Construction Bank) lance une carte électronique de paiement prépayée.
En même temps que Loral Space en novembre 1999, le constructeur aérospatial Lockheed Martin était accusé par le Congrès américain d’avoir fourni à la Chine depuis 1994, par l’intermédiaire de Asiasat (Hong Kong), des secrets-défense, lui permettant d’économiser plusieurs années de recherche technologique, et d’améliorer son lanceur Longue Marche (cf VdlC n°12/V).
En avril, le Département d’Etat avait confirmé l’accusation. Le 14/06, l’affaire s’est conclue par un arrangement hors tribunal : Lockheed doit verser 13MUSD, dont huit d’amende pour infraction à la Loi sur le contrôle des exports d’armement, et le reste en amélioration de ses procédures sécuritaires.
20M de bébés/an : telle est l’estimation de la Commission d’Etat du Planning familial.
Mais ce chiffre est battu en brèche par celui du réseau national de production de vaccins pour cette population néonatale (contre rubéole et hépatite B).
La visite d’une délégation américaine dans l’usine de Pékin a permis d’apprendre son objectif de production, correspondant aux besoins réels : 25M, soit 25% de plus.
Suivant ces données, l’ambassade révise le taux de fertilité féminine chinoise à 2,0-2,3, au lieu des 1,7-1,8 officiels. Chiffre à approcher d’une autre évaluation "officieuse" : la Chine compterait 100M d’habitants de plus que le chiffre de l’administration, à savoir 1,26MM : le recensement de novembre pourrait réserver des surprises!
En avril, le mécanisme des structures de défaisance (SDD) semblait grippé.
Créées en 1999, Cinda, Orient, Great Wall et Huarong, qui devaient « racheter » aux grandes Banques (leurs maisons mères) pour 1200MMY de dettes insolvables, n’en avaient repris qu’une mince fraction.
De lourdes ambiguïtés planaient entre SDD et banques, sur la propriété des intérêts des créances, et sur le choix des Entreprises d’Etat bénéficiaires du « coup d’éponge » : choix qui dépendait moins de la SDD ou de la santé de l’Entreprise d’Etat, que des amitiés locales. Le creux de la vague était atteint lorsque Baiwen (Henan) fermait, après reprise par Cinda de 1,94 MMY de dettes auprès de la China Construction Bank : tout le concept devenait alors suspect !
Aujourd’hui, à en croire la presse, tout serait réglé : 90% des mauvaises dettes présentées à Huarong par l’Industrial and Commercial Bank of China ont été « évaluées« , 70% des contrats sont signés, 100% le seront fin juin. Même message chez Great Wall, pour le compte de l’ABC. Huarong a déjà repris pour 50MMUSD de prêts insolvables.
Ayant achevé ces rachats (opération politique), la seconde phase, commerciale, peut débuter : récupérer l’actif.
Fin mai, Huarong a lâché un ballon d’essai à Canton, revendant à l’encan (55MY) une firme en faillite. Les SDD veulent multiplier ces enchères, et les cessions d’outils, prises de capital et consolidation de la dette, plutôt que de recourir aux faillites et saisies : l’enjeu consiste à étaler dans le temps les liquidations (d’Entreprises d’Etat et de dettes).
L’objectif de cette campagne style « méthode Coué », reste d’attirer l’étranger : « racheter une firme« , dit Huarong, « peut s’avérer moins cher pour entrer en Chine, que monter une Joint venture… Nous fournissons financement, expertise, consulting… Beaucoup de PME parmi les 70.000 sous notre contrôle, ne demandent qu’un peu d’investissement pour refleurir… Rares sont les secteurs fermés à l’étranger! » Vaste programme en perspective!
Le récent sursaut de lutte contre la traite des femmes a suscité dans la presse un monceau de reportages, apportant leur part d’enseignement équivoque.
Ainsi, en sept. 1993, sur le chemin de son usine, Yuan Yuxiu, jeune mariée (26 ans) était enlevée près de Cili (Hunan). Quelques jours plus tard, elle se retrouvait 1000 km plus au sud, à Xinan (Canton), revendue (1700Y) à un paysan de 42 ans.
Après six mois de quête opiniâtre, son époux finit par retrouver sa trace et vint la rechercher : c’est alors qu’elle lui soumit la requête insolite de défrayer son propriétaire, Zhu Junming, du prix de son achat, ainsi que de divers frais encourus pendant leur concubinage (nourriture, vêtements, note de médecin) : net à payer, 2500Y. Démuni, le mari n’en put en offrir que 1400, causant la rupture irrévocable : Yuxiu demeura avec son acquéreur. Le choix de la jeune femme (concrétisé 5 ans plus tard par un mariage en tout bien tout honneur, et par un enfant) étant motivé par la "bonne composition" de son nouveau maître, et surtout par des considérations d’ordre économiques : on vit mieux à Canton qu’au nord du Hunan.
Le 23/04 à Changping (Henan), alertée par des voisins, la police arrêta au cimetière municipal trois individus en train d’exhumer le corps d’une femme.
Au commissariat, ils s’expliquèrent : ni nécrophiles, ni en quête de bijoux ou valeurs enterrées, ces trois sans-emploi agissaient sur contrat, pour le compte d’un vieillard du village voisin. Là, les limiers rencontrèrent Lao Han, parvenu au crépuscule de son existence célibataire, dont la solitude était devenue insupportable sur le tard, et ayant pris la résolution de mieux réussir sa vie de couple dans l’au-delà… il lui fallait donc le corps d’une défunte à faire glisser à ses côtés le jour de sa propre inhumation…
Les détrousseurs de tombe s’en sont tirés avec une peine légère (15 jours de prison). L’ancêtre déçu déplore toujours la perte éternelle de sa fiancée d’un jour.
19-21 juin, Pékin : Expo Electronique Digitale
20-24, Pékin : Salon Agro-alimentaire
21-24, Shanghai : Expo Telecom
27 juin-11 juillet : Zhu Rongji en Europe (Bulgarie, Allemagne, Luxembourg, Pays-Bas, Italie, Belgique)