Le Vent de la Chine Numéro 2
L’enjeu n°1 du moment, est la reprise économique, avec les mesures pour l’assurer – telles qu’évoquées lors de la Conférence Nationale du Travail (10 janvier 2000) – qui confirment une stratégie amorcée l’an passé: favoriser les fonctionnaires au détriment des ouvriers publics.
Les 8M de ronds de cuir verront leurs salaires doubler en 3 ans – ils avaient déjà reçu 30% en 1999.
Aujourd’hui payés 100Y/mois à ne rien faire, 12M d’ouvriers seront congédiés en 2000.
Nombreuses sont les Entreprises d’Etat (EE) incapables d’acquitter leur part des retraites et assurances chômage des employés. Parmi ces firmes, 2500 mini aciéries, d’une capacité de moins de 100 000t/an, condamnées pour épargner 10Mt de production polluante et inutile. Les usines seront démontées, leurs équipements détruits. Des mesures identiques attendent le textile, la cimenterie, l’énergie (centrales de « moins de 5000Mw« )…
Depuis 1997, les provinces, responsables de ces « emplois », résistent. Cette fois, Pékin veut aller jusqu’au bout!
Signé Zhu Rongji, ce plan permet de rassembler autour du pouvoir la classe la plus sûre (les administrations), tout en relançant la consommation au bénéfice de tous.
Le risque étant, si la relance tardait à venir, de voir les ouvriers appauvris manifester leur refus de l’inégalité croissante.
Autre danger: la faiblesse du fisc, un des plus faibles au monde, avec celui de la Russie.
En 1999, ses recettes seraient de 124MMUSD (hausse de 13,4%, quasi double de celle du PNB), dont 19MM aux douanes (+78%). Mais un an plus tôt (dernier chiffre connu), elles n’atteignaient que 12,4% du PNB, contre 40% à l’Ouest, tandis que la dette, avec 203,4MMUSD, faisait 20,5% du PNB : cinq fois son niveau de 1994. Or, l’État, pour maintenir sa croissance, doit faire face à une explosion de ses dépenses: telles la recapitalisation des banques et GEE, la poursuite des grands travaux publics, la création d’une assurance chômage/ maladie (même légère) urbaine (300M d’âmes) puis rurale (900M), ou la prise en charge, après ‘2003, de 90M de « nouveaux vieux« …
Confrontée à cette « addition », le fisc ne peut prévoir qu’une croissance ralentie de ses recettes en 2000, à 8%, loin des 13,4% de 1999:
« la Chine peut éviter une crise bancaire conventionnelle « , en déduit l’expert Nicholas Lardy, mais « s’épargner une crise fiscale sera plus difficile«
Trois incidents de ces derniers jours se répondent en jeu de miroir, pour évoquer un phénomène en pleine progression: la violence:
[1] Couturière de campagne, Mme Zhang, montée à Dongguan (Canton) voir sa mère, fut accusée le 31 décembre de vol à l’étalage (d’un paquet de ginseng d’une valeur de 72Y) dans un supermarché Aijia: au couperet, les vigiles lui tranchèrent quatre doigts d’une main – ignorant ses protestations d’innocence et le fait qu’elle fût enceinte de sept mois (le magasin a transigé pour un dédommagement de 200000Y – l’agresseur est en fuite).
[2] à Ganyu (Jiangsu), pour atteindre les objectifs, les « percepteurs » rédigeaient les déclarations des villageois à leur place. Ainsi, à Fan, le revenu moyen était estimé à 2340Y/an, au lieu des 534Y de budget réel (/an) de ces indigents citoyens. Puis ils « percevaient », sans états d’âme, usant de menaces, sévices, saisies. Le 11 janvier 1999, Li Dacheng, l’instituteur famélique, en est mort, bastonné.
[3] A Taiyuan (capitale du Shanxi), c’est l’inverse: 22 huissiers de justice, venus procéder à une confiscation sur le site d’un centre de distribution de houille, furent copieusement rossés à dix contre un, par les mineurs…
Violence de faits de magasins contre clients, de petits cadres contre peuple ou vice versa… Paradigme d’une société à la croissance en panne, ses espoirs de mieux-être avec elle, et qui se replie en un fortin froid et bien connu hier : l’esprit kuhaihuozhe, « survivant dans la mer amère« , système de survie où le danger est partout et l’altruisme, nulle part.
Après les années fastes, VW Shanghai voit se profiler des temps moins amènes:
Dès novembre 19’99, alors que l’ensemble du secteur redémarrait, la JV allemande voyait baisser ses ventes : -22% (16270 Santana vendues) contre +71% (4361 Fukang) pour DCAC (Citroën, Wuhan).
La raison n°1 du recul était l’arrivée à Shanghai de GM,et la faveur désormais partagée de la mairie.
Ce lundi 17, VW perd le plus gros de ses privilèges: les plaques d’immatriculation à Shanghai seront adjugées aux enchères, indépendamment de la marque. Jusqu’à présent, elles coûtaient 20000Y pour la Santana et 4 fois plus pour les autres venues d’ailleurs.
NB: la Santana remonte, en conception, aux années ’80, et presque toutes les autres, aux années ’90 : la concurrence va se durcir.
Les temps sont loin où Bill Gates pouvait venir signer son livre en Chine, adulé des foules et reçu en chef d’État. Pékin vient de démentir du bout des lèvres la rumeur propagée dans la presse d’un abandon prochain de Windows dans les administrations, remplacé par Linux "Coeur Rouge", programme "freeware" gratuit, réadapté aux besoins chinois. On compte trois raisons à cette défaveur croissante :
[1] le prix, 245USD pour Windows 2000 contre 40USD pour Linux (correspondant à ses frais de conditionnement),
[2] le soupçon d’un "bogue" dans Windows, permettant à Microsoft de télécharger (sur internet) des données de l’utilisateur à son insu,
[3] la méfiance de cette économie de PME face à un géant, surtout étranger.
Refroidi par cette bise, le groupe de Redmont (Washington), qui s’apprêtait à intégrer à son Windows 2000 un logiciel de reconnaissance du chinois manuscrit, vient d’y renoncer – il aurait chassé du marché un produit chinois existant, dont il avait acheté la licence non exclusive en décembre 1998.
Le Conseil d’Etat vient de donner son feu vert au 1er. grand projet énergétique du siècle : un terminal portuaire de décompression de GNL importé.
Située à Huizhou (Canton), cette unité, d’un coût de 500MUSD, inclura également un gazoduc de 400km qui permettra de distribuer le gaz à travers la province. Les appels d’offre de cinq groupes sont attendus pour ce projet : BP/ Amoco, Shell (en tête?), Mobil, Total, et Enron.
L’impensable, pour ce socialisme issu des campagnes, vient d’arriver :
Après l’industrie, à son tour, l’agriculture annonce pour la 2de fois depuis 1949, un plan en baisse pour 2000.
La 1ère, avait été une erreur magistrale, durant le «Grand Bond en Avant», ayant causé 30 à 80M de morts.
De 500Mt en 1999, les céréales doivent passer à 490 en 2000.
Le coton, à 3,2Mt (recul de 19%): c’est pour la Chine l’heure du demi-tour, après avoir atteint les limites de la "soutenabilité". Des raisons urgentes ont imposé ce tournant qui lésera les intérêts d’un monde rural déjà défavorisé face aux villes: 5 ans de bonnes récoltes (stocks céréales=100Mt, stocks coton = 6Mt soit trois ans de besoins), l’ouverture dès 2001, imposée par l’OMC, à des quotas étrangers, meilleurs et moins chers.
Dès 1999, sous l’impulsion de l’omniprésent Zhu Rongji, la Chine avait baissé ses prix publics. Elle avait même, audace suprême, suggéré la fin des intouchables Offices des grains, piliers maoïstes qui coûtent, en incompétence et gabegie, 12MMUSD par an.
Pékin a une autre raison de brider la croissance agricole exponentielle: les dégâts écologiques (voir col. gauche). L’origine n°1 des terribles inondations, de l’été 1998 sur tout le pays, a été identifiée: la conquête systématique dans le grand Nord, Mongolie et surtout Heilongjiang, de M d’hectares de prairie spongieuse ("rein" du pays) et de lacs (déversoir des crues), qui furent emblavés, perdus pour leur fonction naturelle.
En 2000, la région découvre douloureusement le prix à payer pour ces "victoires" d’autrefois: au Heilongjiang, le 1er plan provincial d’occupation des sols verra le jour en juin. 106000 hectares seront bloqués en réserve naturelle, 271000 autres, en prairie. Désormais, quiconque défrichera fût-ce un m², pour planter herbages, céréales ou même arbres de scierie, sera passible de prison.
Prise de conscience tardive, pour la perte de la dernière grande prairie naturelle au monde!
Depuis son introduction en 1996, le crédit hypothécaire est devenu le premier moyen d’accès à la propriété privée en Chine, et a permis à 180.000 shanghaiens d’acheter leur logement. Ensemble, les banques ont fourni un total de 28MMUSD (selon China Securities News) en prêts immobiliers. L’acheteur doit fournir par lui-même 40% du prix, le taux d’intérêt est de 5,5%, pouvant être "bonifié" à 1% par l’employeur.
Selon l’Agence Chine Nouvelle, la surface de logement construite en 1999 s’élevait à 349M m2 (+22%), tandis que la surface vendue n’atteignait que 62,5 M m2 (+14,8%) : signe de crise.
En 1998, les 34 compagnies aériennes chinoises avaient accumulé 2,43MMY de pertes.
En 1999, selon la CAAC, leur autorité de tutelle, elles ont fait 400MY de profits.
Embellie, mais pas nécessairement signe de reprise de la demande ou de la compétitivité. Le vice-ministre Yang Yuanyuan le dit lui-même: ce bilan est à mettre au compte de mesures publiques telles l’interdiction de discount et le dégraissage des capacités excédentaires : la "vraie" montée en puissance, à travers fusions et consolidations, n’aura pas lieu avant un an.
En sept. 1999, l’annonce d’une panacée pour faire disparaître les dettes insolvables des entreprises d’Etat (EE) auprès des banques, avait fait froncer les sourcils des experts étrangers.
Calquées sur le modèle US, les structures de défaisance devaient prendre à leur compte pour 400 MMY de mauvaises dettes, en échange de parts du capital, puis de les revendre ainsi réétiquetées sur le marché chinois et étranger. La presse chinoise révèle à présent les lacunes du système : cinq mois plus tard, seules 72MMY de dettes (de 66 EE) ont été reprises. Et encore, la grande majorité de ces contrats restent invalides, faute de protocoles d’application ou de feu vert du Conseil d’État. Raison de ces retards : les faiblesses du cadre juridique, le manque d’enthousiasme des trois partenaires concernés (Conseil d’État, Structures de défaisance, EE) à jouer les apprentis sorciers.
Sous l’angle diplomatique, la Chine entame ce 21. siècle par une série très dense de missions à l’étranger, poursuite de sa stratégie de "Longue Marche" vers un rôle de puissance mondiale.
Après Qian Qichen, Li Peng et Jiang Zemin, Tang Jiaxuan, Ministre des Affaires Etrangères est la 4ème. figure de très haute rang à se rendre (lundi 10) en Afrique depuis 1997, cette fois entre Nigeria, Namibie, Mozambique, jusqu’aux îles Seychelles.
Le but de ce voyage, comme les précédents, est d’entretenir les bases d’export des groupes chinois industriels et de génie civil, et surtout, ne pas laisser la place vide à Taiwan et à sa "diplomatie du carnet de chèque".
Chi Haotian, Ministre de la Défense s’est rendu (11 janvier) au Royaume-Uni, 1ère étape avant la Russie (achat de matériel militaire), la Mongolie et surtout la Corée du Sud. Cette visite d’un chinois kaki (grande première) trahit la volonté toute fraîche de Pékin d’agir dans la résolution du conflit inter coréen.
Le projet US d’installation de "parapluie anti-missiles" sur la zone, pouvant expliquer cette prise de conscience.
Enfin, 15 policiers de la force de paix de l’ONU sont partis mercredi 12 pour Timor.
Décision qui n’a pas été facile pour Pékin, mais qui l’intègre un peu plus au club des nations, et témoigne de sa maturation en matière de relations internationales.
Les hôpitaux chinois sont périodiquement accusés depuis l’étranger, de transplantation d’organes de prisonniers exécutés.
Les ventes d’organes sont interdites par la loi de la RPC, qui dément fermement. Cette semaine, c’est un hôpital de HK qui accuse l’hôpital Sun Yatsen de Canton, d’avoir greffé une quarantaine de foies de condamnés sur autant de chinois d’Outremer, à près de 40.000USD l’opération.
NB : l’impécuniosité qui gagne en Chine, apporte à ce dossier des éléments nouveaux : acculés par des dettes des "francs-tireurs" vendent par petites annonces un de leurs reins (coût typique : 300000Y); et une pression s’exerce de plus en plus forte, du secteur de la santé, pour légaliser ce commerce qu’on ne peut réprimer.
Un des indicateurs en Chine les plus observés par l’étranger, est l’état des nappes phréatiques.
Agressées par l’homme, elles baissent rapidement en 1999: de 2,6 mètres voire 6 mètres à Pékin, (et depuis 1970, de 59m!), tandis que le Fleuve Jaune tarissait 229 jours, loin de son embouchure: crise débattue lors de la Conférence Nationale de Conservation de l’eau (11/01), alors que se fixent les objectifs du 10. Plan.
Un vieux projet babylonien est adopté, en principe : le canal d’adduction d’eau du Sud vers le Nord. Son coût se chiffrera en MMUSD, voire 10aines de MMUSD – du même ordre que le barrage des trois Gorges (24MMUSD).
Trois tracés sont en course:
[1] du bas-Yangtzé vers le Fleuve Jaune, cette route a contre elle le relief (centaines de km de pompage)
[2] depuis la Han (affluent du Yangtzé): plus facile, mais moins riche en eau.
[3] Du haut-Yangtzé, mais aussi du Mékong et de l’Irrawaddy, qui prennent leur source en Chine avant d’irriguer respectivement Laos, Birmanie, Thaïlande, Cambodge, Vietnam: solution réglant le problème du dédommagement du riverain chinois, surtout en saison sèche.
Mais au-delà des risques techniques et des coûts permanents, ce dernier tracé menacerait le bon voisinage avec toute l’Asie du Sud-Est, une des priorités de la Chine depuis 20 ans. L’embryon d’opposition écologiste en Chine, suggère dès maintenant les alternatives:
Réduire d’abord les M de cas de forts gâchis industriel et urbains, chaudières, canalisations, toilettes qui fuient, irrigation perdant 9/10ème de la ressource,
et avant tout, augmenter le prix de l’eau, toujours à son niveau "socialiste historique de 0,6 fen (centime) le m3, bien trop bas pour éveiller la conscience d’une ressource rare, précieuse, à économiser!
Mis à part les frimas exceptionnels, les chats de Pékin ont une excellente raison de ne pas sortir une patte de leur siheyuan (maison à l’ancienne): l’abondance des chasseurs de primes (à 20Y la tête), à l’affût jour et nuit pour le compte des restaurants.
Par dizaines de milliers ces derniers mois, ils finissent au pot, en compagnie d’un serpent, deux héros tragique d’un plat opéra dit Longhudou, «Lutte du Tigre et du Dragon». Prix du fricot, au détail : 88Y. Réunis en "Société Pékinoise pour l’Amour des Petites Bê-tes", les maîtres endeuillés ont tenu (mardi 12) une soirée concert TV pour sensibiliser l’opinion à leur cause.
L’orchestre a interprété : «La Valse des Petits Chiens» (Chopin), «Le Carnaval des Animaux» (Saint-Saens), mais pas (c’eût été de mauvais goût) "La Mère Michel".
Lorsque Jiang Ming, en 3ème. année de l’Institut des Langues Étrangères de Shanghai, fit la connaissance de Yina, brillante sino-américaine de 20 ans diplômée de Stanford, polyglotte, ce fut le coup de foudre. Bien sûr, elle avait quelques poils au menton, dus à son traitement de leucémique. Bien sûr elle était pauvre, ses parents lui avaient coupé les vivres parce qu’elle aimait Ming, qui donc devait l’entretenir – chambres à part, maladie oblige. Mais ils étaient heureux…
Cependant sur Yina pesait un trop lourd secret. Quelques verres, un soir seule dans un bar, l’aidèrent à s’en affranchir, causant le scandale : elle n’avait pas 20 mais 34 ans, elle n’était pas yankee mais Huren (shanghaienne), pas femme mais homme, et Stanford le connaissait moins comme polyglotte, que la police comme travesti. Bafoué, Jiang le traîne en justice, sous prétexte des 20.000Y dépensés durant leur vie commune.
23 janvier Pékin, Shanghai, HK: mission MEDEF (ex-CNPF), Président Ernest-Antoine Seillère, et 25 grands "patrons";
20-24 Pékin: Salon de la Restauration 2000