Le Vent de la Chine Numéro 17

du 21 au 27 mai 2000

Editorial : OMC: accord avec l’Europe – très bon pour la Chine

Signer un accord avec l’Union Européenne, la semaine passée, était crucial pour Pékin, sous peine d’accroître le risque que le Congrès US,à partir du 22/5, ne rejette le deal conclu avec Pékin en novembre 1999. Aussi l’accord OMC du vendredi 19/05 est-il un grand succès pour la Chine, ainsi que pour Zhu Rongji – qui en bien besoin!

Présenté par le commissaire responsable Pascal Lamy, l’accord révèle que par rapport à ses exigences de départ, l’Europe a reculé, et la Chine a tenu ferme sur les trois «rocs» qu’elle avait posés dans son marché. La griffe nationale (la propriété publique à 51%, héritage maoïste contradictoire du libéralisme), reste fermement plantée sur la téléphonie mobile, l’assurance et l’auto, secteurs promis à un grand avenir. «La Chine n’était pas prête!», dit Lamy, «plutôt que bloquer l’entrée chinoise à Genève, nous avons préféré chercher des compensations».

Ces compensations apparaissent innombrables, supposées améliorer à court terme, la vie des professionnels et l’accès « réel » au marché. Mais leur portée, souvent, n’apparaît pas, faute de précisions. Ainsi, en distribution ( une des trois concessions, faites à Lamy par Zhu pour arracher l’accord, les deux autres portant sur les télécoms et les assurances), le plafond de 20000m² pour grandes surfaces est «relevé» (à quelle nouvelle surface?) ainsi que le nombre des opérateurs étrangers autorisés, et disparaissent «presque toutes les obligations de JV» (??).

En télécoms, après 3 ans, l’étranger pourra acheter des capacités (en Chine, et en dehors), puis les revendre avec services ajoutés (internet, start ups etc.). Les Compagnies étrangères de téléphonie mobile pourront posséder après trois ans leurs 49% d’une Joint Venture en Chine. En assurances, l’Union Européenne obtient sept licences (vie et non-vie), « le contrôle effectif » par l’étranger de ses Joint Venture d’assurance vie, et le droit d’installation des courtiers.

En automobile, les provinces auront plus de latitude pour approuver leurs Joint Venture, les firmes, pour choisir leurs modèles, et les usines moteurs ne sont plus obligatoirement Joint Venture…Plusieurs monopoles seront abolis.

La Chine s’engage aussi à renoncer à ses subventions à l’export (raison n°1 du « boom » de ce printemps), à des pratiques discriminatoires comme l’obligation de réexport d’un pourcentage des productions des Joint ventures étrangères, ou la localisation des pièces détachées.

Une forêt d’autres dispositions (non décrites) couvrent marchés publics, banques, avocats, études de marché, architecture et construction, tourisme, et l’égalité de traitement pour la pharmacie, la chimie, le SAV, les études de marché, voire les tabacs et alcools.

Sans parler, last but not least, de ces droits de douane réduits à 8 à 10%, permettant d’émietter l’ouverture entre 150 produits traditionnels ou spécifiques des 15 pays de l’UE, du vin aux olives, du cognac (ou du gin) aux spaghettis, en passant par textiles, vêtement, chaussure, cuirs et cosmétiques, mais aussi machines…

En somme, les Européens ont eu des centaines d’aménagement, allant au delà des concessions obtenues en novembre par l’équipe yankee. A en croire M. Lamy, des « 20% »d’amélioration au deal sino-US que réclamait par Bruxelles, 17% auraient été obtenus.

La beauté particulière de cet accord, serait d’être viable auprès d’une Chine volontaire pour rejoindre le club des nations, et qu’il eût été dangereux de décourager. On sent ici la volonté politique non de la Commission, mais du Conseil des Ministres européens.

Quant aux pans d’économie d’État que la Chine n’a pas voulu ouvrir aujourd’hui, «on y reviendra», promet le Commissaire, «dans 3,5 ou 10 ans »! Dont acte – mais au 1er soir, rappelons-le, si le tableau des victoires chinoises est clair, celui des européennes l’est moins.

 


Joint-venture : TAECO – après l’automne, le printemps

• Les choses n’allaient pas bien en novembre, pour Taeco, Joint venture de maintenance d’avions de ligne à Xiamen (Fujian) : deux tiers du personnel s’étaient mis en grève du zèle, suite à la réduction annoncée du paiement des heures supplémentaires de 16%, et aux menaces de mise à pied.

En cette année "noire", les transporteurs aériens différaient l’entretien des appareils. De plus, les douanes prélevaient – illégalement- 10% sur les pièces importées. Aujourd’hui tout va mieux : les douanes de Xiamen sont "assainies" suite à l’exposition d’un scandale en MMUSD, touchant toute la mairie. Avec les prix imposés, les transporteurs regagnent de l’argent, et envoient leurs avions au garage, permettant à Taeco de construire un troisième hangar pour 55MUSD, tout en recrutant 1000 employés de plus (à 5000Y/ mois de salaire).

Dès 2002 sa capacité d’accueil passera à 9 Boeing ou (cette année) Airbus.

• Après 2 ans d’intenses préparatifs, Cyberport, le projet fétiche de Hong Kong, reçoit son feu vert.

D’un coût de 2MMUSD, ce parc industriel de 26ha installé dans l’île-même, veut devenir leader asiatique des technologies de l’information, et rassemblera 100 compagnies de soft- et hardware, y compris centre de Recherche & Développement et résidences. Par rapport au projet analogue en cours de développement en Chine (cf VdlC n°V/16), et même à la toute puissante Silicon Valley (Californie, Etats-Unis) Hong Kong pense offrir un "plus" en combinant son savoir-faire, son indépendance et des loyers subventionnés. Déjà IBM, Microsoft et Yahoo sont sur les rangs, en dépit des deux handicaps du projet : il n’y a pas eu d’appel d’offre, lequel a été confié à Pacific Century Cyberworks, le groupe de Richard Li, (fils de Li Kashing, tout juste désigné par un magazine hongkongais "l’homme le plus puissant d’Asie») – dont les preuves restent à faire.

• Wuhan, ville "française"? Le poumon industriel de l’intérieur chinois concentre 1,5MM USD d’investissements français, soit 25% du total national, et 13% des capitaux étrangers en ville.

Avec Dongfeng, n°2 national du camion, Citroën en a fait un "hub"de l’automobile chinoise en y installant leur Joint Venture Dongfeng Citroën Automobile Corporation, entraînant dans leur sillage cinq équipementiers, parmi lesquels Valeo et Sacred, puis Renault. Ont suivi 15 firmes prêtes à relever le défi d’aller à l’Ouest. Coopération complétée sur le plan universitaire, par des programmes de recherche dans 30 villes différentes.

 


A la loupe : Industries : la diète porte ses fruits

La Chine en mai donne tous les indices d’une reprise économique, sauf un : les prix à la consommation et au détail (-1% sur 12 mois). Coupables, les vivres (légumes, viande), en surproduction. Ce mauvais score (qui condamne à court terme les espoirs de fin aux trois ans de déflation) n’inquiète pas les économistes: les prix se remettront, grâce aux hausses du pétrole (+8% en mai, suivant le cours mondial), de l’acier, et à la semaine de congés du 1er mai, témoins d’une crise d’achats frénétiques

A cela près, dans les usines,c’est le printemps. Les exports (janvier-avril) ont monté de 39%, pour une valeur de 72MMUSD (excédent =60M, en dépit d’imports de +38,6%.). En avril, l’embellie s’est intensifiée: exports de +54% sur 12 mois, imports + 46%. Exports électroniques de +42%, électroménager, +52%. La production de GSM, de PC, fax, etc., décolle (+50 à 120% en avril), sans parvenir à suivre la demande : la production industrielle augmente en avril de 11,4%, à 23,2MMUSD.

Ce que cela signifie : déstockage, et un coup de fouet aux chaînes de montage, estimé à +3,2%.

La reprise n’est pas due qu’à l’étranger : les industries lourdes ont progressé de 12,1% (13,8MM USD) en avril (fruit des chantiers publics), et les ventes intérieures de téléphones mobiles, de 81%.

Selon l’institut CLSA, le bon climat doit aussi beaucoup à la restructuration des Entreprise d’Etat, qui montre ses premiers effets : fusions, désendettement, passage de l’ancienneté à la méritocratie, renforcée par une comptabilité plus stricte et des conditions plus exigeantes de passage en Bourse.

Exemple de cette success story: Zhongguancun, village high-tech pékinois, comporte 6600 firmes dont 1000 étrangères ( une nouvelle chaque 2 jours). Son chiffre escompté en 2000, est de 10,4 MMUSD (+20%). Zhongguancun est à l’origine du passage de la Chine au 1er rang des producteurs de PC en Asie (hors Japon) au premier trimestre, avec 1,37 M d’appareils vendus, soit 32,4% de la région.

Legend (Zhongguancun) est n°2 asiatique, derrière le coréen Samsung.

 


Argent : Seconde vie pour UNICOM

• A l’aube de leur entrée à l’OMC, les télécoms chinois bougent en tous sens, sous le double objectif des autorités de créer un cadre légal cohérent et des groupes publics concurrentiels. La loi des télécoms (à voter avant décembre) apparaît en filigrane dans la plaquette d’Unicom pour son entrée (16/6) en bourse de New York (Nasdaq) et Hong Kong (GEM).

La loi, prévoit dérégulation des tarifs et standardisation des licences, interconnections, investissements étrangers etc. Très attendu en Bourse, le n°2 du secteur espère, contre 25% de son capital, 4 à 5MM  USD qui lui permettront de déployer

1. son réseau GSM par carte prépayée (150.000 usagers à Shanghai, capacité de 300.000, bientôt doublée avec l’aide de Siemens),

2. son réseau CDMA qui obtient enfin son feu vert national,

3. son marché bipeur (leader, grâce à sa nouvelle filiale Guoxing), et

4. son réseau à fibre optique de transfert de données.

Coût estimé des investissements sur 3 ans : 12,5MMUSD. D’ici décembre, ses usagers, en téléphonie mobile, devraient quadrupler à 18,6M. Par ailleurs, China Netcom, dernier né des télécoms, annonce une stratégie identique : entrée boursière pour mai 2001, programme d’investissements de 2,5MM USD, sur 5 ans.

• Depuis plusieurs années, le régime cherche à "débroussailler" le secteur de la presse et du livre, pour des raisons idéologiques et commerciales : le foisonnement de petits groupes, depuis 10 ans, fait une insolente concurrence aux gros. Cet effort reçoit aujourd’hui une incitation nouvelle : l’OMC.

L’administration de tutelle est en train d’"identifier" les groupes de presse et d’édition "viables", et les fusions potentielles en groupes multimédias, sur des territoires dépassant tel média ou telle province.

Au menu, 566 éditeurs, 8187 périodiques, 2038 journaux, 292 Compagnies audio/vidéo. Le secteur, en 1999, vendait 31,8MM quotidiens, 7,3MM livres et 180M CD et cassettes, pour un profit de 640M USD, soit + 14,5% : score améliorable, pour une population de 20% de la planète.

• La Banque Populaire de Chine complète sa panoplie d’instruments d’épargne pour petits porteurs : le "Plan Enseignement" (secondaire et universitaire) à un, trois ou six ans est doté de taux d’intérêts préférentiels, nets d’impôts. Mais non, comme souvent en Europe, d’un prêt consécutif, en proportion du capital constitué.

 


Pol : Nankin, procès d’un meurtre controversé

• le 18/5 s’est ouvert le procès à Nankin (Jiangsu), des quatre migrants en aveu du meurtre, le 2 avril, de Jürgen Pfrang

2 de Yaxing-Benz, la JV de 90MUSD, assemblant des bus à Yangzhou), et de sa famille.

Ouvert à la presse étrangère (c’est rare), le procès accrédite la thèse d’un cambriolage ayant mal tourné. Une autre version cependant, émane des milieux proches des victimes : J. Pfrang aurait préparé la dénonciation d’une fraude dans sa Joint Venture."Preuve" invoquée : l’ordinateur de M. Pfrang est arrivé en RFA, disque dur effacé… La famille réclame 1MY de réparation.

• Le VdlC a retenu, parmi les villes de province, deux initiatives originales visant à améliorer l’économie locale.

A Fuqing, (Fujian), la première consiste à reconnaître depuis le 1er mars un début de statut aux innombrables pensionnaires des "maisons des fleurs", en leur imposant une taxe individuelle de 200Y/ mois par demoiselle. Moyennant quoi, la ville s’engage à surseoir aux descentes de police. Toutefois, cette mesure, tentée précédemment ailleurs en Chine, avait été vite révoquée par Pékin, comme incompatible avec sa guerre permanente au vice.

Par ailleurs, à Dujun (Guizhou), la police a fait aux investisseurs cette extraordinaire promesse : leur rembourser tout vol ou cambriolage. Le succès a été immédiat. Non que la police parvienne à mettre à l’ombre tous les monte en l’air, mais le boom des investissements (+ 57%) laisse la mairie largement bénéficiaire, une fois ses remboursements effectués.


Temps fort : Industries : Jiang en croisade, à contre courant

A peine retourné du Moyen-Orient, le Président Jiang a passé 8 jours entre Jiangsu, Zhejiang et Shanghai – son fief – s’y retremper à un moment crucial. Pas vraiment par hasard, la métropole du Yangtzé, au même moment, soutient pour lui l’idée d’un 3ème mandat (2002/ 2007), pour éviter, dit on, une "effective" politique de reports des subsides vers l’Ouest, contraire aux intérêts shanghaïens.

Cette mission a un thème fil rouge de la carrière de Jiang Zemin comme Président ET Premier Secrétaire : le Parti. Il faut enrayer sa ruine, le faire gagner en "compétence" (=intégrité), en loyauté, le renforcer dans les Entreprises d’Etat, l’introduire dans les firmes privées. Depuis 1995, Jiang avait déjà alloué des crédits massifs pour la renaissance de 10aines de milliers de cellules dans les villages.

La repolitisation du privé entraînerait un recul des pouvoirs du patron-propriétaire, et de la compétitivité dans l’OMC. Croisade obsolète, nécessaire pour assurer une victoire du Président, face à sa seconde guerre de succession : la sienne propre, après celle de Deng, qu’il avait remportée haut la main!

C’est à cette lumière qu’il faut lire les candidatures de Pékin et Shanghai, aux JO de 2008 et à l’Exposition mondiale de 2010 : afin de renforcer sa popularité, on fait feu de tous bois pour rehausser l’image du pays dans le monde.

En dessous de lui,

1. deux hommes en lutte de moins en moins latente : Hu Jintao, vice Président, et Zeng Qinghong, patron de l’administration centrale, qui sont l’ancien et le nouveau favoris du maître du pays;

2. un allié fidèle et éteint : Zhu Rongji, qui prétend "préparer sa retraite", en 2003 comme professeur à l’université Qinghua.

3. En retrait, un homme ose dauber les "finasseries idéologiques" du moment : Li Ruihuan, Président de la Conférence Consultative Politique de la Chine Populaire.

En somme, la vie politique, au sommet, peut se résumer en deux traits de pinceau, et une ombre: une succession à "ficeler", des rivalités d’appareil, et pas d’opposition, mais…

 


Petit Peuple : Un club de football trompe la misère

• Le vol 3503 Canton-Shanghai, ce dimanche 14 mai, était prêt à partir. Les hôtesses procédaient à leur immuable rituel sécuritaire, quand elles furent interrompues par les cris d’un passager fort pâle, râlant "j’ai une crise cardiaque".

A l’infirmerie de l’aéroport, cependant, après évacuation sur une civière (causant au vol furibond une bonne heure de retard), le médecin de service ne décela aucune anomalie à l’écoute de son stéthoscope. Alors, Zhang, le patient, craqua : amoureux éconduit, il avait résolu (à défaut de s’y envoyer) de mourir en l’air, et absorbé un plein tubes de barbituriques avant l’embarquement. Une fois dans la carlingue, promesse onirique de nouveau départ, sa morosité l’avait quitté, faisant place à la peur de perdre la face : plutôt que de s’avouer suicidaire, il avait simulé l’infarctus du myocarde. Après un solide lavage d’estomac, il est ressorti libre – le code pénal chinois n’avait pas prévu le cas.

• "Faites comme l’étranger !" disait Deng Xiaoping : le FC Liaoning, qui resta 10 ans en tête de la ligue nationale, veut suivre le Manchester United – aller en bourse! Argument choc : il fait des profits. 3MY en 1999. Les fonds engrangés devraient aller dans un complexe d’1MMY dans Shenyang leur ville, avec stade, hôtel et galerie marchande. Cao Guojun, le Président voit déjà les maillots, pubs TV et boutiques franchisées au nom de son équipe… Cette rage de réussir, a pour cadre Fuxun, friche industrielle en ruine dont le seul atout, à part le FC Liaoning, est un musée Leifeng, héros maoïste oublié. Il faut souhaiter à cette équipe autant d’imagination sur le tapis du stade que sur  celui de la bourse, et plus de succès: après avoir perdu en finale l’an passé, le club est 13ème  sur 14 – relégable!

 

 


Rendez-vous : Exposition Petro Chemical

•23-26 mai, Pékin : Exposition Petro/Chemical

•24-27, Pékin : Salon Traitement de l’Eau

•27, Shanghai : Séminaire Professions Juridiques

•28-1 juin, Fuzhou : Foire Internationale