Le Vent de la Chine Numéro 12

du 9 au 15 avril 2000

Editorial : Qingming, la fête des morts omniprésents!

Une des trouvailles les plus inspirées de la culture chinoise, est d’avoir placé la Qingming, fête "de la pure clarté», celle des morts, à l’aube du printemps (4/4), dans l’explosion éphémère, blanche et rose des prunus et cerisiers sur les monts entourant Pékin, tels  Dachang ou  Miaofeng.

Manière d’affirmer le continuum du cycle mortel et vital, yin et yang, et le dualisme de cette étape primordiale:  Tai shan, hong mao  -"plus lourde que le Mont Tai, plus légère que plume de cygne".

A la mort, sans le dire, tout le monde pense ces jours derniers – thème majeur dans la presse, et preuve s’il en fallait, que le souvenir des disparus demeure une valeur supérieure en Chine socialiste :

1. les 28 cimetières de Shanghai sont bondés de masses vêtues de blanc, venues révérer leurs parents, portant brassards de crêpe, fleurs de soie grège, coupelles de fruits et monnaie céleste (qu’on brûle sur la stèle).

2. le lieu du dernier repos, est un problème urbanistique ingérable. Même avec la crémation obligatoire, Shanghai n’a de place que pour cinq à six ans, et tente de relancer la mode de la sépulture à la Zhou Enlai – la dispersion des cendres en mer de Chine.

En soutien des pouvoirs publics, un site vient de naître, pompes funèbres de l’internet permettant aux vivants d’ériger à leurs morts, des mémoriaux vertueux et virtuels: www.qingming.com.cn.

Cependant, une fraude est dénoncée, à Pékin, de promoteurs malhonnêtes promettant à prix d’or, ensevelissement à la campagne (illégal).

Au chapitre santé, le Vice 1er Li Lanqing donne l’alerte:

Les maladies vénériennes avancent de «20 à 30%/an» (836.655 cas et +32% en 1999). Les "HIV" ont dépassé les 500.000 et les morts du SIDA, 356.

Tout ce qu’on espère d’ici 2010, est de maintenir le nombre des HIV sous la barre des 1,5M, quoique leur courbe fuse exponentielle (HIV = +41%, sidéens = +69%).

Les décès du cancer (dus au tabac) ont doublé en 20 ans à 1,3 M/an. Le cancer est 3ième source de mort, derrière les pathologies cardio-et cérébrovasculaires – plus pour longtemps.

De plus, on s’inquiète du déficit en cadavres offerts à la recherche et à la médecine: en 18 ans, seuls 2000 chinois ont fait le choix de donner leur corps à la science et aux transplantations.

Enfin, irritée (n’ayant pu rendre visite à la mère d’un dissident décédé en juin 1989), la veuve du journaliste US Edgar Snow, ami historique de Mao et de la Chine, menace de retirer du pays la part des cendres de son mari qui y reposent : ce qui serait une rupture et un désaveu lourd.

 

 


A la loupe : Quel avenir pour le e-commerce chinois ?

200 startups en 1999 (5000 jobs), cinq fois plus en 2000,  pour un chiffre quadruplé à 100M USD?

Prédictions étudiées, et contestées lors du Sommet d’e-Business de Pékin (6-8/4) en présence de 300 groupes mondiaux -d’autant que la Bourse de ces valeurs (NASDAQ, GEM) pliait du genou (-14% en 48h).

Shanghai poursuit la construction de son Cyberport: d’ici décembre,50% des logis seront reliés au RNIS, et 95% des zones de standing auront, avec la fibre optique, l’accès simultané au téléphone, à la TV et au Net.

Les abonnés auront doublé (2M). Un but avoué du Cyberport :

briser les monopoles du MII et des réseaux de câble TV. Shanghai pense aussi produire en ‘2000, pour 12MMUSD de matériel informatique et dépasser bientôt Pékin (Zhongguancun) et Shenzhen, les deux leaders.

Entre-temps, suivant les ex.de Netease et Sina. com, deux start-ups ayant obtenu le feu vert pékinois pour s’inscrire au Nasdaq, de nombreuses Cies Internet se restructurent pour suivre la nouvelle règle du MII:leurs sites chinois doivent être propriété chinoise, et les maisons mères, doivent être «fournisseurs de services» et non de «contenu».

Il faut donc transférer la propriété du portail, quitte à en facturer la maintenance à leur filiale.

Vulnérable, Sohu, rival de Sina et Netease, demande à son tour son inscription au Nasdaq,mais sans avoir préalablement renationalisé son site chinois


Joint-venture : Le TGV Pékin-Shanghai, inscrit au 10. Plan

• Le TGV Pékin-Shanghai (1300 km en 4h) vient d’être inscrit au 10. Plan (2001-05) et devrait être opérationnel en 2010.

Ce projet ancien, d’un coût évalué à 15MMUSD fait l’objet d’une concurrence âpre. Très en vogue jusqu’à l’an passé, la filière allemande à suspension magnétique (vitesse théorique 500 km/h) semble "au placard", taxée d’utopie malgré la prime de 500MUSD brandie par Berlin. Se prévalant de leur technol. éprouvée, les Japonais offrent leur Shinkansen, les Européens (Siemens, Alstom), leur TGV (deux trains comparables, 300km/h).

 

• Les réserves gazières offshore de l’Australie lui permettent de se positionner sur le 1er projet du terminal GNL (3Mt/an) de Huizhou (Shenzhen, Canton), avec un concept original :

le consortium Woodside, Broken Hill et Chevron offre d’y prendre une part minoritaire, quitte à faire ses profits sur ses livraisons de GNL.

De plus, Chevron annonce 45MUSD d’investissements d’exploration sur sept sites, entre mers de Bohai,de l’Est et du Sud.

Tois raisons:

[1] la CNOOC, n°1 de d’offshore chinois, vient de faire de belles découvertes en mer de Bohai;

[2] ce geste ne peut que servir l’offre du consortium;

[3] quand les cours du brut remontent, l’exploration reprend.

NB: l’offre de Petrochina sur les bourses étrangères rencontre un succès mitigé: dès le 2. jour (07/4) à HK le titre se négociait en-dessous de sa valeur d’émission.

 

• Fort d’un coefficient de remplissage de 75% (à majorité chinoise) sur sa ligne Pékin-Paris, Air France se renforce depuis Pékin d’un vol : il est présent 7 jours sur 7.

En quatre ans, le pavillon tricolore a développé ses fréquences de 11 à 19 vols au départ de la Chine – mais reste quatre vols en retrait du rival européen, Lufthansa.

 

 


A la loupe : Des projets des grandes villes de province

Voici qq projets des métropoles provinciales et leurs méthodes de financement:

Xi’an (Shaanxi) veut bâtir la 1ère centrale/gaz du pays, pour 700MUSD (4 générateurs), sur le gisement de Shenmu (240MMm3, le plus grand d’Asie). La centrale serait financée (85%) par Meiya International, JV à 20% d’Hydroquébec, à 30% d’AIF (Singapour?) et du chinois PSEG.

Contrat en BOT (?), sur 20 ans, avec l’aide de Pékin (subventions et grâces d’impôts).

Xi’an entame aussi sa 1ère ligne de métro, 19 km Est-Ouest, d’un coût de 681MUSD dont 20% à charge de Pékin -le reste en emprunts bancaires, publics… ou «à pourvoir»!

Dalian (Liaoning) prépare une zone high tech d’un coût min. (pour la ville) de 2,4MMUSD, équipée d’un centre logistique «on line» relié par fibre optique, et spécialisée en technologies de l’information et en bio ingénierie, à monter en 10 ans (60 projets).

Financement : banques, bons publics, capital à risque de Singapour, des USA, d’Australie et de HK.

Shenyang veut dépenser 783MUSD sur 36 projets-clé dans l’environnement et la construction de villes satellites, et la même somme sur son métro,’une longueur totale de 182km, qui ouvrira en 2006.1MMUSD de financement devrait venir, en 2000, de l’étranger.

Shanghai présente le projet le plus audacieux: 4 autoroutes vers Zhejiang et Jiangsu, 650 km, pour 4,8 MMUSD, à bâtir en BOT.

Le 1er appel d’offre, pour une autoroute de 255km (1,2MM USD) est lancé, attirant plus de 200 groupes chinois et étrangers.

Dans ces projets régionaux, 2 outils de financement nouveaux semblent émerger, au-delà du classique recours à la caisse centrale et à l’emprunt local: la formule «bâtir, gérer, transférer» (BOT), et le capital à risque de l’étranger.

 


Argent : Cyclisme – extinction douce d’une taxe

• En 2000, pour la 1ere fois en 10 ans, les «pros» de l’automobile s’attendent à un tassement au niveau des ventes. Dès 1999, les achats privés dans Pékin (meilleur marché national) avaient chuté à 31% contre 56% en 1998.

Les commandes publiques avaient maintenu la croissance.

Dès ’99, la mévente était accentuée par le bond en avant de l’occasion ("fruit" du 1er boom des ventes il y a cinq ans): 36% du marché pékinois.

Confrontés à cette nouvelle donne et anticipant l’entrée à l’OMC, VW et son partenaire de production SAIC créent une JV de distribution (40/60) VW apportant son savoir faire, et SAIC écornant son monopole des ventes.

• Belle mort d’une vieille taxe, celle sur les vélos.

Ce printemps, les collecteurs aux carrefours, avec leur chaise, leur table et leur porte-voix nasillard, broient du noir: en ’99, seuls 36% des 10M de cyclistes de la capitale (contre 100% en ’90) se sont acquitté du modeste devoir (4,5Y) en échange de la vignette de l’année.

La taxe est désormais perçue comme inutile, à payer par l’usager, et à percevoir par le  ganbu (cadre).

 


Pol : Liaoning – une autre émeute

• Après Hughes et Loral (décembre 1998), Lockheed Martin, 3ième géant US de l’aérospatiale, est accusé par Washington d’avoir transmis des technologies «sensibles» à la Chine.

Depuis janvier 1994, le groupe aurait commis pas moins de 30 infractions à la réglementation US de contrôle des ex-ports stratégiques, notamment en suggérant indirectement à Pékin des améliorations à son lanceur Longue Marche, à l’insu du Pentagone.

Si ses explications ne convainquent pas, il en coûtera à Lockheed 15MUSD d’amende et 3 ans d’interdiction d’export de sa technologie des satellites.

 

• La décision de la semaine passée (04/4) du Tribunal Populaire Suprême apparaît sans précédent.

Condamné à 15 ans (novembre 1999), pour avoir informé les US sur le programme chinois de missiles stratégiques, Hua Di, citoyen chinois chercheur à l’Université de Stanford, avait fait appel: la Cour vient d’ordonner un nouveau procès pour vice de forme.

Cette action peut avoir pour but d’amollir la coalition à l’ONU, visant un vote critique des droits de l’homme en Chine. Elle peut aussi refléter un réchauffement entre Chine et US, notamment sur le front de l’OMC

(NB : à ce sujet, le prochain round sino-UE est déjà programmé à Pékin d’ici quelques semaines). Sur le fond, aucun changement: une nouvelle campagne politique se profile, visant les bourgeois-libéraux, qui utilisent internet pour propager des demandes de libéralisation du régime.

 

• Le 02/4 dans sa villa de Nankin (Jiangsu), Jürgen Pfrang (n°2 de la JV locale de Daimler-Benz), sa femme et ses deux enfants étaient assassinés.

Très sensible à la sécurité des étrangers placés sous sa garde, la police n’a mis que quelques heures pour arrêter les criminels, quatre jeunes paysans sans feu ni lieu. Il s’agirait d’un "casse" mal préparé, ayant mal tourné. L’étranger n’était pas visé. La peine capitale pour les auteurs est certaine, d’ici un mois. Ce que le fait divers explicite de la manière la plus crue, est l’irrépressible montée de la violence, sur fond de frein à la croissance.

 

• Plus d’un mois plus tard, la nouvelle finit par transpirer : fin février à Yangjiazhangzi (Liaoning), 20000 mineurs ont occupé le centre ville, brûlant des voitures, occupant et lapidant des bâtiments administratifs et bloquant des routes plusieurs jours durant.

Ces employés se plaignaient de la fermeture de leur mine (épuisée) de molybdène, et surtout de la minceur de l’indemnité -560Y par an d’ancienneté, ce qui signifiait deux années de survie, pour ces quasi retraités et leurs familles.

Dépassée, la police a du faire appel à l’armée, qui a campé en ville durant un mois. C’est le 1er mouvement social d’importance, relaté depuis la veille du 50e anniversaire du régime : depuis lors, le contrôle policier avait été plus serré -et celui de la presse plus encore.


Temps fort : Des 1001 chemins pour nourrir la Sécurité sociale

En 1999, les 667 (grandes) villes et 1638 villes rurales de Chine assistaient2,8M de sans travail, à des taux entre 38,6USD /mois (Shenzhen) et 17,3USD (Hohot). 238 MUSD ont été versés dont 40 par le Trésor Public.

Trop pauvres, bien des villes ne paient rien -Pékin cependant annonce le renforcement de cette couverture : comment faire?

Même gêne à la Sécurité sociale en cours d’installation: les firmes lui doivent 4,8MMUSD d’arriérés.

Pour la renflouer, Pékin prépare une taxe, et doit décider si celle ci remplacera, ou complétera les contributions patronales: remplacer serait mieux (supprimant la possibilité de fraudes), mais plus lourd, au plan législatif. Autre question : quel champ d’application pour cette SS refinancée: pension-chômage, ou intégrant le fonds des catastrophes?

En fait de taxes, la Chine entre (01/4) dans une voie d’avenir, en imposant aux banques un nouveau principe:"pas de carte d’ID, pas d’accès au compte!"

Cette réforme fait cinq promesses à l’État:

1. débusquer jusqu’à 120 MMUSD d’argent caché(20% de l’épargne),

2. relancer la bourse (à moins, c’est le risque, que ces fonds illicites ne fuient vers HK!);

3. remplacer la taxe (peu appliquée) de 20% sur les intérêts bancaires, par une grille variable selon dépôts: càd un impôt;

4. créer une taxe sur les successions, et

5. voir le démarrage, enfin, des cartes de crédit (grâce à une bonne archive bancaire).

Seule incertitude, bien réelle: quid de l’arbitraire des administrations locales?

Quelle sera la valeur du secret bancaire, entre chefs du village, et quelle protection pour le client?

En l’absence d’une réponse crédible, l’épargnant de base risque de retourner à la «banque-matelas» (au bas de laine)!

 


Petit Peuple : Noms propres très communs

• Dans leur  sushe (dortoir) de l’hôpital n°3 de Tongshan, (Zhejiang), Zhang Su et Zhang Su firent connaissance: accoucher de deux fillettes en même temps, tout en portant le même nom, cela crée des liens!

Quand l’infirmière appela "Zhu Wei!", un des papas pour l’inviter à embrasser son héritière, autre moment de stupeur: deux grands dadais jaillirent comme un seul homme -les époux, eux aussi, partageaient patronyme et prénom.

A ce stade, la conversation devint générale, abordant le thème sacro-saint partout à la campagne – les familles respec-tives.

Alors intervint le 3. coup de théâtre: les deux Zhu Wei, incrédules, durent constater que leurs pères aussi, répondaient au même nom – Zhu Xiao! Tandis que les jeunes femmes poursuivent leurs cent jours de récupération immuable, les deux couples n’ont pas encore décidé que faire de cette loi des série inouïe (sur trois générations !) : la perpétuer, ou la briser, en choisissant le (s) nom (s) des deux gamines.

• Depuis 13 ans Secrétaire du Parti à Weimen (Hubei), Wei Zhonglin mit fin le 5 janvier à ses jours, à l’âge indu de 45 ans.

De l’avis quasi-général, cette mort fut causée par son coeur trop tendre. Censé collecter les taxes d’eau, de routes, de fenêtres, d’abattage du cochon, d’école, d’émondage des pommiers (etc., etc.), avant la récolte, il préférait emprunter aux usuriers et percevoir, une fois la récolte engrangée.

Le système capota, du fait de l’alourdissement constant de ces taxes illégales: le paysan ne put plus payer, ni Wei rembourser, d’où le suicide.

Des voix insidieuses s’élèvent cependant pour lézarder l’image pieuse: le Secrétaire aurait été aussi corrompu, empruntant des sommes (100.000Y) sans rapport avec la taille du terroir (quelques dizaines d’agriculteurs); il aurait aussi été un noceur, aperçu à la maison des fleurs plus souvent qu’à son tour. Ce drame de village avec ses zones d’ombre fait jaser dans toutes les chaumières de l’Empire: peut-on être à la fois mécène et débauché?


Rendez-vous : Salon International des industries de l’Agro-alimentaire

•10-13 avril, Pékin: Salon Int’l de la Céramique

•11-14, Pékin: Salon Int’l Agro-Alim. (SIAL)

•12-16 avril : Jiang Zemin en Israël

•15-26 avril, Canton : Foire Internationale

•16-18 avril, Pékin : World Economic Forum