Le Vent de la Chine Numéro 40

du 29 novembre au 5 décembre 1999

Editorial : Des commis – voyageurs planétaires de la République

A peine le contrat  » OMC  » conclu avec les Etats-Unis, Zhu Rongji s’envole, 13 jours, pour quatre pays membres de l’ASEAN (Association des nations d’Asie du Sud-Est).

En Malaisie, il étudie un contrat d’1MMUSD pour une papeterie à Sabah, promet d’importer de l’huile de palme (une des grandes productions  malaises), au delà du quota d’1Mt, signe trois accords de coopération, et sympathise avec un  » dada  » du 1er Ministre Mahatir Mohammed, d’un Fonds monétaire Asiatique« , destiné à affranchir l’Asie des fourches caudines de la finance (chrétienne) internationale.

Tout en félicitant  » le peuple et le gouvernement pour son courage et sa clairvoyance  » face à la crise asiatique. Tout ceci, à 5 jours des élections anticipées de lundi 29, laisse deviner que dans ce scrutin, Pékin vote Mahatir, dont elle apprécie le nationalisme sourcilleux, anti-occidental, et le style de gouvernement autoritaire.

A Manille samedi 27, Zhu assiste, observateur, au sommet de l’ASEAN : sur la table, le projet d’un Code de conduite sur les îles Spratley, que les autres voudraient lui voir signer : c’est trop tôt, mais cette tentative de résolution du conflit territorial est un progrès pour la jeune organisation, jusqu’alors connue pour la rhétorique creuse et le sur-place.

Passant ensuite par Hanoi et Singapour, cette visite est pour Zhu Rongji le signe d’une convalescence politique, après sa demi- chute de juin (l’échec de sa visite aux Etats-Unis). Zhu vient aussi d’être nommé chef d’un  » Groupe de travail pour le Grand Ouest « … Tout ceci ne lui rendra pas le portefeuille-clé,  » réforme des Entreprises d’Etat « , perdu dans la tempête estivale.

Enfin, ce trip, après celui de Jiang en Europe et pendant celui de Li Peng en Afrique, atteste de l’effort poursuivi de Pékin pour s’imposer dans le monde. Les fruits viennent: le chancelier Schroeder vient de proposer l’entrée de la Chine au plus haut club des nations marchandes.

L’OMC? Non, le Groupe des Huit. Les autres (Lionel Jospin en tête) ont refusé, estimant que des progrès en matière de Droits de l’Homme étaient encore à faire… Mais pour la Chine, c’est un premier pas.


A la loupe : Descente en enfer pour Koi-les-Chicots

Jusqu’à mai 1998, Koi-les-Chicots flambait la vie, avec ses trois maîtresses, ses 14 bolides et ses bars interlopes entre Macao, Chine et Portugal : il était parrain de K14, la plus redoutée des triades, " Général " de 10000 mauvais garçons. Sa chance tourna, quand il dynamita l’auto du chef de la police : irrité, celui-ci le coffra sans plus d’égards.

A un mois de rendre Macao à la Chine, soucieux de laisser la maison en ordre, Lisbonne fait condamner Koi à la peine maximale : 15 ans. D’autres peines salées allant à 3 comparses, dont 10 ans et demi à un policier renégat.

Lors du verdict, Koi-les-Chicots hurla à la trahison. Il aurait pu se rappeler le proverbe, sai weng shi ma selon lequel " perdre un cheval, peut aussi s’avérer bénéfique " : le jour même, trois de ses acolytes macanais, parrains eux aussi, périssaient d’une balle dans la nuque, de l’autre côté de la frontière. Message expressif de la justice chinoise, à la pègre de l’imminente Région Administrative Spéciale.

Tardive mais d’acier, la fermeté chinoise remonte à l’exécution en novembre 1998 de Cheung-le-flambard sur demande de Jiang Zemin, suite à l’appel du magnat Hongkongais Li Kashing, dont le fils venait d’être kidnappé par ledit Cheung. Depuis, la chasse aux mafias est ouverte : 230 000 arrestations dans les trois derniers mois, dont 10 000 assassins et 30 000 auteurs de hold-ups.

Enfin, pour Koi-les-chicots, les ennuis ne s’arrêtent pas là : un autre procès se prépare, sous régime chinois celui-là, pour la tentative d’assassinat perpétrée en 1996 contre un autre officier de police… C’est décidément, la descente en enfer – et pour les bonnes gens, le début d’une autre ère !

 


Joint-venture : Les bonnes affaires de Neurotech

• Titulaire du plus long pont suspendu (Tsing Ma, 1377 m, vers l’aéroport de Shek Lap Kok), Hong Kong compte s’approprier dès 2007 celui du plus long pont à hauban : celui de Stonecutters, entre Nouveaux Territoires et l’île de Tsing Yi atteindra 1000 m dont 900 sur mer, sans piles (pour ne pas réduire la navigation).

Ce projet pose une question technique inédite, concernant un ouvrage jamais bâti avant, et à réaliser en zone de typhon. Pour avoir la réponse, il en coûtera à la Région Administrative Spéciale 7,5M HKD, à répartir entre les 6 finalistes du concours international. D’un coût de 5MMHKD il sera relié à un pont encore plus cher (7,8MM HKD), celui de Tsing Lun, suspendu. Desservant deux autoroutes (n°9 et 10) de 20,6km, pour un coût total de 46,8MM HKD, ils désengorgeront l’axe vers l’aéroport, et vers le futur Disneyland.

• Neurotech, groupe américain de services hospitaliers et gériatriques, envisage de bâtir (lettre d’intention) un complexe de soins

(gériatrie, vie médicalement assistée) de 30MUSD à Shantou (Guangdong), en Joint venture avec Guoyitai.

Le groupe avait signé en octobre un projet de CHU à Hangzhou (Zhejiang), et trois " hôpitaux modulaires clé en main ". En novembre, il s’engageait en banlieue de Shanghai, pour un "Centre de Santé Neuro-tech", constitué d’un hôpital 3ème âge de 600 lits et de deux autres " hôpitaux modulaires clé en main " : après 5 ans de prospection, Neuro-tech, accumule pour 170MUSD de commandes, et est un des " grands " étrangers, sur ce marché prometteur de la Chine aisée du 3ème âge.

• 11 jours après les Etats-Unis, le Canada à son tour, signe à Toronto (Shi Guangsheng et Pierre Pettigrew) son accord OMC avec la Chine, calqué sur l’américain. L’huile de canola canadienne reçoit un quota à bas taux de taxe, équivalent à celui de l’huile de soja américain : 600000t en 2000, passant à 1,33Mt en 2005 et à la liberté totale en 2006.

Pas de taxes sur les graines oléagineuses cependant – la Chine encourage l’import des graines plutôt que de l’huile. Un quota « céréales » de 7,3Mt, passera à 9,3Mt en quatre ans. D’autres concessions chinoises concernent les graines fourragères (pois, alphafa), l’orge, le malt, le whisky, la pâte à papier, le ginseng.

En télécommunication, les taxes à l’import disparaîtront en 5 ans. En 1998, les échanges bilatéraux atteignaient 10MM Can$, dont 2,5 en exports canadiens, surtout agricoles.

 


A la loupe : On relance la planche à billets

Trois ans de déflation (- 3%) et un ciel d’affaires bas, incitent le Conseil d’Etat à prendre pour priorité absolue la relance en l’an 2000, seule garantie de pouvoir faire face aux désordres sociaux toujours à craindre. Lors de la conférence annuelle bancaire qui vient de s’achever, des mesures ont été annoncées, notamment par le Ministère de la Coopération Economique et Commerciale (MOFTEC) et la State Economic and Trade Commission (SETC).

1000MMUSD en 10ans iront en infrastructures, pour l’installation de 200MKw/h de centrales électriques et 200M de lignes de téléphone fixe.

Sans en avoir l’air, ce chiffre traduit le ralentissement (prévisible) des investissements d’Etat de type " New Deal ": en 1998, la ministre responsable, Wu Yi, prévoyait "1200MMUSD, sur trois ans "!

Premier moyen de calmer la Bourse, et investissement typique de père de famille, les Fonds Mutuels voient doubler leur priorité d’achat de titres (20% des émissions nouvelles), et leur plafond d’achat annuel (30% de leur capital).

Dai Xianglong, Gouverneur de la Banque Populaire de Chine (BPdC), prédit une relance de la masse monétaire, plus de latitude dans les taux d’intérêts, plus de prêts aux PME, au logement, aux études,et une baisse des dépôts de réserves dans les banques, de 8 à 6%, ce qui libérera 22MMUSD.

Shanghai emprunte 90MUSD pour des équipements urbains, ouvre un fonds de placement de 48MUSD du groupe pékinois SEEC (Stock Exchange Economic Control, 50% fonds propres, 50% de la ville), pour épauler des firmes à fort potentiel dans les technologies de l’information. Elle crée, après Shenzhen, un index boursier pour " suivre les performances de ses firmes high-tech " et à terme, créer un second site boursier pour valeurs émergentes, style nasdaq (New York) ou GEM (Hong Kong).

NB : Toutes ces mesures arrivent à point pour relancer la consommation. Depuis la signature le 15 novembre de l’accord Sino-américain, les ventes automobiles, de télévisions etc. s’effondrent : le public attend les baisses promises.

 


Argent : Legend / China Telecom – le PC de l’an 2000

• La restructuration des Entreprises d’Etat reste avec la relance de la consommation (cf p.1, col. 1), le but n°1. Après un an de campagne, la State Economic and Trade Commission (SETC) fait son bilan, où le triomphalisme côtoie invariablement la misère.

[1] Avec 48,9MMY en 9 mois, les Entreprises d’Etat auraient vu leurs profits gonfler de 150%. Ils atteindront 70MMY fin 1999. Par contre, en décembre, sans tambours ni trompettes, 860 Grandes et Moyennes Entreprises d’Etat devront fermer leurs portes (au rythme de 2 par jour!).

[2] A même échéance, 600 Entreprises d’Etat auront pu " nettoyer " 400MMY de dettes, à l’" éponge " des quatre structures de défaisance (Cinda, Dongfang, Great Wall, Huarong), qui ont déjà à leur " actif ", (si l’on peut dire) pour 67,5 MMY de dettes de 32 Entreprises d’Etat depuis mai.

Mais la SETC constate l’émergence de fausses structures de défaisance, sous l’égide des provinces, et de reprises illégales de dettes : l’Etat réserve toutes ses foudres aux coupables, Entreprises d’Etat comme région. Mais ses menaces suffiront elles?

[3] Pékin tente, cette année encore, de reprendre une maîtrise " nationale " de ses productions : dans l’objectif  2000 d’une croissance industrielle de 8 à 9%, les quotas sont fixés : 900Mt pour le charbon, 110Mt pour l’acier, 7,5Mt pour le sucre. En revanche, la seule chose que l’on sache des quotas 1999, est qu’ils ont été copieusement dépassés (hausse moyenne de 9%, pour les seuls neuf premiers mois de l’année).

• Leader absolu du marché du PC en Chine dont les ventes progressent encore de 50%  par an, Legend prépare un " coup " commercial pour 2000, avec son nouveau produit-phare, Legend Conet, développé en synergie avec un autre géant étatique, China Telecom. L’idée est d’affranchir le client de ses trois " bêtes noires " sur internet : la connection, la recherche de site et l’interaction homme-PC. 

Tout cela se fera sur un PC redessiné, et associé à un  « portique China Telecom » sur le net, qui aiguillera vers des sites sinophones grand public. Autre atout-choc : la gratuité de connection durant un an (compensée par des prix de 1000 à 3000Y supérieure à la concurrence) … Marché visé : les 30 à 50 M d’internautes prévus pour 2002 (ils sont 8M en 1999). Legend table sur un profit de 20% par PC, sans compter la plus-value de son immense espace commercial virtuel captif, qu’il partagera avec son partenaire.

 


Pol : Vers une loi du patrimoine

• La Chine poursuit activement la modernisation de ses forces aériennes, par achats massifs à la Russie. En plus de 50 chasseurs-bombardiers Sukhoi-30MK, elle a – pour la 1ère fois – pu acquérir les missiles de série, moyenne et longue portée. Au même moment, les Etats-Unis  » découvrent  » par leurs satellites d’observation l’existence d’une base de lancement de missiles à Yangang, en face de Taiwan. Ils ont répondu qu’ils  » n’excluaient pas  » la vente à Taiwan de missiles de la gamme Theater Defense Missile, dits TMD (élément du parapluie américain en cours de constitution).

• 10M de foyers amasseraient un revenu de plus d’1MY par an. Une des conséquences imprévues au feu vert par Deng Xiaoping à la richesse privée, a été cette apparition de fortunes météoritiques et de contre-pouvoirs locaux, bientôt claniques ou néo-mafieux, contrôlant par exemple une bonne part des parlements locaux de la côte.

L’Etat s’apprête donc à introduire sous deux ans un rigoureux impôt sur les successions, avec un triple intérêt : regarnir ses propres caisses, maintenir la chance générale de s’enrichir, et (peut-être surtout) drainer la base de pouvoir des clans et mafias, version moderne des  » seigneurs de la guerre  » d’antan.

• La mer de Bohai était grosse et glaciale, mercredi 24. Le Ferry Daxun, reliant Yantai (Shandong) et Dalian (Liaoning) s’est abîmé, suite à un incendie non maîtrisé, vers 16 h, à 10 km des côtes : 22 survivants, plus de 300 morts.

 


Temps fort : Un vaisseau divin dans le ciel chinois

Samedi 20 novembre, à Jiuquan (Gansu), la fusée  » Longue Marche2F « satellisait un vaisseau spatial de 8,4t inhabité, qui parcourait 14 orbites avant d’atterrir en Mongolie : la Chine prouvait sa capacité à envoyer des hommes dans l’espace !

Ce succès résulte d’une politique de Mao, datant des années 1960. Comme dans le nucléaire, Pékin s’est appuyée sur des savants formés aux Etats-Unis, pour ouvrir la première base spatiale à Xichang (Sichuan), vallée encaissée dont le mérite était d’être hors de portée des bombes soviétiques (Mao croyait la guerre inéluctable).

Le premier satellite,  » Orient Rouge 1 « ,  » tournait  » en avril 1970. Sous Deng, le programme passait au  » civil  » : dès 1990, il lançait Asiasat 1 (Etats-Unis), puis des dizaines d’autres en coopération  » étroite  » avec Loral et Lockheed Martin – aujourd’hui accusés par le Congrès américain d’avoir trahi des secrets-défense.

En 1998, décollait Sinosat1, 1er satellite français (Aérospatiale). Dès septembre 1992 cependant, au nom du nouveau mot d’ordre de Science et Technologie, avait été discrètement adopté le projet  » 921  » de vols habités. Dès 1996, par un accord secret, la Russie ruinée, épaulait Pékin d’un vigoureux programme de transfert (formation, plans du bon vieux Soyouz, équipements). Côté américain, au moins un ancien de la NASA était recruté comme « consultant »…

Secret, le coût du projet se mesure en MMUSD. Son intérêt est avant tout idéologique (remplacer la foi socialiste disparue par la fierté nationale). Y a-t-il une utilité militaire, comme le clament des experts locaux (il ouvrirait la voie à une station orbitale kakie, permettant de neutraliser le parapluie antimissile yankee Theater Defense missile ou TMD)?

C’est improbable, mais la question place ce programme spatial chinois devant un choix : entre la conquête du cosmos (avec collaboration des autres grands), et celle (contre ces derniers), de Taiwan. Choisi par Jiang Zemin, le nom de la cabine spatiale,  Shenzhou  » vaisseau divin  » – aux consonances théologiques insolites en ce pays, laisse augurer de la première option!

 


Petit Peuple : Une histoire de locuste

• Comme bien des parcs animaliers au monde, le parc zoologique de Shanghai laisse ses animaux en liberté, que les visiteurs découvrent depuis leur véhicule. Le problème étant l’absence de discipline chez bien des gens. Le 16, ces parents inconscients faisaient poser leur fillette pour la photo, à côté de gros chats " tigrés ", quand l’un d’eux agacé, se jeta sur elle, la mutilant cruellement. La leçon ne suffisant pas, le lendemain, ce fut à un chauffeur de navette de quitter sa cabine, pour fouiller dans son moteur, ce qui lui valut d’être dévoré par trois tigres mis en appétit par l’amuse-gueule de la veille.

Réagissant tardivement, les responsables mirent le hola : une enquête éclair leur permit d’épingler le coupable, Sissi, mâle de deux ans, mis en cage pour avoir incité ses compagnons au carnage. Depuis lors, celui-ci, enragé par l’irrespect des droits du tigre, fait la grève de la faim.

• Le succès commercial d’un élevage, en Chine, ne se mesure pas toujours au poids de la bête. En hiver, les chinois (pas seulement ceux de la vieille école) affectionnent de porter sur eux, dans une minuscule cage, criquets ou sauterelles. Les uns étant élevés pour leur chant, les autres pour le combat, deux moyens symboliques de combattre le froid.

L’hiver dernier, à Pékin au marché de Yuting (fleurs et oiseaux), 10000 de ces orthoptères ont ainsi changé de main. La Mecque du grillon se trouve à Ningyang (Shandong), où les cours montent sans cesse. En 1998, le record allait à un grillon de 6000Y. En septembre 1999, il fut pulvérisé par une locuste si belle, que le collectionneur ébloui n’hésita pas, aux enchères, à aligner 18000Y pour assouvir sa passion!

 

 


Rendez-vous : Seattle, le nouveau round de l’OMC

• 30 novembre – 3 décembre,  Shanghai : Salon de la Construction et de l’Equipement Naval

• 30 novembre,  Seattle : Sommet OMC