Le Vent de la Chine Numéro 36

du 1 au 7 novembre 1999

Editorial : TELECOM – la bataille du marché intérieur

Le Ministre des Industries de l’Information (MII) poursuit sa campagne contre les investissements étrangers dans le secteur natif de l’e-business. L’interdiction des Joint ventures existantes, à capitaux surtout américains, est confirmée (en infraction à la loi de 1993), et justifiée : « fauteuses de désordre dans le marché chinois du commerce internet »…

Dans ce climat, le procès intenté à Sohu.com, (un de ces portiques déjà très «in», quoique vieux de quelques mois) est politiquement marqué. Le pékinois Blue Feather l’accuse d’avoir « copié » du matériau exposé sur son propre site. La loi du copyright (1990), est vague sur ce point, et la toile (chinoise comme mondiale) manque de jurisprudence. Mais épingler Sohu.com sur autre chose que l’essentiel, serait un peu démontrer la pertinence de cette stratégie de défense du marché intérieur.

Cette campagne « nationale » autour d’internet, domaine typiquement « sans frontières », pourrait porter préjudice à la Chine en pleine négociation pour son entrée à l’OMC : ce qui explique l’annonce par le MII de « nouveaux règlements » destinés à ouvrir « graduellement » le marché à l’étranger – après l’avoir occupé soi même, seul, quelques années…

Les Télécom font aussi parler d’elles. Le MII est pressé d’en finir avec les Joint ventures « illégales » du groupe Unicom avec 45 majors mondiaux, pour 1,4MMUSD. « Ceux qui persistent », dit le ministre Wu Jichuan, « n’auront guère de chance de retourner sur le marché chinois ». Mais peut-on forcer le monde entier à annuler des engagements signés? Netcom, dernier en date, a ouvert son réseau téléphonique « Net-fibre optique », et espère réussir la quadrature du cercle, là où Unicom a échoué : obtenir financements et technologies, sans contrepartie en parts de marché.

Enfin, pour faire pardonner son approche monopoliste, ressentie dans l’opinion comme le maintien d’un « marché national captif », le MII annonce un tarif unique horaire du Net, à 4 yuans par heure. Signe que la victoire, du point de vue officiel, est proche : le bond en avant attendu sur le Net chinois (4 millions d’usagers cette année, 10 millions en 2002), devrait être l’apanage des seules compagnies chinoises!


A la loupe : Pétrole : le ‘clash’ Sinopec / SPC

Le 20 octobre à Londres, en marge de la visite de Jiang Zemin, BP-Amoco et Sinopec signaient une lettre d’intention pour un complexe d’éthylène de 2,5MMUSD, à Shanghai.

Il n’a fallu que quelques heures à Shanghai Petrol Corporation (SPC), filiale de Sinopec, pour faire savoir qu’il lui manquait 120M USD pour assurer sa mise de départ, révélant un désaccord entre SPC et sa maison mère. Avec une étonnante liberté de ton, Rong Guangdao, vice Président de SPC précise qu’entre elles deux, le partage du capital de cette Joint venture n’est pas fait (le dossier est donc moins avancé en interne, qu’entre chinois et étrangers), et qu’il s’attend à voir Sinopec, avec les fonds qu’elle drainera en bourse de New York, renforcer son contrôle sur la SPC (actuellement à 56%).

Ce que cela veut dire : Sinopec et CNPC (Compagnie Nationale Pétrolière), les deux monopoles du pétrole, tentent de reprendre en main leurs filiales, lesquelles renâclent des quatre fers!

NB : ce projet « Shanghai », débattu depuis 1996, n’est plus une priorité d’Etat – pas plus que les autres « mammouths » dans les cartons, celui d’ Esso ou celui de Shell à Huizhou, (Guangdong) (5MMUSD, y compris une raffinerie). Même si la Chine prévoit une hausse très forte de ses besoins en éthylène (produit de base du plastic), l’outil est à présent excédentaire, et il lui faut avant tout réhabiliter les unités existantes, tout en fermant les usines d’une capacité trop basse (moins de 100 000 t) pour pouvoir espérer accéder à la rentabilité. Tout ceci expliquant la date lointaine d’entrée en fonction du projet BP-Amoco – en 2005, si tout va bien!


Joint-venture : Course à trois pour une zone high-tech

• Pékin, Shanghai et Shenzhen se livrent une course effrénée pour remporter la 1ère zone industrielle high-tech pour l’export. Shenzhen avait pris la tête en septembre, en obtenant de Zhu Rongji le feu vert pour une foire hi-tech annuelle. Pékin (Zhongguancun) et Shanghai (Pudong), vantant chacune leur statut de poids lourd technologique se disputent la faveur de Jiang Zemin.

A la clef, un taux de TVA de 6% au lieu de 33%, qui permettrait au vainqueur de siphonner jusqu’à 200MMY d’ici 2010 (cahier de charges de Zhongguancun). Ce dernier a fait parler de lui le 26 octobre, en accueillant Three-Five, producteur américain de mini-écrans LCD, dont Three-Five produira localement 14M en 2000, quadruplant son chiffre mondial.

• Mesure imminente du Conseil d’Etat pour relancer les industries de réexportation : en octobre, la garantie financière aux douanes pour le réexport de biens transformés en Chine, ne se fera plus en cash, mais pourra être fournie par lettre de garantie ou de crédit stand-by, par hypothèque, ou encore par prêt de la Banque de Chine.

• Après l’urbanisation et le logis privé (cf VdlC n°35), un autre axe du 10ième  Plan (2001-2005) en cours d’échafaudage, apparaît cette semaine : la délocalisation des industries conventionnelles vers le Centre et l’Ouest chinois.

• Chengdu (Sichuan) consomme 270kg par habitant de béton, contre 450kg par habitant à Pékin, qu’elle paie 380Y/t contre 330Y/t à la capitale. C’est pourquoi Lafarge,n°2 mondial du secteur, y signe une Joint venture pour une cimenterie de 159MUSD, dont 30% prêtés par l’International Finance Corporation (IFC), bras commercial de la Banque Mondiale. Afin de conserver la maîtrise de cet outil ultramoderne de 350 employés (10 fois moins que la concurrence), Lafarge assume 75% du capital. Production prévue : 1,2Mt/an.


A la loupe : Electricité – un pas vers le réseau unique

Autorité de tutelle de l’électricité, la State Power Corporation of China (SPCC) vient de confirmer une mesure importante de réforme du secteur. Le 1er janvier 2000, au niveau provincial, les producteurs ne pourront plus être moins de cinq, qui ne détiendront chacun pas plus de 20% du marché. La distribution sera aux mains d’un groupe unique, qui attribuera les tranches de production au moins offrant.

Le nouveau système, qui brise le monopole mis en place par Mao Zedong, sera testé dans 3 provinces côtières (Shanghai, Shandong, dont le marché est de 18000Mw, Zhejiang), puis, au 1er avril, dans trois autres, du Nord-Est (Heilongjiang, Jilin, Liaoning).

A ce « concours », il n’y aura pas de perdants absolus : les plus chers ne seront pas déclassés, mais moins utilisés. Les centrales, petites ou polluantes, de 12MW au total, doivent disparaître d’ici 2003.

A l’intention des 8 à 10MW de petites unités « chères », installées (surtout dans le Guangdong) par des pouvoirs locaux, certains de pouvoir conserver leur monopole. Un règlement spécial entre en vigueur, plafond tarifaire d’1Y/Kw/h, qu’il est interdit de dépasser sous peine de « mesures disciplinaires ».

En tout cas, cette harmonisation des tarifs, tout comme l’interconnexion des réseaux régionaux, va dans le même sens, celui d’un réseau national unique, calqué sur des modèles européens. De l’avis d’experts, le plan de la SPCC est logique et raisonnable, la seule inconnue étant celle de la durée nécessaire à sa réalisation (une dizaine d’année).

Dans ce contexte, l’attribution aux étrangers de concessions de distribution, investissement ou de gestion déléguée est dans l’air du temps. Les groupes intéressés sont rares : des japonais (très actifs en Chine, comme consultants), le belge Tractebel (du fait de ses liens au français Lyonnaise des Eaux), et EDF.


Argent : Première Entreprise d’Etat en bourse, et en faillite

• La CIRC (China Insurance Regulatory Commission) autorité de tutelle des assurances, vient d’autoriser huit groupes chinois (dont Ping An, PICC et Taikang) à investir jusqu’à 12MMY par an soit 15% de leur recettes, dans des fonds mutuels, dont ils peuvent acquérir ensemble jusqu’à 30% de chaque. A moyen terme, sur la base de 10% de leurs revenus placés en fonds mutuels, ce sont plus de 20MMY que les assurances porteront sur les bourses de Shanghai et Shenzhen.

Jusque là, les assurances ne pouvaient investir que dans les bons d’Etat, dont le rapport était devenu minime, suite aux sept baisses de taux d’intérêts depuis mai 1996. Ce feu vert n’est qu’une première étape : les professionnels prévoient l’extension aux fonds de pension (chinois), aux assurances étrangères, ainsi qu’à l’achat direct de valeurs boursières. Le tout dépendant d’une libéralisation du marché financier, et de sa mise en conformité aux normes internationales.

• Que faire, en Chine, d’une Entreprise d’Etat cotée en bourse et en faillite ?

La question se pose depuis cet été, face aux difficultés de Qiong Huaqiao, qui en un an, a vu son chiffre d’affaires chuter de 97%, et ses pertes consolidées multipliées par 4,3 (7,6MUSD). Confronté à ce bilan désastreux, et à des litiges avec ses deux auditeurs successifs, le groupe a refusé le 9 octobre de publier son rapport intérimaire, obligatoire pourtant depuis son inscription sur la « liste rouge » des firmes ayant souffert des pertes.

Décision provisoire de l’autorité boursière : déjà suspendues depuis 40 jours, les parts de Qiong Huaqiao demeurent hors commerce sine die. Pour la liquidation, grande prudence : la CSRC (China Securities Regulatory Commission) voulant, moins que toute chose, suicides et manifestations de porteurs aux abois!

• Les temps sont révolus, où les cours du coton caracolaient sur les marchés à terme, reflétant la pénurie et la peste cotonnières chinoises. Mais l’éradication du fléau et une politique de prix élevés ont mené, en 1998, à la surproduction, aggravée par la concurrence des fibres synthétiques. En 1999, le retour de prix de marché a permis une réduction des plantations de coton de 15%. Reste le problème des entrepôts publics toujours bondés (40% des réserves mondiales), et que l’État ne parvient pas à vendre aux enchères (la première vente publique, le 28 octobre s’est soldée par un échec), alors que la récolte 1999 arrive sur le marché.

Tout ceci amène le USDA (United State Department of Agriculture) à faire ce sombre pronostic : les exportations chinoises doubleront en 1999, à 1,2M balles/an (1 balle=218k), et les prix mondiaux resteront déprimés pendant au moins quatre ans – à cause de la Chine !

 


Pol : Chine,Taiwan: la course aux armements

• Au dire d’un quotidien chinois, la Commission Militaire Centrale aurait reçu l’engagement de 10MMUSD (sans indication de délai), afin d’améliorer ses capacités d’attaque et de défense nucléaire. A Taipei, l’Etat Major en déduit que la Chine atteindrait la supériorité aérienne d’ici « trois à cinq ans »;

Mais un « correctif » semble se profiler : tandis que Taiwan s’apprête à se doter d’un budget militaire de 24MMUSD d’ici 2010, le Congrès américain vient de présenter – pour adoption début novembre – une nouvelle Loi pour la Sécurité de Taiwan, rouvrant la voie à des transferts massifs d’équipement militaire, missiles air-air, avions et sous-marins diesel. L’administration Clinton est fermement opposée à cette initiative des « faucons » parlementaires. La Chine y voit une « menace aux relations bilatérales ».

• Entre Guangxi et Yunnan, pas moins de 1300 cas de corruption de fonctionnaires, portant sur des dizaines de milliards de yuans, ont été découverts en’99, et sont en jugement. Même tableau ailleurs, à Wuhan (Hubei) par exemple, où Mou Qizhong, « entremetteur industriel » avec la Russie au début des années 1990, risque la perpétuité, accusé d’avoir détourné 75MUSD.

Du climat délétère de son administration, la Province du Guangxi a tiré les conclusions : en 1999 elle aura dégraissé 1500 cadres (25%).

NB : àGongbei, dans le Guangdong, les douanes viennent de réaliser en matière de VCD, la plus grosse saisie de tous les temps, 10M en 10 jours. Plus que de l’efficacité des douanes, cette capture est révélatrice d’un dérapage de la contrefaçon, vers une situation hors contrôle.


Temps fort : Le Falungong, secte, proche du hallali

La place Tian An Men, la semaine passée, a été scène d’une confrontation intense entre autorités et adeptes du mouvement  Falungong, (« roue de la loi »), création de Li Hongzhi, en exil. Ces derniers tentant d’empêcher sa mise au ban de la société, sous l’accusation d’être une secte.

Chaque jour, des centaines de militants grisonnants se sont mêlés aux touristes, puis fait arrêter (3000 au total, sources officieuses) en esquissant leur gymnastique. Ceux qu’on libérait, revenaient le lendemain. En banlieue, des dizaines de milliers de « Falungong » étaient cachés, en attente, dont quelques cadres montaient le 28 une conférence de presse clandestine, appelant le monde à l’aide…

Samedi, pour encadrer la répression du Falungong et d’autres, une loi était adoptée par l’Assemblée Nationale Populaire, basée sur le principe « errare humanum est, perseverare diabolicum ». La persécution prend de l’ampleur : 12 enseignantes jetées en camp à Changchun, 30 leaders attendant leur procès (verdicts très sévères attendus), 10000 étudiants risquent leur place en université, et le Falungong déclare « près de 10 morts en détention… ».

La presse poursuit sa campagne de dénonciation : le Falungong serait coupable de lavage de cerveau, d’hérétisme (!!!), d’avoir causé 1400 morts, et dérobé 59 secrets d’Etat, en partie divulgués sur le Net.

Unique dans l’histoire du régime, cette confrontation née de l’érosion des valeurs socialistes et des désarrois d’un 3ème âge ne se reconnaissant plus dans ses enfants (au physique comme au moral), force le régime à  relever sa garde, vis à vis de secteurs soudain « suspects », bien plus larges que le Falungong : Qigong, Taoïsme, Bouddhisme, tout club de gymnastique, et bien sûr toute église de l’ombre : un vieux consensus entre Peuple et État, vole en éclat!


Petit Peuple : Un menu, secret défense!

• Comment aider le soldat d’active, en temps de manoeuvres, à reprendre forces et courage après la marche forcée ou le parcours du combattant? Soucieux du bien-être des 3 millions d’hommes du rang, le Département général de la Logistique de l’Armée Populaire de Libération lance une nouvelle ration militaire, assurant, selon la formule, 24 heures d’autonomie.

Mis au point à l’aide de « technologies avancées » telle « l’ingénierie génétique », ce colis repas de la « 3ème génération

» promet d’être « hautement condensé, nourrissant et savoureux ». Difficile, toutefois, d’en juger : la ration new look, comme l’ancienne, reste secret défense, et quiconque voulant savoir si le dîner de campagne sera pris à la baguette, restera sur sa faim.

• Comme tous ses homologues, l’hôpital Xiehe (« Harmonie »), à Pékin, voit un service plus encombré que d’habitude : celui d’obstétrique, avec ces dizaines de futures mères qui attendent des heures durant, dans les couloirs, leur tour d’examen. Elles ne sont encore que 5% de plus qu’en moyenne, dit le professeur Bian Xuming, mais leurs rangs gonflent, tout comme leurs ventres, à mesure que l’année tire à sa fin.

L’objectif étant bien sûr de mettre au monde un  xiaolong (petit Dragon), supposé plus fort que les autres signes, capable de « nager profond sous la mer, et planer haut dans le ciel ». Pour leur place en salle de travail, deux dates seront visées par ces dames : celle du chunjie, nouvel an lunaire le 5 février 2000, et celle du 1er janvier – afin de vivre un accouchement pimenté aux frissons du bogue informatique « Y2K » (lié au changement de millénaire).

 

 

 


Rendez-vous : Salon International de l’Agro-chimie

• 2 – 5 novembre, Pékin : Salon International de l’Agrochimie

• 5 – 7 novembre, Pékin : Salon Intenational de la machinerie lourde

• 3 – 5, Shanghai, Pékin : 2de visite officielle du Chancelier allemand Gerhard Schroeder