Le Vent de la Chine Numéro 31

du 12 au 18 septembre 1999

Editorial : Chine – USA : la demi réconciliation

Samedi 11, les Présidents Jiang Zemin et Bill Clinton se sont parlés et réconciliés à Auckland (Nouvelle Zélande) en marge du Sommet de l’APEC (Coopération économique de la zone pacifique). Clinton affirmant n’avoir pas changé sa « Politique d’une seule Chine  » (donc, pas d’indépendance de Taiwan !).

Plus tôt en Australie, Jiang avait anticipé l’embellie en annonçant la reprise des négociations d’entrée à l’OMC, et en qualifiant Clinton d’un spectaculaire « mon vieil ami ». A Auckland, Madeleine Albright était déjà en discussion avec le ministre Tang Jiaxuan), et Charlene Barshefsky avec Shi Guangsheng, responsables du dossier OMC. C’est donc la « détente », après quatre mois de quasi-guerre froide.

Pourtant, que de non-dits à Auckland !

[1] Échaudée par l’exemple du Kosovo, la Chine, depuis le 5 septembre, bloque toute résolution au Conseil de Sécurité sur la crise du Timor Oriental, de peur de voir une fois de plus des nations anglophones, Australie en tête, jouer aux gendarmes du monde et léser la souveraineté d’un État voisin, l’Indonésie, qu’elle voudrait au demeurant soutenir, dans son projet d’une Asie stable et non-alignée.

[2] Avant le Sommet, Jiang avait averti les 21 pays de la zone Pacifique d’éviter de s’immiscer dans les affaires d’autrui. C’est de Taiwan qu’il parlait, contre qui la Chine annonce des jeux militaires d’une force supérieure à ceux de 1996 (qui avaient fait, à l’époque, assez de vagues pour déplacer, d’urgence, deux porte-avions américains)… 

Cependant Les avertissements de Jiang n’ont pas empêché son « vieil ami » de demander à l’Australie et Nouvelle Zélande de s’engager dans un pacte de défense de Taiwan – du même type que celui déjà conclu avec Tokyo. Et Jiang Zemin de déplorer la promesse américaine de livraisons d’armes high tech à Taiwan, pour 550MUSD

Autant dire qu’entre Chine et pays de l’Ouest, les « malentendus » (ou plutôt, intérêts inconciliables) ne manquent pas. Le seul point d’ancrage d’une relation à long terme demeurant celui des échanges monétaires : investissements, commerce, technologie… Et OMC !

 


A la loupe : Pékin, Canberra en quête d’un rapport

Pour Jiang Zemin à Canberra (Australie), on attendait comme thèmes de dialogue, les échanges bilatéraux (1,26MMUSD au 1er trimestre, +14,4 %), ou les Droits de l’Homme. Mais l’actualité en a imposé deux autres, Taiwan et Timor Oriental.

Côté contrats, après l’accord bilatéral « OMC » conclu en juillet, les affaires espérées (tel ce contrat de 10MMUSD de livraison de gaz australien) sont restées en panne, « remplacées » par 5 accords ou lettres d’intention, préludes à des coopérations (minière, d’énergie…) d’État à État.

La tension autour de Taiwan agite l’opinion australienne. La position officielle étant, pour l’instant : « d’accord contre l’indépendance de l’île, mais en aucun cas ne tolérer l’usage de la force qui ferait de l’Asie, sic, un enfer régional ».

Timor a été au centre des débats. Le but apparent des violences de l’armée sur place, déguisée en « éléments incontrôlés », est de forcer une émigration massive – surtout vers l’Australie, qui veut intervenir, au nom de ses intérêts vitaux. Jiang s’y oppose : « toute  intervention devrait avoir l’aval de Djakarta…Afin d’assurer que la souveraineté n’est pas foulée au pied, comme cela a été le cas flagrant au Kosovo » !

La question de fond entre Pékin et Canberra, étant celle de relations à redéfinir entre ces pays-continents, l’un antique, conservateur et centripète, cœur de l’Asie, l’autre neuf, anglophone, écartelé par les attentes contradictoires du « grand marché » chinois et du « grand ami » américain !


Joint-venture : Le cadre des investissements, bonifié

• Les autorités ont choisi la Foire Internationale de Xiamen (dont elles espèrent 10MMUSD de contrats), pour annoncer par la voix de Mme Wu Yi, conseiller d’Etat, une embellie du climat d’investissement pour firmes étrangères – limitée toutefois aux poids lourds dépassant les 30MUSD placés en Chine.

Parmi celles-ci (toutes des concessions à l’OMC), comptent la réduction des taxes à l’export, la suppression des tarifs à l’import (surtout dans le domaine high-tech), la hausse à 15% des restitutions à l’exportation. Les métiers comme assurance, distribution et tourisme voient leur zone d’activité fort augmentée, tandis qu’une frileuse ouverture aux investissements est annoncée dans le domaine des télécom « à valeur ajoutée ». Mme Wu Yi réitère la promesse de réprimer les taxes illégales des pouvoirs locaux. Par ce programme, Pékin espère enrayer la chute de l’investissement étranger direct, (21,5MM en 7 mois, soit – 10%), et de l’investissement étranger contracté (22,3MM, – 20,5%).

• Peut-être est-ce signe d’une légère reprise, en tout cas, résultat de la répression de la contrebande, le fait est que plusieurs matières premières accusent une reprise à l’importation :

[1] le quota d’import de pétrole, de 7Mt au premier semestre, a été complété d’1Mt en août, et le sera de 6 à 7Mt pour « boucler » 1999;

[2] l’État rouvre le « robinet » de l’aluminium étranger : les réserves s’épuisent, les cours mondiaux remontent (suite à l’accident et à la fermeture d’une grosse raffinerie américaine en juillet), suivis des cours locaux (reprise spéculative, poussée par une entente des producteurs) : de 14000Y/t en janvier 1999 à 15500Y/t en septembre;

[3] les imports d’acier ont flambé de 46% au premier semestre, nourris par les grands chantiers publics. Et pourtant, disent les « traders » le marché se raffermit.

Asia Global Crossing, réseau de télécom à haute capacité (80 Ggb/s) reliant dès à présent Etats-Unis et Japon, au moyen de 17700km de câble (fibre optique à large bande) sous les mers, connectera dès 2000 Taiwan, Hong Kong, Singapour, Philippines et Malaisie, puis (juin 2001) Chine et Corée du Sud.

Les trois partenaires : Global Crossing (Bermudes), contrôlera à terme 62%, Microsoft et Softbank (Japon) détenant chacun 19% du capital, estimé alors à 7,5MMUSD.

 


A la loupe : Pékin s’adjuge son opéra de prestige

Shanghai avait eu son opéra de prestige, signé du français J.M. Charpentier. Fin juillet, Pékin (Jiang Zemin, selon certains) a tranché, au terme d’un « appel d’offres » de 44 projets, pour une voilure de titane et de verre dessinée par le français Paul Andreu. Le site : voisin de l’Assemblée Nationale Populaire, près de Tian An Men. Le chantier d’un coût d’1,2MMFF, sera réalisé d’avril 2000 à 2002, localement sous supervision du groupe d’ingénierie français Setec.

Originalité du concept : sa forme de « bulle » dans un étang au cœur d’un parc, avec corridor de verre « sous-marin » comme hall d’entrée, et une surface utile importante, 120000 m² bâtis (10ha de terrain), pour un opéra de 2500 places (4 scènes escamotables), un auditorium de 2000 places, un théâtre (3 scènes) de 1200 et un atelier théâtral de 350 places.

Les réactions Pékinoises sont ambiguës :

[1] satisfaction de donner à Pékin les moyens de demeurer capitale des arts;

[2] doutes sur le design, s’agissant d’une architecture non intégrée à un cadre antique (Zhong Nan Hai);

[3] protestations sur les crédits, car en  pleine récession, la Chine a d’autres besoins, sociaux, plus urgents;

[4] risque de sous-emploi du complexe, puisque Pékin n’entretient pas de troupe d’opéra classique. D’autre part, à 500 à 1000 Yuan par pièce, le billet sera hors de portée des masses;  

[5] Enfin, 1700 foyers seront expulsés, relogés et passeront sans transition du centre historique vers l’« enfer » banlieusard.

NB1 : en 1997, l’expo d’avant-garde de la Fondation Cartier dans la Cité Interdite,  avait déchaîné une campagne de presse spontanée

contre « l’ingérence étrangère » dans « l’âme du pays ».

NB2 : Pékin cependant, prouve par ce projet fastueux, qu’on n’a, face à l’avenir, aucun état d’âme.


Argent : Révision de la loi des assurances

• Pour la rentrée de septembre, le CIRC (China Insurance Regulation Commission), autorité de tutelle des assurances, annonce une révision des lois sur la solvabilité du secteur, la réassurance, et des réglementations des investissements. Jusque là, les 25 assureurs du pays (chinois et Joint ventures), voyaient leurs placements limités aux dépôts bancaires et à l’achat de bons d’Etat. Mais avec l’OMC, et la perspective d’entrée de nombreux groupes étrangers (200 déjà présents dans le pays), priorité absolue va à la compétitivité – à la valorisation des primes.

Par ailleurs, les cinq premiers groupes publics (China Re, Assurances Populaires de Chine c’est-à-dire PICC, Huatai, CPIC, Ping An) constituent un Fonds d’Assurance Nucléaire Chinois (CNIP), suivant le modèle du Fonds d’Assurance Aéronautique. Jusqu’ à maintenant ce contrat était l’apanage de la PICC, qui pas plus que les autres ne disposait d’un capital suffisant. Ainsi, la centrale de Daya Bay est couverte à concurrence d’ 1,4MMUSD, alors que Huatai, par exemple, dispose d’un capital de 217MUSD. L’objectif pour l’assurance chinoise, est de ne plus partager ce marché, à des conditions défavorables, avec l’étranger (britannique) comme c’était le cas depuis 1988.

• 1998 fut une année noire pour les grandes surfaces : 65 des 260 plus grands supermarchés étaient dans le rouge, et 60% voyaient leurs profits reculer. Autre signe de crise, les vols à l’étalage (par les employés comme par les clients) battent tous les records, avec 3MMUSD de « fauche l’an passé ».

• Des chiffres commencent à apparaître dans la presse, pour « habiller » les intentions du pouvoir d’augmenter les salaires publics. 84M de citoyens touchant en moyenne 400 Yuan par mois (48USD), bénéficieront d’une hausse de 120 Yuan par mois tandis que 400 Yuan par mois deviendra le nouveau revenu minimum national. Coût de l’opération : 6,5MMUSD.

 


Pol : Ma cabane au Canada

• Du 7 juillet au 10 septembre, pas moins de 500 émigrants débarquaient à bord de six rafiots (version chinoise du Mayflower) sur les côtes canadiennes, réclamant l’asile politique. Honnête, Ottawa envisageait de l’accorder à une poignée – et demandait à leur mère patrie de récupérer les autres. Pékin répondait, partagé entre la colère (face à l’illogisme d’un Canada demandant l’aide de la Chine pour certains, et la critiquant sur ses Droits de l’Homme pour les autres) et le rire (une bonne partie de ces boat-people, sans attendre le verdict, se sont évanouis dans la nature américaine). Donc, les derniers arrivants du 10 septembre ont été acheminés vers une prison, en attendant que Jiang Zemin et le Premier ministre Jean Chrétien, à Auckland, aient statué sur leur sort.

• C’est une première nationale : à Shanghai, 2500 criminels derrière les barreaux se sont vus prélever un échantillon de leur chaîne d’acide désoxyribonucléique (ADN), stocké dans une banque spécialisée, moyennant 300000USD. Pour élargir cette banque à la population criminelle nationale, il faudrait 12MUSD et l’adoption d’un standard commun à toutes les provinces. La banque de l’AND serait pourtant un instrument déterminant : 80% des crimes étant commis par des migrants non fichés dans la zone de leur forfait et muets par opportunisme.

• Dernier spasme de la saison des pluies, l’ouragan Wendy sur le Zhejiang a causé 133 morts (+ 38000 têtes de bétail), et l’évacuation de 528000 habitants de Wenzhou, qui déplore près de 300MUSD de dégâts et l’inondation de 20000 ha de terres cultivées.


Temps fort : CINDA – une renaissance pour les Etats-Unis

Cinq mois après sa création, Cinda, structure de défaisance des créances de la China Construction Bank (CCB), passe à l’action : le 2 septembre, moyennant une part du capital, elle reprend les dettes de Beijing Cement auprès de CCB : 0,9MMY, et le 6 septembre, suivant le même schéma, pour 1,05MMY de passif (chez CCB) de Jiaohua, (Shanghai coking)50% du gaz naturel de Shanghai.

Un sauvetage inespéré pour ces géants publics : deux tiers de la dette de Jiaohua s’envolent, tandis que Beijing Cement désendetté et consolidé, croit pouvoir presque quintupler sa production (à 20Mt) d’ici 2005. Dans les deux cas, la part du capital cédé contre l’épongeage des ardoises, reste secrète. L’opération est également excellente pour la CCB, dont les deux tiers de ses prêts à problèmes, 300MMY passeront à Cinda d’ici 2010. Après CCB, les autres grandes banques, Bank de l’Agriculture (BdA), Industry and Commerce Banking Corporation (ICBC) et Banque de Chine (BdC), préparent à leur tour leur structure de défaisance.

Limites du système :

[1] le modèle américain retenu pour renflouer la CCB, le fonds Resolution Trust, valait 150MMUSD soit 1% de la dette américaine. En Chine par contre, les dettes insolvables des Entreprises d’Etat pourraient peser 40% du total : même toute l’épargne privée n’y suffira pas. Le Ministère des Finances n’a d’ailleurs pas encore dit s’il allait garantir les obligations que compte lever Cinda, sa première source de financement pour poursuivre son programme de rachat de dettes.

Mais sinon, qui achetera ses titres, et 10 ans plus tard, qu’en restera-t-il?

[2] Assainies par décret, les Entreprises d’Etat perdront-elles leurs mauvaises habitudes, leur dépendance aux crédits d’Etat ? Rien n’est moins sûr, même si la CCB, contre la perte de son passif, fait un effort pour passer à une gestion commerciale de ses risques, veut dégraisser ses effectifs, prêter au privé, aux PME, et recrute une poignée de banquiers yuppies sino-yankee… Mais la voie est longue, et l’OMC proche!

 


Petit Peuple : Du riz dans la toile

• Le monde virtuel peut-il nourrir les corps ? Pour répondre à cette angoissante question, une série de serveurs informatiques à travers la Chine ont imaginé un curieux concours, genre Trophée Camel, devant l’étrange lucarne. Entre Pékin, Shanghai et Canton, 12 candidats triés parmi 5000 internautes, ont été enfermés durant 72 heures dans une pièce, avec pour seul compagnon un ordinateur branché sur la céleste Toile, et pour seul viatique 3000Y (1500 en cash, 1500 en crédit électronique). Le plus dur problème a été de se nourrir : 60% du temps moyen (hors sommeil, qui fut rare et bref) y fut consacré.

Il fallut d’abord trouver, entre des milliers, l’adresse de « boutiques » capables de livrer sur le champ, puis choisir et payer, via son clavier, et puis pire que tout, attendre, jusqu’à 24 h, pour un gâteau, à Pékin, tandis qu’un candidat affamé et déprimé, déclarait forfait après 26 heures. Les autres sont ressortis la tête haute après trois jours – direction la douche! Une palme spéciale revient à ce champion qui fit mieux que survivre, parvenant à monter sa propre cyberboutique de fleurs et à enregistrer sa première commande, payée – espérons, pas en monnaie de singe, ni du pape!

• Pendant 13 ans de carrière exemplaire, ce procureur de Shenyang (Liaoning) menait une vie modeste avec sa femme, sa fille, ses maigres émoluments de 900Y et son appartement de 60m². Le jour de son assassinat marqua le début du « détricotage » de sa légende : le double crime prouvant qu’il avait une maîtresse, à qui il avait offert une maison et une voiture « gros cube » à 400000Y.

Avec quel argent? L’arrestation de trois suspects par une police bouche cousue, n’a rien révélé, et ce n’est pas sa famille qui en dira plus, trop occupée à ferrailler en justice avec la fille de la concubine pour la propriété de la villa et d’autres biens découverts entre-temps sous le soleil !

 

 


Rendez-vous : Foire internationale de Tianjin

14 – 18 septembre, Tianjin : Foire Internationale d’Investissement

16 – 20 septembre, Taiyuan : Foire Internationale du Commerce

17 septembre -1 6 octobre, Hangzhou : Festival International du Tourisme