Le Vent de la Chine Numéro 3
A Canton, le curateur de la (Guangdong) Industrial Trust and Investment Corporation (GITIC) (cf VdlC n°2), a rassuré 27 937 créanciers chinois, et choqué 135 banques étrangères, en annonçant les termes de la plus grosse faillite historique du régime. 4,37MM USD de dettes, 2,59 d’actifs. Les petits seront payés en priorité, à 100 % (94MUSD). Les étrangers (1,92 MMUSD dus) le seront en dernier, et partiellement, même pour les prêts approuvés par l’Administration d’Etat des devises étrangères (contrôle des changes), la SAFE: selon un banquier de Hong Kong : « la communauté (…) internationale doit savoir que prêter en Chine, se fait désormais à ses risques ».
Le mauvais signal devrait chasser de Chine certains crédits étrangers, et en décourager d’autres. Ce, alors que lesEtats-Unis reculent (ne laissant comme partenaires, avant la décision sur la faillite GITIC, que les Européens) »…
Sur le fond, les autorités monétaires (Dai Xianglong, Gouverneur de la Banque Populaire de Chine (BPdC) ont choisi de faire front, et de ne pas se laisser prendre en otage par la situation. Ceci, au nom des arguments suivants :
[1] Les financements étrangers sont venus en Chine, jouer le jeu du risque et du profit. Pas plus que la Chine, les autres régions du monde, n’offrent d’assurance-maladie contre les mauvaises affaires;
[2] Les temps sont plus que mûrs pour remettre de l’ordre dans la maison. La BPdC mettait en garde depuis des années contre les prêts aux ITICs, trop souvent considérées par les barons locaux comme leur caissette personnelle. En lâchant une seconde fois la GITIC, le Centre fait savoir à toutes (ITICs, et banques), qu’il ne les « couvrira » plus qu’en échange de leur discipline : elles aussi, désormais, sont à leurs risques !
NB : L’emprunt étranger des 200 autres ITICs est évalué à 60MMUSD, dont la moitié approuvé par la SAFE, échéance 1 à 2 ans. Et dès aujourd’hui, Guangdong Enterprises (Holding), annonce 3,17 MMUSD de dettes, et ne pourra payer les intérêts dus en avril 1999.
[3] Par contre, cette exigence de sérieux, et cette perspective d’assainissement de la finance chinoise, pourrait s’avérer pour l’investisseur étranger, la meilleure garantie d’avenir !
Hier, Entreprises d’Etat et provinces, pour leurs besoins en devises avaient toutes leur caisse noire à HongKong. Depuis le retour de la Région Administrative Spéciale (RAS) à la mère patrie, la pratique semble en recul, relayée par celle de l’évasion comptable, qui regroupe toutes les techniques imaginables (et d’autres encore) de faux en import-export.
[1] La classique fausse exportation, donne droit à une vraie restitution de TVA (y compris cet export constaté, de cartons à ordinateurs chargés de sable au poids exact).
[2] La Joint venture de paille, établie par des compagnies cantonaises avec elles-mêmes, procure à ces dernières des « investissements étrangers » fictifs, pour d’authentiques avantages fiscaux.
[3] En 1998, les faux certificats d’import se chiffreraient en MMUSD, ouvrant des lignes de crédits, immédiatement replacés à l’étranger ou dans la contrebande, laquelle à causé, en fusillades navales et frontalières, la mort d’une part des 400 policiers tombés en 1998 au champ d’honneur.
Total : Dès 1997, l’impôt, en pourcentage PNB, était passé de 55% (en 1994) à 49%. En 1998, les réserves en devises ont énigmatiquement stagné (145MMUSD, 5MM de plus), malgré les 89MM USD déclarés en profit commerciaux et en investissements directs : 84MMUSD donc, sont dans la nature, détournés ou faussement déclarés.
Ce qui explique la dureté des mesures prises, les 30 règlements nouveaux, la création présente d’une police des douanes. Tout ceci ayant pour objet, et effet, de « geler » les sorties de devises, même pour les Joint ventures, et de porter aux calendes chinoises la pleine convertibilité du Renminbi.
Tous les pays d’Europe convoitent l’attribution d’une licence d’agence touristique en Chine : c’est la petite Suisse qui a eu la préférence, pour Tourisme Suisse,après quatre autres pays – tous d’Asie. Jiang Zemin pourrait transformer l’essai en mars, lors de sa visite officielle, consacrant la Suisse pays-destination : début plausible d’un tourisme chinois de masse, dans la Confédération.
« Après Coca-Cola et Mc Donald, pourquoi pas nous ? » : déjà présent dans 5 pays d’Asie, Starbucks, géant yankee du café (Seattle), entre à Pékin, avec une première cafétéria en Joint venture Mei Da, et un consortium agro-alimentaire. Un des vices présidents de Mei Da, ancien du Ministère du Commerce, a obtenu les licences nécessaires. Atout stratégique : un prix de moins de moitié de la concurrence. Sous 18 mois, 10 boutiques porteront les couleurs de Starbucks dans Pékin, et d’ici 2003, 500 en Asie. Au pays du thé, la voie du café a déjà été ouverte par Nestlé et Maxwell, dont un foyer sur trois possède un pot (en poudre).
Coca et Pepsi voient rouge, dans leur duel furieux pour le sponsoring de la ligue nationale de football. Perclus de fraude, ce sport n’en est pas moins le plus riche du pays, occupant chaque jour (plusieurs fois par match) des heures d’étrange lucarne, au profit de centaines de millions de fanatiques.
La coupe nationale porte le nom du sponsor. De 1994 à 1998, c’était Marlboro, qui avait payé 1,2MUSD par an (très belle affaire !), et qui a dû passer la main, en application de la récente s loi anti-tabac. Pour le nouveau sponsoring, on parle de 7MUSD. Coca tient 57 % du marché des boissons gazeuses, et Pepsi 21 %. Mais le sponsoring pourrait tout changer.
Entre Pékin et Washington, les festivités autour du 20. Anniversaire des relations (1er Janvier 1979) battent leur plein, pays pleinement conscients de leur importance « à deux », dans la stabilité du monde. Sur le terrain toutefois, des tensions sont visibles :
[1] Sha Zukang, haut cadre aux Affaires Etrangères, suggère aux Etats-Unis de se montrer « prudents et responsables »: de ne pas construire, avec Tokyo et Taibei, un missile anti-missile TDM (Theater Defense Missile).
En effet :
– D’autres pays pourraient se lancer dans l’escalade;
– Taiwan risquerait d’en concevoir un faux sentiment de sécurité.
[2] Lors d’entretiens « Droits de l’Homme » à Washington, tandis que le Sous Secrétaire d’Etat Harold Koh admoneste son homologue Wang Guangya, sur la récente vague d’arrestations, Pékin annonce le transfert en camp de travail des deux principaux dissidents concernés prie les Etats-Unis de « cesser d’émettre des remarques irresponsables dans (ses) affaires intérieures », et ne pas tenter de nouvelle condamnation de son pays en mars à Genève, devant le Comité Droits de l’Homme des Nations Unies, ni de rencontrer le petit Panchen Lama, isolé depuis 1995 (« la famille veut rester à l’écart »).
[3] Avec les Philippines, les Etats-Unis veulent réunir une conférence sous égide de l’association des nations d’Asie du Sud Est (ASEAN) et d’eux mêmes, sur le partage des îles Spratley entre pays riverains : Chine, mais aussi Vietnam et Malaisie s’y opposent.
[4] Enfin, à la veille de négociations à Genève entre Etats-Unis et Corée du Nord, en un éditorial soigneusement dosé, la presse chinoise tourne en ridicule la prétention de Washington, d’inspecter ce que les Etats-Unis soupçonnent d’être un complexe nucléaire souterrain au nord du pays. Autant de signes, qui ne sont pas de grande confiance.
Huarong, Xinda, Dongfang et Chang-cheng étaient les branches «courtage» des 4 banques publiques, Industrial Trust and Investment Corporation (ICBC), China Construction Bank (CCB), Banque de Chine (BdC) et Banque de l’Agriculture (BdA): obligées de se couper de leurs maisons mères, elles préparent leur fusion, avec la branche «bourse» de la assurances populaires de Chine (PICC) (assurance). Ensemble, elles formeront l’un des plus grands groupes de courtage du pays, avec 100 à 200MUSD de capital et 160 agences.
Pour 240MUSD de titres, vont en vente ce lundi (marché intérieur), émis par l’Industrial Trust and Investment Corporation (CITIC), pour le compte de la CTGPC (Compagnie du Barrage des 3 Gorges), la moitié sur trois ans (à 5,6%), l’autre sur huit (à 6,2%), soit un intérêt supérieur de 25% à la moyenne des bons du Trésor. Titres bientôt négociables en Bourse de Shanghai, classés AAA par un rating chinois.
Les fleurs sont populaires peut-être apportent-t-elles l’espoir en temps de crise: leur «terroir» (surtout sous serre) atteint 86000 ha, et passera à 100000 en 2000. En 1997, la Chine produisait 1,9MM de fleurs coupées (chrysanthèmes, pruniers…), et 1MM en pot, d’une valeur d’1,15MMUSD (dont 1/10 à l’export).
NB: Août 1999, à Kunming (Yunnan): RV mondial, Horticulture 1999, avec pavillons de tous les grands pays.
Le cafard du millénaire (millenium bug) inquiète les autorités chinoises, qui voient les patrons de ses grandes entreprises, jusqu’ à ce jour, éviter le problème. L’administration des Transports Aériens a trouvé une solution simple et peut-être efficace: tous les Prsdts de Cies aériennes locales ont reçu l’ordre de se trouver en voyage, à bord d’un avion de leur flotte, le samedi 1er janvrier 2000.
Comme toute Asie, la Chine se révèle jeune, mais ardente supporter d’un nouvel ordre monétaire mondial. Les 15-16 janvier à Francfort, 25 Ministres des Finances de l’Union Européenne, l’ASEAN, Chine, Japon et Corée assistaient au Sommet annuel Asie -Europe. L’initiative du Premier Ministre Japonais K. Obuchi constitue, à cette conférence, le sujet n°1 : un projet de « dragon monétaire euro-dollar-yen », appuyé par l’allemand O. Lafontaine et le français D. Strauss-Kahn.
Absent « statutaire » : A. Greenspan, patron du billet vert, était le 13 à Pékin, où il a rencontré Zhu Rongji et Dai Xianlong, Gouverneur de la Banque Populaire de Chine, pour aborder – précisément – ce sujet : dossier d’avenir !
Un règlement de protection de la prairie, pourquoi pas ? La Chine en comporte 25Mha (2,6% du territoire), dernière grande prairie du monde (Mongolie, Heilongjiang), mais ce « rein de la nature », stockant l’eau en hiver et l’amassant en été, a été depuis 40 ans l’objet d’une agression aveugle, voyant par exemple sa frontière Sud reculer de 50km, au profit des emblavures. Un texte englobant prairie et lagunes côtières, devrait être voté en 1999, interdisant tout nouvel essartage.
Première manifestation fatale en Chine : le 8 janvier à Daolin (Hunan), 4 à 5000 paysans font une jacquerie contre la corruption et les taxes illégales, et tentent de bloquer leur avancée sur la mairie. Appelée en renfort, l’Armée Populaire de Libération cause un mort (d’une grenade lacrymogène mal orientée) et quelques dizaines de blessés (écrasés dans la confusion). Ce dont on s’étonne, est que ce genre d’incident n’ait pas eu lieu plus tôt, vu la tension socio-économique récente, et l’on s’émerveille de la prudence des pouvoirs : la famille du mort a déjà été indemnisée (7000USD), et tous les arrêtés ont été relâchés.
Face à l’insuccès des frappes militaires anglo-américaines sur l’Irak, la France a déposé au Conseil de Sécurité à l’ONU un nouveau mécanisme de contrôle et d’inspections : le ministre Tang Jiaxuan s’est rendu à Paris pour discuter coopé politique. Tang a annoncé aussi son soutien à une autre proposition parisienne, de convocation des Etats membres du FMI (comité intérimaire).
Une des grandes misères du régime, est le trai-tement des enseignants, surtout de haut niveau – si mince, que tous pensent à (xia hai,« descendre à la mer », passer au monde des affaires). Première réponse sérieuse à ce défi : 10000 professeurs, à désigner à travers 63 universités, vont toucher en octobre 100 000Y par an (1000USD/mois) – trois fois leur paie actuelle !
Chu Shijian, roi de la nicotine, qui brûlait la vie par les deux bouts de la cigarette, est condamné à perpétuité : PDG de Yuxi Hongta, le plus gros groupe de tabac d’Asie, à Kunming, il avait tiré des caisses, en 1995, avec deux de ses lieutenants, 3,5MUSD. Verdict « indulgent » : d’ordinaire en Chine, on perd la vie pour beaucoup moins que cela.
Pas besoin de longues phrases, pour situer l’ampleur de la récession, fruit conjoncturel de surinvestissement et de crise asiatique :
[1] Aciers : la Chine décide un ban de 2 ans sur tout nouvel outil, et la fermeture d’outils polluants. La République Populaire de Chine produit en 1998, 114Mt – n°1 mondial. Shougang (Pékin) fait de maigres profits (234MUSD), surtout en ventes vers l’Europe, en économies, et dans ses activités non-acier (robotique, hardware…).
[2] Charbon : la production 1998 n’était « que » de 1,2 MMt. Le secteur avait perdu 130Mt sur 1997, et 870000 jobs en 5 ans. En 1999, elle perdra 25800 mines, un quart de millions de tonnes de houille et 400000 gueules noires.
NB : Le charbon assurant trois quarts de l’énergie, et ayant baissé de 10%, on voit mal comment « tient » le chiffre officiel, d’une hausse du Produit Intérieur Brut (PIB) industriel de 8,8%.
[3] Coton : Washington estime la récolte chinoise 1998/1999 en hausse d’1million de balles, à 19,8M balles. Et au 1er septembre 1999, Pékin va baisser encore son prix public, de 74USD à 60USD les 50 kg. Surproduction due à la crise textile mondiale, et à un report des paysans vers le coton (pour cause de baisse de prix public des céréales) en automne : effet domino !
[4] Caoutchouc : chiffre non précisé, mais la récolte sera désastreusement bonne, et la concurrence avec Vietnam, Malaisie etc., se fera « au couteau », pour écouler son latex. Le pneu ne se vend plus !
[5] Ethylène : gel sur 2 ans des plans pour étendre la production à 3Mt par an, faute de marchés.
On pourrait ainsi étendre loin la liste – énergie, métaux non ferreux, pétrole, fruits et légumes… Ébahie, la Chine réalise qu’elle vient de passer dans une phase de développement, où le problème ne sera plus de gérer la pénurie, mais les excédents.
Dans son palais, le Premier ministre est bien seul, à organiser la lutte contre les inondations, la corruption, tout en châtiant les barons locaux qui refusent de transférer à Pékin une part des recettes d’impôt. Dans ce très populaire feuilleton diffusé depuis le 3 janvier (40 épisodes) sur CCTV1, au meilleur taux d’écoute, il doit seul imposer des décisions impopulaires, pour que le pays puisse faire face à des temps difficiles, et même réprimer fermement, pour faire taire ceux qui le critiquent en plein orage…
Mais peut-être son nom n’est pas celui que vous attendiez : Yong Zhen, fils de l’empereur (Qing) Kang Xi, il y a trois siècles. Comme bien des choses en Chine, la ressemblance avec notre époque n’a rien de fortuit: alors que Zhu Rongji se débat entre la mauvaise conjoncture et ses réformes partiellement en panne, la série télévisée peut se lire comme prévenant le spectateur de prendre patience – les temps ne sont pas mûrs. Mais à la fin, Yongzhen lui-même, devient empereur !
Le « typhon digital » arrive, titrait jubilante la presse pékinoise cette semaine. Le typhon s’appelait Nicholas Negroponte, et son métier, improbable par rapport à une vocation de superstar,: était celui de directeur du laboratoire « média » au Massachusetts Institute of Tecnology (MIT).
Et pourtant, des centaines de fans l’attendaient aux portes de l’hôtel Pékin, difficilement contenus par le service d’ordre. Tout cela à cause de son essai, « Etre digital », dont la traduction en 1996, s’est vendue à des millions d’exemplaires, et qui compte pour beaucoup dans la croissance de la toile chinoise d’Internet, de quelques dizaines de milliers à 1,5M à ce jour. « C’est un génie…Un prophète…Il appartient au monde, mais plus encore à nous, la Chine », disaient ses admirateurs. Leur raison profonde, ils la disent, mais pas dans les journaux : « sur Internet, nous sommes les égaux de tous sur terre, et le pouvoir n’y a ni influence, ni contrôle » !