Le Vent de la Chine Numéro 28

du 18 juillet au 28 août 1999

Editorial : Taiwan tire la queue du tigre

Qu’est-ce qui a pris à Lee Teng Hui, Président de Taiwan, d’ordinaire avare de déclarations, de confier devant un micro que Taibei, face à la Chine, entretenait un rapport d’« Etat à Etat », et que erga, l’île nationaliste n’avait « plus besoin de déclaration d’indépendance »?

A l’heure où Pékin saisit tous les thèmes pour rappeler son identité nationale (cf. le 13 juillet, l’accueil triomphal, politique, aux « héroïnes » de l’équipe de football, battue aux Etats-Unis), Lee savait que sa sortie ne pourrait qu’irriter, sur l’autre rive du détroit.

1. Une première raison de cette provocation, tient aux mauvais rapports personnels entre leadership des deux bords (des termes comme « menteurs» ou « bandits »font partie du glossaire commun). Animosité fondée, à Taiwan, sur la méfiance des « indigènes » (Hakka, Minan) vis à vis des « Han » continentaux, et sur l’anticommunisme historique : deux tendances cristallisées en la personne de Lee qui refuse, comme la majorité de l’île, le principe d’une soumission, même honorable, gommant 50 ans d’indépendance de facto.

2. Le conflit du Kosovo a eu à Taibei une répercussion aussi forte qu’à Pékin, quoique dans le sens inverse. Taibei se sent renforcée par cette première sortie de l’OTAN contre un pays, pour des raisons humanitaires. Taiwan a d’ailleurs offert 300MUSD au Kosovo, qui n’a pourtant aucune chance de devenir un Etat.

3. Le risque de riposte armée est faible : avec une Armée Populaire de Libération (APL) en pleine refonte (voir ci-dessous), une économie au bord de la récession, des rapports détestables avec les Etats-Unis ont immédiatement précisé qu’une action « violente » contre Taiwan ne serait pas tolérée), et une priorité absolue donnée en Chine à la stabilité.

Le patron du Kuo Min Tang semble donc avoir pris un risque calculé. Par cette foucade, Lee Teng Hui sacrifie probablement toute chance d’avancée, même modeste, lors de la rencontre politique prévue en octobre – qui pourrait être annulée. Il confirme aussi ce qui était déjà clair : en ces négociations, Pékin, plus que Taibei, est demandeur !


A la loupe : Congrès de la Bank of International Settlement, club des banques du monde

Agenda monétaire chargé pour la Chine, la semaine passée, avec le congrès de la BIS (Bank of International Settlement) et différentes mesures pour relancer l’économie. Parmi ces dernières, le feu vert aux assurances, pour acheter des obligations (qualité minimale = AA+), et l’émission d’un total de 8,4MMUSD en bons d’Etat, au taux entre 2,72 et 3,25% (3 à 5 ans), afin de financer la dette publique (150MMY), payer salaires et pensions, et surtout faire circuler l’épargne.

Des voix plus fortes s’élèvent, pour réclamer une dévaluation, pour relancer la consommation, comme pour enrayer les pertes de marchés étrangers (pour 8,7MMUSD en 1998).

Avec 170 banquiers de 1er  plan dont 36 Gouverneurs de banques nationales, le Colloque de la BIS, était la seconde sortie étrangère de cette vénérable institution, et une courtoisie à la Chine, excellent client : 42% de ses prêts étrangers, en 1998, venaient d’Europe. On a pu y apprendre, entre autres, que la croissance mondiale était réévaluée à la hausse : 3% au lieu d’1,9% (la crise asiatique est passée); et que l’Asie bancaire ne veut pas, pour l’heure, placer ses avoirs en €: la devise communautaire se comportant simplement trop mal !


Joint-venture : Comment faire revenir les cerveaux de l’étranger

• Conformément à sa promesse de nouvelles mesures favorables aux investisseurs, le pouvoir (SETC, MOFTEC et Conseil d’Etat) fait davantage de place au commerce (gros et détail) étranger : en Joint ventures, grands magasins, supermarchés, hypermarchés, peuvent dorénavant s’implanter dans 60 villes parmi les plus grandes du pays, au lieu de 11 précédemment.

Cadeau empoisonné : toutes les Joint ventures existantes (277) devront d’abord être réenregistrées (si conformes aux règlements actuels). De toute manière, les candidats à l’entrée sur le marché de détail, devront prouver des ventes annuelles moyennes de 2MMUSD depuis 3 ans – amateurs, s’abstenir.

• Une des boîtes de Pandore de la recherche chinoise : comment faire revenir les cerveaux nationaux expat. ou  huaqiao (chinois de la diaspora), une fois affinés et fécondés dans les meilleures universités du monde ? L’Académie des Sciences s’apprête à dépenser 73M USD pour financer la recherche de 300 docteurs dans la fleur de l’âge (entre 30 et 40 ans), à raison de 242000USD par recrue. Ce financement s’insère dans le projet d’« Innovation nationale », doté de 605MUSD d’ici fi 2000, et sera ouvert à tout domaine de recherche : de l’agriculture à la technologie, de l’industrie à l’espace.

• Service exécrable, prix exorbitants : expos et salons chinois n’ont plus la cote et la désillusion dépasse de très loin les exposants étrangers, pour gagner la presse chinoise. Le Salon International du Plastique et du Caouchtouc à Pékin la semaine dernière, a été la goutte d’eau faisant déborder le vase: au même moment, 3 km plus loin, se déroulait un salon concurrent, privant les firmes étrangères de l’exclusivité de la « vitrine » qu’elles croyaient avoir achetée.

De source spécialisée, la Chine héberge chaque année dix salons de l’Emballage (dont un seul officiel!), cinq de l’Auto, et un nombre invérifiable de salons de l’Informatique. A première vue, cette autocritique émane des spécialistes (chinois ou Joint ventures) dans l’organisation d’expos, inquiets de l’érosion rapide de leur image de marque, et qui réclament un meilleur encadrement réglementaire.

• Extraordinaire contrat potentiel pour le canadien Zi Corp, producteur de logiciels linguistiques : sa Joint venture à 85/15% avec le Ministère de l’Éducation, lui donne en marché les 975000 écoles et universités du pays, et en clientèle les 240M d’élèves et étudiants. Ceci, pour utiliser son outil d’écriture, en anglais et en mandarin. Zi vient aussi de confier la production sous licence à Xoceco (Xiamen, Fujian), qui équipera du même système une bonne part du marché du téléphone GSM.

 


A la loupe : L’APL fait peau neuve

Aux leaders de l’Armée Populaire de Libération (cf VDLC 25), la guerre du Kosovo a permis de prendre la mesure de l’écart séparant  womende xinchangcheng (« notre nouvelle Grande Muraille »), des forces occidentales. Dépossédée en 1998 de son empire industriel, l’Armée Populaire de Libération (APL) a pu exploiter cette occasion, comme celle du bombardement de son ambassade à Belgrade, pour réclamer les moyens de rattraper son retard.

Le 11 juillet, sur décret de la CMC (Commission Militaire Centrale) et du Conseil d’Etat, l’APL reçoit, après 3 ans de test, le droit de recruter un corps de sous-officiers, qui étrangement manquait dans l’armée chinoise. La durée du service est baissée de 4 à 2 ans, et les recrues voulant « rempiler », auront l’obligation de mériter une promotion. Le même code permet le recrutement de « sous-off. » à partir du monde civil, en fonction de compétences (informatique, etc.) – ceci, afin d’accélérer la montée en puissance technique de la grande Muette.

Idem, les quatre « piliers » de l’APL (Quartier Général de l’état-major, Départements Politique, Logistique et d’Armement général) vont renvoyer sous 5 ans tous leurs officiers dans les quatre Académies militaires restructurées, afin de disposer d’un cadre rompu aux techniques et armements nouveaux, condition préalable pour mener une guerre high tech.

Enfin, le cœur « armement » des ex-usines de l’APL vient d’être remodelé en 10 Entreprises d’Etat spécialisées, du nucléaire à l’aérospatiale. Derniers cris, vantés dans la presse : la bombe à neutron, et le destroyer Yantai, de technologie dite furtive, à la coque plaquée d’un vernis composite, capable d’absorber l’onde du radar ennemi.

 


Argent : Du vent virtuel dans les voiles d’internet

• En février, les internautes étaient 2,9M. Six mois plus tard, ils viennent de franchir la barre des 4M. Ce rythme et ces perspectives effrénées de croissance suscitent dans les milieux boursiers un optimisme inébranlable envers le E-business et les services sur Internet, secteur d’avenir.

Ainsi China.com, sur le marché Nasdaq de New York, a vu ses titres tripler dès le premier jour, recevant pour 84MUSD d’ordres de placement. Le cas de China.com (groupe multinational sous contrôle de l’agence Xinhua, fournisseur de services internet à Hong Kong, 400000 abonnés) est spécialement remarquable : le groupe ayant enregistré l’an passé des pertes de 8,5 MUSD. Ce succès retentissant va accélérer l’entrée de quatre autres groupes chinois : Sina, Sohu, Netease et Zhaodaola.

• Les premiers chiffres disponibles pour le bilan économique du premier semestre 1999, se décantent en deux tendances contradictoires :

[1] la courbe de croissance du PNB s’effrite, de 8,3% au premier trimestre à 7,6% au premier semestre, et plus encore, le surplus commercial, écorné des deux tiers (8MMUSD). Les exports baissent de 4,6%, les imports augmentent de 16,6%, et les investissements étrangers directs (projetés) diminuent du 1/5e  (19,4MMUSD).

[2] Par contre, la production industrielle s’est accrue de 9,5%(8,9 en 1998), tandis que l’assiette de l’impôt faisait un bond de 20% (60MMUSD). Enfin, la bourse de Shanghai, malgré sa démarche en dents de scie, est globalement positive : 10% en plus de valeurs échangées (230MMUSD).

• Jusqu’aux années 1990, la production de plastiques en Chine était une affaire confidentielle. Pour apprécier les progrès réalisés, les pronostics de la presse spécialisée sont instructifs : d’ici 18 mois, la demande annuelle atteindra les 8 à 10Mt, sous forme de plastiques d’emballage (7Mt), de plastiques industriels, 2Mt (automobile, téléphone, textile), film plastique agricole (2Mt). Toutes, demandes entièrement satisfaites au plan local. Seul secteur encore déficitaire, celui des matières plastiques à usage quotidien, où le déficit de production est prévu à 100000t, qui devront être importées.

 


Pol : La Chine dévoile sa bombe à neutrons

• Après le Japonais Keizo Obuchi, et après 12 ans de négociations, Alexander Downer (Ministre australien des Affaires étrangères) boucle son contrat avec la Chine pour l’adhésion de cette dernière à l’OMC.

Avec 5MMUSD de commerce bilatéral (services, biens d’équipement, produits agricoles), Canberra est le 9 ième partenaire commercial de la Chine.

Comme dans le cas du Japon, sur demande de Pékin, les termes de l’accord sont restés secrets –histoire de laisser les deux gros partenaires, UE et USA, négocier le moment venu avec la Chine, sans la pression de la presse.

• Alors que le conseiller juridique du Département d’Etat américain, David Andrews, arrive à Pékin pour négocier le montant de la compensation pour le bombardement de Belgrade, Pékin reconnaît soudain détenir la bombe à neutrons.

Révélation qui lui permet de réitérer ces dénonciations des «mensonges et calomnies racistes» du rapport Cox, dans ses allégations d’espionnage chinois des filières nucléaires militaires yankees. Annonce qui relance aussi la tension vis à vis de Taiwan, suite aux sorties du Président Lee Teng Hui. Toutefois, au moment de « boucler » cette édition, Pékin jouait l’apaisement, en demandant par presse interposée, sur le fond, ce que Lee avait voulu dire, par son apparent renoncement au concept d’une seule Chine?

• Début août, les 60 plus importants leaders politiques du pays se retrouveront à Beidaihe (Hebei), pour leur conclave balnéaire rituel et privé, scène des nominations et orientations de l’année.

A l’ordre du jour : au plan économique, les questions (déjà tranchées, sur le fond, mais sujette à une forte vigilance des milieux ultra-conservateurs) de la relance, de la réforme (vente partielle) des Entreprises d’Etat, et de l’entrée à l’OMC.

Au politique, celle des rapports avec les USA, et –immanquablement désormais – celle de Taiwan. Vu le soudain regain de tension, la dissension récemment ré évoquée par la rumeur, entre l’actuel et l’ancien Premiers Ministres, devrait passer à l’arrière plan.

• En prison, Ma Xiangdong, vice-maire de Shenyang (Liaoning), en compagnie de son directeur des Finances et de son chef des Projets Immobiliers, voient leur enquête judiciaire s’approcher de son terme. En route vers Pékin en 1998, pour un séminaire à l’Ecole du Parti, les trois hommes s’étaient inopinément retrouvés dans les sous-sol de l’hôtel Lisboa à Macao, site du casino de l’enclave lusitanienne, où ils avaient «craqué» (malchance, moment d’égarement!) pour 30MHKD des ressources de la ville.

Advenu l’an passé, l’incident avait été jusqu’alors tenu secret par peur d’émeute, dans cette métropole parmi les plus touchées par l’obsolescence, la nouvelle pauvreté et le chômage


Temps fort : LONGMAI – ou la Chine en vacances

Pour les pékinois non réfugiés dans les centres de « formation » (à la mer, à la montagne) de leur danwei (unité de travail), il y a, près de Pékin, une bonne adresse :  Longmai wenquan, « Sources de la veine du Dragon », villégiature populaire…

Sous le dôme délité, deux immenses piscines. Dans la première, barbotent les masses, eau jusqu’à la taille. L’autre, olympique, est réservée à ceux sachant nager « au moins 200 m » – c’est-à-dire personne! Ca et là, se trouvent les bains minéraux aux tons troubles, vapeurs délétères et curistes rouge écrevisse.

L’espace regorge de crachoirs, fort utilisés, et de loges à claires-voies égayées de fleurs et vignes en plastique – antres de vastes familles. Cent autre facilités sont à louer : les baignoires sabots de bois, les mini piscines que l’on vous remplit d’eau thermale enrichie de sachets Lipton géants d’herbes médicinales; les chambres (TV, karaoké) à la semaine. Sans parler du restaurant, des massages, des magasins ou des dortoirs (seules salles non mixtes, avec les vestiaires). Ni de cette autre « Piscine » d’un genre mutant, remplie de carpes stoïciennes et de barbeaux lugubres, que l’on dévore « au bleu », après un simulacre de pêche.

La clientèle change avec la crise. En 1997, c’était encore les  getihu (camelots du marché libre) et taxis qui s’y retrouvaient la nuit, pour flamber au cognac leurs gains éphémères. Avec le marasme, place aux nouveaux riches : à l’aube, dégrisés par un dernier plongeon, les fonctionnaires se battent à la caisse, pour payer leur note et être quand même au bureau à l’heure!

 


Petit Peuple : Li Hui, en quête du gène de la chance

• Dans cette Chine qui franchit à peine le cap de la propriété privée, la confiance reste des plus limitées, fait attesté par l’omniprésence des portes blindées, un des plus florissants marchés du pays. Méfiance qui n’est pas sans fondement : le 3 juillet, à Xinhua (Hunan), un certain Luo, monte-en-l’air de son état, s’était hissé sur le toit d’un immeuble de 10 étages, et s’apprêtait à pénétrer par effraction par cette voie verticale, non défendue – croyait-il. C’est alors qu’il fut tétanisé par un tonitruant ? shei a ? (« qui est là ? »), nasillard et inquisiteur, ce dont il retomba et mourut. Sans avoir eu le temps de réaliser que son opposant, prêt à défendre bec et griffes son patrimoine, n’était qu’un perroquet.

• Méandres et capricieuses courbes, les empreintes digitales, uniques à chaque individu, proviennent d’un seul gène, et non de plusieurs, comme le clamait la théorie dominante. Telle est la bouleversante découverte de Li Hui, étudiant en 3ème  année à Fudan (Shanghai), en Faculté des sciences de la vie. Plus fort encore : Li a identifié les rapports précis entre ces empreintes et la santé (ligne de Vie), ainsi que l’intelligence (ligne de Tête). Fort heureusement, il n’a pas – encore –  isolé le gène de la chance en amour (ligne de Cœur), et entre-temps, ses professeurs lui ont demandé de retourner à ses chères études, pour étayer sa thèse sur des échantillonnages plus sérieux que les 30 sujets étudiés…

La Chance est donc toujours en liberté – avec sursis !

NB : La recherche génétique semble être menée, en Chine, avec une vigueur et une absence d’états d’âme, peut-être uniques au monde. A en croire Wong Yangnian, Président de la Société nationale de bio-ingénierie, des douzaines d’espèces animales et végétales auraient ainsi été « inventées » (clonées) dans les laboratoires du pays. Citons les cas les plus monstrueux et inventifs : le coton remodelé en poil de lapin, le riz à haut rendement dans le désert, le plant de  tomate de 10 m de haut, donnant au cœur de l’hiver, le soja au poison d’araignée (pour se défendre des insectes). Le projet le moins charmant, consistant à mettre au point une vache produisant du lait… De femme (au risque d’aboutir au résultat inverse!)

 

• en Chine, comme ailleurs, «il est des lieux où souffle l’esprit...» du passé !

A Cangshan (Shandong), toute fille, passé 16 ans, est astreinte par le Plan-ning Familial local à un «contrat d’étude», moyennant 5à 10Y. D’après le Quot. du Travailleur (10 juillet), l’étude serait moins légitime qu’on n’eût pu attendre : celle, par un gyné-cologue du Planning, de sa féminité. L’absentéisme est taxé de 100 à 2000Y, la grossesse frauduleuse, de 1000 à 20000Y, et l’avortement, même découvert a posteriori, en coûte de 3 à 6000Y.

 


Rendez-vous : 22ème congrès de l’UPU (Union Postale Universelle)

21 – 24 juillet, Pékin : Salon International du Commerce sur Internet (« E-business »)

27-30 juillet, Pékin : Exposition Internationale des Techniques de Construction

18-21 août, Changchun : Symposium International de l’Education

23 août – 15 septembre, Pékin : 22ème Congrès de l’Union Postale Universelle (UPU)

26 – 30 août, Lanzhou : Foire